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» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 19/09/2016 à 19:01
» Dernière mise à jour le 19/09/2016 à 19:01

» Mots-clés :   Drame   Kalos   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Suspense

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Chapitre 19 - Aura
Parfois, on fait des rencontres qui changent à jamais le cours de notre vie.
Ma rencontre avec Sacha fait partie de celles-ci. Cet humain a définitivement changé ma vie. Et de la meilleure des manières.



~*~



- ALLEZ ! DEBOUT LÀ-DEDANS ! C’EST L’HEURE DE L’ENTRAÎNEMENT !!

Outre le fait que ce cri – ou plutôt ce beuglement – me perça les tympans, il m’arracha surtout d’un sommeil profond et réparateur dont le luxe m’avait été privé ces derniers temps. Comprenez donc que chaque matin depuis désormais trois jours, je me levais de très méchante humeur, humeur que je laissais s’évacuer en faisant dix tours de village. Oui, parfaitement, dix tours. C’était le minimum imposé par ce bourreau d’entraîneur qu’était Genzo. Et si l’un d’entre nous – moi ou mes Pokémon – avions le malheur de traîner la jambe, nous devions nous farcir dix tours supplémentaires.

Et tout ça, bien avant le petit-déjeuner. Il n’y avait, à mes yeux, pas de plus pire torture mentale et physique. Au final, je crois même que c’était l’argument qui me motivait le plus à boucler mes tours de marathon matinal le plus vite possible. Quand j’avais faim, j’étais prêt à faire n’importe quoi du moment qu’on me promettait de la nourriture…

Comme je le disais, cela faisait maintenant trois jours que mes Pokémon et moi avions commencé notre entraînement en vue de vaincre l’Homme Masqué. Les blessures de mes amis guérissaient à vitesse grand V grâce à la merveilleuse eau du lac, et reprenaient chaque jour un peu plus de forces.

Quant à moi, je me remettais surtout de mes émotions. J’avais enfin cessé de réfléchir et de me tourmenter, pour enfin passer à l’action. Et autant dire que cela me faisait du bien. De temps à autres, il m’arrivait d’avoir des remontées de souvenirs désagréables, mais petit à petit, les crises s’espaçaient, si bien que je pus de nouveau livrer un combat sans paniquer au beau milieu de celui-ci.

L’entraînement que nous imposait Genzo était très militaire : lever aux aurores, dix tours de village – ai-je par ailleurs précisé que ce dernier était démesurément grand ?... – avant le petit-déjeuner, puis exercices en tout genre pour le reste de la journée.

Chacun avait son programme particulier : Pikachu et Brutalibré amélioraient leur vitesse et la puissance de leurs coups en s’entraînant sur des troncs d’arbres et des rochers. Sonistrelle et Flambusard s’entrainaient entre eux deux dans une petite vallée non loin de la forêt, apprenant à maîtriser toutes les pirouettes aériennes possibles afin d’allier puissance et rapidité. Quant à Croâporal, il se concentrait surtout sur sa vitesse de course, et sur ses réflexes.

De mon côté, je m’entraînais avec chacun d’entre eux, tout multipliant les exercices physiques afin de garder mon corps en forme. Genzo avait insisté sur ce point : en tant que dresseur, je me devais d’être en bonne condition à la fois physique et mentale. Et seul le sport pouvait m’y aider.

Alors nous nous entraînions, sans manifester la moindre plainte, ni le moindre signe de fatigue. Nous passions la journée à nous entraîner et nous exercer, avant de revenir complètement épuisés le soir, à la maison de Genzo. Chaque nuit, je me couchais avec le corps perclus de courbatures ; mais je m’en fichais bien. Me dépenser me faisait un bien fou. Et au moins, j’avais la certitude que mes Pokémon progressaient à un bon rythme.

Quelquefois, les Pokémon de Genzo se joignaient à notre entraînement. Ils étaient tous très forts, mais nous permettaient d’acquérir une expérience rare. Le vieil homme était un bon dresseur, en plus d’être un coach sévère.
Galopa en particulier était le plus enthousiaste de tous. Il se démenait pour nous prêter main-forte, mais sa fougue le rendait souvent désobéissant. Aussi Genzo le priva-t-il de combats au bout de la troisième attaque ratée…

Ainsi, petit à petit, une forme de routine avait commencé à s’installer ; mais une routine pour le moins rythmée.

Néanmoins, ce jour-là, je sus que quelque chose allait changer lorsque Genzo vint me voir au moment du petit-déjeuner.

- Une fois que tu auras fini de manger, viens me retrouver au lac. Il faut que je te parle, c’est important.

Sur ces mots, il s’en fut avant que je ne puisse lui demander des précisions.

Une heure plus tard, Je dis à mes Pokémon de poursuivre leur entraînement habituel, et partis seul en direction du lac.

Genzo m’y attendait déjà. A côté de lui, son Lucario se tenait droit, pattes avant croisées sur la poitrine, ses yeux rubis rivés sur moi tandis que je m’approchais.

- Vous vouliez me parler ? demandai-je.
- Oui. Je crois qu’il est grand temps que je vérifie quelque chose avec toi. Quelque chose de la plus haute importance, qui pourrait bien influer sur ton futur.

Il y avait bien longtemps qu’il ne m’avait pas ressorti une de ces fameuses phrases dont je ne comprenais pas le sens…

- C’est-à-dire ? Vous pourriez être plus clair ?

Genzo ne répondit pas. Il sembla interroger Lucario du regard. Le Pokémon Aura hocha imperceptiblement la tête.

- Ecoute-moi bien, Sacha. Tu te souviens lorsque je t’ai dit que tu te fiais beaucoup trop à ce que tes yeux percevaient, et que tu étais loin de ressentir l’essence du monde qui t’entourait ?

J’acquiesçai silencieusement, attendant qu’il poursuive.

- Eh bien, je pense que le moment est venu pour toi d’apprendre à le faire. De ce que j’ai vu – et d’après ce que pense mon ami Lucario – je suis convaincu que tu pourras maîtriser ce pouvoir.
- Qu-quel pouvoir ? fis-je, incapable de maîtriser le tremblement de ma voix.

Genzo tendit le bras, paume ouverte vers le ciel.

- Concentre-toi sur ma main, m’intima-t-il. Observe, et dis-moi ce que tu vois.

Il ferma les yeux, et parut se concentrer. Je fis ce qu’il me demandait, et fixai sa main. Pendant un long moment, il ne se passa rien.
J’allais interroger Genzo quand tout à coup, ses doigts se mirent à luire faiblement. L’instant d’après, une flamme bleue pâle, évanescente, dansait au creux de sa paume.

- Mais… ! C’est… c’est quoi ça ?! Comment vous faites ?!

Genzo ouvrit un œil. Et là, chose incroyable également : son iris, d’ordinaire brun, était devenu bleu pâle. Soudain, il referma son poing. Aussitôt, la flamme disparut, et les yeux du vieil homme reprirent leur couleur d’origine.

Quant à moi, j’étais totalement abasourdi par ce à quoi je venais d’assister.

- C-comment vous… ?
- Tu avais vu juste, sourit Genzo.

Je mis un temps à comprendre qu’il s’adressait à Lucario. Le loup bleu hocha de nouveau la tête, sans cesser de me fixer.

- Hé, vous allez me répondre ? Comment vous avez fait…avec votre main ? C’est de la magie… ?
- De la magie ? (Genzo eut un petit rire.) Oh, allons, pas du tout. Je n’ai rien d’un prestidigitateur.

Il reprit son sérieux.

- Alors ? Décris-moi ce que tu as vu.
- Il…il y avait une flamme…bleue, bafouillai-je. Une flamme bleue dans votre main… Et vos yeux aussi étaient devenus bleus ! C’était quoi ?

Genzo laissa planer un temps de silence. Puis me répondit :

- Ça, mon garçon, c’est ce que l’on appelle l’aura.


~*~

- L-l’aura… ?

Genzo opina du chef. Le garçon en face de lui paraissait complètement perdu. Son regard alla de Lucario à Genzo, puis de Genzo à Lucario.

- Mais alors… vous êtes un Gardien Aura ?

Entendre cette appellation déstabilisa Genzo un court instant. Néanmoins, il se reprit vite.

- Oh ? Tu connais les Gardiens Aura ?
- J’en ai vaguement entendu parler…, marmonna le jeune homme. Il y a longtemps…
- Et que t’a-t-on dit à leur sujet ?
- En gros, c’était des hommes qui pouvaient maîtriser l’aura, non ? Y’avait une histoire de ce genre dans les légendes de Sinnoh. Et puis, au palais Cameran, à Kanto, il y a aussi la légende du seigneur Aaron, si je me souviens bien…

Genzo avait déjà entendu parler de ces fameuses légendes. Celle de Sinnoh relatait l’histoire d’un Gardien Aura qui aurait scellé le Pokémon Spiritomb dans une Clé de Voûte. Quant au Seigneur Aaron… C’était une vieille histoire poussiéreuse, qui datait de plus de quatre cent ans.

- Je vois que tu as beaucoup voyagé, petit, commenta Genzo, impressionné.

Sacha ne répondit pas. Ses yeux se perdaient dans le lointain, comme s’il était plongé dans ses souvenirs.

- Mais dites-moi…, finit-il par lâcher. C’est quoi le rapport avec moi ?

Bien qu’il eût posé la question, son regard indiquait qu’il avait déjà une idée de la réponse.

- C’est simple. Lucario – et moi-même après vérification – a reconnu en toi une aura des plus particulières. Tu sais, chaque être vivant en ce monde possède une aura. C’est difficile à expliquer simplement avec des mots… Mais l’aura est pour ainsi dire comme une partie de chaque être, humain comme Pokémon. Elle fait partie de leur essence, et sa nature varie en fonction des individus.
- Et moi, j’ai une aura…particulière, c’est ça ? Qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ?
- A t'entendre, j’ai l’impression que ce n’est pas la première fois qu’on te parle de ton aura. Je me trompe ?

L’air renfrogné, Sacha s’enferma dans un silence éloquent.

- Tu m’as demandé, poursuivit Genzo, si j’étais un Gardien Aura. La réponse est non. Les Gardiens Aura ont acquis une parfaite maîtrise de l’aura, et ont dû subir un entraînement dès leur plus jeune âge afin de contrôler à la perfection ce pouvoir.

Un souvenir fugace traversa son esprit ; celui d’un jeune homme et de son Riolu se forçant à travailler nuit et jour, sous l’œil attentif de leur professeur. Genzo chassa aussitôt cette pensée.

- Cependant, ce contrôle parfait requiert également que l’aura de la personne en question soit d’une pureté irréprochable. Or, comme je te l’ai dit, la nature de l’aura varie en fonction des individus, donc les auras pures sont une denrée pour le moins rare. Néanmoins, il est dit que l’aura, si elle diffère en fonction de la personne, est en partie héréditaire. Autrement dit, un Gardien Aura a de grandes chances d’avoir un descendant dont l’aura est presque aussi pure la sienne. Cela dit, les générations de Gardiens Aura se sont de plus en plus espacées au fil des siècles, si bien qu’aujourd’hui, il n’en existe presque plus.

Genzo marqua une pause, laissant au jeune dresseur le temps d’assimiler tout cela.

- Si vous n’êtes pas Gardien Aura, finit par demander Sacha, comment ça se fait que vous puissiez… faire ça ? Enfin, je veux dire… Qui êtes-vous, en réalité ?
Genzo ne sut s’il devait s’amuser ou s’inquiéter de la question. Visiblement, le jeune dresseur nourrissait quelques doutes envers lui. Après tout, comment lui en vouloir ? Genzo ne lui avait pas tout dit sur sa véritable identité.

Mais allez dire à un jeunot que vous avez pris sous votre aile qu’en réalité, vous étiez un des rares survivants d’un peuple ancien, spécialisé dans l’étude et la maîtrise de l’aura, et que vous aviez préféré dénigrer vos origines et rejoindre une organisation mafieuse… Cela faisait tout de suite moins crédible. Or, le vieil homme avait besoin de la confiance de ce garçon…

- C’est une trop longue histoire, éluda-t-il d’un revers la main.

Sacha plissa les yeux, mais ne dit rien. Genzo ne lui en laissa de toute manière pas le temps et poursuivit :

- En ce qui me concerne, je n’ai qu’une connaissance relative de l’aura. J’ai été formé dans ma prime jeunesse à l’exécution d’exercices de base, mais rien de plus. Je suis loin de maîtriser parfaitement l’aura, ajouta-t-il avec un sourire à l’intention de son Lucario.

Le Pokémon Aura esquissa un sourire amusé. Il se souvenait du temps de leur formation, quand Genzo n’était encore qu’un jeune homme insolent qui rechignait à obéir à l’autorité, et donc à suivre correctement son apprentissage…

- Cela dit… Je suis en mesure de d’apprendre ce que je sais. Je peux t’apprendre à réveiller le pouvoir de l’aura qui dort en toi, et à le maîtriser.
- C’est sérieux ? s’étonna Sacha. Ça a l’air cool, dit comme ça, mais… à quoi ça va me servir ?

« Nous y voilà. »

- Combien de Pokémon comptes-tu autour de ce lac ? demanda Genzo.

Le jeune homme cligna des paupières, et entreprit de scruter les alentours du point d’eau. Après un bref regard circulaire, il se tourna vers le vieil homme et annonça d’un air dépité :

- Euh… J’en vois aucun.
- Tu n’en vois aucun, effectivement. Mais il y en a en réalité… (Genzo se concentra.) Hum… Environ cinq. Six si on compte celui qui vient d’arriver, un Pokémon oiseau je dirais.
- Hein ?

De nouveau, Sacha se retourna et fouilla les environs du regard, en vain.

- C’est l’aura qui vous permet de dire ça… ? comprit-il alors.
- En effet. Vois-tu, la perception des auras est la première étape dans la maîtrise de ce fluide. Tant que tu ne seras pas capable de ressentir les présences autour de toi, tu seras incapable de faire quoi que ce soit avec ton aura, si puissante soit-elle.
- Ah, d’accord… Mais vous ne m’avez pas répondu : ça va me servir à quoi, de ressentir les auras ?
- Quand tu livres un combat Pokémon, que fais-tu ?

La question, si elle paraissait simple en apparence, n’était en vérité pas facile à appréhender. Aussi Genzo apprécia-t-il que Sacha prenne le temps de la réflexion.

- Eh bien… j’observe attentivement l’adversaire, pour donner les meilleures directives à mes Pokémon.
- Correct. Mais là encore, tu ne te fies qu’à ce que tes yeux perçoivent.

L’expression de son visage indiqua que le jeune garçon comprenait où Genzo voulait en venir.

- Vous croyez que je pourrais utiliser ce pouvoir…durant les combats ?
- Ce n’est pas impossible. A vrai dire, percevoir les présences peut être utile dans bien des situations. Il ne s’agit de rien de plus que d’exacerber ton sixième sens. C’est exactement la même chose. or, l’instinct des Pokémon est bien plus développé que celui des humains. Imagine qu’à ton tour, tu puisses bénéficier d’un instinct de combat similaire à celui d’un Pokémon. Ton travail d’équipe s’en trouverait renforcé. En tout cas, c’est ce je que pense.

Sacha baissa les yeux sur ses mains gantées, les yeux brillants d’une lueur que Genzo ne sut comment interpréter. Espoir, ou désir ? Comment le jeune garçon appréhendait-il l’idée de devenir plus fort grâce à un talent que lui seul était à même d’exploiter ?
Néanmoins, le vieil homme gardait confiance. Il était convaincu que le jeune garçon n’était pas ce genre de personne à vouloir user de ce pouvoir par ambition.

Comme l’aurait fait Gauthier.

- Je dois toutefois te prévenir, ajouta-t-il. Ce pouvoir requiert une grande force mentale. Il n’est pas aisé de l’apprivoiser ; si jamais tu dérapes, tu risques gros. La maîtrise de l’aura peut, par ailleurs te prendre énormément de temps. Cela peut durer un mois, comme cela peut durer dix ans, tout dépendra de la manière dont ton corps réagira à l’aura. Cependant, c’est le prix à payer pour accéder à un tel pouvoir. Es-tu prêt à prendre ce risque ?

Une expression figée peinte sur le visage, Sacha se tourna vers le lac, en proie à une intense réflexion. Genzo le laissa réfléchir à sa proposition. Il était inutile de le brusquer. Tout cela était nouveau pour le jeune dresseur, après tout.

Finalement, Sacha prit une profonde inspiration, et planta ses yeux dans ceux de Genzo.

- C’est d’accord. Je prends le risque.


~*~

Non loin de là, camouflé parmi les hautes branches des arbres, Croâporal avait assisté à la conversation.

Non pas qu’il fût méfiant. Il avait, comme Sacha, accordé sa confiance à cet humain nommé Genzo, qui s’était proposé de superviser leur entraînement. Or progresser, c’était tout ce que souhaitait le Pokémon Eau. Devenir plus fort, encore et toujours. Car Sacha n’était pas le seul à nourrir le désir de protéger ses proches. Croâporal vouait une affection toute particulière à ses amis, qu’ils fussent humains ou Pokémon. Ne pas avoir été capable de vaincre son adversaire lors du combat contre l’humain masqué… Cela le frustrait au-delà des mots.

Alors quand Genzo avait suggéré de leur fournir un entraînement spécial, l’amphibien ne s’était plus senti de joie. Seulement, impatient comme il avait été, il n’avait pas remarqué que Sacha souffrait d’un profond malaise. Cet humain si différent des autres… Si enthousiaste, travailleur… Avait paru abandonner face à la difficulté. Croâporal avait cru à une mauvaise blague. Aussi, comme les autres, il s’était énervé contre son dresseur. Mais à tort. Et il l’avait bien regretté.

Heureusement, cette période était vite passée. Sacha avait enfin retrouvé son entrain habituel, pour le plus grand bonheur de Croâporal. Car le Pokémon Eau se souvenait très bien de ce que lui avait dit son bien-aimé dresseur à l’arène de Flusselles.

« Moi aussi je veux devenir plus fort, comme toi. Alors on va travailler ensemble ! »

Lorsque Genzo avait emmené Sacha à part, l’amphibien s’était senti piqué par la curiosité. Pourquoi le mettre à l’écart ? Aussi avait-il suivi les deux humains le plus discrètement possible.

S’il n’avait pas saisi tous les détails du discours de Genzo, il était néanmoins impressionné par ce qu’il proposait à Sacha. Cette histoire d’aura résonnait en lui comme une douce mélodie familière. Il était fortement intrigué par la manière dont elle pourrait influer sur le comportement de Sacha lors des combats.

Car ce que Croâporal appréciait chez Sacha, c’était justement son implication dans la vie de ses Pokémon, son attention envers eux. Si cette fameuse aura pouvait lui permettre d’approfondir encore plus ce lien, il fallait que le Pokémon Eau y assiste.


~*~

- Bien, intima Genzo. Assieds-toi là.

J’obéis, et m’assis en tailleur sur une petite corniche surplombant le lac.

- Ferme les yeux et fais le vide dans ton esprit. Tu ne dois te concentrer sur rien d’autre que sur le son de ma voix.

J’acquiesçai, et obéis de nouveau. Cependant, faire le vide dans mon esprit s’avéra plus compliqué que prévu. Ce que m’avais appris Genzo à propos de ce pouvoir qui sommeillait en moi mettait mon cerveau en ébullition. Je peinais à imaginer ce que je pourrais accomplir si jamais j’arrivais à débloquer cette puissance. Pourrais-je vraiment progresser ? Aider mes Pokémon à mieux combattre ? Cela paraissait trop beau pour être vrai. Rien que l’idée de pouvoir soutenir mes partenaires au cœur de leurs combats me donnait des frissons d’excitation.

- Bon sang, petit ! râla Genzo. Concentre-toi, tu n’y es pas du tout, là !
- Ah ! Désolé…

Je secouai la tête, et me forçai à ne plus penser à rien. Ce qui en définitive, était bien plus dur que l’on pouvait l’imaginer… Mais je devais le faire. Autrement, je ne pourrais jamais arriver à maîtriser mon aura. Alors je fermai les yeux, et m’efforçai d’évacuer toute pensée de mon esprit. Je m’imaginai un trou noir, dans lequel tout son, toute image traversant mon esprit se faisait aspirer.

Au bout d’un moment, ma respiration ralentit. L’effervescence de mon cerveau diminua, jusqu’à complètement s’évaporer. Je n’entendais plus rien. Tout était noir autour de moi.

C’était pour ainsi dire très étrange… J’étais à la fois conscient, et inconscient de ce qui se trouvait autour de moi. Comme si je n’étais plus entouré que par du vide.

- Parfait, maintenant, concentre-toi sur le son de ma voix.

Je reconnus Genzo, sans pour autant avoir besoin de le voir. Sa voix semblait provenir de partout à la fois. Sentant le début d’une nervosité affleurer à la surface de ma conscience, je me forçai à rester calme, et suivis ses instructions.

- L’aura est partout autour de nous. Tu dois apprendre à ressentir sa présence. Pour commencer, ouvre tes cinq sens, un à un, et dirige-les sur tes sensations intérieures. Ecoute le bruit de ta respiration… Sens le sang couler dans tes veines…

Bizarrement, je crus sentir une douce chaleur se diffuser au centre de mon corps. Enfin, pas vraiment de mon corps… Plutôt de mon être tout entier.
Puis soudain, une petite flamme bleutée apparut. Mais je ne la voyais pas à proprement parler… C’était plus comme si je la sentais.

- Maintenant, concentre-toi sur les sensations proches. Ecoute le vent souffler à tes oreilles… Sens le soleil réchauffer ta peau…

La petite flamme grandit. La chaleur gagna tous mes membres à mesure que les sensations affleuraient.

- Ensuite, étends ta perception aux sensations plus lointaines. Ecoute le vent siffler dans les arbres… Sens l’odeur de la pinède qui t’entoure… Ecoute le chant des Passerouge au loin…

La flamme grandit encore ; sa chaleur gagna en intensité.

- Et maintenant, pense à un être qui t’es cher… Imagine que tu l’as perdu de vue, et que tu veux absolument le retrouver. Concentre-toi sur ce sentiment...

Au cœur de la flamme, devenue immense, l’image de Pikachu se matérialisa.

Alors je revécus cette scène maintes fois vécue.

Pikachu s’éloignait. Encore et toujours plus. Et j’avais beau tendre le bras, je n’arrivais pas à le rattraper.

« T’en vas pas ! Ne me laisse pas ! REVIENS !! »

Mes entrailles me brûlèrent comme si elles avaient pris feu. Mon sang paraissait s’être changé en lave en fusion, et me consumait le corps, tandis qu’une vague de remords, d’amertume, m’envahissait, et menaçait de m’engloutir.

- ARRÊTE TOUT !! OUVRE LES YEUX, MAINTENANT !!

Je lâchai un cri, et soudain, la flamme parut exploser.

Tout redevint noir.


~*~

Quand j’ouvris les yeux, le ciel avait déjà viré à l’orange. Etais-je resté évanoui tout la journée ?

Un tapotement sur l’épaule me ramena à la réalité. Croâporal était penché sur moi, l’air inquiet.

- Comment te sens-tu ?

Assis non loin de moi, Genzo fixait l’horizon, Lucario à ses côtés. Je me redressai lentement, la bouche pâteuse, et entrepris de rassurer tout le monde :

- Ça va… Plus ou moins. (Un élancement au crâne me fit vaciller.) Qu’est-ce qui… s’est passé ?
- Ton aura t’a complètement submergé. Elle a grandi à une vitesse trop importante, et ton esprit ne l’a pas supporté. En conséquence de quoi, tu t’es évanoui
.
Abasourdi, je contemplai mes mains, comme si je m’attendais à y voir apparaître quelque chose. Quelque chose comme… une flamme.

- Ça veut dire que j’ai échoué… ? demandai-je timidement.
- Pas du tout. Au contraire, les résultats ont dépassé de loin mes espérances.

Je battis des paupières, interloqué.

- Ah bon ?
- Bon sang, petit…, souffla Genzo. Tu ne te rends même pas compte de cette puissance qui dort en toi… De ma vie je n’avais jamais vu quelqu’un développer une telle force d’aura en si peu de temps !

Si cela paraissait inquiéter Genzo, moi, j’étais fou de joie. J’avais finalement réussi ! L’aura était à portée de main ! Rien que cette idée me donna le vertige.

- Croâ ?

Croâporal me considérait avec circonspection. Je lus dans ses yeux que cette hustoire l’intriguait au plus haut point. Je posai une main réconfortante sur son épaule.

- T’en fais pas, mon vieux. J’apprendrai vite à maîtriser ce pouvoir. Et grâce à lui, je pourrai enfin me battre réellement à vos côtés. (Je tendis le poing avec détermination.) Ensemble, on deviendra toujours plus forts !

L’amphibien sourit, et acquiesça avec entrain. Mais tandis que lui et moi partagions l’excitation de mon expérience nouvelle, aucun de nous deux ne perçut l’inquiétude qui tirait les traits de Genzo et de son Pokémon.


~*~

Quelques jours plus tard, Genzo laissa à Sacha et ses Pokémon le soin de superviser eux-mêmes leur entraînement. Les vivres commençaient à manquer, d’autant plus que le vieil homme avait six bouches de plus à nourrir. Et quelles bouches ! Le jeune garçon avait un appétit d’ogre, de même que ses Pokémon. Sur ce point-là, ils étaient clairement issus du même moule. Et lorsqu’un seul mangeait pour quatre, et que l’on multipliait le résultat par six, cela donnait une baisse drastique de provisions…

Aussi Genzo confia-t-il sa demeure à ses « élèves » et se rendit à Auffrac-les-Congères, la ville la plus proche du Village Pokémon. Il avait ses habitudes là-bas, et connaissait même très bien le champion local, Urup. Les deux hommes étaient bons amis…

D’autant plus que c’était Urup qui avait aidé Genzo à s’installer au cœur du Bois du Dédale.

A l’époque, le vieil homme venait tout juste de quitter la Team Rocket, et errait sans but, à la recherche d’un moyen pour redonner du sens à sa vie.
La région de Kalos étant sa région natale, il y était retourné tout naturellement. Il y avait retrouvé son vieil ami Urup. Et il s’était installé ici, au cœur de ce bois interdit, caché du regard de tous.

Tout cela paraissait remonter si loin et pourtant, cela ne faisait que cinq ans. Cinq ans que Genzo avait essuyé une lourde défaite face à Gauthier. Une défaite pas seulement en terme de combat Pokémon. Mais également une défaite professionnelle.

Tout en cheminant vers la boutique, Genzo ressassa ce que lui avait raconté Sacha à propos de l’homme qu’il souhaitait vaincre. Celui qu’il nommait « l’Homme Masqué ».

« Il est super puissant. Ses Pokémon sont brutaux et se battent de manière presque acharnée. Apparemment, ce serait dû à leurs Pokéballs, qu’il appelle des Pokéball Obscur. Je crois bien que ces trucs leur lavent le cerveau. Ils sont impitoyables. Tout comme leur dresseur… »

Des Pokéballs Obscur… Un être fort et impitoyable… Pour Genzo, pas de doute, cet Homme Masqué ne pouvait être qu’une seule personne.

Et cette personne était Gauthier.

Bien entendu, le vieil homme s’était gardé d’exposer sa théorie à Sacha. Ç’aurait été révéler son identité au jeune dresseur… Mais surtout, cela aurait été synonyme de revivre son passé, et d’avouer son échec professionnel.

Car si Gauthier était devenu ce qu’il était, c’était en grande partie à cause de Genzo. Le vieil homme n’avait pas su garder son ancien élève dans le droit chemin. Et à présent, voilà qu’un jeune homme avait vu sa vie brisée à cause de cela.

Sans doute était-ce pour cela que Genzo tenait tant à aider Sacha. Peut-être cherchait-il inconsciemment à se racheter ? Quoiqu’il en soit, il était déterminé à stopper les actions de Gauthier.

Bien sûr, il aurait aimé régler toute cette affaire à lui seul. Mais désormais, Sacha y était impliqué d’une manière irréversible. Genzo s’était toujours demandé comment il ferait pour stopper les actions de Gauthier. L’affronterait-il à nouveau ? Mais alors, comment être sûr qu’il l’emporterait ? Longtemps, le vieil homme avait douté à ce sujet.

Genzo n’était pas trop le genre à croire au destin ; toutefois, il devait admettre – même si cela pouvait paraître égoïste de sa part – que l’arrivée de Sacha tombait à point nommé. En s’occupant d’entraîner le jeune dresseur et ses Pokémon, lesquels avaient une raison toute particulière de vaincre Gauthier, Genzo avait l’impression d’avoir une chance de réparer ses erreurs. Au final, lui et Sacha n’avaient rien de plus qu’un ennemi commun. Et grâce à leurs efforts conjugués, peut-être arriveraient-ils à mettre fin à ses actions ? Genzo voulait y croire. Il le fallait.

Lorsqu’il arriva à la boutique Pokémon, il remarqua qu’un attroupement s’était formé à l’entrée.

La foule était principalement composée de jeunes dresseurs, à en juger par leurs vêtements débraillés et aux Pokéballs à leur ceinture. Partout, on poussait, on criait, on tentait d’apercevoir l’intérieur de la boutique derrière l’épaule du policier chargé de disperser le mouvement de foule.
Genzo repéra un jeune homme plus à l’écart, qui fixait l’attroupement avec résignation.

- Hé ! l’interpella-t-il. Qu’est-ce qui se passe ici ?
- Hein ? Oh ça… c’est parce qu’ils n’ont plus de Pokéballs en stock. Du coup les gens se sont déplacés pour rien. y’en a qui, comme moi, viennent de très loin, et qui peuvent pas rester ici longtemps…
- Dans ce cas, vous n’avez qu’à aller dans une autre ville, où est le problème ?
- Ben justement… Auffrac-les-Congères n’est pas la seule touchée… Ça fait déjà la quatrième ville que je traverse, et à chaque fois, les Pokéballs sont en rupture de stock. Y paraît que ça fait quelques jours que ça dure, maintenant…

Voilà qui laissa Genzo perplexe. Les boutiques n’étaient plus livrées en Pokéballs ? Si encore cela ne concernait qu’une ville isolée, cela ne l’aurait pas inquiété ; mais là, le phénomène affectait apparemment plusieurs cités de Kalos… Y aurait-il eu un problème à l’usine de Pokéballs ?

« C’est suspect… Beaucoup trop suspect à mon goût… »

Et quand l’instinct du vieux Genzo parlait, il ne se trompait que rarement.