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Qui es-tu, Gouroutan ? de RedRhume



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» Auteur : RedRhume - Voir le profil
» Créé le 08/10/2016 à 23:58
» Dernière mise à jour le 14/09/2017 à 19:00

» Mots-clés :   Drame   Policier   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

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II – Poni'eka ou l'Amertume du monde
____Les ruelles de Kokohio paraissaient bien longues aux yeux, surtout aux jambes d'Églantine qui galopait sur les dalles de la villes, encore vierges de toutes foulées en cette heure précoce. L'on n'entendait que le tapotement pressé de ses baskets sur le sol et son souffle exténué ; pas même un piaillement de Picassaut. Les rues du quartier étaient encore à demi-endormies.
____Églantine s'arrêta un instant, s'appuya sur un mur de brique poussiéreux et tenta de calmer sa respiration agitée. Il était huit heures et demi déjà passé de quelques minutes, les foudres de Sierra allaient s'abattre sur elle une fois de plus, dès lors qu'il entreverrait le tissu mauve de son haut. Et elle ne supportait vraiment pas les réprimandes, qu'elles vinssent d'un supérieur ou même d'Anaïs.

____Sierra était un chef autoritaire qui savait se faire respecter par les membres qu'il commandait. Aucun n'osait contester ses ordres, fussent-ils incohérents, tous obéissaient sans rechigner. Malgré tout, il était juste, franc et traitait ses hommes avec tout le respect qu'il leur devait. Parfois, ses traits de visage marqués par l'âge inspiraient une union inopportune entre crainte et admiration, parfois ils s'illuminaient chaleureusement et l'on répondait en lui souriant, sans trop savoir pourquoi. Il était humain et pour cela, c'était un excellent meneur.



   Un Manglouton errant se faufila hardiment entre les jambes de l'essoufflée. Il la fixa longuement, sans une once de crainte au fond de ses petits yeux de rongeurs malappris.

______Eh bien, jeune fille, hâte-toi si tu ne veux pas subir la colère de Sierra.

____Églantine tressaillit, glissa et s'écrasa sur son séant. Elle balbutia :

______Tu... Tu parles ?
______Oui, et dépêche-toi. Conseil d'ami. La réunion a déjà commencé.

____La jeune fille ne parvenait pas à fermer sa bouche bée par la stupeur de discuter avec une boule de poils sur pattes. Pourtant, elle sentait au fond d'elle comme une impression de déjà vu, comme si un Pokémon doté de parole n'était pas si extraordinaire. Paniquée, sous le choc, elle ne put que bégayer en se relevant et en tapotant son jean pour le dépoussiérer :

______Oui, je... J'y cours !
______Et couvre Artis, en disant qu'il est vraiment très malade aujourd'hui et qu'il n'a pas pu se lever.

____Enfin, elle commençait à comprendre. Cette voix, elle aurait dû la reconnaître depuis le début. Ce timbre qui sonnait presque faux, ce grésillement irritant, ces mots mal articulés. Elle se retourna.

______Artis, espèce de...

____Elle serra le poing avant de le faire décoller droit dans l'épaule du garçon hilare. Le petit Manglouton s'enfuit sous le regard larmoyant d'Artis qui pleurait de rire ou de douleur en se frottant le bras.

______C'est drôle, hein ? demanda Églantine, en secouant son poing avec satisfaction.
______Honnêtement, pour avoir vu ta vieille tête d'extasiée devant un Pokémon qui parle, là, ça en valait totalement la peine.

____Il lui aurait presque tiré la langue.

____Églantine sourit. C'était le garçon le plus étrange qu'elle n'eût jamais rencontré, personne ne la surprenait autant.

____Artis était le fils d'un richissime marchand de légumes qui possédait la grande majorité des plantations de la région. Mais la lassitude de sa vie monotone, dans laquelle il ne manquait de rien, dans laquelle tout lui paraissait fade et sans saveur, rongeait son âme. Il était né avec une fascination pour la surprise, irrépressiblement attiré par le danger et l'anarchie. Alors, il avait rejoint les rangs de la Team Skull, cherchant désespérément cette étincelle qui ferait de nouveau briller ses yeux endormis.
____Très peu connaissaient la fortune de son ascendance et quand on lui demandait quelles raisons l'avaient poussé à rejoindre les bras glaciaux du crime il répondait, indolent, « Juste comme ça. Juste pour rire ». Et il riait bel et bien. C'était comme si le sérieux n'existait pas dans son dictionnaire, comme si une malédiction l'avait placé dans une farce éternelle, étirant fatalement chaque coin de ses lèvres jusque ses oreilles.

______Qu'est-ce que tu fous ici ? demanda Églantine, sans vraiment attendre de réponse.
______La même chose que toi : je suis occupé à être en retard pour me faire botter le cul par Sierra.

____Églantine sursauta. Avec les âneries de son ami, elle était encore plus en retard, et l'intensité des futurs reproches grandissait proportionnellement au temps écoulé depuis le début de la réunion. Elle frémit presque à l'idée de devoir affronter les remarques de son supérieur, sous le regard incongrûment satisfait d'Yvan. Il n'avait jamais pu la supporter, celui-là. C'était un ancien du gang, et il la méprisait sans répit, du haut de ses années d'expérience qu'elle ne parviendrait jamais à rattraper.



____Alors qu'ils déambulaient plus ou moins hâtivement entre les vieux bâtiments de la cité, Églantine lança, légèrement agacée par la nonchalance déplacée de son compagnon :

______Magne-toi, c'est pas vrai ! C'est pas humain d'être aussi ramolli !
______Oh ! Attends, on va se calmer, déjà. On t'a jamais lu Le Laporeille et le Caratroc ? « Rien ne sert de courir il faut partir à point ». Très belle leçon de vie, à méditer.

____La jeune fille le tira par la manche en pressant le pas.

______Oui, bah aujourd'hui, on n'est pas trop « partis à point ». Alors ferme-la et accélère ou c'est mon « poing » qui va partir.

____Artis ne put réprimer un sourire satisfait de l'avoir irritée.



____ Au loin se dessinaient, suggérées par l'horizon, les silhouettes de deux hommes. Plutôt grands, droits, et visiblement agacés par une attente jugée trop longue : c'étaient Sierra et Yvan. Les deux jeunes recrues les saluèrent timidement, comme gênés par la honte de leur retard.

____Sierra, en tant que supérieur, n'était pas obligé de porter l'uniforme des sous-fifres, aussi arborait-il une veste noire assortie à un pantalon ample et tout autant sombre. Sous son visage pendait une barbe qui le vieillissait encore un peu plus, peut-être était-elle la source de son charisme. Il aimait à tirer ses cheveux mi-courts en arrière, avec de la cire, pour se donner un style « vieux gangster », d'après lui.

______Bon, les jeunes, c'est quoi l'excuse, aujourd'hui ? demanda-t-il avec un regard transperçant.
______C'est Eggie, elle s'est arrêtée pour taper la discussion avec un Manglouton.

____C'était le diminutif par lequel tout le monde l'appelait. « Églantine » ne sonnait pas très bien dans les rues de Kokohio... La concernée foudroya Artis du regard. Un sourire malicieux fendait son visage de gamin taquin, il pouvait lire au fond de ces iris cobalt, mal dissimulé sous un éclat terne, « T'es mort, mon gars ». Il en eût presque frissonné.

______J'vais vous le dire clairement et franchement : je vous l'ai juste demandé pour la forme mais j'en ai rien à cirer, de vos histoires, reprit le chef. L'équipe est sur un gros coup pour les jours à venir, j'veux plus que ça se reproduise, c'est compris ?

____Les deux jeunes adultes se redressèrent et acquiescèrent en même temps. Yvan fit mollement balancer sa tête en soupirant :

______Les gosses, j'vous jure...

____ Son visage vieilli de bientôt trente années jugeait Églantine. Elle le sentait, c'était désagréable. Yvan avait de petits yeux bleus qui glissaient furtivement, presque vicieusement, à droite et à gauche, comme s'il cachait constamment une vérité indicible. Son menton était serti d'un bouc fourni et mal peigné et sa chevelure blonde non entretenue commençait à devenir trop longue sous son béret. Il portait le même uniforme qu'Artis, et c'était ce qui le tuait intérieurement. Car malgré son ancienneté, on le traitait de la même manière que ces deux jeunes insolents ignorants, qui n'avaient encore rien vu de la rue.

____Par-dessus tout, il n'appréciait vraiment pas sa coéquipière. Il la considérait comme une privilégiée qui avait pu intégrer les rangs du gang par l'unique chance que sa mère et Apocyne, le bras droit du leader, étaient de grandes amies. Du moins, c'était ce que la rumeur disait. Mais cela faisait une dizaine d'années qu'Yvan servait la Team Skull et jamais il n'avait aperçu sa mère ou n'importe quelle autre personne qui eût pu lui ressembler au côté de celle que l'on surnommait « Grande Sœur ».
____Il ne savait vraiment pas pourquoi et comment Églantine avait été acceptée et il ne supportait pas son t-shirt mauve répugnant. Tous les sbires devaient porter le même, pourquoi eût-elle été traitée différemment ? À ses yeux, ce n'était qu'une gamine fragile, et Artis, son ami l'asperge bronzée, n'était qu'un tire-au-flanc clownesque. Une belle paire d'incapables.

____Églantine s'adressa à lui, sèchement :

______Qu'est-ce que tu fixes ? T'as un problème ?
______Rien de bien nouveau, c'est le violet de ton torchon hideux qui me pique les yeux.

____Elle feignit l'indifférence, mais au fond d'elle un torrent d'ire agitait ses tripes. Elle se contenta de lui envoyer, avec une hypocrite courtoisie :

______Tu veux vraiment régler ça avec un combat, maintenant ?

____Yvan posa la main sur ses pokéballs, accrochées à son pantalon, prêt à les lancer avec animosité.

______Vas-y, je t'attends. Je serai honoré d'être le premier témoin d'un de tes combats. Personne ne t'a jamais vue te battre, dit-il avec un sourire en coin. C'est comme ta mère.

____Lorsque ces mots atteignirent les tympans de la jeune fille, son sang ne fit qu'un tour. Personnellement blessée, elle s'avança, un air terrifiant gravé au visage, et bouscula violemment Yvan. Elle rapprocha sa face si près de son nez que chacun pouvait sentir le souffle agité de l'autre. Ils se lorgnèrent longtemps et, pendant cette éternité, la tension serrait l'estomac des spectateurs.

____« Poni'eka », lâcha Yvan en même temps que quelques postillons qui vinrent s'écraser sur la peau d'Églantine.

____C'était le surnom rabaissant qu'il lui donnait. « Poni » pour « mauve », et « 'eka » était un suffixe insultant dans le patois local. Tout s'enchaîna ensuite promptement. Il ne put distinguer que le violet de son t-shirt qui se ruait sur lui. En quelques fractions de seconde, la jeune fille au sang bouillant faisait peser toute sa masse sur son torse, en le menaçant avec un poing brandi en direction du Soleil. Mais avant que les autres n'intervinssent, un bruit sec retentit et une lueur pâle embrasa la scène. C'était une pokéball qui venait de s'ouvrir.




____Un magnifique Lougaroc au pelage immaculé apparut. Il agrippa avec ses crocs luisants la manche d'Églantine et la fit basculer en arrière. Elle avait beau se débattre pitoyablement en agitant ses bras comme une illuminée, la gueule du Pokémon ne s'ouvrait pas. Yvan se releva en riant avec dédain.

______Leyko ! Laisse-moi, retourne dans ta pokéball, hurla-t-elle en gesticulant énergiquement.
______Minable. Même ton Pokémon ne t'obéit pas. Ah oui, j'oubliais que c'était pas le tien mais celui de ta daronne...

____Leyko avait bien été le fidèle compagnon de sa défunte mère. Cette-dernière l'avait adopté alors qu'il n'était qu'un petit Rocabot frileux et l'avait vu grandir jusqu'à devenir ce fier Lougaroc, fort et superbe. Lorsqu'elle mourut, l'on confia sa pokéball à la seule personne que l'on jugeait digne d'être son nouveau maître : sa fille. De la même façon qu'elle avait oublié la majorité des souvenirs concernant sa mère, Églantine avait beau fouillé les tréfonds de sa mémoire, elle ne trouvait que des images incertaines de Leyko. Pourtant, le Pokémon lupin semblait vraiment l'apprécier et l'avait protégée avec ferveur et dévouement depuis un an.

____Après une courte lutte entre dresseur et Pokémon, Leyko, sentant qu'elle s'était calmée, relâcha son emprise et accepta de retourner dans la petite boule rouge et blanche. Yvan avait observé toute la scène et ne put s'empêcher de juger :

______T'es vraiment qu'une gamine gâtée et privilégiée. On t'accepte sans que t'aies à payer l'uniforme et t'as récupéré un énorme Lougaroc que t'as même pas entraîné...

____Il cracha par terre avant de reprendre :

______Sale gosse. T'as pas ta place ici, dans la rue.

____L'humiliation et le manque de respect étaient trop intenses, Églantine sentait son sang entrer en ébullition en parcourant ses artères. Son cœur frappait un rythme effréné et l'adrénaline floutait presque sa vision. Les coups allaient fuser, c'était une évidence. Et Yvan comprendrait alors comment elle avait gagné « sa place dans la rue ». Ses doigts se tortillaient impatiemment à l'idée de s'enfoncer mollement dans la joue de l'impertinent.



______Bon, ça suffit maintenant.

____La voix grave et portante de Sierra gronda brusquement, comme le tonnerre. Puis, le silence absolu. Tous se redressèrent de telle sorte qu'ils fussent trois « i » alignés, tournés vers le chef qui continua son discours, les mains croisées dans le dos de sa veste.

______Comme je le disais, on nous a confié une grosse mission. Et il ne s'agit plus de petite magouille. Là, on tape dans du gros, du très gros.

____Depuis qu'elle avait rejoint la Team Skull, Églantine n'avait effectué que des tâches plutôt insignifiantes. On lui confiait généralement des petites transactions dans la rue, avec le client occasionnel lambda. L'organisation était connue pour les délits perpétrés par ses membres. Vols, trafic de produits illicites, magouilles en tout genre... La Team Skull brillait tristement dans son domaine.

______J'attends les précisions mais de ce que je sais, on sera chargés de la transaction avec un gros client. L'argent qui touche à cette affaire se compte en centaines de milliers, alors s'il vous plaît, on arrête de déconner, maintenant.

____Les trois sous-fifres ne cachèrent pas leur surprise, qui se lisait sur les traits de leurs visages béats, illuminés par l'incompréhension. Jusqu'à maintenant, les produits dopants ou stupéfiants qu’Églantine avait manipulés s'évaluaient à quelques centaines de pokédollars par gramme. De quoi s'acheter deux ou trois potions après un deal, rien de plus.

______Quelle cochonnerie on vend, qui peut rapporter autant ? J'suppose que c'est plus que de la petite poudre Enigma... questionna Artis.
______Tu l'as dit, gamin, fit une voix éloignée.



____Les quatre se retournèrent. C'était une voix féminine, calme mais assurée. Églantine reconnut immédiatement Apocyne, la « Grande Sœur » de la Team Skull, à ses longues et fines couettes roses et jaunes. Grande et mince, presque frêle, on l'eût pourtant presque dite terrifiante tant son regard était sombre et glacial. Toutefois, en apprenant à la connaître, on se rendait compte que c'était une personne attentionnée pour laquelle n'importait que le bien-être de ses « petits frères et sœurs ».

______Oh, salut Apocyne, fit respectueusement Sierra. T'es venue avec les infos pour le gros coup à venir ?
______Ouais. Et pour répondre à ta question, Artis, c'que vous transporterez, c'est un tout nouveau produit importé des labos clandestins de Kalos : les ultra bonbons.

____Ce nom sonnait incroyablement faux aux oreilles d'Églantine. Elle imaginait une espèce de friandise étiquetée ridiculement et promue par un marabout du coin avec des « achetez, achetez, ça fait grossir les muscles » hurlés à travers la rue.

______Vous avez pas vraiment besoin de savoir ce que ça fait, mais j'vous le dis quand même. En gros, c'est des super bonbons améliorés. Mais le problème, c'est que les tests se sont révélés peu concluants, le produit a été classé potentiellement dangereux et le projet abandonné. On a récupéré ce qu'on a pu et on essaie de refourguer ça à des idiots qui cherchent à dépenser leur fric. On a pas mis longtemps à trouver notre pigeon.

____« Potentiellement dangereux », la jeune fille au t-shirt insolite comprenait parfaitement ce que cela signifiait. Des Pokémon et des humains allaient souffrir, voire mourir, à cause de ces bonbons. Mais, après avoir baigné un an dans la malhonnêteté, elle avait appris à étouffer sa culpabilité. « La vie, c'est chacun pour soi, on se démerde comme on peut » était devenu inexorablement son amère devise. Pourtant, elle avait essayé de trouver un travail, se ranger comme il le fallait dans la société, gagner son pain honnêtement. Mais personne n'avait daigné attraper sa main désespérément tendue. Personne ne l'avait embauchée, ou les offres qui lui avaient été proposées ressemblaient à de l'exploitation.
____C'était ça le monde, la dure réalité. Lorsqu'elle eut compris que la vie malmenait indifféremment les braves gens et les ordures, elle décida de cracher à la figure de ce monde injuste en rejoignant l'obscurité du crime. Peu lui importait que ses magouilles causassent du tort en brisant des familles, en tuant des innocents ; personne ne s'était soucié de sa vie à elle lorsqu'elle se tuait à essayer de survivre sur le droit chemin.

____Églantine nourrissait, avec un engrais aigri, une farouche rancune à l'égard de ce monde amer, comme un brasier de haine inextinguible même pour un torrent de bonnes volontés.



____Quand Apocyne eut fini de communiquer le reste des informations au sujet de la mission, elle s'adressa à toute l'équipe :

______Tout le monde a compris ?

____S'en suivit un « oui » général mais entièrement masculin.

______Eggie, tout va bien ?
______Hein ? Oui... Oui, m'dame ! J'étais ailleurs.

____La jeune fille fixait le tatouage rose sur le bas ventre de la Grande Sœur. Elle était fascinée par cette femme charismatique, sûre d'elle, respectée et aimée de tous. On l'appelait « Grande Sœur » mais elle était comme une mère pour eux. Une rumeur se faufilait subrepticement à travers les rangs du gang, selon laquelle elle et sa véritable génitrice se connaissaient, pour des raisons peu claires.
____Mais aussi loin qu’Églantine pouvait fouiller dans ses souvenirs, elle n'avait jamais croisé le visage – pourtant remarquable – d'Apocyne avant d'intégrer la Team Skull. Et cette-dernière ne semblait pas non plus la connaître particulièrement. Néanmoins, il se disait – et l'on affirmait – que son admission parmi les membres était uniquement due à ce mystérieux piston. Peut-être Apocyne feignait-elle une ignorance quant au passé de la jeune fille...



____Comme l'affaire devait se dérouler le lendemain, le groupe se sépara et chacun retourna vaquer à ses occupations. Il restait à Églantine un maigre stock d'accélérateurs contrefaits, à l'origine douteuse, dont on disait qu'ils étaient « améliorés ». Protéines, zinc, carbone... Elle passa la journée à essayer de revendre ses saletés aux petits curieux qui traînaient dans la rue.

____Puis le Soleil se coucha, bousculé par une Lune pressée de montrer sa lueur effacée au monde.

____Églantine rentra chez elle, embrassa Anaïs en passant et fila s'effondrer dans son lit après son exténuante journée.

______Tu ne manges pas ce soir ? demanda Anaïs depuis la cuisine.
______J'ai déjà mangé, répondit-elle sans effort d'articulation.

____L'angoisse pressait désagréablement sa poitrine. La mission du lendemain s'annonçait dangereuse. Quel genre de maniaque dépenserait des sommes astronomiques pour des friandises soi-disant dopantes ? L'on ne pouvait savoir à quoi s'attendre, et l'ignorance agitait le cerveau d'Églantine. Elle tenta de s'endormir, sous la bénédiction de Lunala. Quels étranges songes lui réserverait cette nuit-là ?

____Dehors, l'astre lunaire brillait comme une reine parmi ses sujets, les étoiles.