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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 31/07/2016 à 00:07
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:54

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -23 : Sombres conjectures
Lorsque leur ascenseur émergea de la mer de nuages, et qu'à travers les parois transparentes, Lina aperçut pour la première fois de sa vie la ville haute, elle resta abasourdie.

On aurait dit une gigantesque toile, une toile de verre et d'acier dont chaque nœud était un immeuble et chaque filin une passerelle. Une toile où circulaient des dizaines de personnes richement vêtues, une toile qui s'arrogeait tous les droits, y compris celui de priver la surface de lumière.

Oh, elle avait vu des images, des photos, bien sûr – mais la réalité n'avait rien de comparable avec ce que montraient les agences touristiques.

La partie supérieure d'Omnia était belle, oui. Une beauté imméritée, un joyau d'architecture qui s'était construit sur le dos des milliers de personnes vivant dans l'obscurité et la pollution éternelle qu'elle avait provoquées.

Tout à coup, Lina comprenait la véhémence de la Résistance. Elle aussi, en voyant cet étalage injuste de richesses qu'était la ville haute, avait envie de la détruire. Elle ressentait une haine viscérale pour ces riches élitistes qui se doraient la pilule au-dessus des nuages pendant que le smog et la pluie rendaient les habitants de la surface malade. Elle avait envie de détruire leur petit paradis artificiel, de faire tomber les immeubles uns à uns, de leur montrer ce qu'était la vie, là, en bas, dans l'ombre de leur petit comité restreint.

Lina jeta un coup d’œil à sa jumelle, et fut surprise de voir l'air émerveillé peint sur son visage.

« C'est beau… » murmura Stasie, des étoiles dans les yeux.

Ce simple commentaire, d'une innocence absolue, arracha une grimace à Lina. Elle eut envie de secouer sa sœur, de lui dire que ce spectacle était la raison pour laquelle elles vivaient dans le noir, la suie et l'oppression. De lui dire que si elle était si pâle, c'était parce que la ville haute masquait le soleil. De lui dire que si elle toussait, c'est parce que ces gigantesques immeubles qu'elle trouvait si beaux coupait le vent et retenaient les nuages de pollution qui baignaient la surface.

Mais intérieurement, Stasie n'était qu'une enfant. Elle ne voyait que la façade, cette ville lumineuse et resplendissante, et elle la trouvait belle. Elle ne voyait pas les monstruosités que cachait la partie supérieure d'Omnia.

Et pour cela, Lina enviait sa sœur.

~*~
Fenrir huma l'air avec satisfaction. Son humain venait de le sortir de sa Pokéball, et il s'était soudain retrouvé dans la drôle de nature fermée dans laquelle Will et son vieil ami discutaient quelques jours plus tôt.

Fenrir aimait bien cette nature fermée – le parc, comme l'appelait son Dresseur. A Omnia, les humains s'entassaient dans des arbres d'acier gigantesques, tout en hauteur. Même dans la Pokéball-appartement de son humain, l'Arcanin n'avait pas la place de se dégourdir les pattes. Ici, au moins, il pouvait courir à pleine vitesse pendant quelques secondes avant de devoir faire demi-tour.

Après s'être approprié les lieux, Fenrir se retourna vers son humain, qui le regardait en souriant.

« Exercices, mon vieux ! Ça fait longtemps, il faut garder la forme ! » s'exclama Will en posant son casque de peau marron sur un banc.

D'un aboiement hautain, Fenrir lui signala que c'était plutôt lui qui manquait d'exercice, mais évidemment, son humain ne le comprit pas. L'Arcanin n'était peut-être plus au meilleur de sa forme, mais son Dresseur vieillissait lui aussi.

Fenrir secoua son immense crinière, pour rappeler aux rares Pokémon présents qui était le maître ici. Hélas, la nature fermée était presque déserte de si bon matin, et il n'y avait personne pour l'admirer s'ébrouer, sinon son humain, qui ricana en le traitant de frimeur.

Will sortit quelque chose de sa poche, l'un de ces appareils humains dont Fenrir n'arrivait pas vraiment à comprendre la fonction. Le Pokémon le voyait souvent converser avec des gens en apparence enfermés à l'intérieur de cette chose ; il en avait déduit qu'il s'agissait d'une sorte de Pokéball pour humains, mais il n'avait jamais vu Will sortir un bipède de cet appareil.

Son Dresseur lui indiqua un arbre à l'autre bout de la nature-fermée, et lui cria de l'atteindre le plus vite possible. Fenrir, nonchalant, s'élança en trottinant tranquillement. Puis, déployant lentement la puissance de ses pattes, il se mit à courir, accélérant encore et encore, sentant le vent caresser sa fourrure majestueuse. Une fois l'arbre atteint, il revint sur ses pas, jusqu'à apercevoir le regard désapprobateur de son humain.

« Presque huit secondes. Tu ne t'es pas donné à fond. Tu le faisais en moitié moins de temps, avant ! Recommence ! »

Fenrir grogna, mais obtempéra. Will avait raison. Il ne s'était pas donné son maximum. Il recommença donc, encore, et encore, jusqu'à ce que son Dresseur, dont les exigences montaient au fur et à mesure, soit satisfait de ses performances.

Son bipède n'y allait pas de main morte ; s'ils avaient commencé en douceur, les exercices qu'il lui infligeait se corsèrent rapidement, sans toutefois atteindre la difficulté de l'entraînement auquel Fenrir avait été soumis à l'Académie. Les Elitiens étaient en effet des agents d'exception, mais leurs Pokémon n'étaient pas en reste. Mais le poids des années se faisait sentir, et l'Arcanin sentit qu'il n'était plus aussi vigoureux que jadis.

Will le soumit à des exercices aussi variés que complexes : courir le plus vite possible, sauter le plus haut, mais aussi enchaîner le plus de virages serrés à pleine vitesse sans déraper. Il exigeait de lui endurance, agilité et puissance, et Fenrir, combatif et friand de défis par nature, se prenait volontiers au jeu. Il ne rechigna pas, même quand son humain lui ordonna de traverser une mare glacée le plus lentement possible, un test destiné à le faire surmonter son aversion naturelle pour l'eau.

Son humain était sévère, mais bienveillant. Il le poussait dans ses retranchements, mais lui laissait également le temps de se reposer quand c'était mérité. En outre, Fenrir savait parfaitement pourquoi Will avait soudain décidé de reprendre leurs entraînements de jadis. Son humain s'était inquiété pour lui après l'explosion dans l'arbre d'acier. Quelle drôle d'idée. C'était lui, la chose fragile, pas Fenrir.

Et pourtant, l'Arcanin ne pouvait qu'approuver cette idée : s'ils devaient rester auprès de cette humaine pendant encore quelques temps, mieux valait être préparés à affronter d'autres mauvaises surprises du genre.

L'humaine. Tia. Fenrir ne savait pas trop quoi en penser. Elle lui rappelait la précédente compagne de son humain. Comme Diane, elle était l'une des rares bipèdes que l'Arcanin respectait. La plupart des humains que Fenrir avait rencontrés à Omnia étaient des choses faibles et serviles, comme le devenaient les Pokémon qui restaient trop longtemps en cage ou dans leurs Pokéballs. Mais la précédente partenaire de son bipède, et cette Tia, étaient différentes des autres humains ; en elles brûlaient un feu semblable à celui qui réchauffait les entrailles de l'Arcanin, une volonté éclatante qu'il respectait.

A un moment, sans même qu'il ne soit nécessaire de parler, ils inversèrent les rôles, ainsi qu'ils le faisaient jadis. Will était peut-être son Dresseur, mais il était avant tout son partenaire. Leur relation s'était construite sur cette connivence et cette égalité entre l'humain et le Pokémon, et il était normal qu'après avoir exigé de son Arcanin qu'il se soumette à tous ces exercices, Will accepte de s'entraîner à son tour.

Évidemment, les capacités physiques de Fenrir étaient bien supérieures à celles de l'humain. Mais l'Arcanin ne serait pas toujours là pour protéger son bipède, et Will devait savoir se débrouiller seul. Il avait été entraîné pour être meilleur que la majorité des humains, tout comme Fenrir avait été entraîné pour être meilleur que la majorité des Pokémon. Tous deux n'étaient plus les jeunes partenaires de jadis, mais s'ils voulaient conserver les bienfaits de leur formation d'exception, ils devaient s'entretenir.

Ils commencèrent ainsi à faire le tour du parc. Fenrir marchait simplement, une longue foulée après l'autre, tandis que Will devait trottiner pour rester à son niveau. Parfois, l'Arcanin accélérait très légèrement, puis ralentissait, forçant son humain à s'adapter, à changer de rythme. Quand Will faiblissait, Fenrir lui donnait un petit coup de museau dans le dos pour le pousser à reprendre. Le bipède ronchonnait, comme d'habitude, mais obtempérait.

Quand le pauvre bipède faible qu'était son Dresseur n'en put plus, Fenrir le laissa reprendre son souffle quelques minutes, puis ils passèrent à la musculation. L'Arcanin regarda son humain s'allonger dans l'herbe et posa une de ses lourdes pattes sur ses pieds, pour le caler pendant qu'il faisait des abdominaux. Ils varièrent les exercices, puis reprirent leur routine : Fenrir s'entraînait sous la supervision de Will, puis ils inversaient à nouveau les rôles.

Ils s'entraînèrent ainsi pendant une bonne partie de la matinée, jusqu'à ce que tous deux n'en peuvent plus. Le soleil était presque à son zénith quand ils s'arrêtèrent enfin. La nature fermée commençait à être envahie de bipèdes qui promenaient leurs Pokémon, et Fenrir et Will décidèrent tacitement que c'en était assez pour aujourd'hui. Son Dresseur le félicita, et l'Arcanin posa une patte sur l'épaule de son humain pour lui signifier qu'il était également satisfait de lui.

Épuisés mais contents d'eux, ils restèrent allongés un petit moment dans l'herbe de la nature fermée, profitant du calme relatif. Fenrir laissa son bipède lui flatter l'encolure avec satisfaction, et l'écouta parler d'une oreille distraite. Will parlait de la Résistance, des attentats, et de toutes ces affaires d'humains auxquelles l'Arcanin ne s'intéressait guère. De toute façon, son humain n'attendait aucune réponse : il avait l'habitude de formuler à voix haute ses interrogations. Parler ainsi l'aidait à réfléchir, et Fenrir, qui n'y comprenait goutte, reporta son attention sur une Delcatty qui semblait le narguer de derrière un arbre.

A un moment, il entendit que la respiration de son humain, allongé contre son flanc, avait changé de rythme. Il s'était endormi. Pauvre petit homme. Fenrir ne le réveilla pas tout de suite ; depuis la mort de sa compagne, son bipède avait énormément de mal à dormir, et ce genre de sieste improvisée ne pouvait lui faire que du bien.

Aussi le laissa-t-il se reposer un peu. Son instinct de Pokémon lui soufflait que l'humain allait être mis à l'épreuve bien assez tôt.

~*~
Lorsque Will arriva devant la porte de la chambre de l'hôpital de Tia, il s'arrêta quelques instants avant de frapper. Machinalement, il rajusta son imperméable et tira sur ses manches pour les lisser, histoire d'être plus présentable.

Prenant alors conscience de son geste, il s'arrêta un instant et fronça les sourcils.

C'est quoi, ça ? Depuis quand tu te soucies de ce à quoi tu ressembles? se reprocha-t-il intérieurement.

Il soupira, frappa à deux coups secs à la porte et attendit. Après qu'il ait prouvé son identité à l'accueil, les médecins lui avaient indiqué la chambre de Tia, en lui assurant que la jeune femme n'était pas grièvement blessée et qu'il pouvait lui rendre visite sans risquer de troubler son repos.

« Entrez. » répondit une voix désormais familière, quoique étouffée par le mur.

Le détective pénétra dans la pièce et referma la porte derrière lui.

La chambre était assez spacieuse, avec une vue sur la mer de nuages, ce qui n'avait rien d'étonnant vu le standing de l'endroit. La clinique Amplizen était réputée pour accueillir des patients richissimes, des politiques aux stars de la musique ; des gens prêts à payer une fortune non-remboursée par leur mutuelle, simplement pour s'assurer des soins et une confidentialité irréprochables.

Un téléviseur accroché au mur donnait les dernières informations d'Omnews. Dans le lit en face, Tia, adossée au mur, vêtue d'une tenue d'hôpital, regarda Will entrer en lui souriant. Le détective remarqua immédiatement le masque à oxygène posé sur la table à côté du lit.

« Will ! Enfin ! Je me demandais si vous viendriez me voir. » lança Tia en éteignant l'écran d'un claquement de mains.

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix, uniquement de la joie. L'ex-Elitien remarqua qu'elle l'avait appelé par son prénom, mais ne releva pas.

« Je serai bien passé avant, mais les cliniques Amplizen ne laissent pas rentrer n'importe qui, surtout pour voir la fille du Chancelier, s'amusa Will en désignant la pièce d'un geste large.
- Vous n'êtes pas n'importe qui, rétorqua Tia. Vous êtes l'homme qui m'a sauvé la vie.
- Dites plutôt ça à Fenrir. Sans lui, on ne serait plus là pour en parler.
- Comment va-t-il ? s'enquit-elle.
- Parfaitement bien. C'est un vieux costaud. »

Tia acquiesça d'un air soulagé, se redressa en grimaçant. Pendant qu'elle plaçait son oreiller entre son dos et le mur pour rendre sa position plus confortable, Will l'étudia du coin de l’œil. Ses cheveux décoiffés ne payaient pas de mine, et elle avait quelques éraflures au visage et sur les bras, moins grave que les siennes cela dit. Mais malgré tout, elle semblait en assez bonne santé, quoique fatiguée. Même vêtue de sa simple tenue d'hôpital, même alors que ses yeux marrons étaient soulignés de cernes, elle dégageait toujours ce magnétisme attirant qui avait probablement fait chavirer plus d'un homme.

« Je vous en prie, asseyez-vous. » lui offrit-elle en désignant une chaise près du lit

Will obtempéra et s'assit près d'elle, remarquant qu'elle le détaillait à son tour, s'attardant sur la balafre à son visage. Il fit mine de ne rien remarquer et ôta son chapeau des romans noirs avant de croiser les bras.

«Et vous, comment est-ce que vous vous sentez ? demanda-t-il.
- J'ai une contusion pulmonaire. Ils m'ont mise sous oxygénothérapie au cas où, grimaça Tia en désignant le masque posé à côté d'elle. Le souffle a déplacé une côte, et apparemment, j'ai eu de la chance qu'elle ne perfore pas d'organe.
- Il va falloir arrêter la cigarette quelques temps, commenta Will en souriant.
- Peut-être bien. Les nanorobots font leur travail. Les médecins m'ont dit que tout serait résolu d'ici quelques jours. Et vous ? Comment allez-vous ?
- J'ai eu des acouphènes toute la journée d'hier, mais c'est passé. Je m'en tire avec quelques points de suture, fit le détective en tapotant la plaie qui commençait déjà à cicatriser sur sa pommette.
- Montrez-moi voir ça ? »

La jeune femme tendit la main et toucha la joue de Will du bout des doigts. Le contact surprit ce dernier, qui se raidit imperceptiblement. Devant le regard insistant de Tia, il tourna légèrement le menton, et la fille du Chancelier effleura délicatement sa balafre.

« C'est douloureux ? murmura-t-elle avec un air soucieux que Will ne lui connaissait pas.
- Absolument pas. »

Elle retira sa main et soupira, avant de lancer un sourire fatigué au détective. Ce dernier s'engonça un peu plus dans son fauteuil, tâchant de récupérer une partie de la distance que Tia avait si soudainement franchi en lui caressant la joue. Le contact inattendu l'avait mis mal à l'aise.

« Cela fait maintenant deux fois que vous me sauvez la vie, Will. Il va falloir que je trouve un moyen de vous remercier convenablement, un jour…
- Je fais le travail pour lequel vous me payez. » répondit l'intéressé en haussant les épaules.

La phrase, légèrement clichée, sonna faux à ses propres oreilles. Était-ce vrai ? S'il s'était ainsi jeté sur elle pour la protéger avec son propre corps… S'il se trouvait là, dans cette chambre d'hôpital, à lui rendre visite alors que rien ne l'y obligeait… Était-ce seulement parce qu'elle le payait pour la protéger ? Ou y avait-il autre chose ?

Tia, qui ne semblait rien avoir remarqué, opina du chef en souriant.

« Les médecins m'ont dit que c'est vous qui m'avez sorti des flammes. Et vous avez pris la majorité des débris à ma place.
- Arrêtez, vous allez me faire rougir. » lâcha Will, qui n'était pas près de rougir du tout.

Le sarcasme, prononcé d'un ton impassible, arracha un sourire à Tia.

« Je voulais que vous sachiez que je vous en suis infiniment reconnaissante, c'est tout. »

La jeune femme s'étira lentement et désigna le téléviseur d'un geste du menton.

« Vous avez suivi les infos, récemment ? demanda-t-elle en changeant de sujet.
- Bien sûr. Tout Omnews ne parle que de l'attentat, et des grèves à la surface.
- Qu'est-ce que vous en pensez ?
- De l'attentat ?
- Oui. J'aimerai avoir votre avis. » expliqua-t-elle avec sérieux.

Will joua distraitement avec le bord de son chapeau, réfléchissant.

« Il n'y a pas grand-chose à en dire. Le Commissariat a déclaré avoir reçu la revendication de la Résistance.
- Peu m'importe ce que déclarent les Elitiens. Qu'est-ce que vous, vous en pensez ? » insista Tia.

Le détective fronça les sourcils, surpris par le ton incisif de la jeune femme. Décidément, elle prenait l'affaire à cœur.

Évidemment qu'elle la prend à cœur. Elle a failli y rester. Tout le monde n'est pas aussi blasé que toi, abruti, se dit Will.

« Je trouve ça étrange, avoua le privé. Cet attentat était différent du mode opératoire de la Résistance.
- C'était le premier attentat suicide, approuva Tia d'un hochement de tête.
- Oui. Et la moitié des victimes sont des dignitaires étrangers, qui n'ont aucun lien avec Omnia, ou le gouvernement de votre père.
- Pas le genre de gens que la Résistance cible d'habitude. Et personne n'était au courant que nous allions déjeuner là-bas, donc je n'étais pas visée. »

Will allait ouvrir la bouche pour répondre, mais s'interrompit. Il avait l'impression que Tia savait déjà tout ce qu'il pouvait dire.

« Vous y avez déjà réfléchi, n'est-ce pas ? questionna-t-il, mi-amusé, mi-intrigué.
- Bien sûr. Mais j'aimerai avoir votre avis avant d'affirmer quoi que ce soit.
- Eh bien… J'extrapole, mais à première vue, j'aurai dit que soit la Résistance a soudain changé de méthode, soit qu'il n'a pas été causé par elle, et qu'on lui fait porter le chapeau.
- Sauf que les Elitiens ont annoncé avoir reçu une revendication vidéo.
- Exactement.
- Une vidéo que personne n'a vue et qu'ils refusent de diffuser. » ajouta Tia d'un air entendu.

Le détective la regarda, sans être vraiment sûr de ce qu'elle sous-entendait.

« Vous insinuez que le Commissariat ment ? » demanda-t-il, intrigué.

Lui-même y avait brièvement pensé, mais n'avait pas osé envisager la possibilité trop longtemps. Il ne voulait pas imaginer que les Elitiens, qui avaient juré de protéger et servir le peuple d'Omnia, puissent déformer ou maquiller la vérité au sujet d'un attentat aussi grave. La corruption existait, bien sûr ; l'impunité du Rex en était un bon exemple. Mais Will avait toujours voulu croire que les Elitiens véreux étaient une minorité, et que le système pouvait être purgé, sauvé. Qu'il suffisait de se montrer rigoureux et honnête, d'élaguer les branches malades pour sauver l'arbre.

Car si ce n'était pas le cas, alors la droiture que lui, Diane et Garvin avaient toujours respectée jadis, alors cette droiture était morte, et cela faisait des Elitiens de simples agents du système, des outils de répression à la solde du gouvernement et de ses machinations. Et cette perspective ne lui plaisait pas du tout.

« Vous avez été Elitien, Will. L'un des meilleurs. Vous les connaissez. Vous savez quelle ambiance règne dans ce milieu. L'importance des perspectives de carrière. L'importance des pressions que peuvent exercer les supérieurs sur leurs subalternes. » déclara Tia en le fixant.

Will serra les mâchoires, mal à l'aise. Oui, il savait à quel point ses anciens collègues pouvaient être influençables, manipulables, corruptibles. Il savait à quel point un Officier pouvait ruiner la carrière d'un agent en un simple rapport. Après tout, c'était ce que Riviera lui avait fait…

« Vous avez été vous-même broyé par le système, reprit Tia comme si elle lisait dans ses pensées. Pouvez-vous me garantir que tous les Elitiens ont assez d'éthique pour résister à cette pression descendante ? Pouvez-vous me garantir que même si leur précieuse carrière est en jeu, ils refuseront de modifier légèrement un rapport, de fermer les yeux sur certaines incohérences, de maquiller partiellement la vérité ?
- … Non. Non, je ne peux pas vous le garantir. Mais ce dont vous parlez, ce n'est pas une légère modification, ou un léger mensonge. Si la vidéo de revendication est fausse, ou pire, si elle n'existe pas, on parle de haute trahison. Aucun Elitien seul n'aurait pu faire ça, rétorqua Will.
- En effet. Il aurait fallu qu'au moins un Officier soit impliqué.
- Je ne vois pas comment. Je veux bien admettre qu'un Officier puisse faire pression sur un simple Elitien, mais personne ne peut menacer la carrière d'un Officier. Ils n'ont pas de supérieurs hiérarchiques. Je ne vois pas qui aurait pu convaincre un Officier d'imputer à tort cet attentat à la Résistance. »
-  Vous ne voyez personne, vraiment ? » fit Tia en souriant à nouveau.

Will croisa les bras. Si. Si, il voyait quelqu'un, bien sûr. Quelqu'un de suffisamment puissant pour faire plier autant d'Officiers qu'il était nécessaire, menacer la carrière de n'importe qui. Mais ça n'avait aucun sens. Et comment pouvait-il le dire devant Tia ?

« Je sais que vous y avez pensé. Ne vous faites pas plus bête que vous ne l'êtes, Will. Allez-y, vous pouvez le dire devant moi. Je ne vous en tiendrai pas rigueur.
- … Votre père. Le Chancelier. C'est le seul qui aurait pu exercer une pression suffisante sur des Officiers pour les convaincre de faire porter le chapeau à la Résistance. » acheva le détective d'un ton d'outre-tombe.