Retour aux sources
Dario jeta un coup d'oeil à la pendule au-dessus du tableau noir. Plus que deux minutes. Le professeur s'enthousiasmait devant lui, faisant semblant de ne pas remarquer que tout le monde avait hâte d'être en weekend.
"On remarquera ici la présence d'un indice que l'enquêteur n'avait pas remarqué, dans ces cas-là il est important pour un policier de..."
Dario n'arrivait plus à se concentrer. Les cours à l'école de police étaient passionnants, mais un peu moins à une minute de la sonnerie. A côté de lui, Anssen tapait du pied en fixant l'horloge, sa main sur le bord de son cahier, prêt à le fourrer dans son sac. D'autres élèves étaient plus sérieux, ils continuaient d'écouter le professeur sans se rendre compte de l'imminence du weekend. Ils grattaient fébrilement sur leurs feuilles et relevaient parfois la tête. Moana faisait partie de ceux-là. A chaque fois qu'elle bougeait la tête, une mèche de cheveux bruns tombait devant son visage, et elle la repoussait. Elle avait l'habitude de porter son stylo à sa bouche quand elle réfléchissait, et de croiser les jambes sous sa table lorsqu'un professeur assenait une vérité avec laquelle elle n'était pas d'accord. C'était une élève relativement bonne, mais c'était parce qu'elle travaillait dur.
La sonnerie retentit dans la salle de classe. Dario mis ses affaires dans son sac alors qu'Anssen avait déjà passé la porte, et se leva. Il quitta la salle de classe après avoir souhaité au professeur de passer un bon weekend, puis il traversa l'école pour se rendre à l'internat. Il était ici depuis un an et demi pour réaliser son rêve d'enfant : devenir policier. Il voulait protéger Alola et faire régner la justice dans son archipel qu'il aimait tant. C'était une région plutôt calme, mais il y avait toujours quelques pêcheurs qui posaient des filets non autorisés, ou encore des Pokémon blessés à secourir. C'était d'ailleurs comme ça qu'il avait rencontré son premier Pokémon. Il s'en souviendrait toujours. Il avait tout juste dix ans, et il était parti se balader sur la plage. A cette époque sa mère était encore enceinte et devait rester se reposer à la maison. Dario avait marché un moment jusqu'à ce qu'il entende de petits couinements plaintifs. Il s'était précipité vers l'origine du bruit et avait découvert un tout petit Rocabot. Il avait aussi eu le temps de voir un Crabagarre se faufiler dans le sable. Le Rocabot était blessé et souffrait. Il avait dû s'éloigner du reste de sa famille et se faire attaquer. Dario avait songé que s'il était arrivé quelques minutes plus tard, ç'aurait sûrement été fini pour le petit Pokémon. Alors il s'était agenouillé près du Rocabot, lui avait murmuré des mots doux pour le calmer, et l'avait pris dans ses bras. Il avait couru de toute la puissance de ses courtes jambes pour rentrer chez lui, et il lui avait prodigué les premiers soins avec les médicaments que sa mère gardaient dans sa boîte à pharmacie. quelques heures plus tard, il l'avait emmené au centre Pokémon le plus proche où il avait été remis sur pattes. Et depuis ce jour, Dario et Rocabot étaient devenus les meilleurs amis du monde. Quelques années plus tard, ils étaient partis pêcher dans un endroit de l'île particulièrement rocailleux, et Dario s'était coincé le pied entre deux rochers. Incapable de se sortir de là et attentif uniquement à son pied douloureux, Dario n'avait pas vu le gros Argouste apparaître un peu plus loin. Il avait l'air très fort, et Dario, s'il avait été en pleine possession de ses moyens, aurait fui pour ne pas prendre le risque de blesser Rocabot. Mais ce jour-là il avait fallu se battre. Au cours du combat interminable et douloureux qui s'ensuivit, Rocabot avait finalement évolué et mis à mal l'Argouste ennemi. Dario avait été tellement fier et heureux ce jour-là. Il avait beaucoup mûri depuis ces années là, et beaucoup appris aussi. Il possédait à présent cinq Pokémon dont il était très fier, mais Lougaroc était resté son meilleur ami.
Dario monta la volée de marches jusqu'à son dortoir et arriva dans sa chambre. Ses affaires étaient déjà prêtes sur son lit, et sa chambre rangée. Sa mère aurait été fière de lui, pensa-t-il en souriant. Il pris son sac et fit volte-face. La route serait longue jusqu'à l'île d'Akala où habitait sa famille.
Il quitta l'école après s'être assuré que ses pokéballs étaient bien à sa ceinture, et pris le chemin de la mer. En règle général, il prenait le bateau pour se rendre sur l'autre île, mais maintenant qu'il avait un Pokémon aquatique, il ne s'embêtait plus à acheter un billet. Il avait juste eu à investir dans un sac parfaitement étanche. Il attrapa une pokéball de sa ceinture :
-Tauros, en avant mon beau j'ai besoin de toi !
Le plus grand de ses Pokémon apparut devant lui, et lui donna un grand coup de langue pour lui dire bonjour. Dario se mit à rire en essuyant la bave de sa joue d'un revers de manche.
-On va à la maison, ok ? Tu vas pouvoir te dégourdir les pattes.
Il ne fallut pas le lui dire deux fois. Tauros courba l'échine et Dario sauta agilement sur son dos. Alors Tauros bondit en avant et s'élança en direction de la plage. Dario eut du mal à tenir sur son dos, mais il retrouva vite son équilibre. Il adorait chevaucher avec Tauros. Ils arrivèrent vite au bord de l'eau, et Tauros s'arrêta.
-A tout à l'heure, de l'autre côté !
Tauros meugla de contentement et cette fois, Dario fit appel à Aquali pour l'aider. Il enleva son tee-shirt et son bermuda et plongea. L'eau était toujours aussi bonne ! Il plongea à nouveau et Aquali tourbillonnait autour de lui. Finalement, Dario s'accrocha à son Pokémon et ils filèrent à toute vitesse dans la mer. La traversée était plus longue qu'en bateau, mais ô combien plus amusante ! Et lorsqu'ils arrivèrent de l'autre côté, Dario était bien plus fatigué. Aquali lui sauta dans les bras et se frotta à lui.
La seconde partie du voyage fut bien plus longue. Tauros et lui traversèrent les plaines de l'île, et lorsqu'ils arrivèrent enfin en vue de la maison de ses parents, il faisait presque nuit. Affamé, Dario poussa la porte et entendit un cri de joie un peu plus loin. Une petite fille de dix ans fonça sur lui comme un boulet de canon, une de ses nattes brunes à moitié défaite. Dario la pris dans ses bras et la fit tourner dans les airs. Solea éclata de rire et quand il l'eut déposé par terre, elle s'enfouit dans ses bras.
-Tu m'as manqué grand frère !
-Toi aussi tu m'as manquée, petit monstre !
Il lui ébouriffa les cheveux et elle repartit en courant dans la maison en hurlant : "il est rentré ! Il est rentré !".
Dario posa son sac dans l'entrée et avança jusqu'à la cuisine. Une agréable odeur se dégageait d'un grand plat, et la table était déjà mise. Dario ressentit un immense élan de tendresse pour sa famille.
-Bienvenue à la maison mon grand, déclara sa mère en le voyant entrer.
Ils s'embrassèrent, puis ce fut au tour du père de Dario.
-Tu dois être affamé, remarqua-t-il, passons donc à table. Ta mère a fait ton plat préféré.
-Du loco moco ! Merci maman !
Ils s'installèrent à table, se servirent, et Dario ressentit une immense joie en perçant le jaune de son œuf par-dessus de riz cuit à la perfection.
-Alors, ça se passe toujours aussi bien à l'école ?
-Oh oui, répondit Dario la bouche pleine, les cours sont toujours aussi intéressants, j'apprends beaucoup de choses et je m'amuse bien. Mes Pokémon aussi d'ailleurs.
-Est-ce que tu en as attrapé des nouveaux grand frère ? demanda avidement Solea.
-Oui, j'ai un nouveau Pokémon que tu n'as jamais vu, il ne vit pas sur cette île. Je te le montrerai demain si tu es sage.
Mi-émerveillée mi-fâchée de devoir attendre, Solea hocha la tête.
-Tu veux pas me dire qui c'est ?
-Non, c'est une surprise. Et toi, comment va ton œuf ?
-Oh elle passe son temps à le chouchouter dès qu'elle en a l'occasion ! s'exclama leur mère.
-Bah il faut bien qu'il soit heureux, sinon il va jamais éclore ! Alors je prend soin de lui.
-Elle dort même avec, déclara leur père.
-C'est vrai ça ? demanda Dario en souriant.
Solea hocha la tête de haut en bas. Dario lui avait offert cet œuf lors de sa dernière visite, qui remontait au mois dernier. Il l'avait trouvé par hasard sur le chemin entre l'école de police et la maison. Comme c'était le jour de l'anniversaire de Solea, il n'avait pas hésité longtemps. Il était aussi intrigué et pressé que sa petite sœur de savoir quel Pokémon il contenait, et il espérait que ce ne serait pas un méchant Pokémon. Mais il était soulagé à présent de voir comment sa sœur s'en occupait. Un Pokémon recevant autant d'amour ne pouvait pas devenir mauvais.
-Je te le montrerais demain si tu es sage, ajouta Solea.
Tout le monde éclata de rire autour de la table.
Après le repas, Dario retrouva son lit, beaucoup plus douillet que celui de l'école de police. Comme à son habitude, Lougaroc sortit de sa pokéball au moment de dormir, et se coucha au pied du lit pour se reposer et monter la garde. Il avait toujours fait cela, et même si Dario était grand à présent, il trouvait agréable la présence de son Pokémon à ses côtés.
Il fut réveillé par quelque chose de lourd qui tomba sur lui.
-Louga, c'est pas le moment, laisse-moi...
Il voulut se retourner mais la chose l'en empêchait. Alors un rire retentit dans la chambre.
-Mais je suis pas un Pokémon !
Dario ouvrit les yeux en reconnaissant la voix de Solea.
-Mais il est quelle heure ? grogna-t-il.
-Déjà sept heures !
-Sept heures, mais Solea ! C'est beaucoup trop tôt !
Une deuxième masse se jeta sur le lit, et cette fois une langue humide se joignit à elle.
-Louga ! Bon j'ai compris, je me lève.
Alors que Solea courait déjà au-dehors, Dario se leva en baillant, s'habilla et se rendit à la cuisine. Sur la table, sa mère avait laissé des maladas frais. Son père et elle étaient partaient ensemble tous les samedis, et parfois même en semaine, travailler au sein de leur association de protection de l'environnement d'Alola. Mais en dehors de cette activité son père travaillait dans un phare, et sa mère était vendeuse de bicyclettes dans la ville d'à côté. Dario avala goulûment quelques maladas puis rejoignit Solea qui l'attendait dans le jardin.
Elle était assise dans l'herbe, dans sa robe violette ornée de petits Brindibou, et passait un chiffon légèrement humide sur la coquille de son oeuf en lui parlant doucement.
-Tu sais, je ne suis pas sûr que ça soit très utile de faire ça, déclara Dario, attendri.
-T'y connais rien, il est content quand je fais ça. Il bouge et il fait un peu de bruit.
-C'est vrai ?
Dario s'assit à côté de sa petite sœur et regarda attentivement l’œuf. En effet, il émettait quelques petits bruits, comme des claquements. Lougaroc aussi le regardait attentivement.
-Je peux le tenir ? demanda Dario.
-Tu ne pourras pas, répondit Solea, il ne se laisse toucher que par moi. Tu peux essayer si tu veux.
Dario approcha sa main, et l’œuf arrêta de bouger et de faire du bruit. Il continua d'approcher, et au moment où il allait toucher la coquille, sa main fut projetée en arrière comme si l’œuf était protégé par une force invisible. Lougaroc poussa un jappement de protestation. Dario regarda la paume de sa main, et constata qu'elle était légèrement rougie. Solea sourit.
-Et encore, ça c'est parce qu'il a senti que tu ne voulais pas lui faire de mal. Un jour un garçon de l'école a voulu voler l’œuf, et il a été projeté tout entier au loin. Et sa main est restée sous un bandage pendant une semaine.
-Impressionnant, murmura Dario, je ne savais pas que c'était possible.
-Tu me montres ton nouveau Pokémon ?
Dario détacha une pokéball de sa ceinture et la lança dans les airs. Un petit Pokémon d'un blanc intense sortit de la pokéball. Il avait de grands yeux bleus, de petites oreilles pointues et une queue épaisse et bouclée. Solea poussa un cri d'admiration.
-Il s'appelle Goupix. Je l'ai trouvé pendant une patrouille d'entraînement à l'école.
-Il est tellement joli ! Je peux jouer avec lui ?
Sans attendre de réponse, Goupix s'approcha de Solea et la renifla doucement lorsqu'elle approcha sa main. Il accepta finalement de se laisser caresser.
-Oh comme il est froid ! Avec la chaleur qu'il fait dehors c'est si agréable ! s'exclama Solea.
-Je suis d'accord avec toi !
Elle caressa Goupix encore un moment, puis Lougaroc et lui partirent jouer un peu plus loin.
-Dis grand frère, quand est-ce que tu as décidé de devenir policier ?
-C'est depuis le jour où il y a eu le méchant dresseur sur l'île, tu étais trop petite tu ne t'en souviens pas. Il avait volé des Pokémon et était recherché par la police depuis des mois, jusqu'au jour où il a été retrouvé. J'étais à l'école ce jour-là, et j'ai vu la course poursuite entre le policier et le voleur. Puis leur combat. J'étais admiratif devant le policier qui était si fort et se coordonnait parfaitement avec ses Pokémon. Mais... pourquoi tu me demandes ça ?
-Parce qu'on me demande souvent ce que je veux faire quand je serai grande, et quand je réponds on se moque de moi. Alors je devrais peut-être changer d'idée.
-Qu'est-ce que tu leur dis ?
-Que je voudrais être éleveuse de Pokémon.
-Et ils rient pour ça ?
-Oui, ils disent que c'est pas possible, que j'y connais rien en Pokémon et que c'est difficile.
-Ok, écoute-moi bien. Ceux qui se moquent de toi n'en savent pas plus que toi, et ils sont sûrement jaloux que tu saches ce que tu veux faire plus tard et pas eux. Si tu veux devenir éleveuse de Pokémon il faudra beaucoup travailler, mais avec de la volonté tout est possible tu sais. Et puis quand je te vois t'occuper de mes Pokémon quand je suis là le weekend, je sais que tu deviendras une grande éleveuse !
-C'est vrai ? demanda Solea, des étoiles plein des yeux.
-J'en suis sûr.
Le weekend passa beaucoup trop vite à son goût. Il passa le samedi après-midi à cuisiner avec Solea, et avant qu'il n'ai eu le temps de dire « Lougaroc », le dimanche soir était arrivé et il fallut déjà retourner à l'école. Il embrassa ses parents et sa sœur, puis remonta sur le dos de Tauros et s'éloigna alors que le soleil disparaissait à l'horizon.