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Le destin des Primordiaux de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 07/08/2016 à 08:33
» Dernière mise à jour le 13/10/2019 à 23:04

» Mots-clés :   Action   Aventure   Cross over   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 26 : La renaissance de Castel
C’est lors de la Guerre de l'Essaimage que celui qui allait devenir mon mentor me repéra. Je n’avais que quinze ans à l’époque. J’étais plein d’idéalisme naïf. Mais j’ai réussi à unifier tous les dresseurs du monde pour combattre le Noir Suzerain. C’est cela qui m’a valu le titre de Sauveur du Millénaire pour le futur, alors que je n’ai pas encore vraiment accompli ce pourquoi je le suis.



*****



Il y avait bon nombre de grands mystères dans le monde, et même dans d’autres. Il y en avait un dans le monde de Cinhol qui perturbait Leaf depuis un moment maintenant. Pourquoi la vaste étendue qu’elle traversait s’appelait-elle les Plaines Orageuses alors qu’il n’y avait pas un seul nuage ? Pour ainsi dire, il y faisait même une chaleur étouffante sous un soleil de plomb. Leaf et Deornas avaient traversé plusieurs villages à la recherche de Castel. Ils y avaient demandé si un étranger ne se serait pas installé là, il y a plus ou moins sept ans. Comme les villages locaux disséminés un peu partout sur les Plaines Orageuses étaient tous de faibles tailles, les étrangers ne passaient pas inaperçus. Mais sans succès jusqu’à présent. Cela faisait le septième village qu’ils visitaient en deux jours, et selon Deornas, il y en avait un paquet dans le coin, et la température ne cessait d’augmenter.

Maudit sois-tu, Castel, se dit Leaf tandis qu’elle s’essuyait une énième fois son front dégoulinant de sueur. Elle se servait pas mal de son Tortank pour s’approvisionner en eau et se rafraichir, mais ce dernier avait aussi ses limites. Sous une température très sèche, et sans possibilité de récupérer dans un Centre Pokemon, il ne pourrait pas produire de l’eau indéfiniment. Leaf se demandait vaguement comment faisaient les paysans du coin pour faire pousser quoi que ce soit, sous ce soleil de malade et sans eau courante.

- Deornnnnnnaaaaaaassssss, se plaignit une nouvelle fois Leaf d’une voix traînante. On se rapproche toujours pas d’Hafodes ?

Deornas, lui, ne se plaignit jamais, et quand il répondit, ce fut d’un ton plein de patience, malgré le fait que Leaf lui pose la question toutes les heures.

- Nous sommes proches, chérie, et parce que nous sommes proches, je ne peux plus déterminer dans quelle direction précise nous devons aller.

Leaf eut une bonne envie de pousser un juron, mais se retint. Ce n’était pas la faute de son mari. Et il faisait preuve d’une étonnante bonne volonté, à tenter de se concentrer sur Sifulis tout en écoutant les plaintes constantes de Leaf. La jeune femme n’était pas douillette, pourtant. Son enfance difficile avait fait d’elle une dure à cuire. Mais là, elle devait avouer qu’elle commençait un peu à craquer, ses fesses endolories sur un cheval grincheux, à attraper des coups de soleil et à se déshydrater en quelque secondes, à dormir dans des lits remplis de cafards avec le son des prostituées et des clients en plein action de tout le bâtiment, et tout ceci sans avoir aucune idée de où il fallait aller. Leaf se dit qu’elle aurait peut-être dû oublier Castel, et accepter d’aller chercher le Solerios. Elle se serait alors rendue aux îles tropicales de la région Alola, autrement bien plus accueillantes que les Plaines Orageuses de Cinhol.

- Selon la carte, le prochain village se nomme Surdov, fit Deornas en étudiant la carte de la région qu’il avait pu acheter dans l’un des villages. Près des montagnes, et à peine une centaine d’habitants.

- C’est déjà trop. Y’en a qu’un seul qui nous intéresse.

- On a besoin que d’Hafodes, en réalité. On pourra toujours le prendre de force même si Castel n’est pas d’accord.

- J’y ai pensé, mais y’a un hic dans ce plan, répondit Leaf. On a besoin qu’Hafodes soit totalement contrôlé pour réveiller Excalord. Il n’y a que ceux qui ont du sang Haldar qui peuvent maîtriser ce Pokemon. Et j’ai pas tellement envie de demander à Alroy de se joindre à nous dans notre combat contre Memnark.

Deornas fit la grimace, puis acquiesça. En effet, Alroy était le seul descendant direct de Castel, et le seul à part lui qui pouvait forcer Hafodes à lui obéir. Tous les autres Haldar que Leaf avaient pu rencontrer ; Nirina, Astarias ou encore Adam Haldar, tous avaient péri. Quant à Deornas, même s’il en portait le nom, il n’en avait pas le sang. Ce n’était peut-être pas plus mal, d’ailleurs. Leaf avait eu une assez mauvaise expérience avec cette lignée. Et pour cause ; on la disait maudite. Pas mal de ses membres avaient eu une fâcheuse tendance à la mégalomanie.

La cause première était le fils de Castel et d’Enysia. Il avait été engendré alors qu’Enysia partageait son âme avec celui d’Horrorscor, un Pokemon Légendaire guère sympathique, qui symbolisait la corruption. De fait donc, le fils de Castel était venu au monde avec une partie d’Horrorscor en lui, quelque chose dans ses gènes qui le pourrissait de l’intérieur. Les récentes découvertes de la X-Squad à ce sujet confirmaient que ce genre d'enfants, bien que venus au monde avec des pouvoirs exceptionnels, étaient la plupart du temps voués à devenir cinglés. On les nommait les Enfants de la Corruption, et une d'entre eux étaient actuellement aux côtés de l'actuel Marquis des Ombres.

Concernant le fils de Castel, il avait bien sûr, au fil de ses descendants, transmis cette caractéristique. Il s’était passé cinq cent ans depuis, et avec tous les mélanges de sang qu’il y a eu depuis, cette présence d’Horrorscor s’était sans doute totalement estompée, mais Leaf était quand même prudente avec Alroy, veillant bien à lui inculper le bien et à chercher en lui toute trace de malveillance. Mais Arceus merci, elle n’en avait trouvé aucune. Alroy était un garçon d’une grande gentillesse et d’un fort sens de la justice.

Ils arrivèrent dans le village de Surdov deux heures plus tard. En effet, il n’était pas bien imposant. Quelques fermes se battaient en duel sur la place centrale, avec une taverne qui faisait office de bâtiment principal. Les villageois qui étaient dehors regardèrent passer le couple Haldar avec un mélange de surprise et de méfiance. Et comme d’habitude, Deornas faisait toujours parler son rang.

- Bien le bonjour, mes amis, énonça-t-il clairement. Je suis le prince Deornas Haldar, père adoptif de Sa Majesté Alroy, et voici ma femme, Leaf Haldar. Nous entreprenons une quête qui nous a conduite jusqu’ici. Peut-être pourriez-vous nous aider ?

Au temps jadis, même du temps de Nirina, si quelqu’un serait venu dans ce village coupé du royaume en prétendant être un Haldar et un envoyé royal, il aurait été renvoyé à la cité royale en plusieurs morceaux. Mais aujourd’hui, en ces temps de paix et de prospérité, tout le monde aimait le jeune roi Alroy, très populaire, qui avait apporté à ce monde les Pokemon et la technologie de l’Ancien Monde. Aussi donc, les villageois ne tardèrent pas à s’incliner avec grâce et à se montrer très coopératifs.

- Dites ce qui vous amène, noble prince, déclara un vieil homme qui semblait être le chef du village, et nous vous aiderons dans la mesure de nos modestes moyens.

- Nous ne cherchons que des renseignements, et à défaut, une chambre pour nous reposer avant notre départ. Nous cherchons quelqu’un, à vrai dire.

- Est-ce quelqu’un se serait installé dans votre village lors des quatre dernières années ? Demanda Leaf. Où avez-vous remarqué quelqu’un que vous ne connaitriez pas ?

Le chef du village fit la moue, puis répondit :

- Il n’y a personne que nous ne connaissons pas, à Surdov. Nous sommes une immense famille.

- Dans ce cas, votre famille se serait-elle agrandie récemment ?

Le vieil homme hésita, et les villageois autour de lui échangèrent des regards. Leaf et Deornas y virent là un signe encourageant.

- Quel est l’individu que vous recherchez, et pourquoi ?

Si le chef avait répondu par une question par une autre question, c’était qu’il y avait bien dans ce village quelqu’un qui n’aurait pas dû y être, mais qu’il ne voulait pas le balancer sans raison valable. Deornas tenta de le rassurer.

- Nous ne lui voulons aucun mal, mais nous ne pouvons pas vous révéler sa véritable identité. Ce serait un jeune homme, il devrait avoir dans les vingt-cinq ans aujourd’hui. Yeux bleus, cheveux blonds, et il devrait avoir des marques de brûlures sur le visage. Peut-être a-t-il un Pokemon avec lui ? Un petit Pokemon Plante ?

En voyant les visages alentour, Deornas sut qu’il avait visé juste.

- Vous nous décrivez là Velgos, mon prince.

Deornas et Leaf échangèrent un regard attendu. Velgos était le nom de la Haute Académie dans laquelle Adam avait passé sa vie, et également le nom de famille qu’il avait pris. Pas d’erreur possible : Castel était bien ici.

- Il est venu il y a de ça sept ans, juste après le couronnement de Sa Majesté Alroy, poursuivit le chef. Un homme brisé, taciturne, qui a dit avoir servi lors de la guerre contre l’Ancien Monde. Nous l’avons pris pour un soldat ayant déserté. Il n’aimait pas parler de son passé, donc on en parlait pas. Mais on a jamais eu de problème avec lui. C’est un brave gars, travailleur, honnête. Vous ne lui voulez rien de mal n’est-ce pas ?

- Seulement lui parler, promit Deornas.

- Velgos n’est pas son vrai nom alors ? Demanda une jeune femme. Et ce n’était pas… un déserteur ?

- Non, admit Leaf. C’est quelqu’un d’important pour le royaume. Mais s’il vous a caché son identité, ce n’est pas à nous à la révéler. Où pourrions-nous le trouver ?

- Euh… eh bien, justement, ma dame… fit le chef, visiblement gêné. Velgos semble avoir un peu… perdu l’esprit, il y a peu. Il est revenu hier soir des montagnes avec une espèce de bâton rouge, totalement affolé, nous affirmant que nous étions en danger et qu’il nous fallait fuir très loin. Il disait qu’un monstre de métal allait nous attaquer. Il délirait sûrement, alors nous ne l’avons pas cru. Depuis, il est parti.

Un froid de mauvais augure, qui contrasta beaucoup avec la chaleur ambiante, envahit le corps de Leaf.

- Un monstre de métal… murmura-t-elle à l’adresse de son mari. Il voulait dire… un Akyr ? Ici ? À Cinhol ?

- Il peut probablement mieux les sentir que moi grâce à Hafodes, renchérit Deornas. Mieux vaut ne pas prendre de risque.

Puis il revint aux villageois.

- Nous ne pouvons rien vous dire pour le moment, mais nous vous conseillons de suivre les conseils de Velgos. Par où est-il parti ?

- Vers le sud.

- Alors partez vers le nord. J’ignore si cette menace est réelle, mais nous avons déjà eu à faire à ces « monstres de métal ». Ils existent réellement. Velgos a dû en sentir un, et est parti du village pour l’attirer. Nous vous préviendrons quand la menace sera écartée ou si elle n’a jamais existé, mais en attendant, il vaut mieux que vous vous cachiez quelque temps.

Il y eut quelque protestations, des gens qui ne voulaient pas abandonner leur ferme, mais avec beaucoup de patience et d’autorité, Deornas parvint à tous les convaincre. Leaf et lui auraient aimé rester le temps que tout le monde soit parti, mais ils n’avaient pas le temps. Ils foncèrent vers le sud à toute allure. Sachant qu’ils étaient tout proches de Castel, Leaf utilisa ses Pokemon pour le pister. S’il avait Shinobourge ou sa pré-évolution avec lui, ils le sentiraient. En revanche, Leaf s’inquiétait d’autre chose, une créature que personne ici n’était capable de sentir.

- Comment un Akyr a-t-il pu arriver à Cinhol ? Demanda Leaf à Deornas. Tu crois pas que Castel délire ?

- J’en doute. Il ne serait pas resté si longtemps dans ce village pour le quitter sous un coup de folie. Ce n’est pas une coïncidence. Memnark doit aussi rechercher les Trois Dieux Guerriers.

- Mais Nuelfa a dit qu’il n’était pas au courant pour Excalord…

- Les Trois Dieux Guerriers étaient à lui à l’origine. J’imagine qu’il veut les récupérer, pour une raison ou pour une autre.

Leaf ne prétendait pas connaître les pensées d’un être comme le Grand Forgeron, mais si jamais il parvenait à mettre la main sur un seul des Dieux Guerriers, s’en était fini du seul plan que la Confédération avait pour le vaincre. Alors qu’ils s’engageaient dans un canyon, Deornas, Sifulis toujours en main, regardait autour de lui comme s’il entendait des voix dans chaque direction.

- Du Vifacier est tout proche. Quasiment sur nous, murmura-t-il.

- Hafodes… ou l’Akyr ?

- J’en sais rien…

Il descendit de cheval comme pour humer les alentours. Au même moment, Leaf vit une silhouette surgir d’un peu plus haut, fondant sur Deornas. Elle ne put que crier le nom de son mari, qui se retourna d’un coup pour bloquer l’assaillant avec Sifulis. Le Vifacier rencontra le Vifacier en un bruit cristallin. Sifulis venait de contrer une épaisse fourche rouge qui crépitait de chaleur. Quand l’assaillant de Deornas vit que celui qu’il attaquait était humain, et recula aussitôt.

- Vous ?! S’exclama-t-il. Qu’est-ce que vous fabriquez ici ?

Deornas soupira de soulagement, mais ne rangea pas son épée pour autant. Leaf contempla celui dont elle était tombée amoureuse un temps, avant de le combattre. Leaf se souvenait d’un beau garçon aux cheveux blonds et aux yeux bleus. Adam, Castel, ou qui qu’il soit maintenant, avait bien changé. Il semblait avoir vieilli d’un coup de vingt ans. Ses cheveux blonds, typique des Haldar, avaient totalement blanchis et se faisaient irréguliers par endroit. Son visage avait les traits tirés, et une bonne partie était brouillée avec un œil blanc, aveugle, souvenir des flammes d’Hafodes qui l’avaient ravagé sous le commandement d’Enysia. Sa tenue, très simple, était celle d’un fermier. Et il y avait un petit Pokemon vert avec lui, qui semblait être la pré-évolution du Shinobourge que Leaf avait bien connu.

- Mazette, t’as pris du kilométrage, Ta Majesté, déclara Leaf.

Elle utilisait ce titre ironique comme elle l’avait fait pour Adam autrefois, espérant que c’était à lui qu’elle parlait. Mais c’était difficile de dire qui était cet homme devant elle maintenant. Il avait tellement eu de vies et de personnalités différentes, et subi tellement de traumatismes, que c’était un miracle qu’il soit encore sain d’esprit. Enfin, si toutefois il l’était, ce que Leaf espérait. En remarquant l’épée argentée de Deornas, Castel plissa les yeux, une lueur de compréhension dans son seul œil encore valide.

- Je vois, c’était vous, la petite quantité de Vifacier qu’Hafodes a senti.

- Nous vous cherchions, Roi Castel, admit Deornas.

- Il n’y a plus de roi ici, pas plus que de Castel, marmonna l’homme brisé.

- Alors… tu es redevenu Adam ? Demanda Leaf avec espoir. Ce petit con naïf qui sursautait au moindre Pokemon qui passait à coté de lui ?

- Non plus. Ni Castel, ni Adam, bien que je partage leurs souvenirs et leurs émotions à tous les deux. Je suis Velgos. Juste Velgos.

- Eh bien, « Juste Velgos », on est venu te chercher, déclara Leaf. Tu te souviens du Grand Forgeron ? Un alien surévolué avec lequel tu as… avec lequel Castel a passé un marché, du genre Hafodes en échange de l’épuration de la Terre si je me souviens bien. Bah, il a perdu patience, et s’apprête à se pointer sur Terre avec ses Akyr pour faire le boulot lui-même. On aurait besoin de toute urgence d’Hafodes pour le stopper.

À en juger par son regard, Velgos avait l’air tout sauf concerné.

- C’est regrettable, mais je n’ai aucune intention de revenir dans l’Ancien Monde.

Leaf se doutait que ça n’allait pas être simple, et elle insista.

- C’est un peu de ta faute, ce qui va se passer. Memnark compte se servir de tous les humains pour se former une armée infinie d’Akyr, et exterminer tous les Pokemon. Le seul moyen qu’on a de le battre, ce serait de réunir les Trois Dieux Guerriers pour en contrôler un quatrième qui lui aurait la puissance nécessaire. Sans Hafodes, on est fichu. Tu as bien aidé Erend à arrêter Enysia non ?

- Je ne l’ai fait ni pour lui, ni pour Arceus, ni pour l’Ancien Monde, mais seulement pour moi, pour me venger, répliqua Velgos. J’en ai fini avec tout ça, Leaf. L’Ancien Monde m’a trop pris de choses pour que je m’y intéresse encore. Ma vie est à Cinhol aujourd’hui, dans ce village simple et paisible.

Le désintérêt notoire de Velgos pour le monde réel et ses milliards d’êtres vivants fit monter la moutarde au nez de Leaf, d’autant plus qu’elle avait l’impression d’entendre Adam dans ces justifications penaudes. Elle le prit par le col de sa tenue, sans se soucier d’Hafodes qu’il tenait où de son petit Pokemon vert par terre.

- Ecoute-moi, sale merdeux ! Si tu penses te cacher derrière ton auto-apitoiement à deux balles pour ne pas faire face à tes responsabilités, tu me connais mal. T’as fait pas mal de conneries à l’Ancien Monde, si je me permettre de te rafraichir la mémoire. Je me fiche de savoir qui t’es maintenant : c’est ton devoir de nous aider ! Ou alors tu vas te défiler en nous remettant Hafodes pour qu’on se débrouille ? Tu vas laisser ton descendant, Alroy, un gamin de onze ans, se charger de Memnark pour toi ?

Si Velgos fut un peu surpris par l’agression de Leaf, il en fut pas moins amusé. Un étrange sourire se dessina sur son visage fatigué et ravagé.

- Adam se souvient bien de ton sale caractère. Tu as vraiment épousé cette femme, Deornas ?

Sa question fut posée sur un ton léger, et Leaf cru y reconnaître son ancien ami Adam.

- Effectivement, acquiesça le prince. Un défi qui me dépasse jour après jour.

- Et tu as pris mon nom alors, conclut Velgos. Une chose que j’aurai jamais imaginée.

Leaf fut soudain prise d’une étrange tristesse. Elle, elle l’avait imaginé, un court instant, à l’époque où l’homme en face d’elle avait pris le nom d’Adam Haldar et quand Leaf avait de tendres sentiments à son égard. Mais finalement, elle avait épousé un autre Haldar.

- Eh bien, c’est pas parce que tu es mon grand-beau-père que je ne collerai pas une tarte pour te faire bouger le fion, fit Leaf.

- Vous me faites donc confiance au point de me réinviter dans l’Ancien Monde ? S’étonna Velgos. C’est Erend Igeus qui vous envoie ?

Leaf échangea un regard gêné avec Deornas.

- Pas vraiment non… Sire Erend a fait preuve d’une certaine… mauvaise volonté à l’idée de quémander votre aide, admit Deornas.

- Il est aussi borné que toi, mais on s’en tape, poursuivit Leaf. On a absolument besoin des Trois Dieux Guerriers réunis, et ça implique aussi celui de Venamia. Alors que ce soit ta mélancolie tragique, la colère d’Erend ou la folie de Venamia, elles devront patienter un peu le temps qu’on se charge de Memnark.

- Venamia ? Répéta Velgos. C’est qui ça ?

- La détentrice d’Ecleus. Une jeune femme tout à fait charmante qui veut imposer une dictature mondiale généralisée. Elle aurait bien plus à ton ancien toi, je pense. Et si elle tient tant que ça à dominer le monde, elle devra forcément nous aider à vaincre Memnark.

Velgos secoua la tête. Il avait vraiment l’air vieilli prématurément.

- Même si je venais, je ne vous serais bon à rien. C’était Castel qui pouvait contrôler parfaitement Hafodes. Il avait la volonté et l’ambition nécessaire. Je n’ai plus rien de tout cela. Je veux simplement vivre en paix, une vie simple dans un village simple.

- Je doute que ton village de bouseux t’accueille encore à bras ouvert, maintenant qu’ils savent que tu n’es pas qui tu parais être, répliqua Leaf.

- Que veux-tu dire ? S’étonna Velgos.

- Oh, on ne leur a pas révélé ton identité, mais il a bien fallu leur dire que tu étais un peu plus qu’un déserteur de guerre rêvant de devenir fermier. Je crois que…

Velgos coupa Leaf d’un geste brusque de la main.

- Tu veux dire… que vous leur avez parlé ? Vous êtes allé à Surdov ?

- Ben oui. Ce sont eux qui nous ont dit que tu vivais bien là…

- PAUVRE FOUS ! Hurla Velgos.

Leaf sursauta et Deornas tira presque à moitié son épée. Velgos avait l’air vraiment furieux, et en dépit de ses cheveux blancs et de son visage à demi-ravagé, le couple put bien voir ce regard flamboyant et dangereux qui avait jadis été celui de Castel Haldar.

- Qu’est-ce qui te prends ? S’étonna Leaf.

- Il y a un Akyr tout proche en ce moment ! Il peut pister le Vifacier ! J’ai fui le village justement pour qu’il ne vienne pas là-bas ! Mais si vous y êtes repassé, il a pu sentir Sifulis…

- Donc c’est vrai, y’a bien un Akyr à Cinhol… répéta Leaf, ébahie.

- Nous ne savions pas qu’un Akyr était ici quand nous sommes arrivés, se défendit Deornas. Et nous avons dit aux villageois de quitter les lieux en partant…

Mais Velgos n’écoutait plus. Il fit tournoyer la fourche rouge entre ses mains. Dans plusieurs cliquetis mécaniques, elle se transforma et prit la forme d’un gros taureau métallique aux immenses cornes. Leaf ne gardait pas de bons souvenirs de la forme normale d’Hafodes. La seule fois qu’elle l’ait vu, c’était quand Castel s’en était servi pour assassiner tous les sénateurs de Bakan, il y a sept ans. Elle ne pouvait pas vraiment en vouloir au Pokemon, qui ne faisait qu’exécuter les ordres, mais il lui faisait peur, alors que ce n’était pas le cas pour le Triseïdon d’Erend. Velgos grimpa sur son dos d’un coup.

- Retourne à Surdov, ordonna-t-il. Aussi vite que tu peux !

Quand Hafodes démarra sa course, il fissura quasiment en deux le rocher sur lequel il se tenait, et le choc de son élan provoqua une rafale d’air impressionnante.

- On le suit, fit Leaf en dirigeant son cheval.

Mais ils se firent bien vite distancer. Malgré sa stature imposante, il allait fichtrement vite, ce Pokemon !


***


Velgos chevauchait Hafodes sans se soucier de la vitesse ni des secousses sur son pauvre corps humain. Au lieu de pister Velgos qui pouvait le sentir grâce à Hafodes et donc déjouer ses coups, l’Akyr allait sûrement préférer s’en prendre à l’autre signature de Vifacier présente, à savoir Sifulis, l’épée de Deornas. Lui et Leaf avaient donc, même intentionnellement, conduit l’Akyr qui pourchassait Velgos à Surdov. Ce village avait été un havre de paix pour Velgos pendant près de cinq ans, lui ayant permis de trouver un certain équilibre intérieur entre ses deux personnalités, Castel et Adam.

Mais outre cela, Velgos aimait aussi ses habitants. Il l’avait accueilli sans poser de questions, et avaient fini à en faire l’un des leurs. Tous des gens simples, mais si bons. Le vieux chef du village, Alberno, bourru et toujours partant pour descendre les choppes de bières après le travail aux champs. Vimeck, le forgeron, toujours prêt à aider tout le monde, et donc la femme Girmufle préparé un ragoût divin adulé de tous. Gros Tom et ses sept gamins, qui faisaient pousser les courgettes les plus grosses de toute la région. Et Mierta. Mierta, la fille de l’aubergiste, jeune, belle, gentille, dont les sourires arrivaient à faire fondre Velgos. Tous étaient sa famille maintenant. Hors de question qu’une saleté de robot de l’espace la lui prenne !

Et pourtant… Quand Velgos vit de loin la fumée qui s’échapper de l’endroit où se trouvait Surdov, il eut l’amère certitude que sa famille lui avait été enlevée. Mais il n’abandonna pas sa course. Il savait qu’il souffrirait certainement de ce qu’il verrait là-bas, mais il continua tout de même. Plus il s’approchait, plus l’odeur de brûlé se fit ressentir, et pas seulement celle de la paille ou du bois. Une odeur que Velgos connaissait bien, car il l’avait lui-même provoqué de nombreuses fois en l’appréciant particulièrement : l’odeur de la chair brûlée. Aujourd’hui, cela lui provoqua un violent spasme à l’estomac, et il dut rassembler toute sa volonté pour ne pas vomir.

Une fois arrivé dans le village, ou ce qu’il en restait, Velgos descendit d’Hafodes et observa le désastre. Il ne restait pas une seule chaumière debout. Les champs étaient en feu et le sol éventré en divers endroit. Et surtout… il y avait plusieurs dizaines de silhouettes méconnaissables affalées par terre, souvent brûlées, et rarement en un seul morceau. Visiblement, en dépit des consignes de Leaf et Deornas, les villageois n’avaient pas évacué à temps. Velgos se laissa tomber à genoux, comme si toute la misère du monde s’était abattue sur ses épaules et qu’il n’était pas assez fort pour la porter. Sa vie n’avait été qu’une suite tragique d’horreurs et de folie. Il avait cru pouvoir échapper à ce destin maudit en venant vivre ici et en abandonnant son vrai nom, mais visiblement non.

Le coupable de ce carnage n’était pas loin, et quand il remarqua Velgos, il s’avança vers lui. En dehors de l’Akyr Ailé, Velgos n’avait jamais rencontré les soldats de Vifacier de Memnark. Ils devaient tous plus ou moins se ressembler, mais celui-là, Velgos était sûr qu’il était au-dessus des autres. Grand et épais, son exosquelette avait l’allure d’une armure passée au-dessus d’une armure, et d’une couleur rouge écarlate. Sa tête allongée en forme de bec d’oiseau, commune à tous les Akyr, ressemblait vaguement à un heaume de chevalier, la visière baissée.

- Tu es Castel Haldar, humain ? Demanda l’Akyr d’une voix aussi épaisse que son armure. Cela fait un moment que je te cherche. Je suis l’Akyr Galvaniseur, de Première Classe. Tu as quelque chose que mon maître veut reprendre.

Velgos regarda l’Akyr d’un air vide. Ce dernier poursuivit.

- Le Grand Forgeron t’a prêté Hafodes, et en échange, tu devais lui donner le monde, purgé de tous ces indésirables. Tu as échoué, et tu as eu le culot de te cacher ici, dans ce monde parallèle primitif, en conservant Hafodes ? Le Grand Forgeron n’est pas content.

- J’en suis navré, répondit Velgos en se relevant. À la place, je vais renvoyer autre chose à Memnark : ta tête.

L’Akyr Galvaniseur fut, pour ainsi dire, surpris. Il ne s’attendait pas à voir un faible humain se précipiter vers lui avec un mugissement de haine. Il ne s’attendait pas non plus à ce qu’Hafodes change de forme pour devenir une armure qui se colla au corps de Velgos, et accru incroyablement sa force. L’Akyr évita un rayon de feu concentré sorti de la paume de Velgos ; une attaque si puissante qu’elle aurait pu lui causer des dommages.

- Qu’est-ce que cela veut dire ! S’écria l’Akyr Galvaniseur. Comment peux-tu encore te servir du Revêtarme sans l’autorisation du Seigneur Memnark ! Seul lui peut le débloquer pour vous, misérables humains !

En guise de réponse, Velgos chargea sur lui à toute vitesse, en une attaque Boutefeu multipliée par dix. La haine de Velgos pour cet Akyr qui avait massacré le village renforçait encore plus la puissance du Revêtarme. Car telle était la nature d’Hafodes : brûlant et brutal. Il tirait sa puissance de ses fortes émotions et du feu de son ambition, à l’inverse d’Ecleus qui utilisait la réflexion et la fourberie, et de Triseïdon qui n’usait que de calme au service de la justice. Castel Haldar et Hafodes avaient toujours été bien assortis. Même si c’est Memnark qui a créé le Dieu Guerrier et qui l’a prêté à Castel, Hafodes ne servait plus que l’humain. Voilà pourquoi Velgos pouvait encore se servir du Revêtarme : parce que lui et Hafodes étaient en symbiose.

L’Akyr Galvaniseur, en dépit de toute sa puissance et de sa grande défense, était acculé et subissait de plein fouet les attaques répétés de Velgos. Les Akyr n’avaient jamais eu à affronter un humain avec Revêtarme de Dieu Guerrier. Ils ne savaient pas comment gérer ça. Les attaques de l’Akyr Galvaniseur étaient plus lentes que celles de Velgos, qui soumettaient des flammes continuelles et infinies à sa volonté. Et protégé comme il l’était derrière l’armure d’Hafodes, Velgos pouvait encaisser les coups de l’Akyr qui en temps normal l’auraient réduits en miettes en moins de deux.

Peu de temps après, Leaf et Deornas les rejoignirent, et firent appel à leurs Pokemon. Leaf fit méga-évoluer son Tortank qui usa d’une attaque Hydrocanon qui immobilisa l’Akyr Galvaniseur, à défaut de le projeter des mètres plus loin. Velgos se servit de ses flammes de l’autre coté, coinçant l’Akyr sous un déluge de feu et d’eau glacée des deux cotés. Et inévitablement, la physique fit son œuvre : sous l’effet des deux puissances contraire, le Vifacier de l’Akyr Galvaniseur commença à se craqueler.

L’Akyr était médusé. Un humain et quelques Pokemon arrivaient à le mettre en échec, lui, l’Akyr le mieux protégé de toute l’armée du Grand Forgeron ?! Visiblement, la défaite de l’Akyr Propagateur n’était pas une coïncidence : ces humains étaient vraiment devenus dangereux. Ils avaient réussi à apprivoiser les Dieux Guerriers, et retournaient le propre métal du Grand Forgeron contre lui. Quel blasphème impardonnable ! L’Akyr Galvaniseur, malgré sa honte, dut se résoudre à se replier. Il activa dans ses circuits le contre-signal qui allait le faire revenir dans le monde réel, malgré son échec. Il allait s’excuser bien bas devant Memnark, et le suppliait de le laisser se venger en commettant sur Terre le plus grand massacre de tout l’univers !

- Nous nous reverrons, humain ! Cria-t-il tandis que son corps de métal disparaissait de cette dimension. Tu paieras pour cette insolence, sois en sûr !

Velgos n’escomptait pas que l’Akyr s’en tire en se téléportant hors de Cinhol. Il hurla de rage quand il disparut. Il retomba à genoux, et martela le sol avec ses poings. Comme il était toujours équipé de l’armure d’Hafodes, ses coups eurent l’effet de mini-séismes.

- Velgos ! Lui cria Leaf. Arrête bon sang, il est parti !

Velgos réagit à l’écoute de son propre nom. Il calma sa rage, se leva, et se retourna lentement vers Leaf et Deornas. Les deux jeunes gens frémirent intérieurement. Ainsi habillé, le regard plein de haine et son œil valide de braise, ils eurent vraiment l’impression de se retrouver face à leur vieil ennemi. Et les paroles de Velgos leur confirmèrent que c’était même plus qu’une impression.

- Velgos n’existe plus, décréta-t-il. Il est mort avec ce village et ses habitants. Je suis Castel Haldar, et Memnark et ses Akyr vont bientôt connaître toute l’étendue de ma colère.

- Euh… ça veut dire que… commença Leaf.

- Je rentre avec vous dans l’Ancien Monde, confirma Castel. Je vous aiderai à combattre les forces de Memnark, tant que cela me permet d’avoir ma vengeance. Mais souvenez-vous bien que je n’obéis à personne, et si quelqu’un s’avise de me barrer la route, il finira en cendres !

Leaf aurait dû se réjouir d’avoir finalement accompli ce pourquoi elle était venu, mais en voyant le visage terrifiant de Castel, elle se demanda si elle n’avait pas fait une grosse bêtise en ramenant ce type dans le monde réel.