Chapitre 7 : Ghost lights
Je me trouvais dans l'obscurité la plus totale. Je ne savais pas combien de temps avait passé, ni même où je me trouvais désormais. Je ne voyais rien, ne sentais rien. J'avais seulement l'impression d'être.
Au bout d'un moment, je repérai l'horizon et la lune qui se couchait. Le jour n'allait pas tarder à pointer le bout de son nez.
J'aperçu enfin autour de moi de petites lueurs bleues. Elles étincelaient de même que les étoiles et montaient comme pour les rejoindre. C'était mes amis, ils partaient et me laissaient là. Je voulu crier mais ne réussis à produire aucun son. J'essayai de les attraper mais ne parvins pas à les rejoindre.
Alors je me mis à danser. Je répétais les mouvements que l'on m'avait appris en les mixant à ceux de Floramantis que j'avais observé de longues nuits. Et les lumières prirent de la distance, elles s'élevaient d'autant plus vite. Je m'agitai de plus belle, j'avais le sentiment que j'allais pouvoir les retenir, mais en vain. Tout en continuant, je vis la ligne d'horizon qui s'élevait, légèrement moins vite que les lueurs. C'était ça, je devais regagner le sol si je voulais arriver à quelque chose.
J'imaginais les faux de la mante au bout de mes bras et les faisais virevolter à sa façon avec cependant les pieds plus statiques à la façon de la plumeline mauve. C'était grisant, je me sentais libre, porté par un nouveau souffle. Je me demandai un court instant si c'était cela : trouver son style. Mais l'interrogation s'envola très vite. Je n'avais pas à penser, juste à danser, aussi vite que je le pus. Je n'allais pas abandonner.
La lune disparut redoutablement. Les ténèbres persistèrent une fraction de seconde froide. Les éclats bleu pâle allaient s'évanouir et un premier rayon apparut. J'accélérai le mouvement et un second perça. Les lueurs brillèrent encore quelque peu. Aucun hurlement ne se fit entendre. J'eus l'impression que mes gestes devenaient lourds, comme si je me mouvais embourbé dans du coton.
Mes amis s'effacèrent. Je n'avais pas réussi.
"Tu t'es trompé. Tu n'aurais pas pu les garder auprès de toi. Rester dépend de chacun, et ils ont accepté de partir. Alors que toi, tu as refusé ce sort et est demeuré ici."
Un être nébuleux me faisait face. Il était fait d'une fumée violette, un anneau d'or le cernant. Ses yeux étaient jaunes et il avait de petites joues bleues. Il faisait régner une profonde sérénité et si j'eus l'impression d'avoir été accusé d'un délit, j'oubliai immédiatement mon ressentiment.
"Tu as voulu sauvegarder tes amis. C'était très beau, j'ai beaucoup apprécié. Mais inconsciemment ce n'est pas eux que tu as agrippés mais ta vie. Bon retour.
- Qui es-tu ?"
La question avait fusé dans mon esprit et ma seule pensée l'avait transmise. Le nuage sourit un instant qui me parut une éternité.
"On m'appelle l'Enfant des Etoiles.... Mais je trouve la question cocasse de la part d'un pokémon qui ne fait que se cacher."
Je me retrouvai une nouvelle fois dans la pénombre et j'avais froid, le soleil n'ayant pas encore réchauffé l'atmosphère. Mes bras prirent appuie sur le sol tandis que je tâcher de me relever. Mes jambes protestèrent mais je parvins finalement à me redresser. Debout, j'ouvris les yeux : une plaine noire s'étendait devant moi avec une odeur de brûlé. Là où se dressait la serre de la NFC s'étirait désormais un champ de suie. Mises à part une cage en fonte et la ruine d'une cascade artificielle, il n'y avait plus rien.
Je contemplai le paysage avant de regarder mes mains. Elles étaient pleines de cendres, les cendres de pokémons, d'hommes et de plantes. Mon coeur sursauta et je les frottai l'un contre l'autre pour les débarrasser de ce résidu. Elles demeurèrent cependant noirâtres.
Baissant les yeux, je remarquai que mon corps entier était couleur charbon. Repérant les rayures sur mon abdomen, je réalisai ce qu'il m'était arrivé. J'avais évolué. Mais pas comme Maman. Elle avait le même teint que moi à l'époque, elle n'était pas aussi sombre.
Acceptant doucement mon nouvel état, je commençai à marcher. Personne d'autre n'en avait réchappé, il n'y avait que moi. Le vent balayait la poussière en de petites tornades de cendres. Il souffla un peu plus fort et découvrit un squelette. Posé dessus trônait un crâne et un fémur. L'incendie avait exhumé Maman.
Je restai là, en silence à me recueillir une dernière fois. Elle allait me manquer. Ils allaient tous me manquer.
Je me mis à genoux devant le tas d'os. Religieusement, je pris le crâne dans une main. De l'autre, j'empoignai de la suie et dessinai une étoile avec, juste entre les orbites. Rien n'allait plus être pareil. Lorsque j'allais le coiffer, j'allais démarrer ma vie d'adulte. Je le levai au dessus de ma tête des deux mains et le baissa en retenant ma respiration.
Cela fait, il restait son arme. Tendant une main vers lui, je saisis le fémur et le tins à l'horizontal à bout de bras. Je me relevai quand une idée me traversa l'esprit. Alors à la façon d'Edwin, j'en frottai les extrémités sur mon front et elles s'enflammèrent. Les flammes étaient d'un bleu émeraude rappelant les lueurs fantomatiques. Je passai mes doigts au-dessus sans me brûler, c'était un brasier froid.
La rumeur se répandit que le jardin principal de la NFC avait été incendié. On avait aussi aperçu un étrange pokémon sombre, se relevant d'outre-tombe et dansant avec un bâton de feu sur les lieus. Il fut suspecté d'être à l'origine du drame.
Ressuscité, je suis devenu un sorcier, un paria. J'aime ajouter être le gardien des âmes des pokémons défunts. Je suis le danseur du feu, l'éternel solitaire. Je suis : Ossatueur.