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A travers le vent de Titichat13



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» Auteur : Titichat13 - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 12:09
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 12:09

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 2 : Les erreurs du passé
Le soir de leurs retrouvailles, juste avant que la nuit n'enveloppe totalement l’île d'Honahana, Solgaleo se leva et usa de leurs pensées symbiotiques pour révéler à Aléa qu'il serait là, chaque soir, au crépuscule, comme il l'avait toujours été. Elle sentait son esprit aussi interrogateur à son égard qu'elle ne l'était envers lui, comme si elle n'aurait pas dû le voir ni le comprendre. Elle sentait également qu'il ne la considérait pas comme un danger, même potentiel. Les sentiments du Lion Solaire variait sans cesse de l'étonnement à l'apaisement, mais une chose était sûre : il lui faisait pleinement confiance.

C'était si étrange. D'un certain point de vue, ils venaient juste de se rencontrer mais d'un autre, ils savaient qu'ils pouvaient compter l'un sur l'autre, comme s'ils étaient amis de longue date. Passées les premières minutes d'hébétude, Aléa avait même osé élever la main pour toucher sa crinière. Tout en la dévisageant intensément, comme la première fois, il avait alors baissé la tête, pour l'inviter à finir son geste. A peine l'avait-elle effleuré qu'elle était tombée à genoux, en pleurant de joie, se rendant compte que tout ceci n'était pas un rêve. Il l'avait consolée en posant sa tête sur son épaule, et elle avait enserré son cou de ses bras en sanglotant.

Mais il était l'heure, pour lui. Aussi s'éloigna-t-il, comme il était venu, en intimant à Aléa de ne parler à personne de leur lieu de rendez-vous. Elle avait promis qu'elle n'en ferait rien et l'avait regardé partir, comme on regarde quelqu'un s'en aller à la guerre. Alola n'avait pas connu de guerre, à proprement parler, mais elle était sûre de ce que l'on devait ressentir. Dans une région nommée Kalos, une grande bataille avait eu lieu, trois milles ans auparavant, tuant humains et Pokémons. Elle l'avait lu dans un essai qui traitait des Pokémons légendaires locaux. Ne pas savoir si l'être que vous chérissiez vous reviendra ou non... Cette perspective la fit frémir et se relever d'un bond. Après un coup d’œil alentours, elle vit que la nuit était déjà tombée et se hâta de rentrer.

A l'orphelinat, elle fut accueillie par Gaïa, Mathéo et Timéo, des jumeaux de cinq ans dont les parents avaient été emportés au large par une tempête, seuls autres enfants du centre pour le moment. Tous lui sautèrent dessus aussi vivement qu'un Sharpedo lançant un Aqua-Jet, les yeux humides, parlant en même temps dans un Brouhaha d'où s'échappait des « morte d'inquiétude » et autres « t'étais où ? ». Elle ne rentrait jamais si tard, ou pas sans prévenir. Elle les rassura de son habituel air espiègle et le contraste avec les derniers jours fut si saisissant qu'ils stoppèrent net le flot de leurs questions avant de reculer de plusieurs pas, sous le coup de la surprise. A croire qu'ils avaient vus un Fantominus ! D'un air canaille digne de sa protégée, Gaïa demanda alors :

« C'est un garçon, n'est-ce pas ? »

La question raidit Aléa, la faisant devenir plus rouge qu'une baie Tamato. Certes, c'était une couverture idéale pour aller voir en douce le Pokémon Solaire mais tout de même, c'était assez gênant ! Vingt-quatre ans et toujours pas un homme, dans sa vie... Le Professeur mis à part, mais cela n'avait rien à voir ! Elle acquiesça cependant, plus rougissante que jamais. Gaïa se tourna alors vers les deux petits bruns aux yeux noirs qui la fixaient sans comprendre et leur annonça qu'exceptionnellement, ce soir, tout le monde resterait debout tard pour fêter l'événement autour d'un bon gâteau. Les garçons se mirent à courir dans toute la salle à manger en levant les bras en l'air et criant des « Hourra! », provoquant un fou rire général. On aurait dit des Ouisticrams ayant subi une Onde Folie ! Aléa souffrait de devoir mentir ainsi à celle qui l'avait élevée mais, au final, c'était un mal pour un bien et elle participa à la fête le cœur léger.

Le lendemain, le Professeur Hibis constata également le changement. Il s'en réjouit tellement qu'il entama un rock avec Aléa, la faisant tourbillonner sur place. Ils rirent de bon cœur puis le Professeur s'arrêta net, se rendant soudain compte qu'il n'y avait qu'une explication possible à cela...

« Aurais-tu... rencontré quelqu'un ?
- En effet... hésita Aléa, très mal à l'aise à l'idée de devoir également mentir au Professeur.
- Quand ? demanda-t-il, suspicieux.
- Professeur ! s'indigna-t-elle, rougissant à nouveau. Je ne vous savais pas amateur de ragots !Si vous deviez renaître en Pokémon, vous seriez sûrement un Pijako, avec vos Babils incessants !
- J'estime avoir le droit de savoir qui m'enlève mon assistante ! s'insurgea-t-il, tel un M.Mime, avec toute la grandiloquence dont son esprit théâtral avait le secret. Quel mal y-a-t-il à cela ?
- Votre assistante ne va pas partir en Ecran Fumée ! Rien ne m'empêche de travailler avec vous...
- Est-ce quelqu'un de bien ? la coupa-t-il en la prenant par les épaules comme dans une Force Poigne et la secouant comme un Noadkoko. A-t-il tenté de te mettre sous Hypnose ? Ne laisse personne te mettre sous Hypnose, tu m'entends !
- Professeur ! s'écria-t-elle en se dégageant de son étau. Je ne suis pas un Flabébé ! Je sais me défendre ! Et non, pour vous répondre, rien de tel.... »

Elle prit alors brusquement conscience de la nature double de cette conversation. A aucun moment il n'avait été précisé qu'ils parlaient d'un humain. Les autres membres du LAPP ne pouvaient le percevoir, mais Aléa comprit que le Professeur savait. Et qu'il se renseignait ainsi sur la nature du Lion Solaire. Cela dit, sa façon de l'amener à répondre indirectement était typique de quand il souhaitait garder des secrets. Cette conversation signifiait donc « je sais de qui il s'agît, mais parle-m'en et cela restera entre nous ». Ce n'était pas une menace, plutôt un besoin pour le Professeur d'être rassuré. Il avait vu de ses yeux treize Pokémons dominants s'incliner devant le Pokémon rayonnant. Il y avait de quoi se douter de la puissance de ce dernier... Or, Hibis ne connaissait pas ce Pokémon. Il aurait pu être maléfique, comme peuvent l'être les Branettes. Un Sharpedo sous des allures de Milobellus, comme on disait. Les propos spontanés d'Aléa l'apaisèrent, cependant : si cela avait été un mensonge, elle aurait hésité à répondre. Elle était beaucoup trop franche pour mentir. Un vrai Leuphorie, toujours à aider et soigner les autres, mais incapable de supporter les mauvaises personnes et encore plus de mentir.

Aléa prit une mine boudeuse digne d'un Rondoudou en colère en fixant d'un regard courroucé le Professeur Hibis, et lui aussi comprit qu'elle l'avait percé à jour. Il se détendit complètement et entraîna son assistante dans une nouvelle journée de recherches. Journée qu'elle passa d'ailleurs renfrognée au possible, fâchée contre le Professeur d'en avoir fait le Poichigeon de sa farce, mais aussi contre elle-même d'être tombée si facilement dans sa Machination. Quelle situation agaçante ! Mais il y avait un point sur lequel elle était soulagée : ses excursions avec le Lion Solaire resterait un secret pour tous les autres scientifiques. Ainsi, elle n'aurait rien à craindre d'une quelconque Team ou d'un laboratoire sans scrupules.

Gaïa lui avait raconté ce qu'il s'était passé des années auparavant. Une nuit, la Team Rocket avait débarqué en nombre sur les plages d'Alola. Tout l'archipel fut pris d'assaut et conquis avant le lever du soleil. Les plus forts dresseurs de l'époque s'étaient opposés à ces voleurs de Pokémon, mais, épuisés par ces ennemis qui se renouvelaient sans cesse, ils avaient perdu la bataille. Les Pokémons sauvages s'étaient également farouchement débattus. Des incendies s'étaient déclarés un peu partout et bien que les Staris, Corayons et autres Denticrisses tentaient de les éteindre depuis la mer, le ciel s'était teinté d'orange bien avant l'aube. Le Crabagarre qui lui avait appris à marcher s'était interposé pour protéger l'orphelinat, qui ne possédait, d'ailleurs, aucun Pokémon. Après une lutte acharnée, il avait fini par succomber à ses blessures et la Team Rocket leur avait pris toutes leurs réserves de nourriture. Aléa ne s'en souvenait pas, mais elle ressentait toujours une immense tristesse à l'évocation de ces événements. Des dizaines de Pokémons avaient péri, des centaines avaient été blessés et, la plupart, volés par cette fameuse Team Rocket. Ce n'est que quelques jours plus tard que les Forces de la Police Internationale étaient intervenues, arrêtant les malfrats et libérant les Pokémons.

Comme de coutume à Alola, ceux tombés au combat ne furent pas enterrés mais placés dans de petites embarcations traditionnelles appelées Békibats et envoyés au large avec une petite lanterne à bord. Cette lanterne était destiné à Kyogre, le roi des mers, pour qu'il puisse trouver les âmes des défunts et les mener vers le Grand Océan, où ils vogueraient pour l'éternité. Les Békibats, dont la forme rappelait un bec de Békipan, étaient, auparavant, utilisés pour pêcher. Au décès du pêcheur ou d'un de ses Pokémons, l'embarcation prenait le large avec le défunt à son bord, ultime symbole de respect et d'amitié. Si le lien avec la nature et l'océan s'était délité pour la plupart des îliens, le rituel funéraire était toujours de coutume. Effectué exclusivement de nuit, pour que la lumière de l'embarcation soit plus visible, il donnait l'impression d'offrir une étoile à la mer. Et cela, par contre, était resté gravé dans la mémoire d'Aléa. Des dizaines de petites lumières, au loin, qui scintillaient sur la surface en direction du levant... Le soleil qui émergea de l'eau juste au moment où ils passaient l'horizon, comme pour les accueillir en son sein... C'était un spectacle Féerique, malgré la tristesse de la chose.

On apprit, plus tard, que le drame aurait pu être évité si la Tour Radio avait été gardée, car un sbire s'y était glissé pour couper toute transmission, y compris le message d'alerte de la région de Kanto, à l'époque cible principale de la Rocket. N'arrivant pas à trouver leur chef chez eux, ils avaient surveillé les moindres faits et gestes des sbires, ne pouvant envoyer leurs maigres garnisons de police pour contrer leurs méfaits. L'expansion de la Team Rocket avait été rapide et, même en recrutant autant d'agents que possible, personne n'était prêt à endiguer le fléau. Telle une invasion de Fermites, ils étaient difficiles à attraper et ce n'était qu'une fois les dégâts occasionnés que se présentaient l'opportunité de les arrêter. C'est de cette catastrophe qu'était née la légende et la véritable force de la Police Internationale, qui n'était qu'un Rémoraid dans l'océan, jusque là. Au final, malgré le lourd tribut payé par Alola, cette nuit-là, le monde en était sorti grandi et mieux protégé. Les courageux Dresseurs qui s'étaient vaillamment battus furent portés en héros d'île en île et l'archipel oublia bien vite tout le mal qui lui avait été infligé.

Ce qui était désormais connue comme la « Nuit Rocket » avait profondément bouleversé les habitants d'Alola. Aléa en avait gardé un fort ressentiment et une très grande méfiance à l'égard des Teams. L'une d'elles avait récemment tenté de se former à Alola. Une certaine Team Skull, dont le but semblait similaire à celui de la Rocket. Ce n'était, pour le moment, que quelques jeunes bandits mais sous très haute surveillance avec le passif de l'archipel.

Toutes ces pensées s'envolèrent quand le Professeur Hibis lui donna une pichenette sur la tête.

« Tu ne m'as pas entendu, Miss Agitation ?
- Pardon ! s'empressa-t-elle de répondre, confuse. Je n'écoutais pas !
- Ça, je l'ai bien vu ! Si tu avais un Talent, ce ne serait certainement pas l'Attention !
- Vous, en tout cas, se serait probablement Danseuse !
- Oh ! s'émerveilla-t-il. Comme j'aimerais être un Pokémon pour danser avec les Plumelines... Mais là n'est pas la question ! Que fais-tu encore ici ? Cela doit bien faire une heure que ta journée s'est terminée !
- Comment ?! »

Elle se leva brusquement et se rendit compte que le Professeur avait raison : elle n'avait pas vu le temps passer et il faisait presque nuit. Sans même prendre le temps de se changer, elle attrapa son sac et courut vers la plage, lançant un au revoir aussi rapide qu'un Elecsprint par-dessus son épaule en passant la porte. Elle eut beau foncer comme un Tauros déchaîné, rien n'y fit : la nuit était tombée et la plage était déserte, à son arrivée. Du moins, c'est ce qu'elle crut... jusqu'à ce qu'elle aperçoive une forme allongée dans le sable. Sa respiration lente semblait douloureuse. La lumière de la lune montante révéla, par un éclat familier, l'identité du Pokémon. Solgaleo était là, étendu de tout son long, souffrant visiblement autant que s'il avait été sous l'effet d'un Toxik. Le cœur d'Aléa s'emballa : aurait-il été touché par le poison d'un Tritox, seul Pokémon connu, à ce jour, pour empoisonner même les Pokémons résistants, par sa Corrosion ? C'était la seule hypothèse possible, car Solgaleo était clairement de type Acier. Tout son corps l'exprimait. Sa capacité à communiquer par les pensées avait permis à Aléa de déduire son deuxième type : Psy. Or, l'Acier étant immunisé face au Poison... Se précipitant sur lui, elle allait lui demander ce qui le faisait tant souffrir quand Solgaleo releva la tête et lança un terrible Grondement, en regardant quelque chose derrière elle. Suivant son regard, elle aperçut une silhouette bien connue.

Le Professeur Hibis l'avait suivie, accompagné de Gaïa et des jumeaux. Comment restait un mystère, pour elle, mais il y avait plus urgent : Solgaleo se sentait en danger et il fallait apaiser la Tension grandissante. D'une voix douce mais légèrement anxieuse, elle dit au Lion en lui caressant tendrement le museau :

« Chut ! Du calme... Ils ne te veulent aucun mal ! Tu peux avoir confiance en eux. »

Ses pensées n'en exprimèrent que davantage de méfiance. Tel qu'il était, plongé dans le cœur d'Aléa, il savait qu'elle ne les attendait pas. Et s'ils l'avaient piégée pour qu'elle les mène à lui ?

« Ils ne sont pas comme ça ! s'insurgea-t-elle. Tu ne les connais pas ! »

Soit, il ne les connaissait pas. Mais elle ne savait pas tout non plus, visiblement.

« Ce n'est pas une excuse ! Je leur fais confiance et tu devrais en faire de même ! Le Professeur devait avoir une bonne raison de... »

A l'évocation du mot « Professeur », Solgaleo s'était levé brusquement. Chacun de ses mouvements semblaient effectués sous les Poing Boosts ravageurs d'un Méga-Lucario mais ce mot l'affectait plus encore. Quel passif avait-il avec les Professeurs Pokémons ? La panique se lisait sur les traits du Pokémon rayonnant, qui ne brillait d'ailleurs plus beaucoup, sous la lune. Lui qui était si grand, si fort, si respecté, semblait traqué et acculé, comme un Vivaldaim par un Lougaroc. Le Professeur Hibis, doté d'une Clairvoyance à toute épreuve, avait ralenti le pas, bien en amont, le temps que la situation se calme. Aléa était la seule à pouvoir rassurer le Lion Solaire.

« Du calme ! lui intima-t-elle, plus sévèrement. Je vais aller leur parler... »

Mais il n'était pas en mesure de se défendre et cela le rendait nerveux... Il lui manquait...

« Le soleil ! comprit Aléa. Tu tires tes pouvoirs du soleil ! Et sans lui... »

Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Faible et endolori. S'il ne dormait pas à la tombée de la nuit, il devenait fragile, vulnérable. La lune ajoutait à son tourment. Il avait attendu Aléa bien après le crépuscule et il était, à présent, incapable de se battre. La douleur l'emporta à nouveau et Solgaleo s'écroula dans le sable, ses pattes ne le portant plus.

Elle perçut l'ensemble du problème, dès lors. Elle n'était pas certaine de l'expérience qu'il avait eu avec les Professeurs Pokémon, mais si l'un de ceux dont la licence avait été retirée, pour manque de déontologie, avait croisé sa route, il avait toutes les raisons de craindre Hibis. Elle se résolut à changer cet état de fait et se releva aussi vite qu'un Eclair avant de foncer tout expliquer aux nouveaux venus. Arrivée à leur hauteur, le Professeur exposa la raison de leurs présences :

« Je n'ai pas pu m'empêcher de te suivre, ce soir, ne serait-ce que pour savoir qui était vraiment le Lion Solaire. Peu avant que je te ramène sur terre, Gaïa m'avait appelé sur le PC central du LAPP pour me demander si tu allais revoir ton petit ami, ce soir. Je lui ai dit que la situation était légèrement plus complexe qu'il n'y paraissait et quand elle a su, elle a voulu me suivre.
Et je ne pouvais pas laisser les jumeaux seuls à la maison alors je les ai pris avec moi, répliqua l'intéressée.
On est là pour voir le Pokémon ! » répondirent-ils en chœur, les yeux brillants d'excitation.

Comme elle le pensait, Aléa n'avait rien à craindre d'eux. Cependant, Solgaleo n'était pas du même avis et il allait falloir user de patience et de douceur pour régler le problème. Après un bref exposé de la position du Lion Solaire à leurs égards, ainsi que de sa faiblesse nocturne, Aléa se retourna et constata que son ami ne bougeait pratiquement plus. Le Professeur Hibis lui posa une main sur l'épaule et la dépassa, marchant droit sur Solgaleo. Il poussa un faible Râle Mâle mais ne put empêcher le Professeur de s'agenouiller près de lui et de l'observer. Après avoir vérifié qu'aucune blessure n'était visible sur le flanc gauche, il voulut inspecter le flanc droit mais le Pokémon était bien trop lourd pour qu'un homme seul puisse le soulever. Aussi, avec l'aide d'Aléa et de Gaïa, il renversa le Lion d'Acier et examina son autre flanc. Solgaleo était toujours méfiant, mais beaucoup moins. Il ne comprenait pas vraiment ce que tentait d'accomplir le Professeur mais ce n'était déjà pas dans le sens d'une capture ou d'expérimentations étranges.

L'esprit d'Aléa s'indigna à cette pensée, et elle sentit celui de Solgaleo s'effacer, comme s'il souhaitait cacher des souvenirs honteux en leur faisant Lilliput. Pour quelque obscure raison, il ne voulait pas la décevoir. Elle partageait tout avec lui, il n'avait aucun droit de garder cela pour lui. Mais la douleur et la présence inopportune d'autres humains le faisaient hésiter. Il finit par céder, cependant, et montra à Aléa ce qu'il s'était passé...

Elle vit alors le monde par les yeux du Lion Solaire, mais de beaucoup moins haut. Ses petites pattes n'avaient pas encore de cette matière noire, au bout et, à ses côtés, se tenaient deux autres Pokémons exactement identiques à lui, plus grand. D'un air majestueux, ils le regardaient, l'un fièrement, l'autre avec tendresse. Elle comprit qu'il s'agissait, très probablement, de ses parents. Ils rentraient, tous ensemble, dans une Grotte, la Grotte aux coquillages d'Honahana. Elle était connue pour regorger de Pokémons et seuls quelques scientifiques fous ou quelques malfrats tentant d'échapper à la justice s'y aventuraient. Après un chemin assez long et sinueux dans le dédale de la Grotte, ils parvinrent à ce qui ressemblait à une tanière. Ses parents lui apprirent que c'était le lieu de sa naissance. Tous les deux milles ans, les Solgaleos sont capables d'en créer un autre, qui viendra les remplacer à l'endroit dont ils prenaient soin lors de leur départ pour le soleil. Ils devaient, pour ce faire, récupérer une Pierresoleil par jour, la gorger de soleil et de leur énergie avant de la placer, le soir venu, dans leurs tanières, près des Pierres déjà récoltées. Dès lors, ils devaient répéter le processus jusqu'à ce qu'un petit Solgaleo se forme et ne naisse. Il était rare que deux Solgaleos ne se rejoignent mais ses parents s'étaient trouvés et étaient restés ensemble. Ils lui avaient appris, ce même soir, qu'il n'obtiendrait sa taille adulte qu'environ vingt ans après sa naissance et qu'à ce moment-là, il devrait faire prêter serment aux Pokémons sous sa tutelle de le servir, en échange de sa vigilance et de sa protection.

Cela lui semblait lointain, à l'époque, à ce tout jeune Lion qui venait d'éclore. Après tout, il n'y avait non pas un mais DEUX Solgaleos pour veiller sur les îles, et en très bonne santé, avec ça ! Le temps de la succession ne viendrait que bien plus tard. Il s'était endormi contre eux, sur cette idée, sans savoir que sa première nuit serait la dernière qu'il passerait avec ses parents. En effet, quelques heures plus tard, tous furent réveillés par un vacarme assourdissant. Comme si des milliers d'humains hurlaient en même temps. C'était le cas, d'une certaine façon. Les îliens d'Alola hurlaient de terreur et à leurs cris se mêlaient des ricanements malsains et des bruits de combats. Quelque chose de terrible se déroulait sur l'archipel... et aucun d'entre eux n'était en état de combattre.

Ce qui facilita la tâche de la Team Rocket lorsqu'elle trouva la Grotte aux coquillages. Une vingtaine d'individus s'y étaient introduits, attrapant tous les Pokémons qu'ils croisaient à coups de « Pokéballs » ou de filets. Devant la puissance évidente, bien que réduite, de la famille de Solgaleos, ils usèrent d'une cage spéciale, qui les foudroya et les paralysa sur place. Bien qu'immobilisée, sa mère Grondait autant que possible mais son père, très calme, fixait simplement les malfrats, ce qui les mit si mal à l'aise qu'ils durent couvrir la cage. Ils furent transportés sur un... « bateau », compléta Aléa. C'était un engin gigantesque, il pouvait le voir en soulevant le voile. Un monstre de métal assez grand pour y mettre tous les Pokémons de l’île. Là, on retira le tissu occultant et un homme en blouse blanche avança vers eux. Il se présenta comme le Professeur Servil, premier lieutenant d'un certain Giovanni. Il fit séparer la petite famille en trois cages distinctes, à l'aide d'un petit appareil, qui se portait au cou et envoyait d'énormes décharges électriques. Le soleil n'était pas encore levé mais même là, rien ne serait joué : dans cette hermétique pièce blanche, éclairé par une lumière inconnue, il n'y avait pas un endroit d'où le soleil aurait pu venir.

Il fallait pourtant trouver un moyen de sortir. L'homme semblait dangereux. Qu'allait-il leur arriver ? Ils le surent dès le lendemain matin. Le professeur Servil revint, armé de tout un tas d'objets en métal, certains qui bougeaient tous seuls, d'autres non. Il commença par la mère. Solgaleo et son père avait vue sur l'horrible spectacle. Et le petit ne put détacher le regard. Le « Professeur » exécuta une longue, très longue série d'expérimentations sur la mère, la blessant de plus en plus profondément à chaque fois. Le petit, terrifié, était resté tétanisé. Son père avait eu beau lui intimer de détourner le regard, il était resté pétrifié. Toute la journée, il avait regardé la torture infligée à sa mère, sans manger, sans bouger, en osant à peine respirer, et en pleurant toutes les larmes de son petit corps. Au paroxysme de la douleur de sa maman, il avait même uriné de terreur. Sur quoi, les expériences avaient cessé pour la journée et la mère avaient été reconduite à sa cage, saignante et tremblante. En état de choc, le petit Solgaleo ne parvenait plus à bouger. Il fixait la chambre de torture, droit devant lui, et pleurait toujours, abondamment. Un de ses geôliers finit par s'énerver et le frappa, à travers les barreaux, pour qu'il « cesse de chouiner ». Après ceux de sa maman, d'autres cris de douleur résonnèrent dans tout le monstre de métal. Les hurlements les plus déchirants étaient ceux des Spododos et des Bombydous, dont les petites voix cristallines et innocentes ajoutaient à l'horreur des événements. Mais les plus à plaindre étaient sans doute les Guérilandes, forcés de soigner les Pokémons blessés par les expériences jusqu'à l'épuisement. Et il ne pouvait en sauver aucun. Lui qui était sensé, plus tard, les protéger. Il pleura de plus belle et le gardien allait revenir le battre quand un de ses collègues l'arrêta, l'informant qu'il était le prochain à rejoindre la salle.

Sur quoi, toute la famille s'alerta. Les bandits ignoraient que les Solgaleos comprenaient le langage humain, ainsi que leurs dons de télépathie. La mère supplia le père de protéger son petit, dont la terreur atteignit un tel niveau qu'il en vomit, malgré le vide de son petit estomac. Toujours très calme, en apparence, bien que bouillonnant de rage au fond de lui-même, le père prit une terrible décision : se sacrifier pour laisser une chance à leurs fils. La mère acquiesça, ajoutant qu'elle mettrait ses dernières forces dans cette bataille, pour protéger leur petit. Le lendemain, quand on enleva Solgaleo de sa cage, complètement mortifié, ses parents brisèrent les leurs et là, ce fut le chaos. Des humains et des Pokémons s'interposèrent pour les freiner, mais la douleur de leurs colliers ne suffisait plus à les arrêter. Ils repoussèrent tous leurs assaillants avec une force redoublée, s'ouvrant un passage dans le dédale de couloirs vers la lumière. Arrivés dehors, au « pont supérieur », selon Aléa, ils s'étaient, cependant, retrouvés acculés. Certes, ils avaient à nouveau le soleil pour se recharger, mais les parents Solgaleos étaient sévèrement blessés. Alors qu'elle allait passer la rambarde pour rejoindre l'eau avec son petit, la mère fut frappée par une Rafale Psy d'une rare intensité qui la fit s'écrouler.

Le Pokémon qui l'avait produit était couvert d'un casque et de bras métalliques, avec des fils qui reliaient leurs différentes parties. Il avait une longue queue violette et des pattes blanches. Le reste était invisible, sous la carapace qu'il portait. Derrière lui, un homme flanqué d'un Persian se présenta comme étant Giovanni. Il désigna le Pokémon à la carapace comme un certain Mewtwo, fruit d'expériences humaines. Son acolyte et associé. Bien que le père Solgaleo s'interposait entre sa famille et Mewtwo, les chances de s'enfuir se réduisaient significativement. De plus, la mère semblait incapable de bouger. Le petit se jeta sur elle et tenta de la pousser mais elle l'arrêta, lui expliquant, en pensées, que l'heure était venue pour elle de rejoindre le soleil. Alors, elle s'éclaira de l'intérieur et monta au ciel en un millions de petites Etincelles, droit vers le soleil, au Zénith. Malgré la tristesse de son cœur, le père intima à son fils de s'éloigner et, face à son refus, il utilisa une attaque Psyko pour le faire passer par-dessus bord. Le dernier contact avec son père, pendant sa chute, fut cette phrase : « Maintenant, c'est TOI, le gardien de ces îles ». Et une nuée d'Etincelles lui indiqua qu'il n'avait plus de famille.

La suite était bien trop confuse. L'eau puis la fuite, la peur, le désespoir... Après une course éperdue à travers les bois, il avait gravi tant bien que mal la montagne des Feunards, bien qu'il ignorait totalement où il se trouvait. Le Feunard qui lui avait prêté allégeance, deux semaines plus tôt, l'avait recueilli dans sa meute. En voyant le fils de ses dominants courir seul et terrorisé dans la montagne, il avait immédiatement compris pourquoi leurs protecteurs ne répondaient plus à leurs appels. Quand les malfrats humains s'étaient emparés de leurs terres, ils avaient appelés au secours mais personne n'avait répondu. Par chance, la montagne était trop difficile d'accès pour qui n'était pas Pokémon. La horde s'était réfugiée plus haut et avait ainsi été sauvée. Cependant, nombreuses furent les pertes, pour les Pokémons des plaines. Entre ceux capturés et ceux tués, le bilan était lourd. Le Feunard dominant décida donc d'élever leur nouveau protecteur, afin que jamais telle tragédie ne se reproduise. Il le nourrit, trouva une Grotte où il pourrait dormir, la nuit, et y installa le petit Solgaleo jusqu'à ce que ce dernier ne décide de partir, afin de se développer pleinement et de se préparer à son futur rôle. Il n'avait, dès lors, plus eu aucun contact avec les humains, jusqu'au jour du Serment.

Aléa comprenait tout, à présent. Son étonnement permanent quant à leur relation d'amitié. Sa peur panique lors de l'évocation du mot « Professeur ». Sa méfiance générale envers les autres humains. Elle avait tout vu avec ses yeux. Comment ne pas comprendre ? Elle avait beau savoir que ni Gaïa ni le Professeur Hibis ne feraient une chose pareille, comment avoir confiance en l'être humain, après ça ? Revenant peu à peu au monde, elle prit conscience de plusieurs éléments. Le premier était qu'elle avait pleuré. Abondamment. Ses yeux étaient endoloris, sa vision trouble et son visage mouillé. La deuxième était qu'elle s'était assise entre-temps. Tout comme Gaïa et le Professeur. Gaïa, en tailleur, caressait les cheveux des deux orphelins, chacun endormi sur l'un de ses genoux. Le Professeur, lui, lissait d'une main apaisante la crinière de Solgaleo, qui ne le regardait plus de manière suspicieuse mais se laissait gentiment faire, bougeant la tête, de temps à autre. La troisième, c'était qu'Hibis et la directrice la fixait avec inquiétude. Quand elle fut sûre du retour de sa « fille », Gaïa chuchota :

« Tout va bien ? Que t'est-il arrivé ?
- … J'ai vu... le passé du Lion Solaire, répondit-elle après une brève hésitation, tremblante. Solgaleo est son nom. »

Cela ressemblait si peu à sa façon de parler que la directrice et le Professeur échangèrent un regard en coin, perplexes. Elle leur raconta alors tout ce qu'elle avait vu. Malgré les protestations mentales répétées de Solgaleo, elle leur livra toute son histoire, dans le moindre détail. Si les yeux de Gaïa ne cessaient de s’agrandir, tant sous l'effet de l'anxiété que de la compassion, le regard du Professeur, lui s'assombrissait de plus en plus. Surtout depuis l'évocation du Professeur Servil. A la fin de son récit, Gaïa s'était mise à pleurer, elle aussi, mais pas le Professeur, qui semblait contenir sa colère. S'il avait été un Léviator, il aurait probablement déjà déclenché un Ouragan. Sa main s'était arrêtée et, face à ce brusque changement, Solgaleo s'était redressé, pour mieux le voir. La lune ne brillant plus au firmament, sa douleur s'était estompée, même s'il restait faible. Après un long silence, qui permit à Gaïa de reprendre ses esprits, le Professeur déclara, solennellement, comme jamais auparavant :

« Au nom de tous les Professeurs Pokémon, Solgaleo, je te demande pardon. J'ai bien connu l'ex-Professeur Servil. Il a obtenu son diplôme quelques années avant moi mais nous avons étudié un temps, ensemble. Quand la Team Rocket, l'association de malfaiteurs qui t'a pris tes parents, a commencé à se faire connaître, il a parlé de les rejoindre et nous l'avons radié de notre ordre. A l'époque, nous pensions que cela suffirait à lui remettre les idées en place mais il était plus têtu qu'un Bourrinos et il croyait que la Rocket pourrait nous permettre d'étendre nos connaissances Pokémon bien plus vite et plus efficacement que les Laboratoires classiques. Jamais nous n'aurions crû qu'il rejoindrait effectivement leurs rangs. Ce n'est que lorsqu'elle fut démantelée et qu'il fut arrêté que nous avons découvert qu'il avait travaillé pour eux. Mais même alors, nous n'aurions jamais pu imaginer... qu'il puisse... »

Cette fois, ce fut au tour du Professeur de fondre en larmes. Le visage baissé, caché par sa sempiternelle mèche de cheveux bouclés, il pleurait à chaudes larmes, assombrissant le sable. Ses sanglots, plein de regrets, le secouaient et il ne semblait plus pouvoir s'arrêter. Alors, comme un signal de réconciliation, Solgaleo se hissa jusqu'aux genoux du professeur et y posa une patte. Il sentait que ses sentiments étaient sincères et les acceptait. Pendant qu'Aléa visitait ses souvenirs, il avait pu voir une autre facette de l'être humain. Gaïa s'était inquiétée pour Aléa comme sa mère pour lui. Le Professeur Hibis s'était occupé de lui, lui demandant régulièrement s'il souffrait, s'il avait faim ou soif. Comme l'aurait fait son père. Et il avait compris que les humains n'étaient pas si différents des Pokémons. Certains étaient mauvais et dangereux, mais comme pourrait l'être un Grotadmorv avec un Joliflor. Il était heureux d'avoir pu voir autre chose que ce souvenir qui le hantait encore. Et la compassion du Professeur le touchait. Il avait découvert qu'il pouvait partager son fardeau. Il avait découvert ce que c'était que d'avoir des amis.

Les larmes du Professeur redoublèrent d'intensité et il fallut encore longtemps avant qu'il ne se calme suffisamment pour articuler :

« Si je le retrouve, au nom de tous les Professeurs Pokémon, il le paiera !
- Mais, Professeur, intervint Aléa, n'aviez-vous pas dit qu'il avait été arrêté ?
- C'est vrai, dit-il, aussi amer qu'une Baie Durin, en la dardant de ses yeux rougis. Cependant, un mystérieux bienfaiteur a payé sa caution, il y a de cela deux ans. Il est à nouveau libre, depuis. Même s'il aurait fini par sortir de prison, il lui restait encore douze ans à vivre derrière les barreaux, pour expériences illicites et association de malfaiteurs. Quiconque l'a libéré ne savait pas à quel monstre il avait affaire... »

Le petit groupe resta coi à cette annonce. Même l'habituel flux de pensées qui reliait Aléa et Solgaleo s'était « tu ». Tout semblait figé. L'aube les sortit de la torpeur dans laquelle la nouvelle les avait plongés. Sur quoi, le Lion Solaire se leva enfin et fit dire à Aléa, avant de partir :

« Professeur Hibis ! Vous m'avez démontré que Servil, l'usurpateur, n'avait rien d'un Professeur. Vous m'avez aidé à voir autre chose chez les humains que des bêtes sanguinaires. Et vous m'avez prouvé que tous ne cautionnent pas les actions destructrices de leurs semblables. Avec respect et humilité, je vous demande, si vous retrouvez cet homme, de protéger les Pokémons de son influence néfaste, pour que plus jamais l'un d'entre nous ne vous craigne comme je l'ai fait. »

Et, de tout son cœur, le Professeur répondit : « J'accepte ! ».