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A travers le vent de Titichat13



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» Auteur : Titichat13 - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 12:59
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 12:59

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 6 : Par delà le rêve
Ils avaient choisi d'agir dès le lendemain soir. Le but était de convaincre Elsa-Mina de leur ouvrir la porte de Beauté avant de l'assommer, elle mais aussi le directeur et la sous-directrice, de trouver un moyen de briser la cage et de s'enfuir, sous le couvert de la nuit. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'était pas un plan très élaboré. Mais c'était le seul qui pouvait marcher. La porte inviolable rendait toute autre tentative vaine. Régis se sentait fou de risquer sa licence dans une telle entreprise. D'ordinaire, c'était lui, le plus réfléchi des deux Dresseurs du Bourg Palette... Qu'ils réussissent ou qu'ils échouent, sa réputation en prendrait un sacré coup... et Sacha ne se priverait pas de le lui rappeler ! C'était un combat qu'il fallait gagner, de toute façon. Inutile de s’appesantir sur des détails.

Aéla se rendit à l'océan, ce jour-là, pour prévenir l'Assemblée de leur décision, mais également leur demander de se protéger, en cas d'échec de la mission. Le message circula à travers tout l'archipel. Partout, Pokémons sauvages comme dressés se mettaient à hurler, le plus fort possible, dans une complainte qui fit trembler Alola. L'agitation fut telle que l'agent Jenny, en charge des forces de police de l'archipel, ne savait plus où donner de la tête. Elle finit par appeler les Forces de la Police Internationale, avec qui elle avait un accord depuis une nuit, vingt ans auparavant, où la Team Rocket avait investi Alola, volant d'innombrables Pokémons et tuant ceux qui résistaient. Humains compris. Les bûchers funéraires furent nombreux, au lendemain de cette nuit... C'était la tradition, à Alola. Les corps des défunts étaient amenés sur la plage, la nuit, et l'on veillait sur eux jusqu'au matin, à travers divers rites destinés à faciliter le passage des âmes vers l'au-delà. A l'aube, les corps étaient déposés sur d'immenses bûchers que l'on embrasait après une dernière prière. Tous ces rituels devaient attirer la faveur de Groudon, pour qu'il accorde aux défunts l'honneur de devenir sa terre, à tout jamais. Si le vent mêlait les cendres au sable, c'était signe que le dieu terrestre avait accepté.

Lunala n'avait pas participé aux événements de la « Nuit Rocket ». Faute d'un Messager pour l'invoquer, elle n'avait pas même pu réparer les dégâts. Cela avait été terriblement frustrant, pour elle. Elle avait assisté, impuissante, enchaînée, à la chute d'Alola. Cette fois, Lunala avait été invoquée à temps. Et elle comptait bien faire tout son possible pour que de si tragiques incidents ne se reproduisent plus jamais. Depuis sa dimension, elle observait sans cesse Alola. Elle en avait la charge, après tout. De ce qu'elle savait, d'autres Lunalas existaient, mais tous étaient cantonnés à leurs dimensions et à leurs régions propres. Sans invocation, impossible pour eux d'intervenir, ou même d'interagir avec d'autres Pokémons. Elle savait que, dans certaines régions, les rites d'invocation avaient été oubliés par les humains. C'était la raison de la grande guerre de Kalos, trois milles ans auparavant. Son créateur lui en avait parlé. Un Lunala mâle, vieux de plus de cinq milles ans. Chez les Lunalas, environ à partir de deux milles ans, on pouvait créer son successeur dans le gardiennage de sa zone. Il suffisait de prendre des Pierres Lune, de les exposer à la lumière de la pleine lune et de les emplir de l'énergie d'un Lunala, avant de les déposer, en tas, au sommet d'un volcan, actif ou non. Quand le tas disposait de suffisamment d'énergie, il se transformait en un tout petit Lunala, pas encore pourvu de la matière dorée de son corps. Le créateur prenait alors sous son aile l'éducation du nouveau-né, lui transmettant, si besoin était, les prophéties de sa zone et les habitudes de ses habitants.

C'était une vie simple. Mais pour qu'un Lunala puisse intervenir, il lui fallait un Messager. Plus précisément, SON Messager. Chacun d'entre eux avait un Messager qui lui était propre. Son maître avait bien été invoqué, lors de la Nuit Rocket, et ce fut sa perte. Usant de son Rayon Spectral, une capacité propre aux Lunalas, qui puisait dans l'ombre de la nuit, il avait tenté de chasser l'organisation maléfique, aidé par tous les Pokémons de l'archipel. Et ils auraient réussi, si un Pokémon surpuissant, couvert de protections de plastique et de métal, n'était intervenu. Sa longue queue violette et ses pattes blanches étaient tout ce que l'on pouvait distinguer de lui. Accompagnant un homme flanqué d'un Persian, le Pokémon avança en conquérant. En temps normal, Lunala l'avait perçu, il aurait dû être désavantagé face à son maître. Mais son armure le renforçait et déviait le Rayon Spectral du vieux Lunala. La bataille fut acharnée et spectaculaire. Le Gardien de la nuit esquivait des Ball'Ombres surpuissantes, renvoyant des Vents Mauvais et des Revenants. Le vent portait le bruit de leur combat, les Pokémons alentour retenaient leurs souffles, attendant de voir si le vainqueur serait leur sauveur ou leur bourreau. Mais l'humain était un homme déloyal. Alors que le créateur se concentrait sur l'étrange Pokémon, il avait envoyé son Persian effectuer une Griffe Ombre dans son dos. Grandement affaibli, le maître n'avait pu esquiver la Ball'Ombre de son adversaire et il était tombé sous le joug de ce Coup Bas. L'humain avait ordonné sa capture mais, se blessant lui-même, le créateur de Lunala s'était donné la mort, rejoignant la lune dans un dernier voyage, afin que jamais sa puissance ne soit mise au service du mal.

Voilà comment cinq milles ans de savoir, de bonté et de sagesse s'étaient évaporés en un million d'Etincelles. Cinq milles ans de tout ce qu'il y avait de meilleur, en ce monde, tombé face à l'orgueil et la bassesse d'un homme. Bien qu'elle ne sut jamais s'il s'agissait d'un rêve ou de la réalité, il sembla à Lunala que son maître avait rejoint les cieux en disant « Maintenant, je quitte mon office ». La lumière de la lune avait alors transpercé sa dimension et elle était officiellement devenue la nouvelle gardienne. La nuit de sa naissance. Son petit corps n'était pas encore formé qu'elle devait trouver un Messager, se soumettre à lui et protéger les innocents de l'archipel d'Alola, humains comme Pokémons. Mais les humains la dégoûtaient. C'était un humain qui l'avait laissé seule, sans défense et sans maître alors qu'elle n'était qu'un bébé. C'étaient les humains qui se battaient sans cesse, impliquant d'innombrables Pokémons dans leur folie. C'étaient les humains qui détruisaient, sans discernement, des habitats multi-millénaires , délogeant des hordes entières de Pokémons. Elle avait beau essayer, elle ne pouvait s'attacher aux humains. Trop de mal était fait de leurs mains. Elle avait longuement redouté le moment où son Messager l'appellerait, car elle n'était pas certaine de vouloir lui obéir. Or, toute désertion était punie d'un bannissement qui durait toute la vie du Messager, et même au-delà, si le Messager suivant n'apparaissait pas immédiatement.

Quand Aéla et Régis avaient débarqués dans sa dimension, elle avait, au premier abord, été très surprise. Elle s'attendait à UN humain, pas DEUX. Son maître ne lui avait enseigné que peu de choses et elle ignorait que le Messager était accompagné d'un Porteur. Régis s'étant montré méfiant et protecteur, elle en avait conclu qu'il ne pouvait être Messager. La relation entre un Lunala et son Messager était intime, fusionnelle. Bien qu'ELLE ne se voyait pas du tout s'acoquiner avec un humain, il était évident que le mâle qui se dressait devant elle ne pouvait être celui qu'elle cherchait. Ce qui ne l'avait que davantage étonnée quant à sa présence dans sa dimension. Quand Aéla avait pris la parole, cependant, quelque chose s'était ouvert, en Lunala. Elle en avait été frustrée ! D'un côté, elle ne supportait pas l'idée de se soumettre à un humain mais de l'autre... Elle avait senti que CETTE humaine changerait sa vie. CETTE humaine changerait son cœur. C'est ce qui la poussa à accepter de remplir son rôle, malgré son aversion. C'était ridicule... Mais c'est également ainsi qu'elle en apprit plus.

En effet, les Lunalas ne dorment pas. Quand ils acceptaient une mission de leur Messager, leur dimension s'ouvrait, leur permettant d'aller et venir à leur guise. Ils ne supportaient pas le soleil, aussi avaient-ils l'habitude de rentrer à l'aube. Cela dit, leurs dimensions étant sans cesse connectée à leur zone de protection, les Lunalas pouvaient, en permanence, observer les lieux à la recherche d'une menace ou par simple curiosité. Ce qui à la Lunala d'Alola de suivre l'échange entre Régis et Aéla, sur la plaque de glace. Comprenant un peu mieux les événements de la nuit, elle s'était surprise à se dire qu'au final, sa Messagère valait peut-être le coup de s'intéresser aux hommes.

Mais ce soir-là, toutes ces questions n'avaient que peu d'importance. Lunala avait décidé, de son côté, d'entrer dans la Fondation Æther. C'était rempli d'humains et, probablement, de pièges, elle le savait bien. Cependant, l'événement qu'elle devait empêcher se produirait à cet endroit. Un endroit qui résonnait de la souffrance et du désespoir de mille et uns Pokémons. L'écho de l'un d'entre eux, en particulier, sonnait comme un funeste présage. Lunala y sentait une puissance qui cherchait à se libérer. Violemment. Sans doute plus violemment encore que les tragiques méfaits commis lors de la Nuit Rocket. Elle devait agir dès la tombée de la nuit, ou toute chance d'endiguer le déchaînement des flots du destin serait perdue. Alors elle attendait, depuis l'aube, à l'affût, observant les humains aller et venir. Ils accueillirent un homme vêtu d'une longue blouse blanche, qui semblait faire autorité, en ces lieux. S'en suivit un va-et-vient d'humains, hommes et femmes, qui transportaient des caisses. Quel que soit leur contenu, Lunala n'était pas rassuré. L'humain arrivé à l'aube revenait régulièrement vérifier le nombre de boîtes et l'avancée de leur transfert. Son sourire carnassier inquiétait la Gardienne. C'était probablement lui, la cause de la colère de la Chimère. La journée passa ainsi, dans l'attente de la nuit, pour Lunala.

Elle ne fut guère différente pour Aéla et Régis. Ils s'étaient préparés, avaient passé en revue leurs équipements et leur stratégie une bonne vingtaine de fois, puis avait contacté la Fondation Æther pour obtenir une visite le soir-même. La Pression était grande mais quand le téléphone sonna pour leur transmettre l'approbation d'Elsa-Mina, ils n'en furent que plus résolus. Ils prirent le bac pour le Paradis Æther plutôt que de Voler, car ils souhaitaient conserver le maximum des forces de l'équipe de Régis. La Tension était à son comble. Tout se jouait ce soir. S'ils échouaient, le sort d'Alola et peut-être même du monde en serait bouleversé à jamais. Durant le trajet, Aéla n'avait eu de cesse d'essuyer ses mains moites sur sa robe en dentelles. N'ayant aucun pantalon, trop « indignes de sa féminité », selon sa mère, elle avait choisi la tenue à la fois la plus sobre et qui lui permettait de bouger le plus librement possible. D'un blanc cassé qui rehaussait à merveille la pâleur de son teint, c'était une robe courte, aux épaules dénudées, qui moulait le haut du corps et s'évasait en jupe souple.

Régis, craignant qu'elle ne trahisse leurs intentions par sa nervosité, avait fini par prendre la main droite d'Aéla dans la sienne et par lui murmurer à l'oreille : « Sers-la aussi fort que tu veux, quand tu t'inquiètes. ». Elle s'était apaisée, sur le coup, mais serrait et desserrait sa main à intervalles réguliers, si bien que celle de Régis fut très vite engourdie. Il s'était vêtu quasiment comme la veille, mis à part qu'il portait un t-shirt et non une chemise, ainsi qu'un jean plutôt qu'un pantalon de toile. On aurait dit un couple, en visite chez des amis. Seuls à bord, hormis le Capitaine, ils effectuèrent la traversée dans le plus grand silence, retenant leurs souffles en voyant se dessiner les contours de l'île. Aéla resserra un peu plus son Etreinte et ils avancèrent de concert vers la Serre Æther. Elsa-Mina les y attendait et, remarquant leurs doigts enlacés, lança en riant :

« Il semble que Beauté ne sois pas la seule à avoir un charme ravageur !
- Oh ! Fit Régis, comme gêné, couvrant de sa main libre leurs doigts entremêlés. Nous... nous sommes trouvés des points communs. Se perdre toute une nuit dans la jungle, ça crée des liens. »

Ils rirent ensemble et l'atmosphère se détendit... Sauf pour Lunala. Restée en observation, le temps qu'un humain ouvre la porte, elle s'était cachée à l'ombre du bâtiment, usant de ses capacités de Spectre pour ne faire qu'un avec les ténèbres. Quelque chose, dans la structure du bâtiment, l'empêchait de rentrer autrement. Ce qu'elle venait de voir et d'entendre la scandalisa tellement qu'elle en oublia de se concentrer et redevint visible. Or, le soir, des patrouilles étaient organisées sur l'île Æther, officiellement pour éviter un drame comme celui de la Nuit Rocket, officieusement pour rattraper les Pokémons qui tenteraient de s'enfuir. Les rondes s'effectuaient en compagnie de Lougarocs et de Démolosses, habitués à l'obscurité et dotés d'un bon odorat. Les intrus comme les fuyards étaient ainsi très vite appréhendés. C'est ainsi que l'un des gardes surprit Lunala et lui décocha une fléchette anesthésiante en plein cou. La tête lui tourna tandis que deux autres fléchettes se plantaient sur sa membrane bleutée et elle eut tout juste le temps de retrouver sa dimension qu'elle sombra dans un profond sommeil.

Pendant ce temps, Aéla et Régis avançaient à nouveau vers la porte blindée. Paradoxalement, plus le moment fatidique approchait, plus Aéla se détendait. La Messagère prenait le pas, la mission de sauvetage ne pouvait plus échouer. Elle laissait glisser sa peur comme un manteau trop lourd pour entrer dans le même état transcendant de concentration qu'elle avait atteint sur la glace. C'était presque comme si une autre âme avait investi son corps. En tant que Porteur, Régis pouvait sentir que ce n'était pas le cas mais la force qu'elle dégageait, elle qui semblait si fragile, quelques minutes auparavant... C'était irréel. Il ne put s'empêcher d'envier la Messagère, car lui-même doutait toujours. Il enfermait sa crainte dans un tout petit coin sombre de son esprit, mais elle était bien là, il en avait pleinement conscience. Et il ne cessait de la combattre car, à l'instar d'Aéla, il ne pouvait se permettre d'échouer.

Sur ces pensées, ils étaient arrivés à la porte. Régis ne portait pas sa ceinture de Dresseur, mais il avait son Sac et ses Pokéballs étaient dissimulées sous ses vêtements. Il porta la main à la Ball de son fidèle Noctali, prêt à dégainer. Ils devaient agir vite. Dès que le déclic annonciateur de l'ouverture se fit entendre, un bruit de Pokéball qui s'ouvre retentit dans le couloir et en une puissante Vive-Attaque, Noctali mit K.O. le directeur Saubohne, la sous-directrice Vicky et la présidente Elsa-Mina. C'était presque trop beau pour être vrai. En une action, ils avaient déjà gagné. Ne restait plus qu'à entrer et délivrer Beauté. Régis rappela son Noctali et sortit son Nidoking. En construisant leur plan, ils s'étaient dit que l'Ultralaser de Nidoking avait des chances de briser le verre. A défaut, ils pourraient toujours se rabattre sur la précision de son Koud'korne pour ouvrir une brèche. C'était le moment de vérité.

Pendant Aéla s'occupait de faire le guet, Régis lança Ultralaser sur la cage de verre et le monde vacilla. L'attaque de Nidoking avait été renvoyée à l'envoyeur, frappant de plein fouet le lanceur et son Dresseur. Ils volèrent, sonnés, quasiment jusqu'à l'entrée, où le jeune Professeur fut écrasé sous son Pokémon. Quand ils touchèrent le sol, la quasi-totalité de ses côtes se brisèrent en un craquement sinistre et il hurla de douleur. Tout ceci n'avait duré qu'une fraction de seconde. Entre l'impact de l'Ultralaser sur le verre et la chute brutale de Régis et Nidoking, Aéla n'avait même pas eu le temps de se retourner. L'impact avait été d'une violence inouïe. Bien qu'en état de choc, Régis parvint à suffisamment rassembler ses esprits pour rappeler Nidoking, enlevant ainsi un poids considérable de ses côtes endolories. Il tenta de se lever, bien qu'Aéla lui intimait le contraire, ce qui lui tourna si fort la tête qu'il en vomit. Ses perceptions étaient complètement déréglées. Tout tanguait, tout devenait flou. Il s'accrocha, aussi longtemps qu'il put, à la voix paniquée d'Aéla qui le sommait de rester éveillé en le tenant dans ses bras, mais la douleur l'emporta et il sombra dans l'inconscience.

Aéla était perdue. Elle ne pouvait pas transporter Régis, où que ce soit. Non seulement, il était trop lourd pour elle mais en plus, elle risquait de le blesser davantage. Un mélange de vomi et de sang barbouillait les lèvres du jeune prodige. Non. Cela ne pouvait pas se finir ainsi. Il fallait qu'elle le sauve. Et il fallait faire vite. Le hurlement qu'il avait poussé avait résonné dans toute la Fondation. L'endroit serait bientôt rempli de gardes. Qui sait ce qui leur arriverait, dès lors ? Elle avait beau chercher, cependant, elle ne voyait rien qui puisse servir à le transporter. Le « clap » significatif d'un applaudissement retentit dans la pièce sombre. Trois claps, en fait. Très lents. Comme une moquerie. Quelqu'un se leva, dans le noir et se mit à marcher, tranquillement, en déclarant :

« Mes hommages ! Je ne m'attendais pas à un tel spectacle ! Vous étiez fort divertissants, tous les deux... Effectuer un Ultralaser sur une barrière en Gemmes de Strassies, connus pour leur grand pouvoir réfléchissant, il fallait oser !
- Qui êtes-vous ? s'écria Aéla, en se penchant un peu plus sur Régis, pour faire écran de son corps. Montrez-vous, lâche !
- Lâche, moi ? répondit l'intéressé. Oh, voyons ma chère ! N'est-ce pas vous, la lâche, qui avez utilisé Elsa-Mina pour vous introduire ici ? Vos intentions n'étaient clairement pas celles que vous aviez annoncées, n'est-ce pas ?
- Et vous ? Ne lui avez-vous pas menti sur ce que vous faisiez dans SON Laboratoire ? Ne lui aviez-vous pas dit qu'il s'agissait d'une barrière en verre, par exemple ?
- Oh ! Voyons ! Ce n'étaient que de tous petits mensonges, pour le progrès de la science ! Vous ne pouvez pas m'en vouloir ! »

Une lumière aveuglante éclaira subitement la pièce, brûlant les yeux d'Aéla au point qu'elle dut les garder fermés pendant quelques minutes.

« Excusez pour l'éclairage. Il doit être un peu cru, pour vous. Cela aurait sans doute été plus facile à supporter, avec des Lunettes Noires mais bon... Je suppose que vous n'en aviez pas. »

La voix s'était dangereusement rapprochée. Aéla ne voyait aucune issue, bien qu'elle n'en laissait rien paraître. Où était donc Lunala ? En tant que Gardienne, elle aurait dû intervenir depuis longtemps ! D'autant qu'elle y était contrainte, par l'acceptation de sa mission. Quelque chose clochait et, en l'absence de sa carte maîtresse, Aéla se retrouvait sans défense, Régis dans un état critique. Elle n'avait plus qu'une option : gagner du temps.

« J'imagine que ce doit être moins désagréable, avec la protection adéquate, reprit-elle, d'une voix lourde de colère mais plus contrôlée. Seriez-vous le Professeur Servil, à tout hasard ?
- Au hasard d'Elsa-Mina, je suppose ! s'écria-t-il, soudain furieux. Cette petite a la langue bien trop pendue !
- Cette petite est vôtre supérieure !
- Vraiment ? Ce n'est pas ce que stipule notre arrangement, pourtant... »

Voilà qui était nouveau. Les rumeurs et les soupçons de Régis étaient donc fondés : des activités louches entachaient la Fondation Æther. Elle se promit d'en faire part à son père, si jamais elle en sortait vivante, mais elle ne se faisait guère d'illusions sur leur sort : le Paradis Æther serait leur tombeau. Le slogan « Le Paradis Æther, le Paradis sur Terre ! » lui revint et un ricanement amer lui échappa. Visiblement, on était, ici, plus proche de l'Enfer que du Paradis. Le « Professeur » Servil ne releva pas et poursuivit :

« Les gardes ont été prévenus dès votre arrivée, dans cette pièce. Je vous soupçonnais de fomenter quelque plan ridicule et le dispositif de sécurité a été renforcé. Ils prennent leur temps, cela dit. Ils doivent encore être à la recherche du soi-disant mystérieux Pokémon qui rôderait dans les parages ! Un garde lui aurait tiré dessus à trois reprises. Hmpf ! Si cela avait été le cas, le Pokémon aurait déjà été cueilli, au vu de la dose d'anesthésiants que cela représente ! »

A ces mots, Aéla ne put retenir sa surprise. C'était donc ça ! Lunala ne pouvait leur venir en aide parce qu'elle dormait ! Elle avait dû retourner dans sa dimension, ce qui expliquait qu'on ne lui ait pas mis la main dessus. Si tel était bien le cas, tout espoir était perdu. Elle mettrait sans doute des heures à se réveiller, et des heures dans sa dimension, ce serait une semaine entière, pour eux ! Elle tenta de se reprendre mais Servil, plus attentif qu'un Miradar, avait perçu son émoi.

« Ainsi, le garde n'a pas menti. Et il semblerait que le Pokémon soit un de vos amis. Dites-moi, continua-t-il plus bas, ce Pokémon... Est-il puissant ?
- Je ne vous dirai rien du tout ! fit mine de s'insurger Aéla. A moins...
- Oui ?
- A moins que vous ne soigniez Régis. »

Elle l'avait lancé comme une bravade, sans trop savoir ce qu'elle disait. Ouvrant enfin les yeux, elle découvrit le Professeur Servil à moins d'un mètre d'eux. Elle l'avait entendu se rapprocher, mais pas à ce point. L'homme était grand, maigre, les cheveux courts et grisonnants. Ses yeux gris de prédateur semblaient aussi affûtés que des lames. Son visage glabre accentuait le creux de ses joues. Il faisait peur à voir.

« Vendu, déclara-t-il, stoïque. Après tout, rien ne m'empêche de le soigner et de le tuer ensuite.
- A dire vrai, il y a bien quelque chose qui vous en empêche...
- Pas le moins du monde. Tu m'as demandé de soigner ton... ami. Je le ferai donc soigner.
- Mais ça, ce n'est valable que pour les informations, répondit-elle, énigmatique.
- Qu'entends-tu par là ? grogna Servil.
- Quel intérêt pour vous d'avoir des informations sur un Pokémon que vous ne pourrez ni voir, ni toucher, ni entendre ?
- Il réapparaîtra bien un jour ! Répondit-il en chassant l'argument d'un geste de la main, comme un Bombydou inopportun.
- Pas sans moi. Ce Pokémon ne peut se manifester qu'en ma présence. Si je meurs, il pourrait bien disparaître pour les cent ans à venir. »

Il la somma, du regard, de continuer, mais elle secoua la tête, le sourire aux lèvres en désignant Régis.

« Argh ! Une équipe est sur le point d'arriver. J'ai demandé des médecins, pour ceux qu vous avez assommés. Ils s'occuperont de lui. »

C'était une affaire rondement menée. Au final, la fuite de ses émotions avait permis, sans trop en dire sur Lunala, non seulement de gagner du temps mais, en plus, de sauver Régis. Tout n'était peut-être pas encore joué. S'ils parvenaient à s'enfuir, ils n'auraient plus qu'à contacter les Forces de la Police Internationale et la Fondation tomberait. Ils ne pourraient réussir qu'avec l'aide de Lunala, cependant. Tout reposait sur le Pokémon astral. Une équipe de médecins et de Leuphories débarqua, flanquée d'un contingent de gardes, armés jusqu'aux dents. Ils entourèrent Aéla, la pointant de leurs fusils, mais elle fixait, sans ciller, le Professeur Servil. Elle ne baissa le regard que quand un Leuphorie entreprit d'examiner Régis. Elle lui expliqua, avec son don de Messagère, ce qu'il s'était produit et il agit en conséquence, lui renvoyant l'idée qu'il n'était pas certain de pouvoir le sauver. Son cœur chancela mais elle acquiesça simplement, tentant, au mieux, de cacher sa détresse. Ils savaient que ce plan était une folie avant même de le mettre en œuvre. Ils savaient qu'ils risquaient gros. Mais en faire l'amère expérience, c'était tout autre chose...

Quand ils l'emmenèrent loin d'elle, Aéla protesta et se débattit comme un Vigoroth. Servil marmonna quelque chose et ils la Ligotèrent avant de la conduire à la salle d'opération. Elle resta des jours entiers à son chevet. Il respirait difficilement, au début, mais les Vibra Soins réguliers de dizaines de petits Guérilandes accélérèrent sa régénération. Il se réveillait, de temps à autre, et sombrait presque aussitôt dans le sommeil, à nouveau. Au bout d'environ une semaine, les médecins estimèrent qu'il s'était suffisamment remis pour bientôt pouvoir se lever. Le Professeur Servil les firent conduire dans la pièce sécurisée et attachés à des chaises spécifiques. Bras, poignets, cuisses et tibias étaient cerclés de métal. Inutile de chercher à fuir, les entraves fonctionnaient comme une Etreinte : plus vous bougiez, plus l'étau se resserrait.

C'est dans cette position que Régis se réveilla définitivement. Encore sonné, il lui fallut quelques minutes pour se remettre de sa semaine de convalescence et prendre conscience de ce qui l'entourait. Tout était flou et vacillait, mais cette fois, son estomac tint bon, ce qui fut d'autant plus facile qu'il était vide. Sa perfusion avait été arrêtée quelques heures auparavant mais jusque là, c'était par ce biais qu'on l'avait nourri. Le retour à la réalité fut rude. La lumière crue de la pièce blindée lui meurtrissait les yeux. Les entraves étaient si serrées qu'elles pénétreraient dans sa chair, au moindre mouvement. A sa gauche, Aéla l'observait, inquiète. Mais le pire était devant lui.

Juste sous ses yeux, Beauté, était allongée sur ce qui ressemblait à une table de dissection. Maintenue et bâillonnée par des liens de Gemme, elle les suppliait du regard, Aéla et lui. Il voulut esquisser un geste dans sa direction mais ses propres liens lui rappelèrent douloureusement qu'il était, lui aussi, prisonnier, ce qui lui arracha un cri. Servil, affairé, jusqu'alors, à préparer quelque chose qu'ils ne pouvaient distinguer, se retourna immédiatement. Un large sourire éclaira son visage et il lança, joyeusement :

« Ah ! Voilà ! Notre jeune prodige est de retour du royaume des morts ! J'espère que le voyage n'a pas été trop difficile ! Vous avez de la chance, vous savez ? Sans vôtre charmante assistante, vous ne seriez jamais revenu ! »

Régis perçut le sous-entendu : s'il n'avait été que de son avis, le plus jeune Professeur Pokémon de l'histoire aurait été effacé de la surface de la Terre. Il ne semblait pas du genre à négocier. Qu'avait pu offrir Aéla, en échange de sa vie ? Il lui jeta un coup d'œil inquiet et elle lui sourit tristement, en retour. Cela ne présageait rien de bon.

« Elle s'est proposée de me livrer un Pokémon particulier, qui a été vu ici, le jour de vôtre intrusion, il y a une semaine », expliqua Servil, répondant à la question muette de Régis.

Une semaine ? Il avait dormi si longtemps ? Et la situation était-elle si critique ? La Messagère ne pouvait pas simplement trahir Lunala ! Il l'interrogea du regard et elle le fixa intensément, sans aucune expression sur le visage. Il comprit : elle n'avait pas l'intention de nuire à la Gardienne, mais elle ne pouvait pas non plus lui parler de son plan. Soulagé, il revint à Servil et parvint, après quelques essais, à articuler :

« C'est bien beau, tout ça, mais que faisons-nous là ?
- Ce que vous faites là ? répéta Servil, les yeux brillant d'un éclat malsain. Très cher ! Vous aviez demandé à obtenir toutes les informations sur les découvertes que nous ferions au sujet d'UC-02, si je ne m'abuse. Je me suis dit que le mieux à faire, pour récompenser vôtre intérêt dévorant pour nos recherches, était de vous les MONTRER. Je vous ai fait installer aux premières loges ! Sur ce, pouvons-nous commencer ?
- Non ! s'écria Aéla, éperdue.
- Vôtre avis m'importe peu, très chère. Vous n'êtes même pas membre de la communauté scientifique.
- Vous non plus, rétorqua Régis. Je me souviens de vous, le Professeur Hibis vous a évoqué. Vous vous êtes associé à la Team Rocket et avez perdu votre agrégation. Vous n'êtes même pas Professeur !
- C'est vrai, je ne le suis plus, grâce à ce cher Hibis. Il n'empêche que je reste un Scientifique. Alors tenez-vous prêts, l'expérience va commencer ! »

A peine eut-il débuté sa série de tortures qu'Aéla hurla, se tordant dans tous les sens comme si c'était elle, le sujet d'expériences. Beauté pleurait, se débattant autant que possible, mais l'épais bâillon de verre qui lui tenait la tête l'empêchait de crier. Aéla semblait exprimer sa douleur à sa place. Servil ne s'interrompit pas tout de suite, mais quand il le fit, il remarqua que la fille Gerand s'était calmée aussi. Il lui fit mettre un bandeau sur les yeux et tortura à nouveau Beauté. A nouveau, Aéla hurla. C'était clair, dès lors : elle ressentait la douleur de la Chimère... et pas qu'à moitié ! Les brûlures, les coupures, les électrocutions étaient aussi vives dans sa chair que dans celle de Beauté. C'était une douleur indescriptible. Régis, impuissant, assistait au sinistre spectacle en se maudissant d'avoir embarqué Aéla dans cette histoire. Il bouillonnait de rage, tant et si bien que quelque chose se libéra en lui. Il était DEVENU la rage. Son corps dégagea une énergie qui résonna avec celle de Beauté. Leurs yeux devinrent rouges et le « Paradis » Æther se mit à trembler jusque dans ses fondations.

Le Porteur de Changement utilisait, pour la première fois, toute l'étendue de ses pouvoirs. Aussi brûlant qu'une horde de Boumatas, il faisait chauffer ses entraves à blanc. Entrant en communion avec l'âme de Beauté, il déchaîna sa puissance et sa fureur. Les liens, bien qu'en cristaux de Strassies, cédèrent rapidement et Régis se calma, soulagé de voir Beauté libre... mais elle continua. Enfin libérée de son geôlier, qui ne cessait de répéter « C'est impossible... », collé contre la table de ses instruments de torture, elle se leva, le darda du regard et se mit à rayonner, de plus en plus fort. Alors qu'elle se sacrifiait pour faire tomber le Laboratoire, une ombre fondit à une vitesse fulgurante sur Aéla et Régis, les enveloppant dans un manteau de nuit.

Quand ils ouvrirent les yeux, ils se trouvèrent dans les bras l'un de l'autre, dans la dimension Lunala. Soulagés d'être en vie, ils s'autorisèrent un soupir et un sourire avant de demander...

« Comment vous vous êtes retrouvés là ? C'est simple, pourtant ! Je vous ai secourus, s'exclama Lunala, toujours aussi espiègle.
- Lunala ! Je te demande pardon ! Nous avons échoué... »

La Messagère s'était inclinée, un genou en terre, pour exprimer son désarroi. Mais Lunala lui répondit : « Pas encore »... et sa dimension disparut, laissant Régis et Aéla sur les débris de l'île Æther, au point du jour. Tout était dévasté, autour d'eux et ils mirent un certain temps à fouiller les décombres, à la recherche de leurs affaires. Il trouvèrent l'essentiel : les Pokéballs de Régis. Soulagés, ils se rendirent au port, seul endroit de l'île où ils pouvaient Surfer. Ce n'est qu'une fois en sûreté, sur le dos de Tortank, que Régis remarqua que le soleil ne se levait pas.