Le Tueur du Serpentaire de Lief97

Le coup de poing n’atteignit jamais Tylian.

Feunard s’était jeté sur son dresseur pour le pousser sur le côté. Le coup frôla le Pokémon.

Le Serpentaire marqua un temps de surprise avant de se rendre compte qu’il avait oublié la présence des différents Pokémon plus ou moins affaiblis autour de lui.

Mangriff et Colossinge tentèrent une attaque simultanée. Bien que leurs dresseurs soient amochés, ils semblaient garder leur sang-froid ; signe qu’ils avaient été très bien entraînés.

Mais rien ne pouvait les préparer à affronter un humain qui avait autrefois volé certaines facultés à un Pokémon Légendaire.

Ils furent violemment mis KO, d’un seul coup du tueur. Lugulabre profita de son Type Spectre pour se faufiler dans son dos, discret et silencieux comme une ombre. Tylian éprouva un espoir fou en voyant que son Pokémon allait surgir dans le dos du Serpentaire.

Une certitude l’envahit.

Un coup de poing ne pouvait pas affecter un Spectre !

Le Serpentaire pivota et frappa.

Si le coup de poing traversa Lugulabre comme s’il était fait d’eau, l’onde de choc qui émana des doigts du tueur provoqua un souffle d’air puissant. Le sol vibra, Lugulabre poussa un cri déchirant et tomba à même le sol. Son corps se disloqua et les flammes qui composaient son essence restèrent en lévitation là où le Serpentaire avait frappé.

Tylian savait que son Pokémon n’était pas mort, mais grièvement blessé. Il n’avait encore jamais vu son Pokémon dans un état pareil. Il lui faudrait certainement appeler des spécialistes pour le soigner, mais pour cela, il fallait qu’il se sorte vivant de cette rencontre avec le Serpentaire.

Seul restait Feunard. Et Nellune, toujours à l’écart, une lumière bleue entourant ses mains.

—Nellune ! Appela Tylian, inquiet.

La jeune fille ne réagit pas. Le Serpentaire fit un pas en direction de Tylian, Feunard lâcha un sourd grondement de menace envers le tueur, qui sourit.

—Nelly ! S’exclama Tylian, en se redressant.

La petite fille ouvrit soudain les yeux. Des yeux qui étaient désormais bleu nuit et pailleté d’étoiles. Des yeux inquiétants et rassurants à la fois.

Inquiétants car absolument pas naturels.

Rassurants car cela rappelait à Tylian que Lunala devait être quelque part, à veiller sur elle.

—Désolée d’avoir mis autant de temps à me préparer, Lâcha la petite fille en souriant. Je ne pensais pas que ce serait si long.

—Si long de quoi ? Demanda Tylian.

Le Serpentaire ricana :

—Cette gamine dit toujours n’importe quoi ! Comme Lunala, elle aime les énigmes. Moi, je préfère me battre !

—C’est pas bien de se battre, Rétorqua Nellune. On peut se faire du mal.

Soudain, elle leva les bras et une intense lumière bleue quitta ses mains pour englober le Serpentaire.

—Que… S’étrangla le tueur. Qu’est-ce que…

Tylian, ébloui par la lumière, remarqua un flux d’énergie azur quitter le corps du Serpentaire pour venir dans les mains tendues de Nellune. Aspirait-elle ses pouvoirs ?

Le Serpentaire mit un genou à terre. Son visage était déformé par la haine. Il cria :

—Espèce de petite garce ! Aussi fourbe et déloyale que ton fichu Lunala ! Que fais-tu ?

Son cri se mua en hurlement de douleur. Tylian remarqua que Nellune semblait dégoûtée par ce qu’elle faisait. Effrayée aussi.

Si elle était si réticente à faire du mal à l’assassin, elle qui paraissait toujours aussi calme et pacifique, c’était sûrement parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour elle. Tylian aurait bien voulu lui demander de confirmer cette hypothèse, mais la lumière s’intensifia.

Le Serpentaire se tut et tomba face contre terre. La lumière s’éteignit.

Nellune redevînt la petite fille innocente que Tylian connaissait. Ses yeux étaient redevenus comme avant.

—Tu dois partir maintenant, Dit soudain la petite fille.

Tylian mit quelques secondes à comprendre qu’elle lui parlait.

—Quoi ? Mais…

—Je ne l’ai pas tué. Il est juste dans une sorte de coma. Je vais m’occuper de soigner les policiers, les Pokémon, et de réparer la fissure si j’y arrive. Solgaleo a encore besoin de dormir un peu.

—Nellune…

—Tu ferais mieux de retourner à Mele-Mele le plus vite possible. Les policiers d’Akala ont dû entendre les coups de feu, tout à l’heure. Ils vont arriver bientôt. Tu dois t’en aller si tu ne veux pas te faire arrêter. On se revoit à Mele-Mele. Je te ramènerai ton Lugulabre.

Tylian hésita, observant le Serpentaire presque à ses pieds, l’agent S8 dans son dos et Eldonis, assommé un peu plus loin. Il soupira en rappelant son Feunard :

—Bon… D’accord.



***


(Musique conseillée)


Tylian s’assit sur un banc en face de la plage.

Il se rendit compte que c’était à cet endroit qu’il s’était assis, quelques jours plus tôt à son arrivée à Alola.

Il passa une main sur son visage fatigué. Il n’était même pas heureux d’avoir trouvé l’assassin de sa famille. Certes, un peu rassuré de savoir qu’il ne pourrait plus accomplir de meurtres, mais pas heureux.

Il ne retrouverait pas sa famille.

Si Nellune n’avait pas été là pour l’amener à Lunala, qu’aurait-il fait ? Il serait mort en tentant de tuer le Serpentaire ? Il avait été toujours été un peu tête brûlée sur les bords.

Il regarda distraitement les vagues lécher la plage, des enfants qui jouaient au ballon un peu plus loin. Des touristes et des vacanciers discutaient et se promenaient dans les rues proches. Tylian jeta un coup d’œil dans la baie ; le paquebot qui allait le ramener à Unys était ancré non loin de l’île. Il devait y avoir un départ dans la soirée. Tylian se demanda s’il allait le prendre. Oui, certainement, plus rien ne le retenait là et il avait des études à reprendre.

Il songea à Nellune, qui devait avoir fini de soigner tout le monde, sur le volcan. Il l’espérait. Cela faisait déjà quatre heures qu’il était parti. Il avait payé un autochtone avec presque tout l’argent qui lui restait pour le ramener ici.

Il respira un grand coup dans l’espoir de se remettre les idées en place. Il tenait un peu à Nellune, il s’en rendait compte maintenant. Mais… son rôle de Gardienne devait bien être terminé, non ? Elle avait empêché le Serpentaire de tuer Solgaleo, il ne devait plus y avoir de danger pour Alola ! Plus de danger, plus de Gardien…

—Coucou !

Nellune venait d’apparaître à ses côtés. Tylian sursauta à peine.

—Tiens, ton Lugulabre.

—Merci.

Il prit la Pokéball qu’elle lui tendait. Il la serra dans son poing, chercha ses mots et se tourna vers la petite fille :

—Comment vont les agents ?

—Bien. Ils ont promis de ne pas parler de nous.

—Et tu les as crus ?

—Non, je me suis dit que c’étaient des adultes. Donc ils mentaient forcément. Je nous ai effacés de leur mémoire.

—T’as réussi à faire un truc pareil ?

—Oui. Ils ne se souviendront pas des derniers jours.

Tylian sourit :

—Tes méthodes sont si… radicales.

—Hé, j’ai une question.

—Quoi ?

—Tu crois que c’est mal, ce que j’ai fait au Serpentaire ? Il souffrait

—Bien sûr que non, ce n’est pas mal. Tu as empêché ce psychopathe de s’en prendre à d’autres familles. Et de toute façon, il n’est pas mort, hein ?

—C’est vrai. Mais…

—Arrête de te tracasser, la rassura Tylian. Il le méritait, au fond. Tu lui as fait quoi exactement ?

—Je lui ai pris les pouvoirs qu’il avait volés. C’est moi qui les ai pour l’instant, jusqu’au jour où je devrais les rendre à Solgaleo.

—Je vois.

Il marqua une pause, et remarqua le soleil qui commençait à descendre à l’horizon. Il se tourna brièvement vers l’embarcadère :

—Y’a du mouvement, là-bas. Il va être temps pour moi d’y aller. Les navettes commencent à ramener les gens au paquebot.

—Tu rentres chez toi ? S’étonna Nellune.

—Oui.

La petite fille sembla déçue. Et un peu attristée. Tylian sourit :

—Tu as fini ton rôle de Gardienne, pas vrai ? Que dis-tu de rentrer avec moi ? Tu visiteras Unys pendant que je ferais mes études, non ? C’est mieux que de traîner sans but à Alola, tu ne crois pas ?

Nellune fronça les sourcils :

—Je suis toujours la Gardienne d’Alola ! Je dois veiller sur l’archipel. Je n’ai pas le droit de le quitter.

—Ah bon…

—Mais tu sais, j’aime bien ça, moi. J’aide des gens en secret, des fois. Et je m’amuse un peu, aussi.

—Oui, mais…

Tylian chercha des arguments, en vain. Il était désolé que Nellune soit bloquée dans la région, mais il ne pouvait pas lutter contre la volonté d’un Légendaire.

Surtout un Légendaire qui l’avait aidé à changer.

Il soupira de dépit et se leva.

—Dans ce cas… Je crois qu’il est temps de se dire au revoir. J’aurais aimé rester ici, mais… Je n’ai pas assez pour vivre et si je rate trop longtemps les cours… Je risque d’être banni des universités d’Unys.

—T’en fais pas, je me débrouillerai ! Lança Nellune en se levant à son tour. Et toi aussi !

—Tu sais quoi ? Si un jour j’arrive à avoir de nouveau assez d’argent de côté, j’achète un ticket pour passer un week-end à Alola. On se reverra !

—D’accord.

Un silence gêné s’ensuivit. Tylian se gratta la nuque et lâcha :

—Bon, à bientôt.

Il fit demi-tour, esquissa quelques pas, puis la voix de Nellune retentit dans son dos.

—Attends !

Il fit volte-face, et eu tout juste le temps de voir le ruban dans les cheveux de Nellune que celle-ci l’enlaçait brièvement, les larmes aux yeux. Avant de reculer et de sourire malgré son regard embué :

—Rentre bien, Dit-elle d’une voix fluette. Et fais attention aux adultes qui mentent et qui ne croient pas aux histoires incroyables.

—T’en fais pas pour ça.

Tylian s’éloigna. Nellune le suivit des yeux alors qu’il rejoignait la route puis le quai de départ des navettes. Elle le vit faire un signe de la main dans sa direction alors qu’il embarquait. Elle lui répondit et observa la bateau s’éloigner vers l’immense paquebot de croisière.

Nellune essuya la larme qui perlait sur sa joue, et elle étendit les bras en direction de l’océan. Le vent marin et le cri d’un Picassaut la fit regarder vers le ciel.

—J’aimerais bien voler. Remarqua-t-elle à voix haute.

Elle ferma les yeux et resta silencieuse.

Une demi-heure plus tard, quand le paquebot lança un appel puissant sur l’archipel à l’aide de ses sirènes, elle n’avait pas bougé.

Ses bras écartés dévoilaient son tatouage bleu en forme de lune à son poignet droit.

Et le second tatouage tout frais, orange et évoquant le soleil, qui venait d’apparaître sur le gauche.

L’unique Gardienne d’Alola rouvrit les yeux.

Ils brillaient.

Elle était heureuse, malgré la tristesse de laisser partir Tylian. Heureuse d’avoir un rôle cruciale à Alola.

Son éclat de rire fut emporté par le vent, et l’instant d’après, elle disparut.



***


—Le Serpentaire a enfin été jugé, Annonça la journaliste d’un ton sérieux. Il a été condamné à la prison à vie sur l’île des brumes située au nord de l’archipel d’Alola. Il séjournera dans une petite cellule sous étroite surveillance. Lors du procès, le tueur en série a avoué ses crimes, mais la Police Internationale n’a pas souhaité divulgué l’enregistrement du jugement. Certaines informations semblent sensibles et nous avons obtenus des informations faisant référence à une étrange histoire, de toute évidence inventée par le Serpentaire, au sujet de deux jeunes personnes qui l’auraient affronté et blessé. Certains s’avancent en disant qu’il s’agit là d’un autre signe de la folie de cet homme, qui je vous le rappelle a tué sept familles en l’espace d’un mois. Mais cette menace est désormais écartée, et, chers habitants d’Unys et d’Alola, vous pouvez désormais dormir l’esprit serein.



***


La lumière pourpre qui englobait Alola s’éteignit lentement. Le soleil, fine ligne de lumière rouge à l’horizon, s’éclipsait déjà, laissant dans le ciel les traces vermeille de son passage.

Bien plus discrète, une silhouette fixait ce spectacle depuis les hauteurs d’une colline.

Une silhouette de petite taille, avec un ruban dans les cheveux et une robe que le vent gonflait par moments.

Une lumière orange et une lumière bleue émanaient de chacun de ses poignets.

Elle veillait.