Chapitre 29 : Les cinq soleils
Mon combat passé et mon destin à venir ont-ils la moindre importance, au final ? Passé, futur, autre dimension, autre réalité, autre planète, autre galaxie, autre univers… Que sommes-nous, nous, gens du présent d’un seul monde dans toute cette immensité ? Parmi toutes ces possibilités, pourquoi Arceus choisit-il ses Sauveurs du Millénaire seulement sur notre monde et dans notre dimension ? Qu’avons-nous de plus ?
*****
Quand Leaf, Deornas et Castel se téléportèrent jusqu’à l’Ancien Monde, ils tombèrent en plein milieu de la chaîne des Ulpirs, des montagnes acérées au nord-ouest de Bakan. Leaf dut utiliser son transmetteur personnel de la Confédération pour demander qu’un hélico vienne les chercher. Le pilote de la Confédération ne posa aucune question quand il vit Castel Haldar monter dans son appareil. Peut-être ne l’avait-il pas reconnu, à cause de ses cheveux blancs, de ses habits pouilleux et de son visage balafré, mais sa fourche d’Hafodes, elle, se passait de présentation.
- Où je vous dépose, madame l’ambassadrice ? Demanda le pilote.
- Fubrica. Erend est toujours sur Atlantis ?
- Il semblerait, madame Haldar. On n’a pas trop d’infos, mais apparemment, le grand vilain serait arrivé à bord de son vaisseau. On laisse rien fuiter dans les médias, mais les civils commencent à se douter qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
- De toute façon, on ne pourra pas le cacher bien longtemps quand les Akyr seront dans nos rues, dit Deornas. Il faudrait commencer à téléporter le plus de monde à Cinhol.
Erend avait prévu ce plan-là en cas d’attaque terrestre : faire fuir le plus de civils possible vers Cinhol. Alroy avait été d’accord pour les accueillir. Le hic, c’était que maintenant, Leaf et Deornas savaient que les frontières de ce monde d’une autre dimension n’arrêtaient visiblement pas les Akyr.
- L’aéroport de Fubrica marche toujours ? Demanda soudain Castel.
Le pilote lui lança un regard curieux, mais acquiesça.
- Oui, les vols fonctionnent toujours, pour le moment.
- Parfait. Vous me déposerez là, s’il vous plait.
- Attends voir, qu’est-ce qui te prends ? S’exclama Leaf. On devait rejoindre Erend !
- J’ai jamais promis que je me joindrai à vous, rétorqua Castel. Seulement que je casserai de l’Akyr, et c’est ce que je compte faire. Mais pas ici. Pas à Bakan. De toute façon, je doute qu’Igeus veuille bien de moi dans les parages.
- Mais on a besoin d’Hafodes ! Protesta Deornas. C’est pour cela qu’on est venu vous chercher. On doit avoir les trois Dieux Guerriers pour réveiller Excalord !
- De toute façon, il vous en manque un, non ? Riposta Castel. Si jamais vous réussissez à avoir Ecleus, alors je viendrai. Mais d’ici là, j’ai mes propres choses à faire de mon coté.
- Et on peut savoir ce que c’est, ces choses ? S’inquiéta Leaf.
- Non, répondit simplement Castel.
Leaf et son mari échangèrent un regard troublé. Ils ne pouvaient évidemment rien faire pour empêcher Castel d’aller où il voulait, mais ils avaient peur de ce qu’il allait bien pouvoir faire, surtout dans son état de haine actuel. Castel Haldar n’avait jamais été l’homme le plus stable qui soit, et que sa personnalité eut fusionné avec celle d’Adam Velgos n’était pas non plus un gage de sanité d’esprit. Leaf se souvenait bien du moment où, après que celle qui aurait dû devenir sa femme s’est faite assassinée, Adam avait quelque peu débloqué et était passé d’un garçon naïf, innocent et geignard à un despote glacial et déterminé à faire couler le sang. Mais bon, c’était peut-être justement car, depuis le début, Adam Velgos et Castel Haldar n’avaient été qu’une seule et même personne…
À leur arrivée à Bakan, non loin de l’aéroport, Leaf eut la surprise de voir les gens qui courraient dans tous les sens. Il y avait des embouteillages partout, les badauds se criaient dessus pour essayer de fuir le plus rapidement possible, et beaucoup contemplaient le ciel avec crainte, ferveur ou ahurissement.
- C’est devenu un peu agité, dans le coin, commenta Leaf quand ils eurent atterrit. Vous êtes vraiment sûr que l’info des aliens robotiques qui s’apprêtent à nous envahir n’a pas fuité ?
- Pour autant que je sache, madame l’ambassadrice, répondit le pilote de la Confédération.
- Alors qu’est-ce qu’ils ont tous à regarder le ciel ? Ils ont l’air de s’attendre à ce qu’un vaisseau spatial les kidnappe…
Castel lui aussi regardait le ciel. Et lui aussi avait le même air ahuri que la plupart des habitants.
- Euh… Ça fait sept ans que je ne suis pas revenu dans l’Ancien Monde, commença-t-il. Mais je suis sûr que quand j’étais parti, il n’y avait encore qu’un seul soleil, et qu’il était jaune…
Se demandant ce qu’il racontait, Leaf et Deornas levèrent les yeux. Et là, ils les virent. Le soleil habituel se trouvait toujours là, à la place qu’il aurait dû être à cette heure-ci. Sauf qu’il n’était plus seul. Il y avait, dans le ciel, cinq orbes en plus, de taille plus ou moins similaire à celle du soleil. Un rouge, un bleu, un vert, un noir, et un tout blanc. Ils étaient dispersés dans le ciel, comme si soudainement, la Terre avait eu cinq autres satellites. En voyant ce spectacle quelque peu inhabituel, le pilote de la Confédération jura bruyamment, et entreprit de communiquer avec ses supérieurs.
- Par les couilles d’Arceus ! S’exclama Deornas. Qu’est-ce c’est que ça ?!
Il venait d’utiliser un des jurons favoris de son père, le duc Isgon, ce qu’il ne faisait jamais, signe que ça allait vraiment mal. Leaf regarda son anneau, se demandant s’il n’avait pas pu buggué et s’il les avait envoyé dans la mauvaise dimension ; une ou la Terre aurait six soleils à la place d’un seul.
- Personne ne sait trop ce qui se passe au QG, les informa le soldat après avoir terminé ses appels. Ces… orbes viennent d’apparaître en orbite il y aurait de ça dix minutes.
- Et en orbite, il y a donc Atlantis et le vaisseau du Grand Forgeron, résuma Leaf. Il doit se passer des trucs en haut. Il faut nous mettre en contact immédiatement avec le commandant suprême.
- Bien, madame l’ambassadeur, s’inclina le pilote. Je vous conduis au QG au plus vite.
Il remonta dans son hélicoptère qu’il commença à rallumer. Leaf se tourna une dernière fois vers Castel.
- Tu es sûr alors ? On aurait besoin de toi au QG.
- Quand les Akyr attaqueront, ce ne sera pas seulement votre base, ou même votre ville, répondit Castel. J’aurai ma part, où que j’aille. Mais j’ai vraiment un truc à faire.
- Et vous ne voulez pas nous dire quoi, fit Deornas. Comprenez notre inquiétude.
- Ne vous en faites pas, sourit mystérieusement Castel. Ce sera bénéfique à votre effort de guerre. On se reverra sans doute. D’ici là, bonne chance.
Il commença à s’éloigner vers l’aéroport, puis, se souvenant de quelque chose, il se retourna et dit :
- Oh, et si vous tombez sur cet Akyr Galvaniseur, n’oubliez pas qu’il est à moi. Si jamais quelqu’un le détruit avant moi… ça va barder sec pour lui.
***
- Igeus, fit la voix froide et quelque peu en alerte de la présidente de la Ligue Manheratique de la région Vulkhiva, de nombreux rapports sont en train de me venir aux oreilles. Selon eux, cinq nouveaux soleils seraient apparus dans le ciel.
Il y eu un concert d’affirmation de la part des Chefs d’Etat inquiets. Erend aurait bien aimé leur rétorquer : « Sans blaguer ? Vous m’apprenez un truc, là ! », car il avait été aux premières loges pour voir, dans l’espace, l’apparition des cinq orbes gigantesques.
- C’est ce que j’ai cru comprendre, chers confrères, leur dit-il. Je les ai même en face de moi, devant la vitre. Cinq espèces d’étoiles qui entourent la Terre.
- Qu’est-ce cela, Igeus ? Demanda désespérément le Gouverneur d’Orre.
- Je n’en sais pas plus que vous. Ils sont apparus il y a deux minutes !
Tout en parlant, Erend accéda à sa communication personnelle pour lui demander qu’on lui amène immédiatement Nuelfa. Le vaisseau de Memnark, lui, n’avait pas bougé.
- Est-ce une arme utilisée contre nous par ce Grand Forgeron ? Demanda le Roi Brandon du Conglomérat.
- J’en serai plus dans quelques instants, quand j’aurai consulté notre alliée Nuelfa. Je vous tiendrai informé au plus vite.
Sans se soucier de leurs protestations, Erend quitta la passerelle pour se rendre au poste de commande, où les jumeaux Crust se trouvaient déjà.
- Vos sens Mélénis ont-ils une explication sur ce phénomène ? Leur demanda Erend de bout en blanc.
- Je crois que ce phénomène est très clair, répondit ironiquement Mercutio. Les couchers de soleil sur Terre seront magnifiques, désormais.
- Moi, je pense que… hésita Galatea. J’ai déjà senti un truc comme ça.
- Précisez, exigea Erend.
- Sur Terre. Via le Flux. C’était quand j’ai rencontré Bertsbrand. Il avait ce collier, avec cette perle bleue… J’ai senti une incroyable puissance à l’intérieur, une espèce d’énergie illimitée, et là, je la sens à nouveau, mais en cinq exemplaires.
Erend commença à saisir. La perle que Galatea avait senti chez Bertsbrand, c’était le Solerios des Eaux. Alors, ces machins seraient…
- Le vrai visage des Solerios.
Nuelfa venait d’entrer et avait achevé la pensée d’Erend comme si elle l’avait lu.
- Les perles n’étaient qu’un conteneur, expliqua-t-elle. Elles abritaient une étoile en implosion bloquée par un mécanisme temporel. En rassemblant les cinq, Memnark les a libérées. Désormais, il a accès à des énergies élémentaires de feu, d’eau, de plante, de lumière et de ténèbres par le biais de ces cinq étoiles. Cette énergie se déplace par une dimension invisible pour se rendre jusqu’aux Solerios que Memnark garde avec lui. Il pourra utiliser ces puissances individuellement, ou bien les fusionner par le biais de son Proto-Solerios pour obtenir une énergie nouvelle et potentiellement hyper destructrice.
- Je vois je vois… soupira Erend.
Il réfléchissait déjà à l’explication qu’il allait pouvoir donner aux dirigeants du monde. Un truc pour dire, en résumé : « on est dans la merde ».
- Mais euh… ces soleils vont rester là à tout jamais maintenant ? Demanda Galatea.
- Tant que les Solerios seront réunis dans ce système, oui. S’ils sont séparés, comme ils l’étaient durant tout ce temps, les soleils disparaîtront.
- Mais Imperatus a dit que le Solerios des Plantes ne serait pas complet, vu qu’elle a aspiré une partie de son énergie pour évoluer, se rappela Erend.
- C’est vrai, admit Nuelfa, ceci dit je doute que nous voyons la différence, tant la puissance que peut cumuler Memnark avec ces choses est infinie. Sans quelqu’un maîtrisant Excalord en mode Revêtarme, vaincre Memnark est exclu.
Les jumeaux Crust se tournèrent vers Erend, comme si, par son choix de ne pas tenter de réunir les Dieux Guerrier, il était responsable de ce merdier.
- Bon, on fait quoi alors, Commandant Suprême ? Demanda Mercutio non sans une pointe d’ironie dans l’énonciation du titre.
- Rien de nouveau. Tant que Memnark ne bouge pas son vaisseau, nous…
- Euh, justement, je crois qu’il le bouge, fit Galatea en montrant l’écran de contrôle.
Et effectivement, le vaisseau du Grand Forgeron commençait à s’approcher d’Atlantis… et de la Terre. Cette soudaine confiance avait sûrement un nom : Venamia. Comme Velca était son espionne, elle avait dû dire à Memnark tout ce qu’elle savait, notamment sur Nuelfa. Ayant la confirmation qu’il n’y avait qu’un seul membre de sa race sur Atlantis, et qu’il n’avait donc pas grand-chose à craindre de la cité, Memnark s’était décidé à passer à l’action. Erend réfléchit un instant, puis dit :
- Nuelfa, veuillez nous faire regagner l’atmosphère de la planète je vous prie.
- Vous ne comptez même pas le retenir un peu ? S’indigna Mercutio.
- Si, mais pas dans l’espace, gros malin. Sur Terre, nous aurons l’assistance de notre flotte, et vous, vous pourrez réutiliser votre Flux.
Erend revint vers les écrans superposés de tous les Chefs d’Etat qui attendaient.
- Chers amis, le Grand Forgeron passe à l’attaque, annonça Erend. Je vais redescendre sur Terre avec Atlantis, et l’attirer au-dessus du Buskanfield, un désert tout au sud de Bakan quasiment inhabité, pour éviter les pertes collatérales lors de la bataille. Je vous demande bien humblement d’amener ici au plus vite toutes les forces que vous pourrez.
Erend coupa cette fois la transmission, ne se sentant plus d’humeur à répondre à des questions stupides. Le sort du monde était en jeu ; Erend le leur avait bien fait comprendre. S’ils choisissaient de ne pas venir, c’étaient des idiots. Mais même s’ils venaient, ils ne feront que gagner un peu de temps. Erend avait beau jouer les confiants, il n’avait aucun plan pour vaincre Memnark. Il ne pouvait que miser sur ses cartes fortes, à savoir les deux Mélénis, Mewtwo, Solaris et quelques autres, en espérant que ça suffise.
- Contactez toutes nos forces à Bakan, ordonna Erend à l’un de ses hommes. Qu’elles suivent le signal d’Atlantis et nous rejoignent. Dites à tous nos dresseurs dispersés dans le monde de revenir illico.
- Monsieur ! Le vaisseau ennemi a fait feu !
Erend se retourna juste à temps pour voir la salve laser du vaisseau primordial s’écraser contre les boucliers de la cité. Le sol vibra un peu sous l’impact.
- Je croyais que vous aviez dit que Memnark voudrait récupérer Atlantis entière, protesta Galatea à Nuelfa.
- Ce tir visait juste à tester nos boucliers, renchérit le Primordiale. Il va sans doute essayer de détruire nos moteurs.
Nuelfa s’était postée devant une console avec plein de boutons et de leviers et semblaient faire dix choses en même temps.
- Ne pouvons-nous pas répliquer ? Demanda Mercutio. Nous savons que cette cité est équipée d’un canon surpuissant !
- Nous pourrions, mais pas en bougeant en même temps. Je ne peux pas me dédoubler.
- Laissez tomber la riposte, ordonna Erend. Ramenez nous sur Terre au plus vite. Mercutio, dès que vous pourrez réutiliser le Flux, vous envoyez la sauce sur le vaisseau ennemi. Vous savez : géant bleu, épée enflammée, grosse explosion, et tout le reste.
Le jeune Mélénis fronça les sourcils.
- Et Eryl ? Demanda-t-il. Qu’est-ce qu’on fait pour elle ?
Crétin, songea Erend. Pensait-il qu’il n’y avait pas réfléchi ?
- Si je pensais pouvoir la sauver en vous envoyant à l’intérieur du vaisseau ennemi, pensez bien que je le ferai. Mais vous serez seul contre des centaines d’Akyr, et on a besoin de vous dehors. Vous êtes notre seule ligne de défense pour le moment, et la seule surprise que nous ayons à opposer à Memnark.
- Vous me demander d’essayer de détruire un vaisseau dans lequel Eryl se trouve sûrement ?
- Je doute sérieusement que vous puissiez le détruire, renchérit Erend. Mais si vous pouvez, ne vous retenez pas. Je crois qu’Eryl serait d’accord pour dire que sa vie vaut moins que celles de tous les humains de la planète.
Ça lui coutait de dire ça, mais c’était la stricte vérité. Eryl ne lui aurait jamais pardonné si Erend avait mis en danger le monde entier juste pour tenter de préserver sa vie. Comme Mercutio hésitait encore, sa sœur dit finalement :
- J’irai dans le vaisseau, et j’essaierai de la sauver.
- Vous ? S’étonna Erend. Vous ne maîtrisez même pas le Septième Niveau…
- Justement ; je ne vous serais pas si utile que ça dehors. À l’inverse de mon cher frère, je suis capable de rester discrète. Je pourrai tenter de m’infiltrer, et de saboter l’intérieur du vaisseau tout en recherchant Eryl.
Erend avait peu d’espoir à mettre sur le compte d’un tel plan, mais aller au combat contre Memnark sans rien tenter du tout pour Eryl allait le rendre malade, il le savait. Il hocha donc la tête à l’adresse de la jeune femme.
- Très bien. Faites ce que vous pouvez de votre coté.
- Evite quand même de te frotter à Memnark ou à ses Akyr de Première Classe, lui conseilla son frère. Il se pourrait qu’ils soient un peu plus puissants que toi.
- Oh, seulement d’un chouïa, sourit Galatea.
Elle quitta la passerelle. Mercutio fut sur le point de la suivre, quand quelque chose sur l’écran de contrôle attira son regard.
- Un truc vient de sortir du vaisseau ! S’exclama-t-il.
- Encore un Akyr ? Demanda Erend en s’approchant de la vitre pour mieux voir.
Mercutio, qui avec le Flux voyait bien mieux, secoua la tête.
- Je ne pense pas non. Ça a des ailes, et une forme humaine. Euh… on dirait Iron Man, mais avec une armure jaune. Ça va super vite…
En effet, à peine eut-il le temps de terminer sa phrase que la chose volante avait dépassé Atlantis et était rentrée dans l’atmosphère terrestre. Mercutio avait peut-être rêvé, mais il lui semblait avoir distingué de longs cheveux lavande.
***
Venamia se servait pour la première fois du Revêtarme. Comme Memnark le lui avait promis, Ecleus avait pris sous son ordre une forme d’armure qui avait entièrement recouvert son corps, ne laissant à l’air libre que les yeux et le nez de sa maîtresse. Malgré son apparente épaisseur, l’armure était incroyablement légère. Elle avait deux ailes rétractables dans le dos, et permettait aussi d’utiliser l’électricité pour se propulser à grande vitesse. Ainsi, Venamia avait quitté le vaisseau de Memnark par la voie des airs.
Evidemment, le Revêtarme ne lui permettait pas de respirer dans l’espace, mais Venamia se déplaçait tellement rapidement, tel un éclair, qu’elle ne resta pas plus d’une minute dans le vide spatial, et retrouva bien vite la planète Terre. Elle sentait l’esprit d’Ecleus tout proche du sien alors qu’elle partageait son corps ; une symbiose qu’elle était loin d’atteindre que ce soit en utilisant Ecleus sous sa forme Arme ou bien en volant sur lui sous sa forme normale. Non, là, ils ne faisaient qu’un. Venamia se déplaçait dans les airs comme si elle avait volé toute sa vie, et se servir elle-même de la foudre lui semblait maintenant pas seulement facile mais aussi naturel. C’était comme si tout le savoir et l’expérience d’Ecleus s’était gravé dans son esprit alors qu’il recouvrait son corps.
Cette sensation de puissance, de liberté… Venamia n’en avait jamais connue de telle. Elle se sentait capable de faire le tour de la Terre en quelques minutes, et de déchaîner des éclairs tel que le monde n’en avait jamais vu ! Dorénavant, le pauvre Erend ne pourrait rien du tout contre elle ! Venamia n’avait même plus besoin d’armée ou de l’aide du Marquis ; elle pourrait venir à bout des armées ennemies à elle seule ! Ajoutez le Revêtarme d’Ecleus à sa capacité à voir l’avenir immédiat et à son brassard d’Eucandia, elle était quasiment invincible.
Grisée par ces nouvelles sensations, Venamia éclata de rire tandis qu’elle passa sous un nuage et fendit le ciel pour arriver au-dessus de la capitale de Bakan, Fubrica. C’était là la ville siège de son adversaire, et elle lui semblait terriblement vulnérable vu d’ici. Pour s’amuser, Venamia fit appel à son nouveau pouvoir et lâcha un terrible éclair sur une tour en acier de la gigalopole. Elle fut proprement coupée en deux et s’écroula dans un déluge de poussière et de gravats, entraînant avec elles de nombreux bâtiments. Cela amusa tellement Venamia qu’elle fit pareil sur d’autres immeubles, et lança même un éclair sur le Sénat.
Au bout d’un moment bien sûr, des chasseurs de la Confédération la prirent en charge. Venamia s’amusa à voltiger avec eux un moment, les défiant de la rattraper. Ils avaient beau être rapides et très manœuvrables, ils ne pouvaient rien face à Venamia. Elle en descendit quatre avant de s’obliger à partir. Elle n’était pas venue détruire Fubrica, bien que ce fût terriblement tentant. Elle avait une mission plus urgente : trouver Hafodes et Triseïdon.
C’était là la mission que le Grand Forgeron lui avait confié. Si elle réussissait, il lui avait promis le quatrième Dieu Guerrier, celui de Nuelfa, Excalord. Mais Venamia savait qu’il mentait. Excalord était vraisemblablement la seule chose qui puisse mettre Memnark en danger. Sachant cela, il n’allait certainement pas faire don de ce Pokemon à une humaine qui aurait pu à tout moment se retourner contre lui. Ça n’avait aucun sens. Memnark se payait sa tête. Il comptait sans doute se débarrasser d’elle une fois qu’elle lui aurait remis les deux autres Dieux Guerriers.
Aussi Venamia ne comptait pas les lui livrer. Elle allait plutôt les rassembler pour elle-même, voler Excalord, le réveiller et le faire sien. Avec ce Pokemon surpuissant en Revêtarme, Venamia serait à même d’éliminer Memnark et ses Akyr. Ensuite, Igeus ne serait plus qu’une formalité. Avec le Revêtarme d’Ecleus, ce plan lui semblait tout à fait réalisable. Erend ne maîtrisait pas le Revêtarme, il ne pourrait donc rien contre elle. Quant à ce Castel Haldar, il était seul. Même s’il maîtrisait lui aussi le Revêtarme, Venamia allait aligner contre lui ses meilleurs hommes. Ensuite, avec Excalord en sa possession, et les trois autres Dieux Guerriers sous ses ordres, la conquête du monde allait aller de soi.
- Qu’en penses-tu, Horrorscor ? Demanda Venamia en ricanant. Je vais contrôler ce monde bien avant qu’il ne soit envahi par la corruption. Dommage pour ton cher Marquis des Ombres, il ne me servira plus à rien, et je l’écraserai comme tous les autres !
La partie d’âme du Pokemon de la Corruption lui répondit mentalement :
- Fais ce que tu dois faire, Lady Venamia. Que ce soit le Marquis qui triomphe ou toi, au final pour moi, c’est pareil. Mes parties d’âmes seront réunies, et je retrouverai enfin mon intégrité physique. Fais de ce monde le tiens si tu veux ; il finira automatiquement par m’appartenir un jour ou l’autre. Mais sois sûre de ce que tu fais. Tu ne berneras pas si facilement ce Grand Forgeron. Tu as vu un peu la taille de son cerveau ?
- Il peut avoir un grand cerveau, mais sous-estimer totalement les humains. Il se rappelle encore de nous comme nous étions il y a dix-mille ans, des abrutis ignares sans aucune force. Eh bien, je vais lui montrer que contrairement à sa race rachitique, les humains n’ont jamais cessé d’évoluer. Une fois que je l’aurai éliminé de mes mains, je lui prendrai ces Solerios.
- Que feras-tu d’une telle puissance ? Je doute que tu en ait besoin dans ta conquête du monde si tu as Excalord.
- Idiot, rétorqua Venamia. On a toujours besoin de puissance, car il y a toujours de nouvelles choses à conquérir et d’ennemis plus forts à combattre.
Horrorscor ricana dans sa tête.
- J’ai été dans bien des humains, et même dans des Pokemon. Ils avaient tous leurs intérêts, mais toi, tu es clairement l’hôte qui m’a le plus amusé.
C’est ça, amuse-toi de moi, comme Memnark, songea Venamia. Pour toi aussi le jour viendra. Je ne partagerai ni mon pouvoir ni mon monde avec qui que ce soit…
- Tu sais que je t’entends quand tu penses ? Lui demanda Horrorscor. Je suis dans ton esprit après tout.
- Je ne l’ai pas oublié, répondit Venamia.
Et sur ce, elle partit vers son Grand Empire de Johkan, fendant l’air comme rien ni personne.