Lily de Crepaul

Geoffrey prit sa tasse d’un léger doigté et sirota le thé chaud. Du haut de son balcon blanc, il observait son jardin de 130 mètres carrée, taillé continuellement par ses jardiniers professionnels. De loin, on aurait pu croire qu’il avait une allure reposée, en train de prendre son Afternoon Tea comme n’importe quelle personne de haut rang sait le faire. Mais les apparences sont trompeuses. Cet homme était à présent envahi de stress, la bouche mordillant les lèvres, la jambe agitée, il n’avait en effet aucun raison d’être calme. Car aujourd’hui avait lieu l’accouchement de sa femme, Henriette.

Geoffrey était un homme chanceux qui avait hérité de la fortune de ses ancêtres pendant la colonisation d’Alola. Malgré son immense château sur Poni, il savait apprécier ce qui était simple. Depuis son plus jeune âge, il étudiait avec plus de passion que quiconque la faune et la flore des différentes îles d’Alola. Seulement, cela faisait plus de 30 ans qu’il avait déjà tout découvert. Toutes les espèces de Pokémon, de plantes, de fleurs et de coraux. Plus rien ne chatouillait sa curiosité. Hormis une chose. Depuis un mois déjà, ses scientifiques et lui ont trouvé lors d’une expédition une fleur qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais vue. Une fleur dorée, si jolie et si rare qu’il fit ressortir la flamme qui sommeillait en lui. Ses trois pétales tombant du centre lui rappelant la fleur de lys, il lui donna le nom de Lily.

« Sire ? »

Geoffrey sursauta ; son thé se renversa sur son pantalon bleu marine.

« Aïe ! Oui, oui ?! » demanda-t-il, affolé. « C’est bien au sujet d’Henriette n’est-ce pas ?! Ça se passe comment en bas, est-ce qu’elle a tout ce dont elle a bes…»

-Sire, sire ! Je ne suis pas le médecin, je suis Gaston. Je vous donne mon rapport sur la Lily. »

Il prit quelques temps avant de réaliser.
« Gaston… ? Ah oui ! Gaston, ça me revient. Je suis désolé, je ne suis pas dans tous mes états…»

-Vous êtes inquiet pour votre femme, je comprends. J’ai moi-même eu quelques joyeux bambins et…»

-Épargnez moi les détails mon cher, haha ! » lui répondit-il sincèrement. « Du nouveau ? »

-Absolument. J’ai étudié l’aura qui se dégage de la fleur. Il semblerait qu’elle permette un développement assez… spécial chez un Pokémon, en termes de physiologie.»

-Comment cela ? Vous voulez dire qu’elle changerait leur métabolisme ? Cela expliquerait-il les variations de types et de formes chez… ?»

-Précisément, sire. Enfin, ce n’est qu’une théorie.»

-Attendez, mais… s’il s’agit là d’une fleur qui a effectivement affecté l’évolution de formes des Pokémon, date-t-elle de plusieurs centaines d’années ?»

-Plusieurs millions. D’après sa vitesse de croissance, elle pourrait même dater de la création de cet archipel. » Répondit calmement le scientifique.»

« Incroyable… Sensationnel ! Bouleversant ! » dit-il tout excité.

« Ce n’est pas tout. Une dernière recherche au niveau de cette aura nous a laissé complètement perplexe. »

-Eh, bien allez-y ! » ordonna Geoffrey, impatient.

« Les traces que l’on a relevé… Ce n’est pas de l’énergie ordinaire. Il semblerait que cette puissance soit du même type que les rayons s’émanant du soleil et les rayons s’émanant de la lune. C’est comme si un dieu du soleil et de la lune aurait lui-même convergé son énergie dans cette unique graine. Cela semble complètement loufoque, mais il ne faut pas éliminer les…»

-Sire ! Il est là ! » Cria un homme de chambre, à moitié essoufflé.

« Philipe ! Vous ne voyez pas que nous sommes occupés, non ? Qui est là ?! », répondit le baron, énervé.

«Mais… Votre enfant ! Il est là ! »

Geoffrey avait complètement oublié. En se levant d’un bond, il fit tomber la chaise sur le pied de Gaston, en douleur. Il se rua vers la salle où avait lieu l’accouchement.

« Chérie ! » cria-t-il en ouvrant la porte.

Henriette était couchée sur le lit, les draps en sang. Ses yeux étaient fermés et sa couleur de peau était d'une teinte faible. A première vue, l’accouchement s’était très mal passé. Le gynécologue s’approcha de lui.

« Elle a perdue beaucoup de sang, elle vivra ne vous en faites pas. Elle a perdue connaissance peu avant que vous n’arriviez ; il faut du repos, beaucoup de repos. Mais en une semaine, elle sera de nouveau sur pieds. »

-Et le bébé docteur ? Dites-moi que le bébé est en bonne santé ! »

-Il est ici, sain et sauf. » lui dit-il, alors que la sage-femme s’approchait, l’enfant dans les bras.

Geoffrey émit un sourire. Il n’avait jamais été aussi content de sa vie. Il avait beau avoir découvert toutes les fleurs, les coraux ou les Pokémon d’Alola, il observait à l’instant le plus beau cadeau que la nature puisse lui offrir. Des larmes coulèrent sur ses joues, mais c’étaient des larmes de bonheur. Il prit l’enfant dans ses propres bras, un sourire plus naïf que jamais et se mit à la balancer tendrement, sans bousculade.

« Comment allez-vous l’appeler ? » demanda la sage-femme.

Geoffrey leva la tête. Il sentait –il ne savait pas pourquoi- que la fleur qu’il avait découvert avait aidé à donner à sa femme le courage dont elle avait besoin, comme un bon présage. Et maintenant, ce nouveau-né qui se trouvait dans ses propres bras avait un visage aussi radieux et des cheveux d’or aussi radieux que la plante dorée. Était-ce un signe du destin ?

« Lily », répondit-il. « Elle s’appelle Lily. »