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La légendaire quête du cookie au miel d'Apireine de Lief97



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Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 08/08/2016 à 18:08
» Dernière mise à jour le 19/02/2021 à 17:46

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Humour   Médiéval   Région inventée

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Chapitre 12 : L'union fait la force... ou pas ?
« Un jour je serai le meilleur pêcheur ! Je pêcherai sans répit ! »
Terry Lancepelle pendant sa pêche au Wailord du samedi.


***


Lépoz-ssécoul s’éveillait sous le soleil matinal. Les Vigoroth, comme d’ordinaire, dormaient à poings fermés sur les trottoirs. Le groupe d’Antoine, après en avoir enjambé une bonne vingtaine, quittait déjà la ville d’un bon pas.

— Allez ! encouragea le garçon. Dans deux heures tout au plus, on sera à l’À-pic Pic-Pic. Du nerf !
— Je n’aime guère le nerf, avoua Gontran. Je préfère la viande bien tendre.
— Ça voulait dire « avance vite », abruti ! lança Ticho.

Gontran rangea son sabre-laser :

— Oh, je vois. Une sorte de langage codé !

Ticho soupira de dépit.

— J’espère que ce ne seront pas les deux heures les plus longues de ma vie…



***


L’À-pic Pic-Pic était une immense falaise qui dominait l’océan à plus de trois cents mètres d’altitude.

Des dizaines de Pokémon Vol planaient en cercle aux alentours, à la recherche de nourriture. Le vent marin et l’air salé embaumaient les environs. Ticho était inquiet.

— Dites, y’a des trucs que je dois connaître sur la mer à Krénios ? Du genre c’est totalement illogique par rapport à mon monde ?
— Bah, je sais pas trop… répondit Antoine.
— MOI, JE SAIS TOUT, répondit fièrement Jack en allumant ses diodes.
— Très bien, tichôôô. Les marées, y’en a des hautes et des basses, c’est bien ça ?
— OUI.
— Bon. Y’a des poissons dans l’eau ?
— OUI.
— Si on avale trop d’eau, on se noie et on meurt ?
— OUI.

Ticho se rasséréna.

— Bon, bah ça va, alors ! C’est pas si différent de chez moi.
— IL FAUT QUAND MÊME FAIRE ATTENTION AUX POKÉMON DE TYPE FEU QUI VIVENT DANS LES PROFONDEURS.
— Quôa ? s’étrangla Ticho.

Il n’eut pas le loisir de poser beaucoup plus de questions. Julie pointa du doigt un chemin qui descendait de la falaise pour aller vers une petite ville portuaire, plus bas. On pouvait apercevoir une longue plage de sable, et quelques embarcations près des quais.

— C’est là-bas qu’on trouvera un bateau !
— En effet, répondit Insolourdo. Bien que le terme « navire » serait plus juste, à mon humble avis.

Gontran tapa du poing sur armure et vociféra :

— Oh, nobles amis ! Voilà donc le point le plus important de notre quête ! Nous allons débuter un périlleux voyage sur l’océan, à la recherche d’un artéfact rarissime et légendaire ! Je suis fier d’être parmi vous, à pouvoir accomplir cet acte héroïque ! Je vais enfin vous démonter mon talent de négociateur auprès d’un de ces braves propriétaires de frégate ! Nous allons partir ensemble vers notre destin, à l’autre bout du monde !

Gontran se tut, attendant des acclamations ou des applaudissements.

Il se rendit compte que ses compagnons de route, qui l’avaient complètement ignoré, avaient déjà trente mètres d’avance sur lui, pressés d’atteindre la ville.

— Saperlipopette ! lâcha-t-il avant de courir pour les rejoindre.



***


— Quoi ? Louer mon navire pour aller sur l’Île des Origines ? Vous êtes des malades !
— Nous saurons vous défendre, répliqua Antoine au pêcheur, un certain Terry Lancepelle.

C’était un type lambda, en apparence, un petit brun chétif, bien loin de l’image habituelle des marins.

— Écoutez, dit-il. C’est dangereux, comme coin. Alors à moins que vous n’ayez un Pokémon Légendaire, disons Keunotor le plus puissant d’entre eux, là, j’accepterais de vous aider. Mais comme c’est impossible, je refuse.

Antoine esquissa un sourire amusé.

— Il se trouve que j’ai Keunotor dans cette Pokéball, justement.
— Quoi ?
— Mais je ne le sortirais pas de sa Ball ici. J’ai pas envie de me faire remarquer alors que nous touchons au but de notre voyage. D’autres pourraient essayer de nous devancer.

Ticho se retint de rétorquer que PERSONNE n’était intéressé par la recette du cookie à part lui, mais ç’aurait été vexant ; il garda donc le silence, soupirant intérieurement.

— Désolé, mais je ne suis pas totalement convaincu, ni rassuré, hésitait Terry Lancepelle. Si vous étiez plus nombreux, plus effrayants, vous pourriez dissuader d’éventuels ennemis ! Mais là…
— Plus nombreux, tichôôô ?

Les autres regardèrent le Pokémon Vol avec surprise. Il parlait comme s’il avait eu une idée.

Ticho rit.

Un rire jaune sans saveur.

— Plus effrayants, je ne sais pas, mais plus nombreux, ça peut le faire. Y’a des genres de messagers ultrarapides en ville ?

Terry Lancepelle se gratta le menton, pensif.

— Oui, si vous payez un Maraiste ou un Ronflex… Ils pourraient délivrer des messages à l’autre bout de Krénios avant la fin de la journée.

Antoine se tourna vers Ticho :

— À quoi tu penses ?
— Tu as de quoi écrire ? On va rameuter quelques connaissances. Ce sera une vraie expédition, si on s’y lance en groupe !



***


La vie à Machomière suivait son cours, calme et sereine. Les Machoc, Machopeur et Mackogneur vaquaient à leurs occupations habituelles : Méditation, jardinage, petites discussions autour d’un thé à la camomille, pétanque.

Le maire, Alakazam, élu depuis plusieurs jours, se promenait avec un gourdin à la main et une peluche d’oiseau rapiécée sous le bras. Il souriait, et ne cessait de répéter en criant :

— MOI AMI DE TOUS !

Les autres Pokémon lui souriaient en réponse, heureux de ne plus avoir à subir la destruction de leurs chaumières. Alakazam s’était assagi depuis le passage d’un petit groupe de voyageurs. Chacun était très reconnaissant envers l’un d’entre eux, un Canarticho.

Alors quand un Ronflex arriva à la vitesse du son dans le village avec une lettre sous le bras qui venait de Ticho, et qui requérait de l’aide à l’autre bout de Krénios, l’ancien maire Mackogneur et Alakazam n’hésitèrent pas une seule seconde.

Ils montèrent tous les deux sur le dos de Ronflex, et après avoir dit à bientôt aux habitants du village, ils partirent droit vers l’est, chevauchant à deux leur élégante monture aérodynamique.



***


Village-pas-loin-de-Citéfol était toujours aussi animé ; le marché battait son plein, un Carapuce hurlait un long discours sur l’esclavagisme, un Drattak timide et apeuré s’excusait envers tous ceux qui le bousculaient.

Un Métamorph vola comme une furie au-dessus de la foule étonnée ; puis le Pokémon atterrit devant une maison dont la pancarte indiquait « Quartier Général Ultrasecret du Grand Culte Sataniste du Maléfique Pichu ». C’était son objectif.

Le Métamorph entra, donna sa lettre à Azurill, le chef du culte, puis les arguments de Ticho firent mouche.

— Je vais accompagner ces ignorants, camarades, déclara solennellement Azurill. Je pars éclairer le monde de ma lanterne !
— Mais t’es pas un Lanturn, si ?

Azurill n’avait pas vraiment le choix ; s’il ne venait pas, Keunotor se chargerait de venir et de les mettre KO une nouvelle fois. C’était en réalité poussé par la menace qu’il devait quitter provisoirement ses fonctions.

Il tenait au culte de l’Infâme, mais encore plus à sa propre vie !



***


Le Professeur Cumulo Nimbus était assis par terre, sur les pavés de Citéfol. Il tenait un carton et un gobelet en plastique, attendant en vain que quelqu’un lui jette une piécette.

Il était devenu un vulgaire clochard.

Il marmonnait sans cesse la même chose dans sa barbe.

— Physicien Psykokwak ! Je te trouverai, et je te tuerai…

Il était mécontent ; son Pétabull — une statuette d’homme avec la bouche ouverte — auprès duquel il était assis n’avait pas remporté le concours de la meilleure invention de l’année. C’était le vélo de Psykokwak, cet engin ultrarapide et polluant, qui avait gagné ! Pourtant, faire des bulles, c’était si innovant. Trop avant-gardiste, peut-être…

Il aurait accepté n’importe quoi pour enfin acquérir la réputation qu’il méritait : celle d’un esprit scientifique brillant, un savant de renom capable de changer la face du monde.

Un Grotadmorv s’approcha de lui.

— Professeur Cumulo Nimbus ?
— Oui, HO HO HO ? lâcha le SDF, surpris.
— Un garçon et un Canarticho, ça vous rappelle quelque chose ?

Le professeur bondit sur ses pieds.

— Ils m’ont pris mon prototype IA RX 5226 !
— Je sais où ils sont. Ils m’ont demandé de vous trouver. Acceptez-vous que je vous emmène ?
— Oui, HO HO HO !

Il agrippa son Pétabull et laissa le Grotadmorv le fourrer dans sa gueule béante, avant de décoller et de filer vers le nord-est.



***


Le Sage 33 méditait sur sa falaise. Hon-népaloindelamèrr était dans son champ de vision, tout comme le Tyranocif qui volait vers lui, à grande vitesse.

Le Tyranocif s’arrêta en vol stationnaire devant le Sage, agitant vivement ses petits bras en imitant les ailes d’un oiseau. Bob et Marcel s’écrièrent, jaloux :

— T’es qui, toi ?

Albert, la tête centrale, soupira :

— Excusez-les, ils sont malpolis. Puis-je vous aider, voyageur ?
— Un certain Ticho vous demande près de l’À-pic Pic-Pic. Il dit qu’il a besoin d’aide s’il veut trouver sa recette.
— Oh, je vois ! Ainsi, ils ont obtenu des informations à ce sujet…

Dodrio réfléchit, puis sourit :

— Bien ! Emmenez-moi là-bas. Je suis curieux de voir comment tout ceci va se terminer !



***


La pyramide de carbonara dégoulinait à cause de la chaleur.

Tadmorv, chef cuisinier milliardaire, vociférait :

— Toi, là, arrange-moi cette fuite de sauce ! Je déteste être arrosé de carbo ! Ça affecte mon teint.
— Monsieur ?

Tadmorv fit volte-face et se retrouva nez à nez avec un Rhinastoc. Le mur par lequel il était entré épousait parfaitement la forme de sa silhouette.

— Mais… s’indigna Tadmorv, blême. Vous avez détruit le mur de ma pyramide, là !
— Désolé, monsieur ! La porte d’entrée n’était pas assez large pour moi. Je me suis permis de passer à côté.
— Bah je vois ça, oui !

Le Rhinastoc, peu concerné par ce problème, se racla la gorge et annonça solennellement :

— Un dénommé Ticho vous demande de le rejoindre près de l’À-pic Pic-Pic.
— Quoi ? Et il croit que je vais me bouger là-bas pour ses beaux yeux ?
— Sinon, il répandra dans tout Krénios les informations selon lesquelles vous avez été ridiculisé en leur proposant des défis qu’ils ont réussis sans le moindre effort. Il a également parlé de votre alcoolémie supposée, et ce serait d’ailleurs elle qui vous permettrait de concevoir des recettes révolutionnaires…
— Que… Que…

Tadmorv rougit. Il tenait à son image. Plus que tout !

Et ce Ticho… il était certainement prêt à tout pour le mettre dans cette situation fâcheuse. Si quelqu’un apprenait qu’il n’avait en réalité aucun talent naturel, et qu’il usait de méthodes aussi discutables pour devenir riche et célèbre… il deviendrait la risée du pays.

— Bon, très bien. J’espère qu’il n’aura pas besoin de moi bien longtemps, cette tête de piaf !



***


Le crépuscule s’abattait sur le port. Au loin, l’À-pic Pic-Pic s’élevait, dominant la mer de toute sa hauteur. Terry Lancepelle, le pêcheur, préparait sa frégate pour partir le lendemain matin, à l’aube.

L’auberge du Sharpedo Chanteur avait été réquisitionnée par ces voyageurs fous qui souhaitaient partir sur l’Île des Origines. En fait, ils avaient menacé simplement les clients d’utiliser un Pokémon Légendaire contre eux s’ils ne quittaient pas les lieux.

Par prudence, ils avaient obéi.

Terry Lancepelle fut donc le premier à voir les messagers-transporteurs arriver.

Il aperçut donc ceux qui seraient, le lendemain, sur son navire. Plus il les voyait venir, et plus il s’inquiétait.

Dans quel état son sublime bateau allait-il arriver sur l’Île des Origines, avec cette équipe de bras-cassés à bord ?



***


— ROUCARNAGE ULTRA-LEGENDAIRE ! AMI DE MOI ! hurla Alakazam en laissant tomber son gourdin pour prendre Ticho dans ses bras.

Le Pokémon Vol s’affola :

— Tu m’étrangles, tichôôô !
— Bonjour à vous, déclara plus calmement Mackogneur en s’inclinant. C’est un plaisir de vous revoir en bonne santé.

Ticho secoua la tête sans pouvoir trouver son souffle. Antoine sourit :

— Comment se porte Machomière ?
— Bien, bien. Alakazam est notre maire, désormais. Sa gentillesse envers nous est sans égale !

Insolourdo et Julie étaient installés à une table alors que Gontran, qui avait sorti son sabre-laser jaune, déblatérait haut et fort une de ses soi-disant épopées passées.

Jack, assis sur le bar, regardait avec tristesse une bouteille de vin, imaginant le goût que cela pouvait bien avoir. Le barman, un homme moustachu à l’embonpoint imposant, accourait pour préparer des petits plats.

Antoine sourit et dit à Alakazam et Mackogneur :

— Allez-vous asseoir à cette table ! On a des invités à accueillir et un discours à tenir ensuite.

Ils partirent s’asseoir, puis d’autres commencèrent à arriver.

Azurill, vêtu de la cape rose des satanistes du Culte de l’Infâme Pichu, entra d’un air fier.

— Bonjour, ignorants.

Malgré son air supérieur, il était clairement effrayé.

— Va t’asseoir, lâcha Antoine avec un regard suspicieux. Sinon, je sors Keunotor.

Tadmorv, le cuisinier, fut servi avec la même réplique, et il partit s’installer sur une chaise avec les mêmes craintes que le chef de culte, maugréant discrètement quant à son apparition réduite à trois pauvres lignes de narration.

Le Sage 33, Albert, fut le suivant.

Antoine s’avança :

— Bienvenue à vous !
— Merci, jeune homme. J’ai été très content d’apprendre que vous étiez si près de votre but !
— Je vais faire un discours pour vous expliquer ce dont nous avons besoin. Vous voulez bien aller vous asseoir ? Le repas est payé par mes soins !
— Bien, bien…

Alors que le Sage 33 s’installait, le dernier invité entra en trombe dans la salle.

Le scientifique Cumulo Nimbus, avec une statue d’un mètre de haut sous le bras, dont la particularité était que la bouche de celle-ci était grande ouverte et laissait jaillir quelques bulles de temps en temps.

— Oh, non… marmonna Ticho. Il a ramené ça…
— HO HO HO ! Mon Prototype IA RX 5226 !

Jack releva la tête sur son bar. Il bondit sur ses pieds, sur la défensive :

— NE M’APPROCHE PAS, SCIENTIFIQUE RATÉ !

Cumulo se figea, choqué. Antoine posa une main sur son épaule :

— Allez-vous asseoir, s’il vous plaît. J’ai des choses à vous expliquer.

Le professeur obéit, la tête basse, dépité d’être ainsi rejeté par sa création. Ticho se posa près de Jack sur le bar et Antoine grimpa dessus à son tour pour être vu de tous. Terry Lancepelle, le pêcheur, était posté près de l’entrée, curieux.

— D’abord, annonça le garçon avec force, je voudrais vous remercier d’être venu jusqu’ici pour m’aider. Si nous vous avons fait venir, c’est parce que Monsieur Terry Lancepelle voulait un équipage complet pour un trajet en mer sur son navire, afin de dissuader d’éventuels pirates.

Terry hocha la tête au fond de la pièce.

— Nous allons nous rendre sur l’Île des Origines ! lança Antoine.

Un silence stupéfait joignit ces mots.

— La recette du cookie au miel d’Apireine est mon objectif ! Nous savons qu’elle se trouve là-bas. Vous servirez surtout à être là sur le navire pour nous permettre de traverser, et une fois sur l’île, vous pourrez choisir de nous aider ou de nous attendre. Je vous laisse le choix ! Vous n’êtes pas forcés de participer activement à cette quête. Et, avant que j’oublie…

Il lança sa Pokéball et Keunotor en sortit. Ceux qui ne savaient pas qu’Antoine possédait le Légendaire Ultime furent pris de courts. Certains bondirent sur leur chaise ou manquèrent de s’étouffer avec leur bière.

— Lui, c’est mon ami ! lança Antoine. Vous voyez donc qu’on ne risque presque rien à traverser la mer. Il nous protègera tous.

Le garçon désigna du menton les tables. L’aubergiste était en train, inquiet, de servir ces drôles de personnes avec efficacité.

— Ce soir, continua Antoine, vous pouvez manger ce qui vous plaît, la facture est pour moi. Nous dormirons dans cette auberge, et au lever du soleil, nous partirons vers l’Île des Origines ! Quand j’aurai récupéré la recette, nous reviendrons ici et vous pourrez repartir chez vous. Cela vous convient-il ?

Les réponses furent positives, même si Tadmorv et Azurill étaient surtout ici par contrainte, et que Cumulo se mettait à parler à son Pétabull d’un air conspirateur.

Antoine descendit du bar et rejoignit la table du Sage 33 pour avoir plus d’informations sur les Pokémon Légendaires de l’Île des Origines.

Même si une part de lui s’inquiétait de ce voyage risqué, il était assez heureux d’avoir pu rassembler une équipe, même aussi peu rassurante : cela lui donnait la sensation que sa quête touchait à son but.

Est-ce que c’était ça, une aventure ?


***


Les premiers rayons du soleil venaient de frapper le sommet de l’À-pic Pic-Pic alors que le port installé plus bas, lui, était toujours à l’ombre, comme endormi.

Leur départ fut rapidement mené ; ils purent ainsi se lancer dans leur traversée de la mer avant que les habitants ne s’éveillent complètement.

Gontran, sur le pont, braillait un insupportable discours — qui portait sur d’héroïques voyageurs affrontant des monstres redoutables — pendant que Terry Lancepelle guider lentement sa frégate hors du port.

Ticho, perché sur la poupe du navire, admira les voiles, les cordages et les mâts, avec lesquels le vent et le soleil s’amusaient.

— C’est incroyable, tous ces trucs qui pendouillent partout, lâcha-il à Terry, admiratif.

Le marin, les mains posées sur le gouvernail, sourit.

— C’est nécessaire si on veut que ma frégate avance.
— Et ça se pilote pas à plusieurs, un bateau de cette taille ?
— Bien sûr que non ! Depuis quand les navires auraient-ils besoin d’un équipage ?

Ticho comprit que c’était encore là une des particularités de Krénios. Il fronça les sourcils :

— À quoi servent les équipages, alors ?
— Quand ce n’est pas pour combattre des pirates… à porter les courses des vieilles dames. C’est évident, non ?
— Monde de merde… ajouta Ticho à voix basse, en maugréant.

Gontran, émerveillé comme un petit enfant, courait à droite et à gauche sur le navire en braillant et en agitant son sabre-laser partout. Alakazam, armé de son gourdin et de sa peluche, l’imitait bruyamment.

— Ils font la paire, ceux-là… marmonna Ticho. Ça m’étonne pas qu’ils s’entendent si bien…

Le docteur Cumulo Nimbus avait laissé son Pétabull à l’avant du navire ; des bulles de savon emportées par le vent revenaient droit sur les voyageurs, alors que le pseudo-scientifique vomissait ses tripes par-dessus bord, très affecté par le roulis marin. Azurill et sa cape rose de sataniste l’observait avec autant d’indifférence qu’un Poissirène mort.

Insolourdo, le Sage Dodrio et Mackogneur discutaient sur le pont en observant l’océan et l’À-pic Pic-Pic qui s’éloignait déjà. Leur conversation était trop soutenue, pacifiste et sereine pour coller à l’ambiance de cette histoire, c’est pourquoi elle sera habilement passée sous silence.

Tadmorv, de son côté, ruminait sa colère en jonglant avec deux poêles à frire sur le pont principal, priant pour que quelqu’un l’applaudisse et le reconnaisse à sa juste valeur. Jack l’observait avec un mépris marqué.

Antoine et Julie, assis sur des marches non loin de Ticho, discutaient. Apparemment, sans se disputer. Pour une fois !

Ticho soupira face à l’allure dépareillée de leur équipage, et lança à Terry :

— Je vais visiter le sommet du bateau !
— Un navire ! Un navire, pas un bateau !
— Ouais, bon, navire, rafiot, barque, planche, c’est la même chose…

Il s’envola à tire d’ailes, slaloma entre les cordages et prit de l’altitude. Il se percha au sommet du mât le plus haut, où le vent était plus violent ; il voyait très loin à l’horizon. Derrière la poupe du navire, l’À-pic Pic-Pic devenait minuscule. Devant, il n’y avait rien d’autre que de l’eau. De l’eau, et un ciel assombri. Malgré la météo peu engageante, la mer semblait pourtant très calme dans cette direction.

Ticho regardait à droite et à gauche ; il s’attendait à voir des Goélise planer près d’eux. Mais il était à Krénios, après tout. Il allait peut-être voir passer deux ou trois Ursaring.

— Ce serait vraiment ridicule ! lâcha-t-il. Et très effrayant !

Il resta là-haut près d’une heure, avant de voir passer un Pokémon qui volait, mais qui n’était pas censé pouvoir voler.

— Alors ça ! s’exclama Ticho.

Un Nidoking passa à quelques mètres du navire et fit un signe de la main timide à Ticho. Ce dernier cria par-dessus le bruit du vent :

— Tu vas vers où, comme ça, tichôôô ?
— À la boulangerie !
— Une boulangerie ? Mais où ça ?
— Bah, là !

Le Nidoking battit l’air de ses bras courts, puis il plongea droit dans la mer pour se faire avaler par une vague dans une grande gerbe d’éclaboussures.

Ticho, las, secoua la tête :

— Soit il vient de mourir sous mes yeux, soit y’a vraiment une boulangerie sous la flotte… je donnerais n’importe quoi pour changer la logique de ce monde de merde !

Un mouvement en face attira le regard du Pokémon Vol ; il s’attendait à voir passer un Galeking, mais ce qu’il voyait n’y ressemblait en rien. Il plissa les yeux et comprit que des animaux aquatiques se dirigeaient vers eux, crevant légèrement la surface de leurs crêtes.

Une armée de Magicarpe.

Ticho éclata de rire, puis il s’arrêta net.

Les Magicarpe étaient nuls à Kalos.

Ils étaient donc forts à Krénios ! Et peut-être même surpuissants !

Après tout, des Zigzaton avaient déjà réussi à leur faire peur pendant leur voyage : des Magicarpe risquaient de se révéler une menace plus grande encore.

Ticho plongea vers le pont du navire pour alerter les autres.



***


— Quôa, tichôôô ?
— Les Magicarpe sont les Pokémon les plus nuls qui existent dans ce monde ! répliqua Terry Lancepelle. On ne risque rien s’ils nous foncent dessus ! Ils ne peuvent faire que Trempette !
— Mais… Mais… Dans mon monde aussi, ils sont comme ça !

Antoine, qui s’était approché, haussa les épaules :

— Faut croire qu’ils sont tellement nuls qu’ils ne méritent pas d’être forts dans un autre monde !

Ticho se tut, incapable de comprendre comment raisonnait le monde de Krénios. Bah, tant pis.

Quelques minutes plus tard, des bruits sourds commencèrent à retentir contre la coque du navire. Le bateau ne ralentit pas, et ne sembla subir aucun dégât.

— Il se passe quôa, tichôô ?
— On a dû les percuter, répondit Terry Lancepelle. Je suis sûr que si tu regardes derrière, ils sont tous assommés.

Ticho pivota. Des Magicarpe sonnés ou KO flottaient à la surface de la mer.

— En effet, ils sont plutôt amochés. Ils sont drôlement stupides de nous foncer dessus.
— Les Magicarpe vouent une haine profonde envers l’humanité tout entière. Va savoir pourquoi.

Une voix venant de l’eau résonna :

— Je suis le Roi des Magicarpe ! Arrêtez-vous, humains ! Nous allons vous tuer ! Je le jure sur mon nom et celui de ma grand-mère !
— Sa grand-mère ? s’étonna Ticho.
— Michel ! lança une voix de vieille femme, venant des profondeurs, elle aussi. Arrête de conquérir le monde, et vient à table ! Ta soupe est prête !
— Mamie ! protesta le Roi des Magicarpe. Je suis en train de génocider des humains !
— Ça va refroidir, Michel ! Tes petites gamineries attendront le dessert !

Le silence revint, puis les Magicarpe, assommés pour la majorité d’entre eux, restèrent en arrière. La frégate s’éloigna et ils disparurent bientôt à l’horizon, laissant Ticho totalement exaspéré.

C’était donc comme ça que se terminait le rôle des Magicarpe ? Il en ressentait presque de la pitié.

Terry cria soudain :

— Terre en vue !

Les voyageurs tournèrent la tête vers la proue. Un silence sépulcral s’empara du navire.

Une île incroyable apparaissait devant eux ; une énorme plate-forme rocheuse flottait dans le ciel, envahie de végétations. Un sommet enneigé semblait toucher le ciel alors qu’un immense temple semblait s’élever au sud de l’île. Plusieurs biomes semblaient cohabiter sur ce morceau de terre en lévitation.

Des cascades tombaient de l’Île, se fracassant dans la mer avec grand bruit.

— On est enfin arrivés ! s’exclama Antoine.

Il marqua un silence respectueux et ajouta avec plus de calme et de solennité :

— L’île des Origines.
— Ouais, enfin, tichôôô… arrivés, arrivés, c’est vite dit ! Je suis le seul à savoir voler, tu te souviens ?