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Paradis Ébène [Concours S/L 2016] de Clafoutis



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» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 25/09/2016 à 15:38
» Dernière mise à jour le 25/09/2016 à 15:41

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Chapitre 3 : Au nom de l’humanité.

~ Un mois plus tard ~
Lieu : Alola ; île de Mele-Mele
Charles


 Les poings serrés, veines apparentes, je surplombais l’incompétent à qui j’avais fait l’erreur d’accorder ma confiance.

— Comment ?! grondai-je. Les travaux n’ont aucunement avancé ?! Vous osez me décevoir après le long voyage que je viens de subir ?!
— P-Pardonnez-moi monsieur ! babilla le sagouin. C-Ce n’est pas de notre faute ! Nos architectes ont déjà tous les plans et les nègres travaillent vite…
— Quel est le problème alors ? tonnai-je. Pourquoi ne vois-je aucune trace de cheminée, ni même de façade achevée ?!
— L-Le problème est le lieu, balbutia le sot. V-Vous savez, si nous construisons nos villages trop loin de la côte, c’est parce qu’il y a une bonne raison…
— Cessez de tourner autour du pot !

S’il y avait une chose qui me faisait horreur, c’était bien les imbéciles tentant de noyer de poisson pour camoufler leur propre faute ! Par le divin Créateur, sous quel maléfice étais-je pour confier la construction de mon usine à ce niais ?

— C-Ce sont les Pokémon ! s’écria soudain l’incompétent. Les Pokémon de cette île sont plus sauvages que les sauvages eux-mêmes ! Surtout ceux qui se cachent dans la forêt !
— Des Pokémon ? m’étonnai-je. Hé bien, quel est le problème ? Tuez-les ! Nous ne sommes pas à Kalos ici, les défenseurs de ces bestioles sont loin !
— C’est ce que nous faisons mais… oh monsieur, les Pokémon d’Alola sont beaucoup plus enragé que les nôtres, comme s’ils étaient possédés par Giratina en personne ! Nos fusils ne les arrêtent pas, le moindre de leur geste peut déraciner un arbre, leur regard terrifiant fait reculer l’âme la plus courageuse ! Nous luttons, mais nous ne pouvons que perdre !

Pathétique. Nous, Kalois, peuple éclairé, au-dessus des autres, nous faisions vaincre par des Pokémon primitifs ?

— Abruti, lâchai-je. Mis en échec par des Pokémon ! Et vous vous dîtes Homme !
— Je comprends votre colère monsieur, mais comprenez nous aussi. Nous faisons de notre mieux je vous assure, mais nous sommes trop peu nombreux face à la menace. Il y a aussi ces Pokémon, qu’on nomme Chelours ; la perfidie incarnée ! Ils ne paient pas bonne mine et sont même ridicules, mais ce n’est que pour mieux nous tromper. La force qu’ils possèdent dans leurs pattes est telle qu’elle peut exploser un roc sans effort ! Leur épaisse fourrure absorbe nos balles et les crocs de nos Grahyena !
— Cessez cette énumération inutile, pestai-je. J’ai compris, vous êtes si inutile que vous avez besoin d’aide. Soit. Je vais agir à votre place. Oh, et à partir d’aujourd’hui, je compte sur vous pour ne plus me décevoir. Encore une fois, nous sommes loin de Kalos, s’il vous arrivait incident, nul ne pourra vous sauver.


____________________

Félix

 Ah ! A peine était-il arrivé que Charles était déjà devant mon église. Je doutais déjà de la raison de sa venue : son usine. Le pauvre, il avait investi énormément pour transporter les matériaux de Kalos à Alola ; heureusement pour lui, le plus gros de la main d’œuvre se trouvait déjà sur place tout en étant gratuite.

Mais les Pokémon sauvages locaux avaient décidé d’éprouver sa volonté. Tout problème avait cependant sa solution, et je n’avais pas attendu de voir ce bon Charles pleurer à ma porte pour entamer des réflexions.

— Père Félix ! cria mon ami à l’extérieur. Vous êtes là ?

Il frappa à nouveau à la porte ; les coups raisonnaient à travers toute l’église. C’était déjà la troisième fois qu’il m’appelait. J’aurais pu lui ouvrir dès la première, mais j’aimais me faire languir, me faire désirer. J’étais si crucial que même un riche entrepreneur comme Charles patientait pour me voir.

Toutefois, à un moment, je dus me décider de cesser de flatter mon égo ; j’accédais donc finalement à la demande de mon ami.

— Enfin ! expira fortement Charles. J’avais peur que vous soyez absent !
— Je suis toujours présent pour les nécessiteux, répondis-je avec un sourire dissimulé. Je m’excuse de ne pas avoir pu vous ouvrir plus tôt, j’étais à la fin d’une longue prière dédié à la gloire de notre Créateur.
— Je vois…, c’est à moi de m’excuser dans ce cas, j’espère que je ne vous dérange pas.

Splendide. Je me moquais de lui, je m’en servais pour flatter mon égo, et c’était lui qui s’excusait. Parfois, je me disais que j’étais simplement trop intelligent pour ce monde.

— Ce n’est rien, le rassurai-je d’un ton doux. Vous savez que je suis toujours ravi de vous voir.

D’un geste de main, je l’invitai à rentrer. Je me plaçais à l’avant, de sorte à ce que ce soit lui qui me suive.

— Pardonnez-moi la vétusté des lieux, fis-je la conversation.

Sur ce point, j’étais parfaitement honnête, ma grande église à Kalos me manquait. Les vitraux somptueux, les Saints-Artefacts en pierres précieuses, mes réserves de vins ! Aaah, je devais être vraiment bon pour avoir abandonner mon confort avec comme simple motivation l’éducation de ses sauvages.

— Après une semaine à subir les maudites farces de la mer dans un cargo, je prendrais une grotte pour un palace, grogna Charles.
— Hé bien, j’espère que ma modeste demeure vous sera tout de même plus agréable qu’une grotte.

Je m’installais pleinement sur ma chaise finement sculptée, à large dossier. Charles dut rester debout, faute de siège.

— Je vous écoute mon ami, signifiai-je dignement. Quel tourment vous amène quémander l’aide d’Arceus ?
— Je ne vais pas passer par quatre chemins mon Père, c’est à propos de mon usine. Il semblerait que des Pokémon impies empêchent sa construction ! C’est inadmissible. Vous comprenez, Père Félix, je ne peux plus remplir mes usines de Kalos avec des sauvages, les réformistes sont trop proches. Je suis donc obligé d’engager du personnel kalois, ce qui me revient très cher. C’est pourquoi j’ai décidé d’ouvrir une usine à Alola, loin de tous ces sagouins de pseudo-humanistes. C’est un projet essentiel pour mon avenir financier ! Je ne peux pas le laisser inachevé !

Charles parlait avec passion ; sa peine me toucha presque. Aussi, j’avais toutes les raisons de l’aider : s’il s’enrichissait encore, il deviendrait un ami encore plus utile ; a contrario, s’il perdait du capital, je serais contraint de m’en débarrasser et donc de gaspiller un temps précieux à trouver un autre investisseur de son acabit.

— Calmez-vous mon ami, lui souris-je. Voyez-vous, depuis le temps que je suis ici, j’ai appris à me méfier des Pokémon locaux. Il est vrai que leur félonie est une grande épreuve, même pour un fervent serviteur d’Arceus. Cependant, vous le saviez, nous, fiers Kalois, sommes le fleuron de l’humanité ; qu’importe l’épreuve, nous la surmontons glorieusement.
— Évidemment !
— Je suis ravi de constater que nous sommes d’accord. Alors, si vous le permettez, j’aimerais vous soumettre une proposition.
— Faites donc, mon Père ! s’impatienta Charles.

Son empressement me fit rire intérieurement.

— Tout d’abord, commençai-je, il faut faire la part des choses, repérer les menaces les plus fourbes. J’ai pensé à faire une battue générale, mais se serait une mauvaise inspiration. Certains Pokémon ont une part si importante dans l’écosystème que les éliminer appauvrirait l’île, et par conséquent, diminuerait la qualité de nos récoltes. Nous ne pouvons prendre ce risque.
— Le problème est épineux…, commenta inutilement mon bon ami.
— Tout à fait, repris-je. Cependant, il nous faudra tout de même faire quelques concessions ; les Chelours par exemple, ils représentent un danger considérable à ne surtout pas ignorer, pour la pérennité de notre entreprise, il faudra tous les éliminer.
— Cela va de soi, j’avais déjà envisagé le même procédé !
— Votre esprit vous honore, mon ami. Toutefois, les Chelours ne représentent qu’une partie du problème, il faudra rivaliser d’ingéniosité concernant les autres Pokémon.

Charles me regarda fixement, attendant avec impatience mes prochaines paroles ; je me délectais copieusement de ce moment.

— Vous savez, poursuivis-je enfin, il y a un principe fondamental contre lequel tout être – même nous – sommes soumis. Je parle de notre attirance naturelle vers le plus fort ; saviez-vous qu’avant notre arrivée, ses sauvages étaient éparpillés en tribu, chacune dirigée par un chef ? Même ses êtres primitifs ont besoin d’un dominant pour les guider.

Je fis planer un autre moment de flottement, avant de continuer :

— Si ses nègres primitifs suivent ce principe, il est logique que les Pokémon également, leur intellect est à peu près le même après tout.
— Vous voulez créer un « chef » pour les Pokémon ?
— Vous avez tout compris, mon ami ! Il nous faut un Pokémon bien plus puissant que les autres, qui nous est totalement dévoué, qui tiendrait les autres en respect.

Cette idée germait dans mon esprit depuis longtemps. En prémices j’avais bien évidement Tokorico en tête, mais après réflexion, trop me reposer sur un seul et unique Pokémon serait une erreur ; de plus, j’en avais déjà besoin pour impressionner les nègres. Et puis, multiplier ses cartes ne pouvaient qu’être fructueux.

— Laissez-moi vous conter une histoire, mon bon Charles. Lorsque nous sommes arrivés à Alola, une vermine s’est infiltrée dans nos navires, une vermine que vous connaissez bien : les Rattata. Ces petites bestioles se sont vite acclimatés à la primitivité des lieux et ont proliféré ; nous avions dû agir. Avez-vous vu des Manglouton en venant ? C’est nous qui les avions introduit, afin de réguler la population des rats.
— Une riche idée, acquiesça Charles.
— Très riche même, complétai-je. Surtout que l’un des Manglouton s’est révélé être particulièrement vorace au point d’éradiquer presque à lui seul plus d’une cinquantaine de rongeurs par jour et encore, depuis qu’il a évolué en Argouste, son palmarès connaît une explosion exponentielle. Ce Pokémon est une véritable perle.
— … et vous pensez que…
— Tout juste, répondis-je avant qu’il ne termine. Cet Argouste possède indubitablement une aura de meneur, avec notre aide, il serait apte à s’imposer sans incertitude aucune sur les autres Pokémon sauvages. J’ai nommé ce projet « Pokémon Dominants », puisqu’il s’agit strictement de cela, élaborer un Pokémon qui iraient dominer les autres.
— Encore une fois, souffla Charles, je reste ébahi devant votre sagesse ! C’est tout à fait brillant !
— Et encore une fois, ce n’est pas de mon fait, souris-je. C’est Arceus qui m’illumine de sa divine lumière, sans lui, je serais aussi sot qu’un Insolourdo.

Charles était parfaitement convaincu, tant mieux. Je ne comptais pas limiter mon projet de « Pokémon Dominants » à cet Argouste, je comptais multiplier les Pokémon du même type afin de m’assurer une main mise total sur la faune locale ; une entreprise qui demandait malheureusement des fonds importants. D’ailleurs, en parlant de fond…

— Concernant l’éradication des Chelours, vous n’êtes pas sans savoir qu’ils sont particulièrement farouches. Nos soldats sur place, en dépit de leur effort, ont beaucoup de mal à les maîtriser. En revanche, avec votre gracieuse assistance, nous pourrions sans problème lever une compagnie efficace…


____________________

~ Deux semaines plus tard ~
Ivan

 Un casque ivoire trop grand sur mon crâne chétif, une veste kaki neuve encore inconfortable, des bottes brunes trop serrées pour mes pieds sensibles, un lourd sac de provisions en tout genre écrasant mon frêle dos et un large fusil incommodant dans ma main néophyte. Si je me regarderai dans une glace, je jurerais voir une caricature ; et pourtant, c’était bien moi, un pathétique jeune homme ayant décidé de donner un sens à sa vie en servant sa nation.

Oh, ma vie d’avant n’était pas vraiment à plaindre, en fait. J’avais fait des études décentes, mon ancien travail me rapportait un revenu convenable et j’avais même une adorable femme qui venait d’accoucher de mon futur héritier.

La vie me souriait, cependant, parmi tout ce bonheur, je ne parvenais pas à trouver le mien. Je me sentais vide, comme si je ne faisais que répéter un schéma prédéfini. École, travail, mariage. J’avais l’impression d’être l’un de ses pions d’un jeu d’échec qui se ressemblaient tous.

Moi, je rêvais d’aventures, d’exotisme, de choses grandioses. Lorsque j’ai vu cette affiche de l’armée coloniale, ce fut comme une illumination d’Arceus. C’était ce que je devais faire. Combattre, lutter, pour ma grande et noble nation.

Je n’étais pas insensible à l’ambitieux projet qui animait Kalos : apporter notre civilisation aux peuples sauvages. Je n’avais pas de mot pour décrire ma fierté d’appartenir à un pays aussi charitable. J’avais visité des Expositions Coloniales, où l’on nous présentait le mode de vie des Alolois ; c’était affligeant. Comment est-qu’à notre siècle de lumière, des individus pouvaient vivre de cette façon ? Cela me révoltait. Heureusement, nos dirigeants avaient fait preuve d’une incroyable abnégation et avaient décidé de tout donner pour les sauver.

— Hé le crâne d’œuf ! hurla une voix tonitruante. Restez dans les rangs !

Oups ! C’était tout moi ça, me faire remarquer à la première occasion ! J’entendis les autres soldats ricaner pendant que je reprenais timidement ma place dans la marche ; la honte, comment étais-je censé accomplir de grandioses choses si je devenais le Cadoizo de la farce ?

Heureusement, j’aurais bientôt l’occasion de me rattraper. Nous étions actuellement en plein déplacement dans l’inquiétante forêt de Mele-Mele. Des éclaireurs avaient repéré la tanière des Chelours, ces étranges ursidés à la force phénoménale.

Nous étions une centaine d’hommes organisée, contre une trentaine d’ursidés – selon les sources. Cela peut sembler exagéré, mais je peux assurer que non. Ces ours roses et noirs au visage de chérubin ne devaient en aucun cas être sous-estimés, un seul d’entre eux serait capable de tous nous exterminer. Enfin, c’était ce que l’on m’avait dit, je n’avais jamais eu le malheur d’en croiser un en vrai.

C’était triste, mais si c’était véridique, nous ne pouvions laisser des monstres pareils nous menacer, pour le bien de l’humanité.

Notre destination approchait à chaque seconde, c’était toutefois déjà la fin du voyage pour moi. Je faisais partie de l’arrière-garde, pas le meilleur poste si je voulais démontrer mon héroïsme mais qu’importe, il y avait bien un début à tout.

Mes camarades et moi-même nous dépêchèrent d’installer un camp provisoire ; mes gestes hésitants me valurent des reproches.

Plus que quelques minutes avant l’assaut, je me rassurais en sortant mon Goupix, mon seul ami dans ce monde insulaire.

— Je rêve ou tu as un Pokémon Feu ?

Un autre soldat m’interpella ; je sursautai presque.

— … euh, oui ? soufflai-je.
— Un Pokémon Feu ! répéta-t-il. Dans une forêt ! Tu veux tous nous tuer ?!
— J-Je sais le contrôler ! … enfin je crois… euh je veux dire, certainement ! Il n’y a rien à craindre, haha…
— Mouais, grommela mon camarade. En tout cas j’te préviens, j’hésiterais pas à abattre ton truc s’il se met à tout cramer !
— A-Aucun risque ! Haha..hahaha…

Je déglutis, retenant précieusement la menace. Mon Goupix aussi, l’avait bien intégrée, il se glissa vivement au travers de ma veste, frémissant.

Soudain, un coup de feu fut tiré : le signal. Des cris guerriers et bestiaux s’élevèrent ; bientôt, le sol lui-même trembla. Mais j’étais trop loin pour savoir ce qu’il se passait exactement, je ne pouvais qu’espérer la victoire pour nos troupes.


***

 J’avais espéré, mais ça n’avait visiblement pas suffit. Une débâcle totale, propre et irréfutable. L’avant-garde, pourtant lourdement armée et possédant de puissants Pokémon, nourrissait désormais la forêt.

Des énormes fissures défigurait le dédale végétal, d’énormes troncs d’arbre brisés obstruaient le passage, des plaintes sanglantes fulminaient de toutes part, des cadavres humains et Pokémonesque jonchaient le sol ; mes bottes ne pouvaient faire un pas sans absorber du sang.

— ...piiix…, geignit mon petit compagnon.
— T-Tout va bien, on va s’en sortir ! tentai-je de le rassurer sans vraiment y croire.

Brusquement, mon corps sauta, sans m’en avertir. Je compris rapidement la cause, un Chelours venait de bondir sur un tronc d’arbre couché – le fracassant au passage – ; le choc fut si terrible que toutes entités mobiles de la zone s’élevèrent une seconde avant de retomber dans un fracas macabre.

Une créature du Démon. C’était tout ce que je voyais. Tout, absolument tout dans ce Pokémon transpirait la perfidie, en particulier son apparence innocente qui ne servait qu’à dissimuler la destruction qu’il incarnait en réalité.

J’étais paralysé, incapable de bouger. La mort. Elle était devant moi. On disait qu’on voyait sa vie défiler avant de passer à trépas, c’était faux. Ce n’était pas ma vie que je voyais. C’était la mort ; ma mort.

— Piiiix !!

Soudain, mon Goupix s’élança et avant même que je ne pusse hurler, il cracha un Lance-Flamme d’une intensité incroyable. Le Chelours s’embrasa immédiatement, il se débattit furieusement, m’oubliant totalement.

Je retrouvais enfin mes sens, ainsi qu’un peu d’espoir. Je pris mon héro de feu dans les bras et je décampais aussi vite que je le pouvais. Mais pour aller où ? Je ne savais même plus où j’étais, j’avais l’impression de tourner en rond.

Et pour ne pas arranger les choses, la température augmenta considérablement. Mon compagnon de toujours n’avait pas lésiné sur son Lance-Flamme, et je compris soudain pourquoi faire du feu en forêt n’était pas conseillé. Je compris également tout le sens de « Feu de forêt ».

Les flammes s’intensifiaient de seconde en seconde, transformant le paysage déjà cataclysmique en véritable enfer bouillonnant.

D’assassines branches flamboyantes tombaient du ciel en permanence, tel un jugement diabolique. Si une seule me percutait, rien qu’une seule, même Arceus ne pourrait me sauver.

Tout d’un coup, j’arrêtais ma course, terrifié. J’étais un idiot, un bel idiot. Désorienté, je m’étais mis à courir à l’aveuglette, espérant sortir de ce cauchemar. Le destin était bien trop cruel pour permettre cela.

Une grotte. J’étais devant une grotte. Pas n’importe laquelle. C’était la tanière des Chelours. Déjà, cinq d’entre eux se dirigeaient lentement vers moi.

L’épouvante suintant de chacun de mes pores, je crus perdre conscience. Par je ne sais quel miracle, mes jambes me firent tout de même reculer de quelques pas.

Une seconde. Une minute. Puis deux. Rien ne se passait.

Les Chelours n’avançaient plus. Leur expression n’était pas claire, mais je semblais distinguer comme une sorte d’hésitation, de crainte.

Flash. Le feu. Bien sûr. Je n’avais pas percuté à cause de ma terreur, mais le Chelours de tout à l’heure, il avait pris feu beaucoup trop facilement. Et si… et si ces démons craignaient particulièrement le feu ? Cela pouvait sembler idiot que personne ne s’en était rendu compte, ou pas, puisque justement, tout le monde évitait de déchaîner des capacités Feu dans la forêt.

Un petit sourire sadique naquit sur mon visage.

— Vous allez voir, enfoirés. Goupix, Lance-Flamme !

Mon compagnon cracha une langue de feu salvatrice ; les Chelours s’enflammèrent les uns après les autres, comme de vulgaires torches. Je ricanais. C’était ça ? C’était ça les monstres qui nous faisaient si peur ? Les monstres qui avaient décimé notre section d’assaut ? Anéantis par un jeune néophyte et un petit Goupix ? Ridicule.

— Lance-Flamme.

Alors que les ursidés brûlés paniquaient en agitant bêtement leurs bras ridicules, Goupix les extermina pour de bon. Je hochai la tête, froid et décidé. Je pouvais le faire. Je pouvais tous les tuer. Leur tanière était face à moi. Ils étaient impuissants à Goupix.

Ils allaient payer. Pour tout ce sang versé. Pour toutes ces vies prises.

Toute ma peur, ma terreur, mon effroi. D’un coup, toutes ces émotions basculèrent. Il y avait à peine un instant, j’étais l’Impuissance même. Et maintenant, c’était eux, les Impuissants. Et moi, le Tout-Puissant. C’était grisant. Jouissif.

Je me sentis pousser des ailes. Des ailes de justices. Des ailes de vengeance. Justice au nom de l’humanité. Vengeance au nom de l’humanité.

Plusieurs Chelours s’étaient réfugiés à l’intérieur. Quelques attaques. Seul leur squelette perdurait. J’avançais. D’autres nuisibles. Même chose. J’avançais encore.

En quelques minutes, je parvins au fin fond du repaire maudit. Un seul démon s’y trouvait. Mais il y avait autre chose. Derrière cet ultime cerbère, deux petites créatures. Je n’en avais jamais vu, mais comme ils possédaient les mêmes caractéristiques physiques des Chelours, j’en déduis que ça devait être leur rejeton.

Des rejetons du diable. Des démons à exterminer. Au nom de l’humanité.

Une fois le gardien mis hors état de nuire, je m’approchais des petits diables.

— Goupix, brûle-les.
— … pix ?

Mon compagnon me regarda étrangement. Il n’avait pas compris ce que je lui avais demandé ?

— Lance-Flamme, précisai-je.
— …

Non. Cette fois-ci j’en étais certain, il m’avait entendu. Mais il ne bougeait pas. Il… me désobéissait ? Pourquoi ?

— Lance-Flamme ! hurlai-je.
— … !!

Goupix sursauta, mais cracha enfin ses flammes purifiantes. Brusquement, le Chelours gardien – toujours en feu – s’interposa ; il fut réduit en cendre.

Tiens, je ne savais pas qu’il était encore vivant. J’étais aussi surpris pas son geste étrange. Alors qu’il était en train de brûler, alors qu’il aurait pu fuir pendant que je ne m’occupais pas de lui, cet ours avait choisi de se sacrifier pour sauver ses rejetons.

Un instant. Se sacrifier ? Pourquoi ? C’était des monstres, des créatures sans âme, ils ne devaient pas être capables d’action aussi noble. Non ! Je ne devais pas douter. C’était notre droit, non, notre devoir de les exterminer jusqu’au dernier. Ils étaient une menace pour nous, une menace pour l’humanité.

— …

… une menace ? Pourquoi, une menace ? Est-ce que je ne cherchais pas à m’inventer des excuses ? N’était-ce pas le pouvoir qui m’était monté à la tête ? Moi, un faible homme sans grand avenir, qui avait soudain trouvé comment vaincre des monstres phénoménaux. N’était-ce pas trop pour moi ?

N’était-ce pas nous qui les avions attaqués ? N’étais-ce pas nous qui rasions leur forêt pour construire nos bâtiments ? N’était-ce pas nous… les démons ?

— ...ha...haha…

Je sentis mes forces faiblir, mes genoux fléchir. Ces rejetons ; la réalisation me frappa. C’était des enfants. Des jeunes enfants. Voilà pourquoi les Chelours étaient si nombreux. Voilà pourquoi ils étaient aussi cruels. Parce que nous menacions leurs enfants. Qui ne le serait pas ? Qui ne serait pas furieux si son enfant, son futur, étaient menacés par de quelconques étrangers ?!

— …

Nous étions des monstres. Des assassins. Des tueurs d’enfants. Des destructeurs de futurs. Tout cela, au nom de l’humanité.

Quelle humanité ?

Qu’est-ce que l’humanité ?

— …. je…

Je ne savais plus quoi faire. J’avais l’impression que tous mes concepts s’effritaient les uns après les autres. Trop de bouleversement. Le miroir se brisait. Les illusions s’évaporaient. Je n’étais pas un héros. Je n’étais pas un puissant. Je n’étais qu’un être. Un fragile être.

Mon regard se posa sur les deux enfants des Chelours. Ils étaient promis à une mort certaine, car ils n’avaient plus de parents. Car j’avais tué leur parent.

— … je dois…

« Je dois les sauver ». Cela me semblait une évidence. Ça ne réparerait pas mes fautes, mais je devais le faire. Pour une fois, je devais faire ce qui me semblait juste, pas en tant qu’aspirant héros, mais en tant qu’humain. Je ne savais pas encore ce que cela signifiait exactement, mais qu’importe, j’avais l’intuition que si je suivais mon cœur, j’aurais un début de réponse.

Ce fut pour cela que je décidais de prendre, de sauver ces enfants. Au nom de mon humanité.