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A travers le vent de Titichat13



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» Auteur : Titichat13 - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 12:18
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 12:18

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 3 : La marche du temps
Après le Serment solennel du Professeur Hibis, Solgaleo s'en alla, afin de patrouiller sur son territoire à la recherche d'éventuels problèmes. La nuit avait été longue pour tout le monde, même pour les deux petits bouts de Sucroquins qui s'étaient endormis, mais il fallait se mettre au travail. Gaïa rentra avec les petits, Aléa prit une douche rapide et fila au LAPP tandis que le Professeur s'y rendait directement, songeur. Les expériences relatées par Aléa et Solgaleo étaient indignes de tout Professeur Pokémon qui se respectait. Comment Servil avait-il pu tomber si bas ? Et, maintenant qu'il y pensait, sa caution était colossale. Scandalisé comme il l'avait été, en apprenant la nouvelle de sa libération, il n'y avait pas réfléchi sérieusement. Mais seule une grande organisation ou quelqu'un d'extrêmement riche pourrait payer une telle somme. Se pourrait-il que... ?

Après une matinée éprouvante, Aléa et Hibis descendirent au centre Pokémon où ils dormirent plusieurs heures, au milieu des blessés, avant de reprendre leur travail. A leur réveil, un tout petit Plumeline, tombé de son nid, dormait sur la tête du Professeur et un Bébécaille, blessé lors de l'effondrement partiel de sa Grotte, s'était lové sur les genoux d'Aléa. Les autres Pokémons du CPI, ceux en état de bouger, s'étaient également rapprochés, formant une horde hétérogène. Ils quittèrent l'endroit sur la pointe des pieds, en prenant garde de ne pas marcher, malencontreusement, sur une queue de Tritox ou de Tiboudet. Hors de portée de leurs oreilles, afin de les laisser dormir, ils s'étaient mis à rire comme des enfants de ce petit moment de joie toute simple. Le reste de la journée défila sans qu'ils ne le remarquent. Au crépuscule, ils se rendirent au point de rendez-vous du Lion Solaire, mais seulement pour l'informer qu'ils étaient éreintés et ne reviendraient que le lendemain. Solgaleo, ayant aspiré l'énergie du soleil, allait beaucoup mieux, mais lui-même préféra se coucher tôt et tous rentrèrent chez eux.

Le Professeur dormit très mal. On aurait dit qu'un Mimiqui lui lançait des Dévorêves en continu ! Même dans son sommeil, il ne cessait de se demander si la libération de Servil indiquait une résurgence de la Team Rocket, ou une autre Team en formation. Récemment, la Team Skull avait fait des siennes, mais ce n'était encore que des gamins désœuvrés. Elle n'avait clairement pas l'envergure nécessaire, et encore moins il y a deux ans, pour libérer l'ex-Professeur de prison... Cela dit, la Team Rocket non plus. Démantelée par les Forces de la Police Internationale, privée d'un chef parti se terrer dans une caverne, la Team Rocket n'avait plus, de Team, que le nom. Alors qui ? Il se jura de chercher, dès le lendemain, la réponse à sa question, ce qui lui permit d'enfin trouver le sommeil.

Quand Aléa arriva au LAPP, ce jour-là, elle n'y trouva pas le Professeur. Personne ne semblait l'avoir vu, il n'avait pas laissé de notes sur son bureau et il ne répondait pas au PC. Après le scandale du Holokit, à Kalos, il y a trois ans, les communications portables étaient très mal vues, à Alola, et la plupart des gens y étaient farouchement réfractaires. La Team Flare avait espionné toutes les conversations de ses utilisateurs et s'en était servi pour ramener l'arme légendaire qui avait mis fin à la guerre, trois milles ans auparavant. Il y avait de quoi se méfier de ce genre d'appareils... Le Professeur Hibis, lui, n'en voyait simplement pas l'intérêt, puisque quand il était sur le terrain, la moindre conversation pouvait perturber ses recherches. Aussi n'avait-il jamais rien acquis, du téléphone au Vokit, qui lui permette d’être contacté lors de ses déplacements. C'était d'ailleurs ce pour quoi il avait besoin d'une assistante : qu'il lui arrive quoi que ce soit et elle devrait prévenir l'équipe au plus vite. Il ne sortait, donc, jamais seul. Alors... pourquoi ce soudain silence ?

Ce n'est que vers midi qu'ils eurent la réponse. Appelant du PC de la mairie d'Ekaéka, il leur dit :

« Bonjour tout le monde ! Je suis désolé ! J'avais des démarches administratives à faire, à la mairie ! Ça m'avait complètement échappé !
- Professeur ! se fâcha Aléa. Tout le monde a eu peur qu'il vous soit arrivé quelque chose !
- Pardonne-moi, ma petite Aléa, j'ai mal dormi et je n'ai pas l'Esprit Vital. Quand j'ai vu que j'étais en retard, je me suis précipité et le temps de faire mes démarches, il était déjà midi... » dit-il d'un air contrit.

Quelque chose n'allait pas. C'était la première fois, en cinq ans, qu'il l'appelait « ma petite Aléa ». Il lui avait donné beaucoup de surnoms : « Parecool » (quand elle tombait de fatigue, le soir, en exploration), « Miss Agitation » (parce qu'elle agissait plus qu'elle ne réfléchissait et qu'elle était souvent dans la lune), « mon assistante » (avec, parfois, un petit « préférée » en plus), « ma partenaire » (pour la danse), « mon petit Poussifeu » (quand il s'attendrissait), Leuphorie (en règle générale) mais jamais il n'avait utilisé son nom, jamais affectueusement, en tout cas. Il ne l'appelait Aléa que quand il avait eu très peur pour elle et/ou qu'il la grondait. Or, là, il ne la grondait pas. Il semblait plus « doux » qu'à l'ordinaire, et ce n'était pas le manque de sommeil qui jouait sur ce point : il avait quelque chose en tête et se faisait porter pâle.

Il lut dans le regard d'Aléa qu'elle avait comprit son manège mais pour ne pas éveiller les soupçons, il persista en lui adressant un clin d'œil :

« Aléa, mon petit Poussifeu, tu voudras bien finir de taper mon rapport pour moi ?
- Comment ? Vous souhaitez faire de moi vôtre Rattata pendant que vous, ô, roi Rattatac, partez vous amuser en ville, hein ? s'offusqua-t-elle, rentrant dans son jeu.
- Allons, allons ! Que direz Gaïa si elle te voyait aussi mesquine... ? »

Ils se rendirent tous deux immédiatement compte de son erreur... Le Professeur n'appelait JAMAIS Gaïa par son prénom. Il utilisait toutes sortes de dénominations, mais pas celle-là... Si ça avait pu passer inaperçu pour Aléa, qu'il appelait quand même, de temps en temps, nommément, ce n'était absolument pas le cas pour la directrice. Un silence de Lugulabre s'installa. Puis, d'un coup, un flot de questions submergèrent Hibis, à la manière d'un Surf. Dans la cacophonie générale qui en résultait, certaines questions s'échappaient par moments, comme « Depuis quand sortez-vous avec la directrice ? » ou « Est-ce pour cela que l'on vous a vus ensemble ? », etc... ce qui détendit fortement le Professeur et son assistante, car ils pouvaient profiter de cette confusion à leur avantage. Hibis, sincèrement gêné, tentait de calmer ses collègues quand Aléa pris un gros rapport et l'abattit sur une table voisine pour obtenir le silence. Sur quoi, elle se racla la gorge et déclara :

« Je confirme qu'il y a une histoire louche entre madame la directrice et le Professeur Hibis ! Il n'y aura pas d'autres Confidences sur le sujet jusqu'à ce qu'ils soient prêts à nous en parler ! Et, Professeur, je veux bien faire vos sales besognes, mais juste pour cette fois ! Demain, il va falloir venir TRA-VA-ILLER !
- Oui, ma p'tite dame ! répondit-il au garde-à-vous.
- Bien ! Puisque nous nous sommes compris, tout le monde au boulot ! »

Elle attendit que tous se soient dispersés avant d'ajouter un petit « Revenez vite » et d'éteindre la communication. Peu importait dans quoi il se fourrait, elle avait un mauvais pressentiment. Il valait mieux qu'ils soient deux, dans cette galère, elle en était persuadée. Elle confronterait le Professeur dès le lendemain et le forcerait à l'emmener, la prochaine fois qu'il devrait partir. Arrivée à son bureau, elle oublia bien vite ses préoccupations face à l'immense quantité de travail en retard que le Professeur avait laissé. D'abord aussi énervée qu'un troupeau d'Ecremeuhs qui Charge, elle usa de sa Furie pour tout remettre à jour et en ordre, si bien qu'à la fin de la journée, le bureau était d'une netteté impeccable. Tout en se demandant s'il n'y avait pas un Miaouss, au LAPP, pour lui donner une petite augmentation à coups de Jackpot, elle s'était rhabillée avant de se traîner, aussi lentement qu'un Concombaffe, jusqu'à la plage.

Le Professeur ne vint pas, ce soir-là. Solgaleo lui-même s'en inquiéta. Hibis était aussi curieux que bienveillant, à son sujet, et il lui avait promis, la veille, qu'il serait présent. Mais il ne l'était pas. Quand Aléa lui expliqua les événements de la journée, il lui répondit par le même sentiment de malaise qu'elle avait ressenti. Comme s'ils étaient dotés d'une Anticipation capable de déceler les Pièges ennemis.... et que le Professeur fonçait droit sur l'un d'entre eux. Une nouvelle urgente les arracha à leurs inquiétudes. Bien que le laissant au Laboratoire ou sur son bureau, à l'orphelinat, la plupart du temps, Aléa possédait un téléphone portable. C'était une très ancienne génération d'appareils, sans écran pour visualiser son interlocuteur, mais c'était suffisant pour rester en contact avec l'équipe de nuit du LAPP, quand elle sortait avec ses amis ou ici, avec Solgaleo. A sa grande surprise, ce n'était pas l'équipe de nuit mais le Professeur Hibis lui-même qui l'appelait :

« Aléa ! s'écria-t-il dès qu'elle décrocha. Tu ne devineras jamais ce qu'il s'est passé! »

Il était euphorique. Presque autant qu'à la découverte de Solgaleo. Ce dernier suivait l'échange d'un air curieux.

« Laissez-moi essayer : le Laboratoire de la Fondation Æther a capturé une des UC ? se hasarda-t-elle, sans vraiment y croire.
- Mais... Comment l'as-tu su ? »

Elle se frappa le front de sa paume libre, consternée. Parfois, elle échafaudait des hypothèses saugrenues et, comme sous le coup d'une Prescience, elle tombait juste. Si le Professeur le lui avait annoncé, elle n'y aurait jamais crû... Les UC, ou Ultra-Chimères, étaient des Pokémons tellement rares et puissants qu'on les considérait comme légendaires. L'appellation était différente pour eux car AUCUN RAPPORT ni conte ni légende ne traitait de leurs existences. Soit c'étaient des Pokémons apparus tout récemment, soit ils ne s'étaient jamais montrés aux hommes. Si tel était le cas, pourquoi venir maintenant ?

« Quoiqu'il en soit, ta présence est requise sur-le-champ ! Tous les Scientifiques sont invités à voir le spécimen ce soir !
- Bien, j'arrive sans tarder. »

Quand elle quitta la conversation, Aléa remarqua que Solgaleo l'observait avec le même calme apparent que son père. Elle le sentait tracassé mais son corps n'exprimait rien. Il prit une décision, qu'il lui cacha, et se retourna vivement avant de courir, sa crinière embrasée sous les derniers éclats du soleil couchant, tel un Galopa. Elle n'eut pas le loisir de se poser de questions, cependant : le dernier bac pour le Paradis Æther, l'île artificielle de la Fondation, partait quelques minutes plus tard. Cette découverte était unique et ne serait sans doute pas accessible longtemps, les recherches de la Fondation étant tenues au secret.

Arrivée sur place, Aléa se heurta à l'attroupement généré par l'annonce de la capture. Elle chercha, en vain, le Professeur Hibis des yeux puis tenta de se faufiler à travers les Scientifiques pour le retrouver. Mal lui en prit ! Elle fut coincée comme un Manglouton sous un Ronflex utilisant sa capacité Z ! Impossible de bouger et elle en serait tombée K.O. si Elsa-Mina, la Présidente, n'était venue, en personne, contenir la curiosité de la foule. Annonçant qu'ils rentreraient tous par groupes de six, elle fit mettre tout le monde en rang et procéda à la visite. Ce fut Hibis qui trouva Aléa, encore un peu confuse d'avoir tant manqué d'oxygène. Avec quatre autres Scientifiques du Laboratoire d'Agrégation, ils entrèrent, après ce qui leur parut être une éternité, dans la Serre Æther.

C'était un endroit de toute beauté. A l'instar du LAPP, la Serre était un immense dôme de verre, mais celui-ci n'abritait que deux zones : la forêt tropicale et les bassins des Pokémons Eau. Les chemins qui traversaient la verrière étaient agencés de façon à déranger le moins possible les Pokémons. Comme au LAPP, le but était de réhabituer les Pokémons à leur environnement avant de les relâcher, qu'ils aient été victimes des Teams ou de la pollution. Tout semblait propre et net mais des rumeurs couraient sur l'endroit. Le financement obscur et privé de la Fondation ainsi que leurs recherches secrètes inquiétaient la communauté scientifique. Derrière le Bouclier-Carcan de la Fondation Æther, que se cachait-il ? Aucune activité louche n'avait été exposée au grand jour, mais les ragots persistaient. Ils gagnaient même en force à mesure que la Fondation se privatisait... La Serre Æther n'était pas la seule partie du complexe, et le cœur de la Fondation, le lieu de toutes les expérimentations, se trouvait derrière le dôme, dans un bâtiment austère mais immense, appelé « RA », pour Recherches Æther. C'était là que la Chimère précédemment capturée se situait. Les chercheurs du LAPP retinrent leurs souffles quand le Professeur Saubohne, Professeur officiel et directeur de la Fondation, poussa devant eux les portes du RA.

La stupeur les foudroya aussi sûrement qu'une Pikachute ! L'endroit contrastait tellement avec la Serre que c'était comme s'ils avaient changé d'univers. Tout était blanc et froid. Après l'abondance de verdure, de Pokémons et de couleurs, il n'y avait plus qu'un long couloir blanc, parsemé de portes également blanches, une vive lumière crue éclairant le tout. Ils traversèrent la totalité de l'infini couloir pour arriver devant une porte spéciale, plus grande et visiblement plus robuste que les précédentes. La sous-directrice Vicky les y attendait, son éternel sourire ornant délicatement ses lèvres. Parfaitement coordonnés, Saubohne et Vicky sortirent chacun, de leurs poches, un Pass. Se plaçant, exactement en même temps, devant un lecteur, ils se penchèrent et un scanner analysa leurs yeux. En une fraction de seconde, ils firent glisser leurs Pass en totale synchronisation puis déclinèrent leur identité au micro qui se présenta devant eux. La sécurité était drastique ! Aucune chambre du LAPP ne nécessitait ne serait-ce que la moitié des barrières établies ici.

Il faut dire que le Laboratoire d'Agrégation ne capturait pas de Pokémons et ne faisait de la recherche que sur le terrain. Nul besoin de porte massive fermée à double tour, dès lors. Paradoxalement, c'est également ce qui causa sa perte, lors de la « Nuit Rocket ». A l'époque, la verrière Ténéfix n'existait pas encore. Cela valait mieux, d'ailleurs, car si elle avait été debout, la Team Rocket l'aurait sûrement saccagée, provoquant les blessures, voire la mort, de nombreux humains et Pokémons. A l'époque, donc, le LAPP n'était qu'un tout petit Laboratoire, constitué uniquement de la partie souterraine et du bloc cafétéria, ce dernier étant en bois, et non en béton. De loin, cela ressemblait fort à l'orphelinat Gaïa, hormis que le LAPP était établi de plain-pied et non sur pilotis. L'ascenseur n'avait pas même une clé pour en sécuriser le passage. Tout était libre d'accès. La seule protection du LAPP était son isolement. Cela ne suffit guère, lors de la Nuit Rocket. Après l'orphelinat, le Laboratoire fut attaqué et pillé par des dizaines de sbires, qui ne rencontrèrent aucune résistance, les Pokémons étant trop affaiblis et les chercheurs n'étant pas dresseurs eux-mêmes... Si seulement Régis Chen avait été là ! Il n'était venu étudier que des années plus tard mais ce petit avait été une sacrée graine de Dresseur ! Avec son ami et rival, Sacha, devenu Maître Pokémon de Kanto, ils avaient même été qualifiés pour plusieurs Ligues Pokémon. Il aurait terrassé la Rocket, à coup sûr ! Mais il n'était pas encore là et le LAPP fut pris d'assaut. Fort heureusement, aucun blessé ne fut à dénombrer, mais les Pokémons furent tous capturés par la Rocket avant que les Forces de la Police Internationale ne leur viennent en aide, quelques jours plus tard. De plus, la partie visible du LAPP fut incendiée et ce n'est qu'un an plus tard qu'il fut rénové.

Grâce aux efforts et à la participation, physique comme financière, de nombreux Professeurs célèbres, tels que le Professeur Sorbier, de Sinnoh, ou le Professeur Seko, de Hoenn, la verrière Ténéfix vit le jour, deux ans après la Nuit Rocket, et ce fut l'objet de la première conférence inter-régions du LAPP. Malgré les événements, cependant, la seule sécurité qui fut mise au point était une clé, utilisée uniquement en cas de vacance du dôme, autrement dit quand absolument personne ne s'y trouvait. Ne souhaitant pas céder à la peur, les Professeurs avaient décidé, d'un commun accord, que le LAPP devait rester aussi ouvert que l'esprit des Scientifiques qui s'y formaient. Aussi, tant qu'il restait quelqu'un, la porte était ouverte. De plus, tous les Professeurs Pokémons devaient disposer d'au moins un Pokémon en forme sur eux, pour défendre leurs recherches, et ce dans toutes les régions. Le Professeur Hibis dérogeait à la règle, par le biais d'une autorisation spéciale. En effet, avant d'étudier les Pokémons, il avait été, pendant deux ans, Ranger Pokémon, ou PokéRanger. Transportant toujours son appareil sur lui, il avait recueilli l'approbation de tous les Professeurs agrégés avant lui de s'en tenir à cette méthode et non au dressage. Les assistants, eux non plus, n'étaient pas obligés de dresser des Pokémons, ce qui poussa Aléa à refuser, à de nombreuses reprises, de passer le concours d'agrégation, bien qu'elle en eut largement le niveau. La sécurité passait donc uniquement par Hibis, Peupli et Raphaël Chen, les Professeurs du LAPP. Hibis s'occupait de l'équipe de jour, Peupli, de nuit et Raphaël Chen parcourait l'archipel afin de découvrir des dresseurs d'autres régions et d'étudier le comportement de leurs Pokémons à Alola. Ils étaient surnommés Protection, Barrière et Bouclier, du fait que d'eux seuls dépendait la sécurité du LAPP.

Les mesures prises au « Paradis Æther » leur semblaient démesurées. La nature de l’événement était, certes, unique, mais nécessitait-elle vraiment une telle débauche de moyens ? Si le Pokémon avait pu être capturé, c'était que l'on pouvait le vaincre. Dans ce cas, pourquoi un tel dispositif ? On se serait crû victime d'un Marque Ombre de Méga-Ectoplasma... et cette sensation se renforça davantage quand ils passèrent la porte massive. Toute la pièce était plongée dans le noir. D'inquiétants bruits de machinerie, comme des Tics et des Cliticlics s'assemblant ensembles, résonnaient alentour. Le Professeur Hibis, instinctivement, passa un bras protecteur autour des épaules d'Aléa, sans même lui jeter un regard, focalisé sur ses tentatives de percer l'obscurité. Ce n'est qu'alors qu'elle se rendit compte qu'elle tremblait. Comme un Chétiflor. L'excitation d'une découverte sans précédent avait bien vite été remplacée par la peur. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose qui lui faisait penser que le Laboratoire d'Agrégation des Professeurs Pokémon était un monde à part, heureux et innocent. Ici... L'air lui-même semblait lourd et menaçant. On disait que le Crachin de Kyogre était capable de noyer des continents. Aléa n'avait jamais été sur un continent, mais imaginer qu'une vaste étendue de terre puisse disparaître sous les eaux du dieu de la mer l'avait toujours effrayée. C'était la sensation qu'elle avait, en ce moment-même. La sensation que le monde allait se déchirer, et qu'ils en seraient responsables. Cette peur inexpliquée résonna dans le cœur du Lion Solaire, par delà les murs de la Fondation, et il lui renvoya ce sentiment. Quoiqu'il fut en train de se passer, chacun de leurs côtés, ils n'étaient pas rassurés.

La lumière s'alluma sur le centre de la pièce, qui s'avéra bien plus grande que ce que les Scientifiques du LAPP avaient prévu. Un magnifique spécimen leur apparut alors. Mélange d'insecte et d'homme, il était entièrement rouge, même si certaines parties étaient plus claires ou plus foncées, presque noires, que l'ensemble du corps. Sa tête était pourvue d'antennes et d'énormes yeux pâles, de la même couleur que les muscles saillants qui le recouvraient. Il disposait également d'une sorte de trompe, très foncée, à l'instar des Charmillions, mais droite et rigide, comme une très longue épine de Grindur. Son physique puissant faisait passer les Mackogneurs pour des Teddiursas, en comparaison. Deux fines ailes transparentes ornaient son dos. On sentait que, d'ordinaire, il était vaillant de cœur et de corps. Mais ce n'était pas le cas, ce soir-là. Enchaîné de toutes parts, il semblait épuisé, exactement comme ce qu'Aléa avait vu de la mère de Solgaleo. Bien qu'il n'ait pas de blessures apparentes, son état était très similaire. Elle entendit vaguement le Professeur s'insurger d'un tel traitement et le directeur de la Fondation Æther lui répondre que c'était le seul moyen de l'étudier, mais elle n'y prêta guère attention. Comme hypnotisée par le Pokémon, Aléa avançait, lentement, vers lui.

L'Ultra-Chimère 02, tel était son nom, leva le regard vers l'humaine qui s'approchait. Elle dégageait quelque chose d'étrange. L'instant d'avant, tous ne ressentaient que de la peur et de l'excitation, mais elle, elle en était dépourvue, à présent. C'était une femelle, à n'en point douter. Son dominant avait eu un geste protecteur, à son égard. Il l'avait perçu, dans le noir. Etrangement, elle portait sur elle une autre odeur, une autre énergie. Quelque chose qui lui rappelait la lumière dans laquelle il aimait se baigner. La lumière de l'Astre qui Court dans le Ciel. Son dominant aussi la portait, mais dans une bien moindre mesure. Tous les autres étaient « éteints ». Mais elle... Elle rayonnait. Elle irradiait de lumière mais aussi de chaleur. C'était si agréable. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'il sentait l'Astre passer... Mais que son pouvoir le touche l'avait manqué, plus que ce qu'il pensait jusqu'à présent. L'humaine... Elle lui parlait, mais pas avec sa bouche. Elle lui disait quelque chose, mais il ne comprenait pas. Elle se rapprochait toujours, elle montait les marches jusqu'à lui. Il commençait à « entendre ». Ce n'était pas elle, qui parlait. C'était le Messager de l'Astre. Il l'avait vu, au loin, veiller sur les Pokémons des îles. Il avait perçu sa nature. C'était le Messager. Sans aucun doute. Et il lui disait...

« Ne perds pas espoir, mon ami. Attends que l'on vienne te délivrer. Sois fort et sois prêt. »

S'il n'y avait pas eu tant de témoins, il aurait certainement pleuré de joie et de soulagement. Le Messager lui révéla son nom, Solgaleo, et celui de l'humaine, Aléa. UC-02 n'avait jamais eu de nom, aussi lui indiqua-t-il comment les humains l'appelaient. Solgaleo précisa qu'il pouvait avoir confiance en Aléa et en son dominant, « LeProfesseurHibis ». Un nom bien étrange, vraiment... De là où il était, il voyait bien le dominant humain montrer sa colère. Il avait compris que cela le concernait mais c'était si... irréaliste, après ce qu'il avait vécu, qu'un humain prenne sa défense. La phrase du Messager résonna dans son cœur et il comprit que ne pas perdre espoir signifiait aussi croire en l'être humain. C'était si dur... Exposé là, comme un monstre, à les voir passer, un à un, sans se soucier de son sort, juste de son corps...

Il avait, à nouveau, baissé la tête, comme abattu. Aléa tentait, avec l'appui de Solgaleo, de lui faire comprendre qu'ils ne le laisseraient pas ainsi, mais son cœur était si lourd, si fermé... Qu'avait-il vécu, lui aussi, pour refuser sa confiance de la sorte ? Il était plus qu'urgent de le faire sortir. Mais comment ? La sécurité était si élevée ! L'immense et épaisse porte était déjà un obstacle conséquent, mais les dizaines de chaînes qui entravaient l'Ultra-Chimère... La première Chimère avait eu tant de chances de ne pas être tombée dans leurs griffes... La Fondation l'avait poursuivie des années durant mais jamais elle n'avait pu l'attraper, et c'était une bonne chose. Aléa se tourna vers le Professeur Hibis, qui semblait tant en colère que consterné. Lui aussi réfléchissait à un moyen d'intervenir, quand le directeur Saubohne leur intima de partir. Désespérée, Aléa jeta un dernier regard à l'UC-02 et fut traînée dehors par les apprentis Scientifiques de la Fondation. Ce n'est qu'une fois dehors que le vent lui fit prendre conscience des larmes, sur ses joues. Quand les portes se refermèrent, derrière elle, elle tomba à genoux et ce n'est qu'au terme d'une très longue Etreinte, agrémentée de la voix douce du Professeur lui murmurant des paroles rassurantes, qu'elle se calma enfin et cessa de pleurer. Epuisée, elle s'endormit dans les bras d'Hibis, qui la porta jusqu'à l'orphelinat.

Le lendemain, Aléa s'était réveillée dans son lit, sans savoir comment elle y était arrivée. Elle s'était préparée, comme de coutume, mais plus lentement, plus tristement, et avait découvert le Professeur endormi sur la table de la salle à manger, une couverture sur les épaules, Gaïa prenant son café-au-lait matinal en souriant tendrement. Ses souvenirs de la veille s'étaient estompés. Elle se rappelait le Pokémon, le magnifique Pokémon enchaîné. Elle portait encore, dans sa chair, la douleur de l'abandonner. Mais après avoir quitté la salle... Plus rien ! La présence du Professeur ne pouvait signifier qu'une chose : elle était rentrée avec lui. Mais comment ? Le déchirement qu'elle avait ressenti avait forcé son propre esprit à lui cacher la suite des événements. Son cœur avait, par trop, été meurtri. Quand elle tenta de parler à Gaïa, sa gorge lui rappela douloureusement à quel point elle avait crié, quand on l'avait jetée dehors, et tout lui revint d'un coup. Ce sentiment de désespoir, qu'elle partageait tant avec Solgaleo qu'avec l'Ultra-Chimère... C'était comme si elle avait laissé une partie de son âme au Paradis Æther. Une soudaine détermination empoigna son cœur et elle appela le LAPP pour prévenir que ni elle ni le Professeur ne seraient présents, ce jour. Les assistants lui répondirent que des mesures avaient déjà été prises dans ce sens, Raphaël Chen étant venu prendre le relais. Une fois ceci réglé, elle sortit, en demandant, en Coupe-Vent, à Gaïa de lui envoyer, sur la plage de l'Ouest, le Professeur, dès son réveil. Elle savait qu'il s'y trouverait.

Et elle ne fut pas déçue. Contemplant l'océan, Solgaleo était assis, sur le sable qui commençait tout juste à chauffer. Il lui apprit qu'il ne patrouillerait pas, ce jour-là : la question d'UC-02 était trop importante. Il avait vu, à travers ses yeux, le traitement qui lui était infligé. Il ne pouvait se résoudre à l'abandonner. Elle acquiesça. Prenant place à ses côtés, elle lui demanda si c'était ce qu'il avait pressenti, car ce n'était pas son cas : ce qu'elle anticipait était bien plus sombre. Il confirma ses craintes en lui disant que le pire restait à venir et ils passèrent la matinée en silence, comme en deuil, à regarder les vagues s'écraser devant eux et à écouter les Pokémons s'affairer, comme si de rien n'était. Le Professeur finit par les rejoindre et excusa Gaïa, qui ne voulait pas impliquer les jumeaux dans cette affaire. Elle lui avait extorqué toute l'histoire en le voyant revenir, Aléa dans les bras, profondément endormie. Après avoir passé un long moment à tout lui conter par le menu, autour d'un expresso à la Illumis et de masaladas maison, il s'était lui-même écroulé de fatigue. Aléa nota qu'il était vêtu d'une chemise et d'un pantalon, ce qui ne lui ressemblait pas, ce à quoi il répliqua qu'il s'agissait d'habits empruntés au défunt mari de Gaïa, emporté par la maladie avant l'ouverture de l'orphelinat. Aléa ignorait tout de cette histoire Cela avait eu lieu exactement trois ans avant sa naissance et la directrice n'en parlait jamais. Mais ce n'était pas le moment de s'en occuper : l'heure tournait et chaque minute de plus passée dans cet enfer devait rendre UC-02 fou.

Ils échafaudèrent toutes sortes de plans, qui tombèrent tous à l'eau, les uns après les autres. Y aller avec une armée de Pokémons dominants ? Inutile. La porte resterait bloquée si Vicky et Saubohne n'effectuaient pas leur petit manège. Les dénoncer à l'agent Jenny ? Ridicule. Sans photos ou preuves quelconques de la démonstration de la veille, elle ne pourrait agir. Contacter les Forces de Police Internationale ? Intéressant. Eux, au moins, pouvaient enquêter. Mais le temps qu'ils aient une autorisation, toute preuve aurait disparu. Cela pouvait mettre en danger UC-02 et, de toute évidence, nécessitait un temps qu'ils n'avaient pas. S'infiltrer, eux-mêmes, Solgaleo mis à part ? Difficilement envisageable. Ils se feraient vite repérer et restait le problème de la porte. Le moral était au plus bas quand le Professeur Hibis se releva d'un coup et dit :

« Rester ici, à réfléchir et se morfondre, ne nous mènera nulle part. Je pars enquêter.
- Mais... Comment ? s'interrogea Aléa. Après le scandale d'hier soir, pensez-vous qu'ils vous laisseront entrer ?
- Oh, mais justement, ma chère Aléa... Tu es le prétexte parfait. »

Elle ne comprit pas tout de suite mais Solgaleo trouva l'idée brillante et lui intima d'y repenser à deux fois. Ce qu'elle fit et la réponse lui sauta au visage : c'était elle qui avait pleuré, elle qui avait été le plus touchée. Si le Professeur parvenait à les convaincre qu'il avait fait scandale uniquement pour elle... C'était un pari complètement fou, mais le seul sur lequel ils pouvaient se reposer. S'il démontrait un intérêt certain pour les recherches Æther, tout en précisant bien qu'il avait Feinté son émoi, pour ne pas perdre l'estime de son assistante, tout collait. Pour leur faire avaler de tels Arboks, cela dit, il allait falloir user de charme et de chance. De plus, le Professeur serait seul. Absolument TOUT était dangereux, dans ce plan, mais c'était également l'unique moyen d'atteindre UC-02. Ils peaufinèrent les détails et se donnèrent rendez-vous sur la plage, le lendemain soir. Le soleil de milieu d'après-midi les dardait de ses rayons, quand ils se quittèrent. Le Professeur promit de trouver un moyen de les contacter et il passa le reste de la journée à appeler ses collègues, se renseignant sur l'Ultra-Chimère autant que possible, tout en laissant une trace bien visible de son attrait pour les Recherches Æther. Ils apprirent, ainsi, que le nom de code d'UC-02 était Expansion, car son corps et son énergie pouvaient grossir, semblait-il, à l'infini. Hibis fit mine, auprès de nombreux Scientifiques, de s'intéresser particulièrement à cette faculté et la nouvelle que sa curiosité l'emportait sur ses scrupules circula bien vite, car il était connu pour son éthique irréprochable.

Convaincre la Fondation ne fut, dès lors, plus qu'un jeu d'enfants. Il fut accueilli dès le lendemain, en leur sein. Hibis prévint Aléa qu'il ne pourrait, par conséquent, se rendre à l'heure au rendez-vous, et celle-ci transmit l'information au Lion Solaire. User de leur lien pour communiquer lui était devenu aussi naturel que de respirer. Il ne leur restait plus qu'à attendre. Et quelle attente ce fut ! Le temps s'était joué d'eux et s'était considérablement étiré. On aurait dit une course de Parecools ! Ou de Dodoalas sous Poudre Dodo ! Et impossible de faire quoi que ce soit. Il fallait juste... continuer à attendre, sans fin, dans l'angoisse de ne jamais recevoir de nouvelles, que tout tourne mal et que le Professeur disparaisse... Cette journée leur parut plus longue que la queue d'un Ekaïser et quand, enfin, le téléphone d'Aléa sonna, elle décrocha plus vite qu'un Picassaut qui fond sur sa proie. Avant même d'entendre le moindre mot, Solgaleo s'agita et partit en courant vers le Paradis Æther. Aléa n'eut pas le loisir de l'en empêcher et se concentra donc sur ce que disait le Professeur. La communication passait très mal et ses propos étaient tout bonnement incompréhensibles. De plus, il chuchotait, ce qui rendait le message quasi-indescriptible. Au bout de quelques instants, cependant, la voix d'Hibis sortit nettement du combiné et son assistante l'entendit dire, d'une voix affolée :

« Aléa ! Aléa, mon Leuphorie, répond, je t'en supplie !
- Je vous entends, Professeur, déclara-t-elle le plus calmement possible. Tout va bien ? Vous ont-ils eu ?
- Non ! Par Kyogre, non ! lâcha-t-il, soulagé. Mais ce que j'ai découvert... Que les Toko nous protègent...
- Pourquoi ? Qu'avez-vous découvert ? le pressa-t-elle.
- Je suis au centre RA. C'est la Fondation Æther qui a libéré Servil ! Il est à la tête des opérations et c'est lui qui « s'occupe » du cas Expansion. Préviens Solgaleo ! Il faut à tout prix l'empêcher de nuire ! Vous devez... »

Mais la fin de sa phrase ne parvint jamais aux oreilles d'Aléa. Elle venait de remarquer un mince filet de lumière rouge, en provenance de la Fondation. Quand le rayon s'était élargi, au point d'engloutir l'île toute entière, et qu'une détonation assourdissante avait résonné dans tout Alola, elle avait lâché son téléphone et s'était mise, hébétée, à avancer en trébuchant vers ce qui avait été le Paradis Æther, encore quelques secondes plus tôt. L'eau lui arrivait aux genoux quand le souffle de l'explosion lui parvint. Ce n'est qu'alors qu'elle tomba à genoux, réalisant soudain qu'elle avait assisté à l’annihilation de la Fondation Æther... et du Professeur Hibis.