« In time of Peace, prepare for War. »
Le vent soufflait en rafale dans la tête de Midgard, alors que la reconstruction du meurtre de Cyran s’effectuait dans son esprit. A ce moment, il n’avait qu’une envie : sauter au cou de Lynx, lui faire payer pour cette vie qui s’était envolée trop tôt, mais ses pattes restées clouées au sol, refusant d’effectuer le moindre mouvement. Avait-il peur ? Du Dimoret, aucunement. De briser la paix qu’ils avaient réussi à installer dans leur camp de réfugiés ? Oh que oui. Avec Aflene et Wolfgrim, ils avaient tant trimé, bataillé pour que les Déviants soient acceptés parmi une majorité de Légitimes, ils avaient sué pour que les Déviants ne rejettent pas tous les malheurs de leur monde sur les Légitimes. Ils ne pensaient pas y arriver, mais petit à petit, les moqueries ont cessé, tout comme les remarques insolentes à deux griffes du racisme. Ils avaient enfin trouvé un terrain d’entente : la survie, l’égalité, l’unité. Et aujourd’hui, Lynx trainait leur dur labeur dans la boue, en enclenchant un levier qui les faisait filer droit dans le mur. Le Feunard montra les crocs, ne pouvant s’empêcher de haïr son salvateur pour la énième fois.
Les deux ne l’avaient toujours pas repéré, mais sa colère ne tarderait pas à signaler sa position. Il avait envie de hurler de toutes ses forces et d’en finir une bonne fois pour toutes avec le meurtrier. Puis soudainement, il se ravisa. Se pouvait-il qu’il ait tout simplement mal comprit les propos des deux Pokémon ? Dans ce cas, de quoi parlaient-ils ? Il secoua sa tête, surprit de se poser des questions aussi stupides : ça ne pouvait qu’être eux ! Midgard avait fouillé cette ile de fond en comble, sans jamais n’y trouver trace de vie animale. L’ile de Farwynd avait été complétement délaissée par ses quelques habitants au début des hostilités, sa population se rendant peu à peu compte qu’elle vivait dans une prison de terre et de roches qui la ferait mourir de faim si elle décidait de rester par patriotisme. Les responsables, il les tenait, ils étaient devant lui. Il bénéficiait toujours de l’effet de surprise, mais ils étaient deux. De plus, Kandyl était surement celui qui allait lui poser problème. Force et dextérités alliées comme elles l’étaient, le renard seul n’avait aucune chance de s’en tirer : il connaissait Lynx, celui-ci n’avait pour principe de laisser proliférer le moindre problème, et s’il arrivait à s’échapper d’une mort certaine, il pouvait être sûr que le Dimoret lui ôterai la vie sans tarder. Sans preuves, il ne pouvait pas non plus accuser les deux complices, il avait besoin de trouver quelqu’un qui le croirai à coup sûr, et cette personne n’était plus au camp. Le Lougaroc était sur les lieux du crime, en contre-bas, puisque Lynx prévoyait à l’instant de l’attaquer lui et Alfene. On aura plus de chance à trois contre deux ! pensa Midgard. Au loin, le furet sautait dans la gorge, tandis que le Tauros utilisait une rampe naturelle se trouvant à quelques pas de là. Le Feunard n’attendit pas une seconde de plus, et sauta lui aussi dans l’abîme, ne faisant toujours qu’un avec le décor.
Alerté par la chute soudaine du Dimoret, Wolfgrim dégainait ses griffes et ses crocs : lui aussi, d’un côté, soupçonnait Lynx. Non, il ne l’avait jamais vraiment apprécié. Il avait collé une étiquette sur sa personne dès leur rencontre, et celle-ci disait « sournois ». Le loup n’était pas si loin de la vérité que ça. Il enchaina les esquives, son adversaire étant redoutablement rapide et agressif. Il attaquait à coup de Punition, qui pouvait bien les amocher, sa comparse et lui. Malheureusement, il perdait du terrain, reculant à chaque attaque de son assaillant. Aflene, derrière, utilisa alors sa Télékinésie pour extraire le corps de Cyran du champ de bataille, le déposant dans une alcôve dans le mur, en hauteur. Elle se maudissait pour ne pas pouvoir aider Wolfgrim : ses attaques n’effleureraient même pas Lynx. Ses sens aux aguets, elle perçut alors du mouvement derrière elle : Kandyl. Elle cracha, se doutant qu’il devait également être dans les parages si le Dimoret tentait un de ses mauvais coups. Elle l’évita, et tandis qu’il s’apprêtait à charger à nouveau, elle rassembla ses forces psychiques, hurlant un Rafale Psy dévastateur. Sonné, le Tauros s’ébrouait, tentant de recouvrer ses esprits. Wolfgrim prit de l’élan, après avoir réussi à s’éloigner assez de Lynx, et s’élança vers lui, lui lançant l’attaque Queue de Fer. Le choc renvoya le furet au loin, mais il n’abandonna pas pour autant. Plus rapide qu’un éclair, il se glissa telle une ombre derrière le loup, attaquant Aflene avec Tranche-Nuit. C’était l’attaque de trop pour la Mentali, qui tomba au sol, paralysée par la douleur qui l’attirait vers l’inconscience. Se retournant vers Wolfgrim, il semblait déterminé à en finir, alors que Kandyl se remettait de ses états. Hardi de nature, le Lougaroc était toujours en garde, mais il se savait impuissant face à ces deux ennemis.
Midgard, arrivant la seconde d’après, cracha un Lance-Flamme tel que les deux adversaires étaient tombés, à l’égal d’Aflene, inconscients. Ne perdant pas son temps en besogne, le Feunard s’approcha de la meneuse : elle était bien trop blessée pour qu’il puisse la ramener au camp, l’entaille causée par l’attaque du traitre était beaucoup trop profonde.
« Je rentre au camp, chercher de l’aide. Grim’, reste avec elle, et si les deux se réveillent, ne les attaque pas. On gérera de notre côté. »
Le loup acquiesça, non sans froncer des sourcils : ce plan, il ne l’aimait pas du tout. Lynx était du genre à tout faire dans le dos des autres, mais dans une expédition comme celle-ci, il n’était pas seul. Le Tauros n’était pas le seul à se penser supérieur dans le camp, et ça, Midgard le savait. S’engouffrant dans un renforcement de la paroi, caché par ses couleurs, il gardait un œil sur les deux Pokémon ennemis. Il passait ses yeux sur la Mentali, vérifiant si ses flancs se levaient toujours. La seule qui pouvait l’aider maintenant, c’était Raina. La Manternel avait toujours été au petit soin avec tout le monde, il fallait juste espérer que ça ne dégénère pas là-bas maintenant.
Le Feunard déboucha rapidement dans la combe sablonneuse, les poumons en feu. Il dû lutter pour ne pas avoir le souffle coupé parce qu’il voyait. Ce sable, habituellement d’un jaune orange doré par les rayons du Soleil était dorénavant rougit par le sang. Cette infime peur que sa routine ne vacille qu’il avait ressentie en quittant Wolfgrim, quelques minutes auparavant, elle prenait son cœur et le pressai d’une force titanesque. Il bataillait pour ne pas que ses pattes tremblent. Il en avait assez de ces batailles futiles qui prenaient aux Pokémon ce qu’ils avaient de plus précieux : leurs proches. Midgard ne souhaitait à personne de vivre ces pertes affreusement douloureuses, et aujourd’hui, le cœur d’Alola battait pour la guerre. Mais il n’avait plus le choix, il devait se battre pour sa vie, mais évitait soigneusement les affrontements. Il s’était mis en tête de trouver Raina, une des seules capable de soigner les autres. Elle devait être mise en sécurité, pour la survie du groupe. « Groupe », ce mot lui paraissait tellement faux quand il voyait le spectacle sanglant qui se déroulait sous ses yeux. Alors qu’il avait vu la Manternel, un espoir se dessina dans ses yeux, et il se remit à courir pour la rejoindre. Une vive douleur lui trancha le flanc droit, il vit alors qu’il était attaqué par un ancien comparse, Ran. Tout mais pas ça ! Le Sablaireau, qui était un Déviant, s’était lancé dans la voie sans retour du combat, et attaquait tous les Légitimes qu’il croisait. Midgard ne faisait pas exception. Honorant le pacte qu’il avait signé avec lui-même, le renard fit un saut en arrière, avant de cracher un autre jet de flammes qui ravagea la peau gelée du Pokémon Glace. A peine eut-il lancé l’attaque qu’il la regretta : elle pouvait lui être fatale ! Quelques secondes après que les flammes aient commencé à se manifester, elles s’évanouissaient dans les airs, laissant des oscillations dans l’air à cause de l’intense chaleur qu’elles avaient produite. Les cris de douleur de Ran cessèrent d’eux même, et le Feunard regarda son ancien ami, maintenant ennemi, tomber au sol, le givre laissant place à une peau calcinée. S’en était trop, il était bloqué par sa vision du corps sans vie du Sablaireau. Il s’était promit de se battre pour sa vie, mais pas au prix de celles des autres ! Effrayé, il ne vit pas Kandyl, déjà revenu d’entre les morts – ou du moins l’aurait-il préféré – le charger à coup d’Empal’Korne. Sortant de nulle part, un Arcanin l’envoya au tapis, usant de sa prodigieuse Vitesse Extrême. Il donna un léger coup de patte à Midgard pour qu’il réalise dans quelle pagaille ils étaient.
« Qu’est-ce que tu attends ? On se tire d’ici ! » Digérant les derniers instants, le Feunard suivit le chien aux allures de lion entre les différents combats engagés par-ci et par-là. Kaione, devant lui, ne semblait pas plier devant la mort et l’odeur du sang. A croire qu’il était habitué à toute cette indifférence pour la vie des autres dont ses camarades faisaient preuves.
« Aflene est blessée ! Elle a besoin de Raina ! » protesta le renard, indiquant la position de la recherchée par la même occasion. L’Arcanin avait le regard sévère, tout comme l’était sa voix, quand il lui répondit.
« Et Raina a choisi le camp de Lynx. Tout ce que tu peux faire, c’est de prier pour Aflene. » Il marqua une pause. « Et Wolfgrim. » Il plongea son regard noir dans les yeux rouges du renard, et celui-ci comprit qu’ils n’avaient guère le choix : tous deux devaient fuir, pour le bien commun. Il ne pouvait plus rien faire pour Aflene, ni pour son meilleur ami. Il hocha la tête, résigné à suivre l’Arcanin, qui l’entrainait toujours plus loin de leur ancien havre de paix, vers la mer. C’est vrai. Il avait toujours été libre de quitter cet endroit par la voie maritime après tout. C’était un Légitime.
Ils s’arrêtèrent de courir une fois les pattes dans le sables, et le soleil qui commençaient à se baisser, derrière le Monolithe. La tête, tout comme le moral tombants, Midgard observait une dernière fois cet environnement. Il le détestait au plus haut point. Il avait passé cinq années ici, à fuir le monde dans lequel il vivait, et au fond de lui, il était heureux de pouvoir enfin le quitter. Seulement, il aurait préféré partir avec tout le monde. Aujourd’hui, il était contraint de laisser derrière lui Wolfgrim à la nuit, l’abandonnant à ses folies nocturnes aux côtés d’une âme qui risquait de quitter ce monde dès ce soir. Il baissa la tête, résigné.
« Il n’y a qu’un seul endroit où l’on sera vraiment en sécurité. » Les mots de Kaione le sortirent de sa presque torpeur, lui posant une multitude de questions à la fois. Voyant ces interrogations dans le regard écarlate de Midgard, l’Arcanin ria, toujours assez silencieusement pour ne pas se faire repérer maintenant qu’ils étaient assez loin des combats qui faisaient encore rage.
« L’ile de Hardyng. » Le Feunard ferma les yeux, se refusant de retourner sur sa terre natale à l’idée d’être constamment hanté par son passé. Au fond, ne l’était-il déjà pas ? « C’est là-bas que se trouve la plupart des Déviants, l’île leur appartient. Si je suis avec toi à ton arrivée, ils ne poseront pas de questions, ne t’inquiète pas ! » Oh, pour le principal bastion de Résistance des Déviants, Midgard savait. Ce qui le troublait, c’était de savoir qui acceptera de les conduire sur le rivage de l’île du mont Givrecime. Un Déviant marin ? Il y avait peu de chance. Il devait s’agir d’un infiltré, comme Kaione. Un de plus, un de moins, cela lui importait peu. Il voulait juste fuir cet endroit qu’il commençait à croire maudit depuis les évènements de la fin d’après-midi. Il ne lui avait pas fallu grand-chose, au final, à Lynx pour faire exploser tout qu’Aflene avait bâti.
« Quand on sera là-bas, je te présenterai le boss. Il n’est pas très causant, mais t’as plutôt intérêt à l’avoir dans ton camp si tu veux pas passer un sale quart d’heure. » Ces mots ne rassuraient pas le Feunard : allait-il rencontrer un autre Lynx ? Si c’était le cas, il se jetterai à son cou, peu importe le prix qu’il devait payer aux Déviants par la suite. D’ailleurs, à quelle espèce allait-il avoir à faire ? Si c’était une créature marine, il pouvait dire au revoir à ses idées sanglantes. Kaione l’examina des pattes à la tête, un sourire en coin.
« Il va te plaire, parole d’Arcanin ! » il accompagna d’ailleurs ses paroles par un clin d’œil qui fit sourire le renard de feu. Sérieusement ? Qui pouvait bien lui inspirer encore confiance dans ce monde ? Il n’était même pas sûr de pouvoir confier la sienne à son partenaire canin ! Désespéré par lui-même, il tourna la tête de côté, ne voyant pas leur monture se dessiner dans les brumes qui tombaient sur le lit d’eau. Le Pokémon marin accosta, non surprit de voir Midgard qui lui, ne réagit que lorsqu’il entendit la voix de Kaione.
« Merci Logwen, merci infiniment. » Le Feunard suivit son comparse sur le dos de Logwen, un Lokhlass qui le rassura de par son éloquence, quand il s’adressa à lui.
« Tout ira bien, tu verras. » Et c’était tout ce qu’il avait besoin d’entendre.