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Paradis Ébène [Concours S/L 2016] de Clafoutis



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Informations

» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 20/09/2016 à 10:57
» Dernière mise à jour le 30/10/2016 à 18:21

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Chapitre 1 : La bonne école.
~ 2 ans plus tard ~
Lieu : Alola ; île de Mele-Mele
Kale


 Au début, j’y avais cru. Les comptoirs. Porte de l’océan. Ils avaient été fermés. Nous avions tous exulté. Les comptoirs. Porte du malheur. Leur simple évocation me fait encore trembler de terreur. Les comptoirs. Porte de la trahison. C’était là que les Blancs nous arrachaient. Ils nous achetaient. Car nous nous vendions nous-même.

Oui. C’était nos paires, des villages traîtres. Des villages corrompus qui chassaient d’autres villages. Pour les capturer. Les Blancs leur donnaient de l’eau étrange. Des armes étranges. En échange, les villages traîtres nous donnaient. Nous. Ses semblables. Avec de la nourriture. Ensemble. Ils donnaient semblables et nourriture. Comme si c’était la même chose.

Mais les comptoirs avaient été fermés. Le cauchemar aurait dû être terminé. Mais ils ont été ouverts à nouveau. Et cette fois, les Blancs étaient allés plus loin dans nos terres. Ils avaient détruit mon village. Ils nous avaient enchaînés. Nous n’avions rien pu faire. Comme avant. Ils avaient des armes étranges. Des Pokémon obéissants.

Mais ils ne nous avaient pas mis dans leurs grandes barques. Ça, ce n’était pas comme avant. Les Blancs avaient construit leur propre village. Des grandes maisons blanches en pierres carrées. Ils nous avaient séparé des plus grands. Ils m’avaient séparé de mes amis. J’étais avec d’autres enfants. Des enfants d’autres villages. Je ne les connaissais pas. Les Blancs nous avaient emmené dans l’une des maisons. Il fallait s’asseoir en ligne sur un long morceau de bois aplati.

Un Blanc était devant nous. Il portait des vêtements de Blancs. Il souriait. Un grand Pokémon avec des griffes était à ses côtés. J’avais peur. Nous avions tous peur. Personne ne parlait. Il ne fallait pas parler devant un Blanc. C’était dangereux. Le Blanc lui, parlait. Mais personne ne comprenait. Parfois il se retournait. Il y avait un petit mur noir sur le mur de brique. Le Blanc dessinait des symboles dessus. Mais je ne les comprenais pas.

Tout d’un coup, le Blanc s’énerva. Il criait des mots qu’on ne comprenait pas. Son Pokémon grogna fort. J’avais peur. Le Blanc prit un fouet. Ça, on connaissait. Il frappa un de mes camarades. Encore. Encore. J’avais peur. Très peur.

Un homme entra soudain dans la maison. Un grand. Pas un Blanc. Je le reconnaissais. C’était l’un des traîtres. L’un de nos semblables qui vendait son peuple au Blanc. Ils étaient faciles à reconnaître. Ils avaient des vêtements de Blancs. Le traître parla avec le Blanc. Le Blanc se calma. Il parla avec le traître. Les traîtres savaient parler le Blanc. Ils avaient appris à force de magouiller avec eux.

Le traître se tourna vers nous. Il nous regarda.

— Enfants d’Alola, dit-il. Aujourd’hui est un grand jour. Les Blancs ont décidé de vous apporter tout leur savoir, la source de leur puissance. En les écoutant, en les obéissant, vous aussi, vous deviendrez des grands hommes, comme eux ! Ce seigneur Blanc que vous voyez se nomme Hubert. Retenez son nom. Il est chargé de la mission de vous civiliser, afin que vous soyez enfin de bons hommes.

Cette fois je comprenais les mots. Mais pas le sens. Civiliser ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Savoir ? Savoir quoi ? De bons hommes ? Parce que nous sommes mauvais ? Je ne comprenais rien. J’avais peur. Seulement peur. Je voulais que tout s’arrête.


____________________

Hubert

 Le soleil arriva à son zénith, sonnant la fin de ma première journée ; mes paires vinrent récupérer les enfants pour les mener au réfectoire. Je pouvais enfin souffler ; vraiment ! Tenter d’inculquer la raison à ses enfants sauvages n’était pas chose aisée ! Le premier obstacle serait sans conteste la langue. Sans le traducteur, j’aurais beau m’évertuer à hurler, à les fouetter, leur tête resterait toujours aussi creuse.

Toutefois, j’aimerais bien me passer du fameux traducteur. Premièrement, je n’étais pas certain qu’il retranscrivait mes paroles avec loyauté ; c’était un nègre après tout. Sa peau noire en disait long sur sa fiabilité.

Je devais donc réfléchir au moyen le plus efficient de leur apprendre la belle langue de Kalos. Commencer par l’alphabet me semblait être une évidence et suffisamment simple pour que même ses sauvages l’appréhendent sans trop de difficultés.

Le problème venait ensuite. Pour le meilleur et pour le pire, le kalois était une langue très complexe, fourmillant de subtilités. Honnêtement, je ne pouvais penser une seconde que ses ignorants naturels pussent un jour la maîtriser…

— Ursaa !!

Le grognement de mon fidèle Ursaring, en train de se débattre pataudement avec d’agiles Rattata me tira de mes réflexions.

— Hahaha, me moquai-je gentiment. Voyons camarade, tu ne vas tout de même pas laisser la vermine te causer du tort !
— Urrr…

Le spectacle était amusant ; voir un fier ours se faire malmener par des rats ! Il fallait cependant avouer que ses derniers étaient très rapides et dotés d'une capacité incroyable à passer entre les mailles du filet. Toutefois, ce que je voyais actuellement comme distraction était une manifestation d’un problème bien plus grave.

Les Rattata étaient une véritable nuisance ici, depuis qu’ils avaient clandestinement usés de nos navires pour s'installer à Alola. Malheureusement, leur capacité d’adaptation nous avait encore une fois dépassée, et l'archipel semblait être un environnement plus qu’idyllique pour leur prolifération.

Ce qui n'était pas étonnant en soi, une terre primitive, sans culture philosophique, ne peut être qu'utopie pour les idiotes vermines, il suffisait de regarder les Alolois. Enfin, ces derniers avaient au moins la chance que nous, peuple civilisé, avions accepté de leur inculquer notre savoir.

En revanche pour les Rattata, ce n’était pas des cours de kalois qui allaient les élever spirituellement ! Il faudrait trouver une solution pour s’en débarrasser. Mais ce n’était pas mon travail de réfléchir à cela ; je n’étais qu’un humble professeur, avide de partager mes connaissances. Et quel meilleur endroit pour ce faire que cet archipel obscur ? La simple pensée que par mon action la lumière du savoir va éclairer des ignorants m’emplit de joie. Vraiment, ces sauvages avaient énormément de chance de nous avoir !


____________________

Kale

 Où étaient mes parents ? Je ne les voyais pas. Je ne voyais aucun adulte. Il n’y avait que des Blancs. Les Blancs nous forçaient à les suivre. Un enfant avait essayé de partir. Les Blancs l’avaient tapé. Tapé fort. Il s’était débattu. Les Blancs avaient tapé encore plus fort. Il n’avait pas pu se relever. J’avais peur. Je n’avais pas envie d’être tapé.

Le traître habillé en Blanc nous suivait. Il nous disait d’obéir aux Blancs. Qu’ils étaient nos sauveurs. Qu’il fallait être stupide pour ne pas être sauvé. Que ceux qui ne voulaient pas serait tapé. Pas tapé pour être puni. Tapé pour être éduqué. Je ne comprenais pas. J’obéissais. Je ne voulais pas être tapé.

Les Blancs nous firent rentrer dans une autre maison. Plus grande. Différente. Il y avait encore des morceaux de bois aplatis. Mais pas de petit mur noir sur le mur. Il y avait de la nourriture dans des bols.

— Asseyez-vous, nous dit le traître, nos seigneurs Blancs vous donnent à manger.

Je n’avais pas faim. Mais je ne voulais pas être tapé. Personne ne voulait être tapé. Tout le monde obéit. Un autre enfant se mit à pleurer. Le traître lui dit de se calmer. L’enfant pleurait toujours. Un blanc s’approcha de lui. Il le prit le bras. Il l'emmena dehors. L’enfant pleura plus fort. Le traître nous dit de ne pas pleurer. Il nous dit que ce n’était pas civilisé. Il nous dit que les enfants pas civilisés seront tapés. Je ne voulais pas être tapé. Je voulais que tout s'arrête.

Je me dis que si je mangeais je pourrais partir. Je voulais partir. J’ai pris le bol dans mes mains. Un Blanc hurla. Il me frappa. Je m’immobilisais. J’avais peur. Très peur. Je ne voulais pas être éduqué.

— Attends, inconscient ! me dit le traître. Ce n’est pas civilisé de manger avant la prière au grand Arceus !

Je ne comprenais pas. Je ne bougeais pas. Le Blanc ne me frappait pas quand je ne bougeais pas. Un autre Blanc rentra. Ses vêtements n’étaient pas pareil. Les Blancs s’inclinèrent devant lui. C’était leur chef ? Il faisait peur. Le chef Blanc alla au centre de la maison. Il baissa la tête. Il rejoignit ses mains. Il dit quelque chose.

— Répétez ce que le seigneur Blanc dit, dit le traître.

Je ne comprenais pas. Les autres enfants aussi. Personne voulait parler.

— Répétez ! hurla le traître.

Aucune réponse. Je voulais partir. J’avais peur. Les Blancs se rapprochèrent. Ils nous frappèrent. Tous. J’entendis le chef Blanc rire un peu.

— Répétez ce que le seigneur blanc dit, répéta le traître.

J’avais mal. Mais j’étais content. Je pouvais tenir debout. Certains ne pouvaient pas. Le chef Blanc dit à nouveau ses paroles étranges. Les autres Blancs nous regardaient. Je m’efforçai de redire les paroles. Ces paroles que je ne comprenais pas. Les Blancs semblaient contents. Ils ne m’avaient pas éduqué.

— Vous pouvez manger maintenant, dit le traître.

J’hésitai. J’avais touché le bol tout à l’heure. Ils m’avaient frappé. Je ne voulais plus être frappé. Je vis un enfant prendre son bol. J’eus peur. Mais les Blancs ne le frappèrent pas. Je ne comprenais pas. Pourquoi ils m’avaient frappé et pas lui ?

— Qu’est-ce que tu attends ? dit le traître. Mange !

Il parlait à moi. J’eus peur. Très peur. Obéir. Je devais obéir. Même si je ne comprenais pas.


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Félix

 Le silence, simplement le silence. Un silence soumis. Ce n’était que le premier jour de mon entreprise, et pourtant, tout se déroulait au-delà de toutes espérances. Les enfants noirs obéissaient ; ils avaient bien vu ce qu’il pouvait leur arriver dans le cas contraire. C’était la logique même ; comme les bêtes, ils craignaient la souffrance. La menace des coups étaient la forme de communication la plus efficace possible avec ses animaux.

J’étais heureux, très heureux. Deux ans ; je peinais encore à le croire. Cela faisait deux ans que j’avais débuté mon entreprise : étendre les comptoirs, bâtir des villages, construire des routes et cætera. Malgré la fougue de Charles – mon principal investisseur – il avait fallu se languir de deux années entières avant que tout ne soit mis en place.

Deux ans jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui était le jour divin, un cadeau d’Arceus dans sa sainte bonté. C’était aujourd’hui que tout commençait. Le cours d’Hubert était le premier d’une longue série, visant à modeler les enfants sauvages comme je le désirais.

Un enfant, par nature, est d’une malléabilité stupéfiante. Si l’on veut soumettre quelqu’un il faut s’y prendre dès l’enfance ; cela est encore plus vrai dans le cas des Pokémon ou des bêtes. Je comptais énormément sur Hubert et ses amis soldats de l’éducation dans cette tâche. Ils étaient d’autant plus efficaces qu’ils croyaient sincèrement apporter le savoir aux Alolois.

Ils se trompaient lourdement, notre seul but était de continuer notre exploitation sur ce peuple de sauvages. Mais c’était bien évidement un secret ; la mystification devait régner.

Je parlais des enfants, mais qu’en était-il des adultes ? Toujours aussi simple, ils étaient déjà en train de cultiver d’énormes champs, ici même, sur l’île. De l’esclavagisme ? Non, non !

Premièrement, c'était un remerciement. Nous nous occupions de les apporter le savoir, et nous éduquions leurs enfants à leur place ! N'est-ce pas normal qu'ils nous en soient reconnaissants ?
Deuxièmement, c'était un apprentissage des valeurs. Personne ne viendrait me contredire si j’affirmais haut et fort que le travail était une valeur. C’était pour leur bien. Pour leur éducation. Pour qu’ils devinssent de bons Hommes. Des Hommes civilisés. C’était du moins mon discours à la populace.

D’ailleurs, en parlant de populace, elle était bien plus réticente à mon projet de civilisation que prévue. J’avais sous-estimé les réformistes, c’était vrai. Leurs pseudos-valeurs de libertés semblaient toujours autant émouvoir le cœur des foules.

Toutefois, eux aussi m’avaient sous-estimé. Ils savaient manipuler la foule, n’est-ce pas ? Hé bien moi aussi. Bénis soit Arceus de m’avoir doté d’un intellect si redoutable !

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Lieu : Kalos ; Illumis
Charles


 Père Félix ne cessait de m’impressionner ! Ici, à Illumis, les projets de civilisation avaient reçu un accueil très mitigé ; sans doute que les réformistes avaient immédiatement repéré le Lampéroie sous roche.

Qu’importe ! Si les réformistes avaient réussi l’affront d’abolir l’esclavage, ce n’était quand embrouillant les opinons d’idées farfelues. Cette fois-ci, Père Félix avait décidé de porter un coup fatal avant même que les sagouins ne pussent riposter.

« Les Expositions Coloniales ». Trois mots. Une porte ouverte. Encore une fois, Père Félix était un génie. Sachant que la populace serait primordiale à l’acceptation de son projet, il avait choisi de la viser particulièrement. Et comment s’attirer les faveurs de la populace ? En lui donnant ce qu’elle souhaitait : de l’amusement, des émotions fortes. Voilà le but des Expositions.

Pour résumer, c’était des zoos. Des zoos de sauvages. Des dizaines d’Alolois étaient enfermées dans des larges espaces où étaient reproduit une jungle miniature. Ils n’étaient vêtus que de peau de bêtes au niveau de la taille, homme comme femme. Ces espaces étaient séparées du public par une solide vitre.

Le rôle des Alolois étaient de « jouer les sauvages » : pousser des grognements bestiaux, exécuter des danses tribales, effrayer le public… Ils étaient obligés bien sûr, ils avaient bien été informés de ce qui pourrait leur arriver s’ils ne répondaient pas à nos exigences.

Mais nous n’étions pas des démons. Chaque soir, s'ils avaient fourni une prestation satisfaisante, nous leur fournissions plus d’alcool et de nourriture qu’il ne leur en fallait ; une sorte de payement. Un système de punition / récompense qui nous assurait de leur loyauté.

Je me baladais en ce moment même dans l’une de ces Expositions. Aujourd’hui encore, les sauvages jouaient bien leur rôle. L’un d’entre eux venait même de sauter sur la vitre, faisant au passage sursauter un couple de jeunes amoureux.

— C’était effrayant ! s’écria la femme d’un ton amusée.
— Ce sont des sauvages ma chérie, lui sourit l’homme en serrant plus fort sa promise. Il ne faut pas les en vouloir.
— Oui je sais, mais tout de même, c’est affreux de penser que quelque part dans notre monde, des peuples vivent comme cela…
— C’est justement pour cette raison qu’il faut soutenir notre nation. En ce moment même, nos bons intellectuels s’évertuent à civiliser ces sauvages, cela risque de prendre du temps, mais notre lumière va bien finir par les attendre un jour !
— … j’aime te voir parler comme ça, roucoula la femme. Si passionné, si enflammé !
— C’est que j’aime les grandes valeurs de mon pays ! se gonfla l’homme. Même s’il y a une chose que j’aime encore plus… bien plus...
— … hihihi ! rougit l’intéressée. Oh, toi alors !

Le jeune couple s’éloigna, multipliant les mots doux. Voilà. C’était ça. Persuader les Kalois que les Alolois avaient besoin, nécessairement besoin, d’être civilisés. Une manœuvre parfaite ; il était désormais admis dans le tout Illumis que notre mission civilisatrice était un devoir, un devoir que nous, peuple éclairé, devions soumettre aux Alolois, peuple ignorant.