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Pour quelques baies. [Concours SL 2016] de MerrySai



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Informations

» Auteur : MerrySai - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 19:03
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 19:08

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Quand la rue est une maison.
La place du marché d'Unionpolis grouillait de monde en ce samedi matin. D'années en années, le marché hebdomadaire était devenu plus important et attirait beaucoup plus de monde, que ce soient commerçants, acheteurs, badauds ou touristes. Le petit rassemblement servant autrefois aux habitants à se ravitailler en fruits et légumes frais ou Pokémon poissons en tous genres comptait aujourd'hui bien plus de stands. On y retrouvait quelques vendeurs d'accessoires pour concours, des couturiers qui créaient des vêtements en laine de Wattouat ou toile de Pokémon insectes sur mesure et sur place, des particuliers qui revendaient de vieux objets... Et même, parfois, des membres de la Team Rocket sous couverture qui essayait de vendre des Pokémon. Ceux-là étaient généralement vite repérés et se faisaient arrêter immédiatement. Entre tous ces stands vagabondaient enfants curieux, familles en balade, personnes âgées à la recherche de baies pour leurs confitures, étrangers fascinés pas le grand marché et Pokémon errants qui faisaient les yeux doux, espérant obtenir un peu de nourriture – et effrayant les Pokémon domestiques, au passage.

Dans cette cohue assourdissante et aveuglante, personne n'avait remarqué les deux petites oreilles pointues qui se dressaient en direction du poissonnier depuis le coin d'une impasse. Le stand visé par le Pokémon félin regorgeait de Magicarpe bien frais et d'autres Pokémon poissons. Remuant les moustaches, le voleur se glissa hors de sa cachette et commença à longer discrètement les murs pour se rapprocher de l'objet de ses convoitises, un Magicarpe presque aussi gros que lui. Arrivé à quelques mètres de l'étalage, il attendit patiemment que le vendeur soit occupé avec un client – enfin, une cliente, guindée, observa le chat d'égouts. Dès que le commerçant eu tourné le dos pour emballer la commande de la femme, le voleur s'élança, attrapa le corps du Magicarpe tant voulu entre ses petites dents aiguisées et fila sans demander son reste.

« Voleur ! S'écria le poissonnier, ce fichu Miaouss a volé mon poisson !! »

Les gens s'écartèrent sur le passage du Miaouss, ignorant les cris du poissonnier. Tout le monde était bien prévenu que les vols à l'étalage par des Pokémon de rue étaient monnaie courante et qu'au fond, le marchand n'en avait pas grand-chose à faire. Dès que le voleur disparut de son champ de vision, l'homme leva les yeux au ciel et retourna s'occuper de sa cliente sans plus faire cas de son Magicarpe manquant. Le Miaouss, quant à lui, se dépêcha de rejoindre la ruelle où il passait le plus clair de son temps en face de la salle de concours. Il ralentit alors et trotta, satisfait, jusqu'à un renfoncement dans un mur où il avait élu domicile. Ce n'était pas le plus confortable des abris, mais le Pokémon chat l'avait habilement tapissé de plumes et de poils pour le rendre plus doux et plus chaud pour les jours froids. Il s'installa devant sa petite tanière, posa sa prise et entreprit de se nettoyer le museau. Le goût du Pokémon poisson avait envahi sa bouche et l'avait fait saliver pendant toute sa course, ce qui lui avait sali tout le menton. Maintenant, poussiéreux et le poil hirsute, il n'avait plus qu'une hâte : s'allonger confortablement pour dévorer Magicarpe si appétissant. Le Miaouss s'étira puis lécha consciencieusement l'une de ses pattes pour redonner de l'éclat à la pièce de son front, avant d'enfin se poser pour déjeuner. Il allait enfin profiter de son méfait que une petite voix se fit entendre :

« Monsieur Masan... »

Reconnaissant son nom, le Miaouss leva les yeux en soupirant. Devant lui, deux Etourmis se dandinaient, visiblement intimidés. Ce genre de Pokémon peu dégourdis n'était pas rare dans la ville car, bien qu'habitués depuis leur plus jeune âge à vivre dans la rue, ils étaient souvent trop faibles pour tenir tête à de vieux Pokémon comme Masan et finissaient par mourir de faim. Ou venir demander de l'aide, comme ici.

« Monsieur Masan, mon petit frère et moi n'avons pas réussi à prendre quoi que ce soit sur le marché et on vous a vu avec cet énorme Magicarpe pour vous tout seul...
-Et vous attendez de moi que je vous en donne ? Hors de question. C'est ma proie, répliqua le Miaouss.
- S'il vous plaît ! Juste un morceau, on vous donnera ce que vous voulez en échange !
- Hm, réflechit Masan, vous n'êtes pas les deux petits qui se font nourrir par la vieille de la rue d'à côté ?
- Si, mais elle ne donne que du pain trempé dans du lait, c'est trop peu...
- Vous me ramènerez la moitié du pain bien imbibé pendant une semaine. »

Sur ces mots, Masan coupa un bon tiers de sa prise et le poussa du bout de la patte vers les deux oiseaux, qui se confondirent en remerciements avant de s'envoler avec le bout de poisson. Le Miaouss soupira une nouvelle fois et contempla son poisson incomplet. Sa gourmandise avait encore frappé, et son repas s'en trouvait réduit. Il se réconforta en pensant au lait qu'il aurait le plaisir de goûter dès le lendemain. Le Pokémon chat était né, ou plutôt avait éclos, dans la rue, un soir de mai 1990, 26 ans auparavant. Sa mère s'était occupée de lui comme elle avait pu, le protégeant des autres Pokémon sauvages et volant autant de nourriture que possible. C'était, entre autres, avec elle qu'il avait appris à subtiliser des Magicarpe sur l'étalage du poissonnier. Masan se souvint avec une pointe de nostalgie de l'époque où elle profitait de l'attendrissement qu'un bébé Pokémon inspire aux gens. Grâce aux grands yeux du petit Miaouss et à son adorable air malheureux, ils étaient plutôt bien nourris et étaient régulièrement servis en lait par une famille, qui ne rêvait que d'adopter la mère et le fils pour en faire de vrais Pokémon de compagnie – ce qui n'arriva jamais.

Masan sortit de ses pensées et observa son environnement immédiat tout en mâchonnant la chair du Pokémon poisson. La ruelle étroite dans laquelle il créchait habitait de nombreux autres Pokémon plus ou moins sauvages. Entre les Pokémons domestiques en pleine crise existentielle qui hésitaient entre la vie de rue ou de maison, les Pokémon abandonnés, ceux pour qui Unionpolis n'était qu'une étape dans un voyage ou encore les Pokémon qui, comme Masan, étaient nés – et probablement mourraient - dans la rue, la ville était à peine assez grande. Un Moufouette le salua d'un signe de tête et le Miaouss remua les moustaches. Le vieux Pokémon moufette était ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour Masan. Un ami et mentor, avec qui il lui arrivait de partager sa nourriture voire même son abri, selon le temps. Il était beaucoup moins feignant et opportuniste que le chat, c'était une évidence, et le Chacripan mort qui pendait entre ses mâchoires avait visiblement été fraîchement tué. La chasse n'avait jamais vraiment plus à Masan, l'idée de tuer le répugnait assez, contrairement à celle de manger un Pokémon tué par quelqu'un pour lui. Il fronça le museau en s'imaginant devoir briser la nuque ou éventrer lui-même une proie. Il avait déjà été contraint de le faire, évidemment, et plus d'une fois, mais cela ne l'empêchait pas d'en être dégoûté.

Outre le doyen et le Miaouss, la ruelle n'était pas l'habitat régulier de beaucoup de Pokémon. Ils allaient et venaient entre les différents recoins de la ville, cherchant pour la rue la mieux fréquentée, la plus pratique ou autres. Une famille de Lixy s'était récemment installée entre deux gros cartons à l'entrée de l'impasse et semblait se faire, difficilement mais sûrement, à la vie de rue. « Des campagnards », avait pensé Masan, et il n'avait plus fait cas de ces nouveaux arrivant.

Il ne resta bientôt que les arrêtes du Magicarpe et le carnivore poussa les restes au sol avant de s'étirer et de grimper le long d'un poteau électrique pour atteindre les toits. Il aimait lézarder sur les tuiles et profiter du soleil, c'était l'un des rares endroits où il pouvait oublier l'Humain qui pullulait quelques mètres en-dessous. Aussi, c'était là où les Pokémon racontaient leurs dernier ragot et Masan prenait du plaisir à glaner quelques nouvelles de la ville au milieu du brouhaha. Une information particulière attira son attention. Un petit groupe de Rattata dont les membres semblaient plus que nerveux racontaient qu'un monstre habitait les égouts depuis une semaine et qu'il terrifiait et chassait tout le monde. Le Miaouss dressa les oreilles pour tenter de saisir la description dudit monstre.

« Il est énorme ! Glapit un minuscule Rattata, brun et rouge, avec des yeux tueurs ! Il crache des flammes toxiques ! »

La petite assemblée qui s'était formée frémit. Des murmures s'élevèrent, prétendant que ce n'était qu'une rumeur, que personne n'avait de preuves, qu'il ne s'agissait probablement que d'un Pokémon quelconque. Tout le monde s'était désintéressé du groupe de Rattata lorsqu'il ramenèrent l'attention sur eux et Masan, qui commençait à être agacé par l'angoisse ambiante qu'il jugeait inutile, se dit alors qu'il avait beaucoup à y gagner dans cette histoire.