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Lily de Crepaul



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» Auteur : Crepaul - Voir le profil
» Créé le 31/10/2016 à 10:10
» Dernière mise à jour le 31/10/2016 à 10:10

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Sabelette
Sabelette s’était réveillé de sa petite sieste de l’après-midi. Encore à moitié endormi, il peina à se lever et à se diriger vers la sortie de la caverne -il baillait tous les trois mètres-. Avant de finalement toucher les rayons du soleil, Sabelette tourna la tête en direction de sa famille. Des centaines de Sabelette, aussi paisibles que des fleurs, étaient couches à plat ventre, sur le dos, ou en boules, mais tous été entassés au fond de la grotte comme des piles de chaussettes.

“On dirait que je suis le seul réveillé”, pensa-t-il avant de reprendre le pas.
La lumière était aveuglante, elle le frappa comme un nouveau-né ; après quelques grattouilles au niveau des yeux, Sabelette put discerner la nature qui l’environnait.

Du sable. Et des palmiers. Lui et sa famille se trouvaient sur Ula'Ula, premier volcan à paraître dans ces eaux et seule île qui possédait un désert, leur habitat naturel. C’était quasiment le seul territoire qu’il connaissait ; les montagnes et les forêts l’entourant lui étaient pour la plupart étrangers.
Comme à son habitude, Sabelette sautait dans les dunes et creusait des trous pour en réchapper aussitôt, une dizaine de mètres plus loin ; c’était son jeu favori. Il aimait la tranquillité du désert, le vent marin qu’il humait de toutes ses forces, les grains de sables instables qui dégringolaient sous ses griffes. Une routine de plusieurs années.
Après quelques vingtaines de cabrioles, Sabelette fut pris d’impatience.

“Mais qu’est-ce qu’ils font ?”, pensa-t-il, “Il est temps de chasser !”

Il était toujours impétueux, surexcité, à toujours vouloir quelque chose au moment même. A quatre mois, il sautait et courait pendant que ses frères peinaient à marcher. Débrouillard, il savait déjà faire dans la vie.

“Et si j’allais chasser moi-même ?”, se demanda-t-il, “Je rapporterai un gros gibier et tout le monde me félicitera !”

Un sourire se dessina sur son visage. Le petit rusé tourna sa tête de quelques degrés, scrutant les alentours. Quelques regards furtifs, hop, hop ! Voilà le Sabelette qui cavale direction nord.
Rapide comme il courait, agile comme il était, il représentait la vélocité impressionnante de son espèce ; car personne ne rivalisait avec un Sabelette quand il s’agissait de filer avec aisance dans le sable. La chasse pouvait enfin débuter.
Enfin, elle n’avait pas tout à fait débutée. Déjà 20 minutes sans une seule proie capturée, il fallait se rendre à l’évidence : Tout seul, c’est plus délicat. Mieux valait-t-il ramener au groupe quelques racines; c’est le geste qui compte, on lui pardonnera. Enfin, de belles racines, de qualité quand même ! Seules les herbes perchées sur les roches cendrées du volcan étaient assez nutritionnelles pour nourrir une famille de 24 membres ; elles possédaient même cette sapidité sucrée dont les Sabelettes raffolent.

Ainsi Sabelette se lança-t-il dans sa périlleuse aventure. Son corps était certes habitué à l’environnement désertique, mais il n’avait pas encore acquis une dextérité de grimpeur ; il n’aimait pas non plus les endroits qui ne lui étaient pas familiers. Seulement, il était persévérant, c’était là sa plus grande qualité.
Il s’accrochait de pierre en pierre, montait en rapidité les pentes, lui arrivait de trébucher parfois, mais n’abandonnait pas. Il passa un peu plus d’un quart d’heure à trouver des racines.

“Je dois en avoir assez maintenant”, pensa-t-il, les griffes couvertes de feuillages.

Ce n’est qu’une fois que Sabelette regarda au loin pour percevoir sa maison que son regard fut gêné par une soudaine lueur jaune ; un petit éclat doré qui s’émanait sous un rocher. Sabelette s’approcha.

“Qu’est-ce que c’est ?”, se demanda-t-il, “je n’ai jamais vu une chose pareille”. Sa curiosité avait encore une fois prit le dessus.

Il dégagea le rocher-bouchon avec tant d’ardeur, comme s’il s’attendait a voir une source miraculeuse jaillir des entrailles de la terre. Mais non, déception ! Seule une petite boule -parfaitement- ronde, d’une couleur jaune, était présente.
Une graine, semblait-il.

Sabelette la détailla du regard pendant quelques secondes, jamais n’avait-il vu une chose aussi… “Parfaite”, auparavant. Ses yeux scintillaient à l’idée d’obtenir quelque chose de valeur ; il la ramassa avec précaution puis la fit rouler dans ses serres acérées.

“C’est la mienne”, pensa-t-il, “Quelle chance !”.

Des racines dans la main droite, un trésor dans la main gauche, Sabelette rentra gaiement chez lui. Il fut félicité pour ses courses, eut droit à une double ration, et put contempler longuement ce qu’il avait déniché avant de tomber dans un profond sommeil. Jackpot.

Ainsi les jours s’écoulaient, Sabelette grandissant, chassant le Larvibule. Il apprenait des techniques qu’il ignorait -s’enterrer dans le sable pour attaquer les proies qui passaient- et devenait beaucoup plus indépendant ; il ne sentait plus le besoin d’être aidé par personne.
Tous les jours, Sabelette découvrait un peu plus du monde qui lui était inconnu. Sa première découverte lui avait donné la soif de découverte. Il s’enfuyait toujours l’après-midi, pendant la sieste, et longeait le seul volcan qu’il fréquentait en quête de quelque chose de valeur. Ce n’est qu’une fois tout le monde couchés -car oui, les Sabelettes et Sablaireau sont de gros dormeur- que Sabelette rentrait, bredouilles, sans quelconques trouvailles.
Il contemplait alors plusieurs minutes son bijou avec fierté et importance, il se sentait unique à l’idée de posséder quelque chose que les autres n’avaient pas. On eut presque cru son âme prise par un pouvoir maléfique, un anneau qui lui déraillait l’esprit, l’éloignait de ce qui était essentiel, ce qu’il avait toujours aimé de plus fort ; sa propre famille. Jamais Sabelette n’avait acquis autant d’orgueil de toute sa vie, il perdait par ailleurs le reste de ses qualités, car plus rien pour lui n’avait d’importance ; il se sentait au sommet du volcan, les autres n’avaient qu’à couler dans sa lave imposante.


“Réveille-toi fils !”, cria son père.

-“Grumbl..”, rétorqua Sabelette, “Qu’est-ce qu’il y a de si pressant ?”

-“Comment ça pressant ?! Le soleil est levé depuis déjà longtemps ! Allez remue toi !”

Sabelette prit peine à se lever. Se hissant maladroitement sur ses bras, il ouvrit la bouche et décrocha un ultime bâillement. Il ne pouvait cependant pas râler, ses soirées nocturnes interminables dans lesquelles il admirait son butin ne lui laissait plus place au repos. Mais il s’en fichait.

“Mais qu’est-ce qui lui arrive ces temps-ci ? Je ne reconnais plus le Sabelette fougueux qui m’obligeait à chasser trop tôt.”, marmonna son père. “Il est temps de le remettre d’aplomb !”

-“Fiston, nous allons chasser autour du volcan aujourd’hui. On t’a souvent vu traîner dans ce coin-là. Tu dois connaître tout le gibier du coin ! Haha !”
Sabelette émit un “gloups” d’inquiétude, aucun membre de son clan n’était au courant de ses quêtes de richesse. Il hocha pourtant la tête en signe d’acquiescement.



“Vois-tu ce fruit Sabelette ? C’est un des plus goûteux mais aussi des plus rares, on ne trouve que de celui-là en haut des montagnes, car ils survivent au froid qui y règne !”

Il se tourna vers son fils pour voir une réaction. Mais Sabelette n’écoutait pas, au contraire ne montrant aucun signe d’attention, il regardait au loin vers la montagne où il avait trouvé son petit objet. Son père lâcha un gros soupir.

“Fiston. Si je t’ai amené ici, ce n’est pas uniquement pour chasser avec toi, mais pour discuter de tout ça.”
Sabelette tourna enfin la tête en direction de son père.

“Discuter de quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?”, demanda-t-il, d’un ton arrogant.

-Je ne te reconnais plus. Tu étais toujours excité, impatient, à toujours vouloir faire les choses au premier moment. Tu adorais chasser, bouger, sauter, prendre part à n’importe quoi ! Que t’est-il arrivé ?”

-Je ne vois pas de quoi tu parles. On est en pleine chasse là, non ?”, rétorqua-t-il, d’une arrogance extrême. “Va chercher du gibier, j’ai autre chose à faire !”

Sablaireau n’en croyait pas ses yeux. Son propre fils qui le remballait, alors qu’il se faisait du souci pour lui, un dégoût pour ce qu’il avait tant aimé, mais aussi pour lui-même, de faute qu’il n’avait pas été là pour le contrôler à temps. Sa colère explosa tel un volcan.

“MAIS TU VAS M’ÉCOUTER, OUI ?! TU NE COMPRENDS PAS IDIOT ?! JE VEUX REVOIR MON FILS QUE J’AI TOUJOURS AIMÉ !”

Sa voix résonnait quelques temps dans les montagnes, puis plus rien. Le silence absolu. Seul le vent (ré mi) soufflait et les herbes (fa sol) remuaient, tel une symphonie, des notes musicales qui semblaient se moquer de ce duo, de leur propre musique qu’est la dispute ; un silence de mort où seuls les plantes (la et si) chantaient, mais les Pokémon se taisaient. Les deux frangins avaient beau l’air muets et apaisants, leurs pensées s’entrechoquaient d’émotions ; un vrai carnage.
Sabelette l’avait compris, il comprenait à présent qui il avait été pendant des semaines, un fils indigne, pensant uniquement à son propre intérêt, à ne pas vouloir le bonheur des autres sans avoir eu le sien. Un voyageur solitaire qui délaissait sa propre famille au profit de sa quête fortunée. Il lui fallut plusieurs secondes avant de répondre.

“Papa, je... Excuse-moi,-je...”

Do.
La dernière note de la partition éclata, Sabelette fut projeté en arrière sous l’impact sonore et le tremblement de terre qui se produisait. Cette fois-ci c’était le sol qui dansait, des pierres qui dévalaient la pente, la terre qui montait, puis redescendait, des arbres qui s’écroulaient, une force violente qui s’émanait de la terre comme si on assistait à une renaissance terrestre.

“Cours !”, cria le père, essayant en vain de se redresser sur ses pattes, “Il faut se mettre à l’abri !”

Le tremblement avait cessé. Sabelette et Sablaireau, arrivant enfin à retrouver leur point d’équilibre, ne se posèrent plus de questions et cavalèrent comme ils n’avaient jamais cavalés auparavant. Ils étaient terrifiés.

“Qu’est ce qui se passe ?!”, demanda enfin Sabelette.

-Je n’en ai aucune idée ! Je n’ai jamais vu un phénomène pareil !”

-J’ai peur Pap…”

Sa voix fut encore une fois interrompue par une secousse plus violente. Sabelette regarda au loin vers les montagnes et aperçue une lueur rouge.

“Qu’est-ce que c’est que ÇA ?!”

C’est au coin d’un rocher qu’il put discerner ce qui provoquait cette lumière. Le soleil se couchait à ce moment-là, et une couche de peinture rouge-orangée s’étalait sans pitié sur toute la toile, engloutissant tout sur son passage, tuant le vivant, anéantissant l’innocence.
C’était de la lave. Cette matière brûlante qui sortait enfin de son antre après avoir dormi plus de 5000 ans, jaillissant comme du pétrole ; c’était le diable qui débouchait du sol et qui se préparait à anéantir des centaines d’espèces vivantes. Des crevasses commençaient à se former, des trous de dizaines de mètres dans lesquels la lave montait, menaçant Sabelette à chaque pas. Il avait peur, si peur qu’il courait plus vite chaque seconde, échappant la mort à plusieurs reprises. Les arbres autour de lui brûlaient, la lave sortait de tous les côtés, les Pokémon alentours fondaient et les survivants se carapataient dans tous les sens, affolés, avant de mourir à leur tour.
Sabelette se prit un caillou et trébucha. La lave le rattrapa vite, elle était à peine à quelques mètres. Son père l’aida à se relever et ils reprirent la course ; la clairière était toute proche, ils pouvaient déjà sentir l’odeur du sable.
Les deux rescapés s’échappèrent de la végétation et s’écroulèrent lourdement sur le sable. Usant de leur dernier souffle, ils firent un ultime effort pour crier un “Attention !” au reste du groupe.
Seulement c’était inutile, la tribu entière avait déjà sentie la secousse, observé les chutes rouges s’écouler au loin et reniflé l’odeur carbonisé de la forêt en feu. Les adultes prenaient les bébés dans leurs bras, les enfants s’agrippaient à leurs parents, tout le monde criait et tournait en rond. C’était le chaos total.

“Écoutez – moi !!!”, hurla le père de Sabelette. La foule entière s’était enfin tue. Même les bébés qui pleuraient étaient aussi silencieux que le sable.

“Il ne faut pas perdre de temps.", reprit-il. "La coulée n’est pas loin. Il ne lui faudra pas longtemps pour qu’elle nous rattrape et fasse de ce désert un marais bouillant ! Suivez-moi, nous allons sortir d’ici ensemble et en ordre !”

Tout le monde était extrêmement soulagé, il leur fallait cette puissance exemplaire qui les mettrait dans le droit chemin. Sabelette fut impressionné par le sang – froid inégalée de son père. Qu’auraient-ils fait sans lui ?
L’opération se déroula sans encombre. Il ne leur fallut qu’une vingtaine de minutes pour monter dans les sommets glacés, car seules ces montagnes étaient à l’abri des pluies de lave. La marche était épuisante, mais tout le monde était sain et sauf, c’était l’essentiel. Sabelette regardait autour de lui, il était heureux que sa famille soit vivante, que son père savait prendre les choses en main, il ressentait beaucoup de fierté pour lui.

“Papa, tu es incroyable ! Je ne pensais pas que tu pouvais être si…”

Une soudaine pensée le frappa. Sabelette fixa son père étonné, les yeux grands ouverts. Il avait oublié sa graine dans la caverne.
Décrivant un parfait demi-tour, il fonça droit vers le désert, vers l’endroit où se situait son petit protégé. Il savait qu’il fallait être rapide. Il n’écoutait plus rien, n’entendit plus rien, même pas la voix du Sablaireau qui criait son nom.

“Attends-moi, attends-moi, attends-moi !!”, pensa-t-il, “Tu es la mienne !! LA MIENNE !”

Il faisait maintenant nuit noir. Les yeux scintillants, le pouls impatient, Sabelette arriva enfin à la clairière désertique. Il sauta de dunes en dunes avant de rejoindre la caverne. Il était temps, l’eau du diable brillait comme une torche et envahissait le sable comme une nouvelle mer, mais une mer où nulle vie ne pourra procréer.
Ses mains cherchèrent le précieux dans tous les coins et recoins de la cave, mais sans succès. Sabelette fut pris d’un stress soudain.

“Ou es-tu ? Ou es-tu bon sang ?”

-Sabelette !!”, une voix tremblante résonna au loin. C’était son père, qui l’avait suivi, envahi par la peur pour son fils. “Tu veux mourir ou quoi ?!”

Son fils le fixa comme si ses yeux allaient percer les siens.

"Papa ! Tu fais quoi là ?!”

-C’est moi qui devrais poser cette question ! Je suis là pour te ramener en sécurité, idiot !”

-Je… Papa ! Je voulais juste prendre quelque chose ! Tu te mets en danger pour rien !!”

La lave s’approchait.

“Est – ce donc pour cette “chose” que tu étais si distant récemment ? Que tu mettais de côté ta propre famille et maintenant ta propre vie ?! Réveille-toi bon sang !! Reviens immédiatement !”

-Je... Je n’en ai pour qu’une minute !”

-Une minute de trop et nous serons...”

Un bruit d’engloutissement l’arrêta net. Il se retourna lentement ; des frissons lui parcourant le dos. Ses yeux étaient rivés sur la mort qui s’introduisait doucement par l’entrée de la grotte. Sabelette, désespéré, sentit une larme couler sur sa joue.
Ça y est, la lave les avait rattrapés. Ils étaient foutus.
Sabelette tomba raide sur le sol. Il se rendait compte de l’ampleur de la situation ; tout était de sa faute, c’était lui qui allait payer pour son orgueil, sa prétention ; et son père allait prendre parti dans ce châtiment suprême. Il voulait tout lâcher, crever comme une merde, laisser en paix sa famille pour une fois.

“Fiston !”

Une voix résonna dans sa tête. C’était celle de son père, qui lui implorait de revenir à la réalité.

“Fiston !”

Sabelette s’en fichait. Ils étaient coincés dans ce cul de sac, faits comme des rats.

“FISTON !”

Le père secoua son fils de toutes ses forces. Il fallait trouver une issue, un moyen de survivre !

“FISTOOOON !!!”

Sabelette écarquilla les yeux. Son père l’avait toujours soutenu, toujours aidé à surmonter les moments les plus difficiles. Et maintenant c’était lui qui lui demandait en aide.

“Qu’est-ce qu’il y a papa ?”, lui demanda-t-il, en sanglots.

-J’ai une idée. Suis – moi !”

Lui et le Sablaireau se placèrent devant un mur rocheux qui semblait le moins épais de tous. Ils allaient user de toutes leurs forces pour sortir d’ici. Il le fallait, la roche en fusion remplissait la grotte comme une vulgaire marmite.

“Prêt ?!”, demanda Sablaireau.

-Prêt.”, acquiesça Sabelette, reprenant confiance.

-Alors c’est parti ! Utilise tunnel !!”

Des explosions de fumées témoignèrent de l’activité intense qui se déroulait dans la pénombre. Un Sablaireau et un Sabelette, luttant pour leur survie, utilisant leurs dernières forces pour pénétrer la roche dure. Leurs griffes fatiguaient, la sueur coulait sur leur visage, leur souffle était rapide. Des miettes partaient dans tous les sens.
La fin était proche. C’était maintenant ou jamais. La lave ne résidait plus qu’à une dizaine de mètres !
Mais c’était un duo parfait, ils creusaient à travers la roche en union comme un bulldozer. Leurs pattes s’étaient alignées et les deux Pokémon virevoltaient, tournaient, créaient une figure aérodynamique puissante que même la roche la plus dure ne pouvait résister. La surface était toute proche ; des fissures laissaient passer des courants d’air frais.
Les dernières pierres partirent en fusée aux alentours ; un énorme courant d’air frappa Sabelette de plein fouet, ça y est. Il était enfin libre.

“Ne perdons pas de temps”, suggéra le père. “On se barre d’ici tout de suite !”
-Oui, pa...”

Sabelette avait à peine prit le temps de poser un pied sur le sable froid qu’il tomba nez à nez avec une petite chose.
Sa graine. Elle était entre deux pierres à 5 mètres -ou moins- ; sans doute avait-elle glissée dedans par hasard, c’est pour cela qu’elle était introuvable. Et maintenant elle risquait de se faire brûler, disparaître à jamais ; et cela lui était impensable. Sabelette fixa son père :

“Désolé papa.”
-Fiston… Non…”

Ignorant son père, il plongea en avant pour faire sortir son bien – aimé, la patte essayant désespérément de l’atteindre. Son père, arrivant par derrière, s’accrocha aux épaules de son fils pour le faire revenir. Il cria son nom plusieurs fois. La lave était à quelques centimètres.

“Réfléchis, Sabelette! Tu vois bien que cette… chose ne ta donnée que du mal ! Je t’en prie, sortons d’ici !!”

-Casse – toi !”

Sabelette lui donna un coup de coude et le fit basculer en arrière. Sablaireau tituba quelques instants, et tomba dans la lave chaude en hurlant de douleur.
Sabelette se retourna. Le spectacle le rempli d’horreur ; Il vit son père fondre dans cette boue rouge dont il n’allait jamais en ressortir. Il pouvait voir son regard se poser une dernière fois sur lui avant de disparaître à jamais. Quelques glapissements, puis plus rien.



Du haut de son rocher, Sabelette observa l’étendue de lave qui s’écoulait sur des dizaines de kilomètres ; la vallée était en train de brûler sous forme d’un immense brasier. De la fumée titanesque s’en échappait et montait dans le ciel à perte de vue. Des larmes coulaient sur son visage. Jamais n’avait – il ressenti autant de déception pour lui-même ; car c’était son égocentrisme qui l’avait conduit jusqu’ici, qui avait tué son propre père. Il était dégoûté. Dégoûté.
Sa graine roulait dans ses griffes. Il ne la regarda plus comme auparavant, comme une fierté. Non, c’était de la haine qu’il ressentait, il haïssait cette graine, cette chose maléfique qui avait pris possession de lui-même, qui l’avait transformé du petit Sabelette qu’il était à l’attrape sou. Il la fixa avec des yeux qui tremblaient, des yeux rouges à force de pleurer.

“Je te hais. Je te hais.”

Le volcan gronda. Des giclées de lave plus fortes que les précédentes coulaient de tous les côtés.

“JE TE HAIS !”

Le volcan explosa une nouvelle fois, la lave montait de plusieurs mètres avant de retomber sur le sol tels des feux d’artifices. Sabelette courra en direction de la falaise et jeta sa graine avec rage ; il émit un cri strident. La boule maléfique dégringola le ciel jusqu’en enfer, ou elle pouvait rejoindre son père.
Le volcan s’était calmé. Sabelette observa encore le paysage chaotique avant de remonter les montagnes glacées. Il faisait froid, trop froid même. Allaient-ils vraiment survivre là – haut ?

“Les Sabelettes et les Sablaireau sont des survivants. Nous pouvons nous habituer à n’importe quel climat, n’importe quelle situation. Nous serons toujours gagnants.”

La voix de son père résonna dans sa tête comme un instrument. Il avait raison, il a toujours eu raison, et c’était à son fils, son tour de s’occuper du clan. Un léger sourire se dessina sur son visage ; les pattes plongées dans la neige, Sabelette rejoignit les autres.


La rivière de feu se prolongeait dans la terre asséchée. En à peine quelques dizaines d’heures, l’île est passé du vert au noir ; du vivant aux morts ; du bruit au silence ; du rêve au cauchemar. Plus rien ne subsistait.
Enfin, du moins croyait-on.
Seul un petit rescapé dans ce désastre restait dans un coin cendré. Une petite boule, d’une couleur doré.
Une graine.