Atlas ne faisait pas partie de l'équation, au départ. Il n'y avait que cette collègue froide comme un glaçon et moi, seuls contre les contrebandiers du port ; la bonne blague. Après ça, tout s'est compliqué, et cet idiot d'ancien soldat est venu s'ajouter à ce bordel. Comme si c'était pas suffisamment bizarre comme ça...
— N. Wilde —
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Boardwalk Empire OST (Kathy Brier) - Some Of These DaysRivamar, 16 mai 1960Sorti du train, l'homme portant une volumineuse valise, cigarette à la bouche, s'empressa de traverser la gare, sans regarder d'un côté ou de l'autre, ne désirant pas attirer l'attention sur lui ; non pas que ce ne fût pas le cas, de toute façon, car avec ses cheveux d'un blanc immaculé, et ce malgré ses quarante-trois ans, on le remarquait facilement. Son visage était constitué de traits agréables, avec peut-être quelques rides ici ou là, mais qui n'altéraient en rien son charme. Il possédait des yeux d'un vert très pâle, qui tirait légèrement sur le bleu ; une couleur assez indéfinissable, en somme. Son regard acéré n'exprimait rien d'autre que l'agacement, en ce moment-même.
Ses cheveux blancs courts étaient soigneusement peignés, et contrastaient fortement avec son costume noir. Des passants, en l'apercevant, l'appelaient par son nom, mais il ne se retournait pas ; les aléas de la célébrité, il ne pouvait pas aller contre. Parfois, il se demandait comment ce serait, de retourner en arrière et de choisir une autre carrière que celle de journaliste. Il n'attirerait sans doute pas autant les regards, quoique cela ne fût pas certain, à cause de la blancheur de ses cheveux, qui étaient comme ça depuis maintenant quelques années, ayant perdu leur couleur blonde d'origine. Ce 16 mai 1960 n'aurait rien été d'autre qu'un autre jour dans une autre vie.
Robert Marlowe s'arrêta un instant à l'extérieur du grand bâtiment, jeta sa cigarette qu'il écrasa sous sa chaussure, et passa une main lasse sur son visage légèrement mal rasé. Pourquoi était-il venu à Rivamar, déjà ?
Ah, oui, Sullivan. Je ne peux pas lui refuser une telle demande, j'ai une dette envers lui... songea-t-il, amer. Il n'aimait pas spécialement l'homme d'affaires, mais ne le détestait pas non plus ; il préférait rester neutre dans son opinion. Malgré tout, il appréciait la compagnie et la culture du richissime entrepreneur, et ne refusait que rarement un entretien avec lui. Et là, en l'occurence, il s'agissait de quelque chose d'important, s'il en croyait l'appel qu'il avait reçu la veille. Heureusement que grâce à son poste haut-placé dans la hiérarchie du Sinnoh News, il avait pu se permettre de prendre une semaine de congé qu'il passerait dans le sud de la région.
Le journaliste soupira longuement, fit sortir son Magnézone de sa Pokéball, histoire de dissuader trop de monde de l'approcher, puis se dirigea, tranquillement, en direction de l'hôtel où se trouvait le bureau de John Sullivan. Il connaissait le chemin, depuis le temps ; il n'avait d'ailleurs eu besoin que d'un seul trajet pour le retenir, sa mémoire étant plutôt exceptionnelle. Il pouvait se souvenir de détails insignifiants datant de plusieurs années, et ce sans aucun problème. Certains disaient que cette faculté était une sorte de malédiction, mais lui avait su en tirer le meilleur profit pour son travail, rédigeant des articles politiques d'une précision impressionnante, contenant des détails que bien des collègues avaient omis. Ce talent lui avait d'ailleurs permis d'accéder aisément au poste le plus prestigieux — après celui de directeur, cela allait de soi — du Sinnoh News, le journal régional le plus en vogue.
Marlowe marchait doucement, appréciant l'air frais marin qui lui caressait le visage, faisant légèrement remuer ses cheveux blancs et sa cravate noire. Son Pokémon lévitait à côté de lui, entouré de quelques éclairs, encourageant les passants à garder une certaine distance ; l'homme n'aimait guère être importuné lorsqu'il n'était pas au travail, mais beaucoup de gens avaient tendance à oublier le sens du mot "tranquillité".
Une légère brise printanière soufflait entre les immeubles, immenses tours de béton et de verre, et s'engouffrait par tous les interstices qu'elle trouvait. Quelques Etourmi s'amassaient près des bancs où des personnes âgées étaient assises, leur donnant des miettes de pain, n'ayant rien de mieux à faire de leurs journées, tandis que des Békipan et autres oiseaux marins survolaient la cité portuaire. L'ambiance de Rivamar plaisait bien au journaliste ; ça le changeait un peu d'Unionpolis et de ses bonnes sœurs qui déambulaient dans les rues pour prêcher la gloire d'Arceus. Ici, dans le sud, les casinos, bars, maisons de passe, et que savait-il encore, pullulaient et n'étaient pas du tout mal vues, contrairement à la capitale sous domination religieuse.
Alors qu'il allait tourner pour se rendre dans la rue de l'hôtel qu'il cherchait, on lui agrippa le bras avec force ; surpris, il en lâcha sa lourde valise qui, heureusement, ne s'ouvrit pas suite à l'impact avec le sol. Robert Marlowe se retourna vivement, pour faire face à deux individus qu'il ne pensait pas connaître. Une jeune femme aux cheveux noirs et aux yeux d'un bleu électrique glacial, en costume d'homme noir, ainsi qu'un type un peu plus vieux, rouquin au regard noisette, vêtu de bleu.
"Dites, ça vous démangerait, de vous excuser ? grommela le journaliste, voyant que ni l'un ni l'autre ne semblait enclin à le faire. C'est la moindre des choses, quand on fait peur à quelqu'un comme ça."
La femme ne broncha pas, toujours parfaitement calme, son visage ne trahissant aucune émotion. Le rouquin plissa les yeux, et soupira bruyamment.
"Ouais, excusez-moi, mais vous ne répondiez pas quand je vous appelais.
— Parce que j'ai pris une semaine de vacances, et que j'ai pas envie qu'on m'emmerde hors du boulot. Evidemment, personne ne le comprend, alors à quoi bon le répéter...
— Ecoutez, monsieur Marlowe, intervint sa collègue, nous ne sommes pas des idiots venus quémander un autographe ou une poignée de main d'une célébrité, mais des agents fédéraux."
Marlowe haussa un sourcil, perplexe, et observa de nouveaux ces deux énergumènes sortis de nulle part. Des agents du gouvernement ? En y regardant de plus près, effectivement, la fille avait vaguement une allure de flic, mais le type semblait juste être un crétin comme un autre. L'homme aux cheveux blancs fourra ses mains dans ses poches et s'assit sur sa valise, sentant que la conversation allait s'éterniser.
"D'accord, qu'est-ce que vous me voulez, au juste ? Et je vous conseille de ne surtout pas tourner autour du pot, parce que j'ai pas de temps à perdre avec vous.
— Très bien, alors permettez-moi de... commença Nate Wilde.
— Vous ne m'accusez d'aucune fraude ou crime, au moins ? le coupa Marlowe.
— Rien de ce genre, nous pouvons vous l'assurer, ajouta Nellie Sutton. Maintenant, si vous voulez bien nous écouter et répondre à nos questions..."
Le rédacteur en chef de Sinnoh News haussa les épaules ; il n'avait pas le choix, de toute façon, alors il ferait ce qu'on lui demandait. Il alluma une cigarette et en tira une bouffée, avant de signifier, d'un geste de la main, qu'il était prêt à répondre aux questions. Quand bien même, en pleine rue, cela l'étonnait ; le propre des fédéraux n'était pas justement la discrétion et l'invisibilité ? Il ne s'interrogea pas davantage sur le sujet.
"Nous voulons juste en apprendre un peu plus sur Atlas. Rien de plus.
— Atlas ? Je ne sais rien qui n'est pas dans les journaux ou à la télévision, sortez un peu de votre grotte et vous serez aussi informés que moi. Je ne sais même pas pourquoi vous venez me voir spécifiquement. Il y a une raison, ou bien c'est juste un caprice ?
— Vous êtes l'homme qui a directement reçu ce texte dans votre bureau, pour ensuite le publier dans l'édition du 7.
— Et ça fait de moi un être omniscient ? ironisa Marlowe.
— Vous avez peut-être volontairement éclipsé des informations qui pourraient être qualifiées de "sensibles". Je ne sais pas, des choses compromettantes n'ayant pas leur place dans un journal national ? insista Nellie.
— Ecoutez, je ne sais pas pourquoi vous portez de telles accusations contre moi, mais je ne sais rien de plus que ce que j'ai déjà divulgué publiquement. Pourquoi est-ce que j'irais cacher des informations ? Je n'ai aucun intérêt personnel à le faire.
— Les raisons qui peuvent pousser l'Homme à commettre certains actes sont parfois obscures.
— Voilà que vous philosophez, maintenant ?"
Cela se ressentait dans son ton, le journaliste en avait déjà bien assez de cet interrogatoire improvisé en plein milieu de la rue. La plupart des gens ne faisaient pas attention à eux, mais quelques uns regardaient ce trio hétéroclite en passant. Nate était resté en retrait tandis que sa partenaire posait des questions, et vint la rejoindre, une moue indéchiffrable sur le visage.
"Je t'avais bien dit, qu'il savait rien ! On ne m'écoute jamais... grommela-t-il.
— Et alors, ça ne nous coûtait rien d'essayer. Ce n'est pas comme si on avait des pistes quant à notre enquête sur les contrebandiers du port... tout est bon à prendre, et je suis persuadée que cet Atlas aura son rôle à jouer dans cette affaire.
— Tu n'en sais rien, Nellie !
— Je n'en sais peut-être rien, mais toi, tu es une feignasse qui ne pense à rien d'autre qu'à ton bonheur personnel. Je sais que ce travail te fait chier, mais les ordres sont les ordres, alors on doit s'y plier ! protesta la jeune femme aux cheveux courts.
— Décidément... tiens ? Ce connard s'est éclipsé !"
En effet, il n'y avait plus trace de Robert Marlowe à côté d'eux. Celui-ci avait profité de la dispute des deux agents fédéraux pour saisir sa valise et s'enfuir par une ruelle débouchant sur la rue qu'il cherchait. Il déambula tranquillement jusqu'à l'hôtel, puis passa ses grandes portes pour déboucher dans un hall somptueux qu'il connaissait bien. Il s'annonça à l'entrée, et un groom vint aussitôt le déposséder de sa lourde charge, le conduisant dans l'ascenseur. La cage de fer commença sa montée vers les étages supérieurs.
"Dites-moi, ça faisait un moment qu'on vous avait pas vu dans le coin, monsieur Marlowe, fit remarquer l'employé."
Robert s'étonna qu'on lui fasse la conversation, mais ne releva pas, et se contenta de répondre, poliment.
"Les affaires, vous savez ce que c'est. Avoir un poste si important requiert une efficacité et un investissement importants, vous devez vous en douter... quoique vous n'êtes qu'un groom d'hôtel.
— A la différence près qu'il s'agit d'un hôtel de luxe, et qu'à ce titre, je suis certainement mieux payé qu'un professeur d'académie, répliqua le jeune homme, souriant.
— Certes, vous marquez un point. Les finances de notre pays sont bien moins importantes depuis la guerre, et du coup, les fonctionnaires ne touchent plus grand chose. Travailler pour un entrepreneur aussi riche que Sullivan a été un bon choix de votre part."
Le groom se contenta de sourire, et ni l'un ni l'autre n'ajouta quoi que ce soit durant le reste du trajet de l'ascenseur. Lorsque la cage de fer s'immobilisa enfin, les portes s'ouvrirent, et Robert en sortit, se dirigeant vers le bureau du propriétaire des lieux. Tout dégageait une noblesse impressionnante, dans cet hôtel. Le sol de marbre recouvert de tapis orientaux avait beaucoup de charme, et les lustres qui pendaient au plafond illuminaient l'endroit lorsque la lumière du jour ne passait pas par les grandes fenêtres aux rideaux fins.
La pièce qu'il cherchait se trouvait au bout d'un couloir décoré de plusieurs répliques de tableaux célèbres — quoi qu'il ignorait s'il s'en trouvait de véritables dans le lot —, derrière une double porte d'acajou. L'homme aux cheveux blancs frappa, et attendit que l'on vienne lui ouvrir. La silhouette de John Sullivan apparut de l'autre côté de la porte. Son visage trahissait un mélange de surprise et de politesse ; de toute évidence, il ne s'attendait pas à ce que Marlowe arrive si vite. Il l'invita à entrer, et le fit asseoir sur l'un des fauteuils entourant la table basse de verre.
"Je suis désolé que vous ayez dû vous déplacer pour si peu, Bobby, je suis conscient que vous avez du travail...
— Ne vous excusez de rien, j'avais de toute façon bien besoin de prendre quelques jours de vacances, avec tout le travail qui afflue en ce moment... Cet Atlas nous cause bien du souci, à vrai dire. A ce propos, j'ai croisé, dans une rue voisine, deux agents fédéraux qui m'ont posé pas mal de questions au sujet de ce type."
John ne put dissimuler son étonnement ; ses yeux bleus s'écarquillèrent, et il manqua de renverser le whiskey qu'il versait dans un verre destiné à Marlowe. Il tendit le récipient à son invité, et s'assit en face de lui, l'air soucieux.
"Roy m'a parlé de ces fédéraux. Le type travaille pour lui, et donc par extension pour moi, mais la fille est un sacré problème, paraît-il. Je ne sais pas si elle est liée à Winzer Sutton, mais elle partage le même nom que lui.
— Je lui ai trouvé une certaine ressemblance avec Sutton, moi aussi, au niveau des yeux... admit l'homme aux cheveux blancs. Mais cela ne veut strictement rien dire, peut-être bien qu'elle n'est qu'une flic lambda ayant décidé de prendre ce nom-là, qu'est-ce qu'on peut en savoir ?
— Rien n'est sûr, je suis d'accord, mais on n'est jamais trop prudent, et je préfère ne pas risquer ma vie et faire profil bas pour l'instant. De plus, il soutient qu'Atlas est un potentiel danger pour mon organisation criminelle et pour ma vie. Je ne sais pas quoi lui dire pour qu'il cesse de s'inquiéter. C'est un brave garçon, mais il est un peu trop soucieux...
— C'est tout naturel, vous l'avez tiré des emmerdes dans lesquelles il était fourré. C'est sa façon de vous remercier, ne soyez pas trop dur avec lui."
L'homme d'affaires acquiesça, l'air un peu plus serein, et alluma une cigarette, dont l'odeur âcre emplit peu à peu l'air. Robert buvait son whiskey à petites gorgées, savourant la brûlure de l'alcool dans sa gorge sèche. La pièce était si silencieuse que l'on pouvait entendre le son agaçant de l'horloge placée dans un coin, près du tas de coussins où était affalé le Rapion du maître des lieux.
"Pour en revenir à la raison qui m'amène ici... j'imagine que ça a un rapport avec Atlas ? soupira le journaliste.
— Pas vraiment, non. A l'origine, c'était le cas, mais maintenant, j'ai juste besoin de votre bon sens. Vous avez toujours été de bon conseil.
— Je crois que monsieur Rothstein serait plus indiqué pour vous conseiller, admit Robert.
— Warren Rothstein est le député de notre circonscription, et les gens comme lui ne prennent pas de vacances, Bobby, alors ce serait peine perdue de lui faire perdre son temps. J'ai confiance en vous, ne me faites pas douter de votre bonne foi", sourit John.
L'autre serra imperceptiblement les dents, conscient qu'il ne pourrait pas se dérober ; bien qu'il fasse partie de l'organisation criminelle de Sullivan et qu'il aie une place importante en son sein, il savait qu'il n'était pas à l'abri de quoi que ce fût. Il connaissait bien les gens comme ça, les chefs mafieux ou les gangsters, peu importe comment on les appelait, et était au courant qu'ils n'hésitaient pas à se débarrasser de leurs ennemis pour que leur commerce illégal prospère. Il espérait sincèrement ne pas finir comme ça, si un jour il tenait tête un peu trop résolument à son patron. Car même si John aimait à répéter qu'il n'existait aucune hiérarchie entre eux deux, mais seulement un partenariat, Robert savait bien que ce n'était pas le cas.
"Quels conseils je pourrais vous donner ? Je ne sais même pas quel est votre problème...
— Pas des conseils, mais plutôt un service. Cette fille, Nellie Sutton, la fédérale que vous avez rencontrée. Je veux que vous enquêtiez sur elle et que vous me fassiez part de toutes les informations que vous trouverez. Tous les moyens sont bons, mais je veux des infos. Je peux compter sur vous ?
— Sur moi, peut-être pas directement, parce que le directeur du journal ne m'a autorisé qu'une semaine de congé. Mais je peux mettre une de mes subalternes sur le coup. Elle s'appelle Angela Meltzer, elle travaille à la section politique du journal et est photographe. Elle est à Verchamps pour quelques temps, alors si vous voulez la rencontrer, je peux vous l'envoyer... si toutefois vous ne voyez pas d'inconvénient à cela.
— Tout est bon à prendre, mais j'ose espérer qu'elle ne fouillera pas trop en profondeur dans mes affaires.
— Si je lui dis que c'est un boulot important, elle ne me le refusera pas, et ne posera pas de questions. Elle est curieuse, mais sait se tenir."
Un sourire vint étirer les lèvres fines de John Sullivan, qui tira une nouvelle bouffée de sa cigarette avant de l'écraser dans le cendrier posé sur la table. Il s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, et ricana.
"Vous avez l'air d'être sûr de vous, vous devez bien la connaître.
— Disons qu'on est assez intimes, mais ce n'est pas le sujet. Vous avez besoin d'autre chose ? souffla Robert.
— Pas pour le moment, mais je vous le ferai savoir si c'est le cas. Nous logeons sous le même toit, après tout, je ne passe que peu de temps dans ma villa au bord de la mer."
L'homme aux cheveux blancs hocha doucement la tête, et quitta le bureau, ne sachant pas vraiment si la situation lui était ou non favorable.
x x x"Je crois que vous devriez surveiller vos arrières. Je ne dis pas que Nellie est dangereuse, pour l'instant elle est encore inoffensive, mais elle a tout de même des doutes et des soupçons, et je n'ai sans doute pas besoin de vous dire que ce sont des armes puissantes. Sullivan et vous êtes intelligents, je suis persuadé que vous saurez vous débrouiller pour ne pas éveiller sa curiosité plus qu'elle ne l'est actuellement. Toutefois, je tiens à vous prévenir, elle est d'un naturel borné, et quand elle a une idée derrière la tête, il est difficile de lui faire entendre le contraire. Quant à savoir ce qui lui arrivera si jamais elle se mêle un peu trop de vos oignons... j'imagine que je ne veux pas le savoir. Probablement quelque chose de peu agréable, comme la torture ou plus certainement la mort. Quoi qu'il en soit, vous m'avez demandé ce que je pense de ma collègue, voilà ce qu'il en est. Autre chose ?"
Roy Andreivic ne répondit pas immédiatement, intéressé par le combat qui avait lieu en contrebas, entre la championne d'arène de la ville, spécialiste du type eau, et un jeune dresseur d'une vingtaine d'années. Son Torterra s'opposait courageusement à l'Hyporoi de son adversaire, et il était pour l'instant impossible de déterminer l'issue du duel. Dans les gradins, bon nombre de personnes hurlaient leur soutien à la star locale ; ce brouhaha permettait au bras de droit de Sullivan et à Nate Wilde de converser sans être entendus par des oreilles indiscrètes.
"Comme si on n'avait pas assez d'emmerdes comme ça, soupira l'exilé russe, las.
— Si ça peut vous rassurer, je fais de mon mieux pour la tenir à l'écart de Sullivan. Malgré tout, je sens bien qu'elle a des soupçons et qu'elle voudra tôt ou tard enquêter seule de son côté, admit le rouquin.
— Continue à la dissuader de chercher à inculper monsieur Sullivan de quoi que ce soit, et surtout, attire son attention sur autre chose. Je pense que ça devrait pas être trop compliqué, avec le meurtre qui a eu lieu sur la place Artémis. Vous vous concentrez là-dessus, et le tour est joué.
— Si c'était aussi simple de comprendre une femme, qui plus est aussi compliquée que celle-ci, ça se saurait... Je dois me sauver, je lui ai promis que j'allais juste pisser et prendre un café, faudrait pas qu'elle me voie avec vous."
Sans attendre de réponse, l'agent fédéral quitta son siège, laissant l'européen pensif. Les choses changeraient bientôt, et il sentait que le danger approchait. Serait-ce dû à Nellie Sutton, ou bien à Atlas ? Nul ne pouvait le savoir.