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No Human's Land : Vers un Avenir Meilleur de Serian Norua



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» Auteur : Serian Norua - Voir le profil
» Créé le 29/07/2016 à 16:17
» Dernière mise à jour le 29/07/2016 à 17:29

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Humour   Science fiction

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Ch. 04 : Energie verte
Le dimanche soir, nous finîmes enfin notre entraînement physique. Nous avions tout donné, afin d'être à notre maximum. Inutile de dire que c'était une nécessité, car ça paraissait évident. Si Lufasa décidait de nous tuer, je ne pourrais rien faire pour l'en empêcher. Enfin... je ne devais pas me faire d'idées ; c'était moi qu'il souhaitait volontiers voir disparaître. Kishki étant étant de type électrique, il correspondait parfaitement au profil d'un futur membre. Lui-même n'éprouvait pas de rancune vis-à-vis des factions, je ne pouvais pas l'en blâmer.

Je ne sentais plus la douleur comme la fatigue des exercices. Ces deniers jours, nous avions passé la journée à faire des mouvements de renforcement musculaire, tandis que nous courrions la nuit. Lorsque nous tombions d'épuisement, notre professeur était là pour nous réveiller, usant de sa foudre. Je pouvais d'ailleurs témoigner de la puissance de celle-ci, en ayant été frappé à de nombreuses reprises.

Comme le Luxray avait dû considérer que nous étions suffisamment prêts pour la suite, il nous avait laissé la nuit pour nous reposer. bien entendu, nous devions tout de même nous réveiller aux aurores. Cela allait de soi.

— Debout là-dedans ! cria le Voltorbe.

J'avais une sérieuse envie de l'encastrer dans le mur, celui-là. Mais je n'avais aucune chance d'y arriver, même s'il s'agissait d'un simple sbire. Je me levai, sans rechigner. De l'autre côté de la pièce, Kishki était surexcité à l'idée d'enfin passer à l'apprentissage du combat. Je soupirai ; une vraie pile, si je puis me permettre.

Comme je disais, je n'avais plus l'envie de protester contre le réveil. J'étais déterminé. Peu à peu, nous progressions, et j'étais bien décidé, dès aujourd'hui, à faire des miracles. Si je voulais tous les écraser, je devais surpasser le calme absolu de Golcab, et évidemment la force inquisitrice de Lufasa. Je ne savais pas à quoi ressemblait une énergie élémentaire de plante, mais j'avais hâte de le découvrir.

Cette nuit complète de sommeil avait été utile, quoique je commençais à me demander si mon corps avait encore vraiment besoin de sommeil. Visiblement oui, bien que ça puisse être facultatif. Nous nous dirigeâmes donc vers la salle de combat, où nous attendait inlassablement le Pokémon Brilloeil. Derrière-lui étaient posés, en bordure du terrain de terre, deux formes étranges, assez massives.

— Je vous présente votre outil d'entraînement pour les prochains jours, fit-il, les sacs de frappe.

M'approchant, il sembla que je commençais à reconnaître ces étranges objets. Oui, mon père m'en avait déjà parlé, c'était utilisé par les humains. Je crois qu'ils appelaient ça... un frigo.

— Votre objectif est de taper dedans. La journée avec les poings, la nuit avec les jambes. Donc pas de repos, j'espère que vous avez bien profité de votre précédente nuitée.

Ce Luxray... Il était fou. Déjà, pour la préparation physique, je le pensais, mais là c'était pire. Il voulait nous faire taper, vingt quatre heures sur vingt quatre, sans aucune pause, dans un putain de frigo ? Une masse de métal blindée ?!

— J'ai oublié un détail. Vous avez droit à une pause de quinze minutes toutes les heures. Vous profiterez de ce temps pour vous exercer, donc le jour vous courrez le plus vite possible, et la nuit vous ferez des pompes. Maintenant, savez-vous frapper ? L'Arcko, montre-moi ce que tu sais faire.

Je m'avançai donc, fixant le réfrigérateur comme s'il s'agissait de mon ennemi. Puis, une jambe en avant, et restant immobile, je lui donnai un coup. Je sentis une fulgurante douleur s'étendre de mes doigts jusqu'à mon poignet, bien que n'ayant pas frappé fort. Il voulait vraiment qu'on endure ça ?! Derrière, Lufasa soupira.

— Non, tu ne sais pas. Pour frapper efficacement, il faut donner une impulsion des hanches en accompagnement de ton coup. La force, elle vient de ton corps, pas de ton bras. Vous avez de la chance d'être bipèdes, tous les deux, ça vous aide. Donc je le répète : un mouvement de la hanche pour accompagner le coup. Sinon, vous n'y arriverez pas. Assez parlé, au travail ! Je vous ferai signe lorsque vous pourrez faire des pauses.

Et sur ces mots il partit s'allonger dans les gradins. Je le fixai de mes yeux écarquillés, ne comprenant pas où il venait en venir. Nous renforcer les membres ? Non, il y avait mieux à faire que de taper dans des frigos taillés, pour ça. Parce que oui, j'ai oublié de le préciser, mais lesdits réfrigérateurs avaient été compressés afin de prendre une forme plus cylindrique, convenant davantage au rôle de sacs de frappe. C'était une bonne idée, mais ça restait malgré tout des masses d'acier.

Je tournai la tête pour regarder Kishki, et le vis qui s'avançait vers la cible. Serrant son petit poing, il se concentra, et s'efforçant de tourner les hanches, donna un coup dans le frigo. Il eut mal, je pus presque voir le frisson de douleur lui parcourir le bras. Il grimaça, et sa main se mit à trembler. Pourtant, de son autre poing, il réitéra l'opération, encore une fois, puis une autre. Que cherchait-il ? Quelle question futile ; il voulait progresser.

Cette vue me bouleversa. Moi qui m'étais promis de ne plus me plaindre, si c'était pour devenir plus fort, je faisais bien piètre impression, à côté de ce Pichu ignorant la douleur et la difficulté, pour s'améliorer. Je vis une tâche rouge sur son poil : du sang. Il venait d'enchaîner tout juste cinq coups, et saignait déjà. Moins d'une minute s'était écoulée depuis que nous avions commencé, et ses mains souffraient déjà. Mais il ne s'arrêtait pas, loin de là. Il me dépassait, moi qui m'étais arrêté après un seul coup.

Non, je ne pouvais pas rester en arrière. Il fallait aussi que je progresse, c'était nécessaire. Je me tournai vers le frigo, et conservant toute ma rage en moi, frappait violemment dedans. La douleur était terrible, j'en tremblais. Mais je devais continuer. Volonté. Il me faut gonfler ma prétendue énergie spirituelle au maximum, afin que chaque coup me rapproche de mon objectif. Kishki m'avait donné une raison de vivre, je n'allais pas la gâcher.

Je donnai encore des coups, sans m'arrêter, barbouillant le frigo de sang. Cela m'était bien égal, maintenant. Je ne devais pas avoir à me reprendre, je devais me donner constamment à fond, oublier les risques et les dégâts, pour penser au progrès ! C'était le plus important.

Nous frappions, encore et encore, oubliant même la signification du mot douleur. Qu'était-ce ? Plus rien, pour nous. Nous ne sentions rien, si ce n'est le désir de devenir plus fort, dans ce monde anarchique.

— C'est la pause, nous signala Lufasa.

J'en étais étonné ; le temps était passé beaucoup plus vite que ce que je m'imaginais. Sans rien demander, ou sans même me plaindre, je me mis à courir le long des murs, le plus vite possible. Avec un rythme moins soutenu, j'aurais pu le faire les yeux fermés. Je n'y arrivais pas à cette vitesse ? Je me mis donc à compter mes pas, et bientôt abaissai mes paupières. J'avais quinze petites minutes pour maîtriser ma distance, tout en évitant de heurter un mur. Ce serait fâcheux.

Étrangement, je commençais à prendre du plaisir à m'exercer ainsi. Je n'avais jamais senti la douleur musculaire, la fatigue, les os qui craquent, le corps qui supplie d'arrêter. Moi qui, quelques jours plus tôt rechignait à m'entraîner, en viendrait presque à apprécier ce moment. Comment en ressortirai-je ? Grandi, j'en étais certain. Alors fonce Zalen, ne t'arrête pas de progresser !

Les yeux fermés, je poursuivais mon sprint, ne m'arrêtant à aucun moment, longeant les murs, et prenant grand soin à les éviter. J'étais totalement conscient du nombre de pas que je faisais, tout était clair dans ma tête.

Quelques minutes plus tard, la voix du Luxray nous intima de reprendre le combat. Du sang gouttait de mes phalanges blessées, mais je n'en avais que faire. Tournant la tête, je regardai Kishki, tenant bon. Son visage était crispé par la douleur, mais il ne lâchait rien. Baissant les yeux, je m'attardai sur ses petites mains, couvertes d'une teinte rouge brune. Il n'était pas question de m'apitoyer sur son sort, ce petit Pokémon savait ce qu'il faisait.

Ainsi, des heures durant, nous continuâmes à frapper dans le frigo, jusqu'à ce que l'os se dévoile sous notre peau meurtrie. Et même là, ce n'était pas suffisant pour que nous nous arrêtions. Nous ne sentions plus rien, et plus l'heure avançait, plus nous donnions des coups puissants. Puis, la nuit tomba, et dans le noir, nous commençâmes à taper de nos tibias. Là, nos terminaisons nerveuses étaient toujours intactes, et nous sentions la douleur, plus grande encore que celle de nos mains. A maintes reprises je dus me serrer la jambe, tentant au maximum de réprimer la douleur, pour ne pas perdre le contrôle de mes émotions. Ma volonté, je devais la conserver intacte.

Lors des pauses, nous enchaînions les pompes, avec une petite surprise que nous réservait Lufasa : du leste. Notre poids sur le dos, doublé chaque jour, avec un entraînement qui devait durer une semaine. Au septième jour, le poids serait effarant ; six cent quarante kilos pour ma part, contre cent vingt huit pour Kishki. C'était tout bonnement infaisable. Déjà, avec simplement cinq kilos sur mon dos, je crus plusieurs fois qu'il allait se casser. Alors, comment pouvions-nous tenir un tel poids ? Autant directement nous mettre les frigos sur le dos, ça irait plus vite.

La Minisouris aussi souffrait, je le voyais à son corps brisé. Seul son regard subsistait, contrastant avec ses membres tremblotant. Et bien que je ne pouvais me voir, je savais que mon état devait être aussi catastrophique. Tous les membres de Volta devaient-ils endurer cet enfer, sérieusement ?!

Les jours passèrent, s'écoulant de plus en plus vite, comme nous ne nous rendions plus compte de rien. Nous passions nos nuit dans la salle de combat à frapper contre les frigos cramoisis, baignant dans une flaque de sang à moitié coagulé. Sur son balcon, le Pokémon Brilloeil nous fixait, sans cesse, allongé tel un roi. Au final, je ne sentais plus ni mes jambes ni mes bras, et le poids que je devais supporter pour les pompes me semblait irréel. Avais-je vraiment quelque chose sur le dos ?

Plus nous frappions et plus notre force grandissait, si bien que les blocs d'acier finirent par se déformer, petit à petit. Je n'oubliais pas : devenir plus fort, quoi qu'il m'en coûte, fusse là un bras ou une jambe. Puis finalement, nous arrivâmes au bout de cet entraînement terrible.

— Il est temps de s'arrêter, nous dit alors le Luxray. Vous vous êtes bien débrouillés jusque là, je ne m'attendais pas à une telle réussite. Pour le reste des techniques de combat, vous l'apprendrez par l'expérience, l'important était que vous sachiez frapper, et endurer la douleur. Je vous laisse trois journées de repos, maintenant. Dans soixante douze heures, nous nous retrouverons ici, pour la dernière phase de votre entraînement : les flux.

Je n'attendais même plus le signal de fin, et je ne croyais pas non plus à ces trois jours de repos. Je me tournai vers le Pichu, et nous nous regardâmes. Le calvaire était enfin fini. Je regardai mes mains, couvertes de sang séché, et dont la peau, arrachée, se reconstituait peu à peu.

— Pensez à vous laver aussi, vous êtes vraiment dans un sale état. Une fois que ce sera fait, revenez ici, on va s'occuper de vous. Il faut vous appliquer des bandes sur les blessures.

Nous hochâmes la tête, et nous dirigeâmes vers une salle indiquée par Lufasa. Si nous devions prendre un bain, nous avions trois jours devant nous pour le faire, alors même si on y restait longtemps, ça ne poserait pas de problèmes. J'ouvris une porte – jaune évidemment – et découvrit une pièce de taille moyenne – jaune également – dans laquelle trônait une immense cuve d'eau. Elle n'était pas très haute, si bien que nous-même pouvions y accéder. Elle était remplie d'eau, et... semblait froide. Très froide.

Le contraire m'aurait étonné, après tout. Lufasa nous entraînait, et même ce repos, pour lui, c'était du temps d'exercice. Alors quoi de mieux pour renforcer le corps qu'un bain dans une eau proche de la température de congélation ? Honnêtement, je ne parvenais plus à trouver, comme ce Luxray débordait d'ingéniosité. Son but était-il de nous entraîner, ou de nous torturer ? J'espérais en tout cas ne pas servir de marionnette pour assouvir ses désirs sadique. Je trempai un pied dans le liquide transparent, et soupirai. Ça allait être l'enfer.

Une heure plus tard, après être presque devenus des glaçons, nous sortirent de l'eau, tremblotants. Je m'efforçai de m'en retenir, mais ça devenait difficile, comme le froid se couplait à la fatigue corporelle. J'avais l'impression qu'un poids immense me tombait sur les épaules ; mes jambes soutenaient difficilement mon corps, et ma vue s’obscurcissait

— Tiens bon... murmura Kishki. On y est presque...

Je tournai la tête vers lui, étonné, puis m'efforçai de sourire comme je le pouvais. La marque de la douleur avait disparue de son visage, il allait – un peu – mieux.

— Oui. Plus que la dernière étape.

De retour dans la salle de combat, nous vîmes que Lufasa nous attendait, accompagné de Golcab.

— L'eau était bonne ? demanda le Pokémon Brilloeil avec un petite sourire.

L'enfoiré, il allait vraiment nous faire souffrir jusqu'à la dernière minute.

— Ne vous inquiétez pas, fit-il comme lisant dans mes pensées, tout ça c'est fini. Après ces trois jours de repos, vous apprendrez la maîtrise des flux. Je ne compte pas vous infliger un tel entraînement jusqu'à la fin, j'ai besoin de soldats en forme, pas de larves.

C'est bien ce que je pensais, il comptait nous obliger à le rejoindre. Après tout, qui dans ce monde, qui voudrait entraîner deux gamins gratuitement ? Lufasa était un Pokémon intelligent, il savait ce qu'il faisait, je n'en doutais pas. J'osai lui poser une question, tout de même.

— Sommes-nous obligés d'intégrer une faction ?

Recours à un article indéfini, afin de faire simplement sous-entendre le fait que je parle de sa faction à lui. Bien évidemment, il le comprenait, je voulais juste entendre sa réponse : que risquerions-nous en refusant.

— Bien sûr que non, je ne peux vous forcer, répondit-il en me regardant droit dans les yeux. Cependant, rejoindre une faction est important, à notre époque. Si vous préférez refuser, vous risquez, à un moment, de mourir.

Traduit : si vous ne rejoignez pas Volta, je vous tuerez volontiers. Enfin je le savais, après tout, il s'agissait simplement d'être sûr de ça. Je jetai un coup d’œil rapidement à Kishki, mais malgré son air sérieux, je ne parvenais pas à deviner ce qu'il pensait. Certes, je n'avais pas l'option détecteur de pensées, mais tout de même. Après deux semaines passées ensemble, je commençais à comprendre quand il était énervé, déterminé, etc. Or là, c'était le flou total.

— Bref, poursuivit le chef, nous avons d'autres choses à faire que parler. Si Golcab est là, c'est pour vous faire appliquer vos bandages. Ils sont imbibés d'une solution antiseptique, vous ne risquez donc pas l'infection. Ils sont également conçus pour durer longtemps, alors inutile de les changer tout de suite. Bien, approchez-vous.

Nous nous exécutâmes, et l'un après l'autre, l'Elekable banda nos blessures. Je ne ressentais toujours rien, mais c'était certainement mieux ainsi. Lorsqu'il eut fini, j'eus l'impression de ressembler à une momie, avec mes tibias et mes mains recouverts de bandages. La Minisouris, elle, trouvait çà particulièrement classe.

— Maintenant, allez vous reposer, ordonna Lufasa. Je ne veux plus vous voir dans cette pièce jusqu'à jeudi matin.

Une fois de retour dans notre chambre, je redécouvris avec émerveillement ma couchette, toute blanche et bien propre, avec un drap plié dessus. Il n'y avait pas de mot pour décrire ce que je voyais, c'était juste... magnifique ? divin ? De l'autre côté, le Pichu sauta dessus, sans accepter ce spectacle, ce cadeau envoyé par Arceus lui-même. Un lit. Il nous offrait... Un lit ! Tout doucement, je m'en approchai, et le caressai. Depuis combien de temps n'avions-nous pas dormi ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je me tournai vers mon partenaire.

— Hé, Kish...

Il ronflait déjà. Pas étonnant, remarque. Je grimpai sur mon lit, m'y hissant avec une étonnante facilité, et à peine eus-je posé la tête sur le petit oreiller que je m'endormis. Aussi simplement.

Trois journées plus tard, un gentil Voltorbe vint nous réveiller, d'une douce voix :

— Debout là-dedans !! Vous dormez depuis trois jours, il est temps de se réveiller !!

J'avais déjà dis que je voulais le tuer, celui-là ? Quoiqu'il soit après cette loooongue nuit, je pouvais me réveiller tranquillement, et lui déclarer, tout aussi paisiblement, avec un grand sourire :

— Silence, Pokémon.

Il me regarda. Je le regardai. Il me regardai. Je le regardai.

— Kishki, paratonnerre s'il te plaît.

— Avec plaisir !

Avec un magnifique salto, la pile AAA jaune vint se poser devant moi, pour absorber la foudre du Voltorbe. Énervé et vexé, celui-là se contenta de rouler vers la sortie, en maugréant :

— Ouais ouais, je me vengerai, un de ces jours...

Qu'importe, cette créature n'était qu'un détail. Une fois qu'il fut parti, nous sortîmes de la chambre, et après avoir longé le couloir, débouchâmes dans la salle de combat. Il nous tournait le dos, et était encore une fois accompagné de Golcab. Nous entendant arriver, il se retourna.

— Vous voilà, dit-il. C'est enfin le moment, vous allez apprendre la maîtrise des flux. J'espère que vous avez bien dormi, parce que jusqu'à la fin de cette partie, vous resterez éveillés. Et sachez qu'en fonction de vos performances, sa durée variera. Ainsi, si vous ne mettez que deux jours, vous serez vite tirés d'affaire. Toutefois, si vous mettez un mois, vous ne dormirez pas pendant tout ce temps. Compris ?

Il avait pas dit qu'il voulait nous garder en forme ? Il était vraiment incompréhensible, ce Pokémon. Enfin, il fallait juste se dépêcher de finir cet entraînement, et tout irait bien. Comme je me disais qu'une fois cette partie passée il n'y aurait plus rien d'autre, je me sentais mieux. Bientôt, nous serions libres, de retour à l'extérieur. Certes exposés au danger, mais c'était préférable à cette fausse liberté qui me rendait malade.

— Nous allons commencer par le flux élémentaire, ce sera plus simple à apprendre. Je vous en ai déjà parlé, mais ça remonte à deux semaines, et je peux comprendre que vous l'ayez oublié. Donc, il s'agit d'une des deux énergies composant les Pokémon, avec le flux spirituel. Vous vous en souvenez ?

— Oui, nous répondîmes en chœur.

— Bien. Le flux élémentaire peut paraître bien plus concret que le flux spirituel, qui est dur à représenter, mais ce n'est pas vraiment le cas. En fait, les Pokémon sont composés de deux parties : le corps et l'esprit. L'énergie élémentaire est attachée au corps, et l'énergie de ressentiment à l'esprit. En gros, il y en a une que vous pouvez voir, et l'autre sentir. C'est bien au delà de la simple attache, réellement, puisque ces énergies nous composent. Ainsi, l'esprit est formé entièrement à partir du flux spirituel, et le corps à partir du flux élémentaire. Vous vous souvenez la Pokéball de Golcab ? Imaginez que votre corps est pareil, mais en plus stable et dense. Ce qui veux dire que vous ne risquez pas d'exploser si on vous envoie contre un mur. Cependant, c'est cette composition qui permet de manier les différentes énergies. Après tout, qu'y a-t-il de plus simple que de maîtriser son corps ? C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle j'ai voulu que vous vous endurcissiez et le corps et l'esprit. Vous devez être prêts pour avoir recours à toutes vos forces, chaque molécule vous constituant doit être maîtrisable et utilisable.

— J'ai une question ! fis-je. Si jamais on perd un membre, par exemple, est-ce que c'est possible de le recréer avec le flux élémentaire ?

— En effet, mais il faut pour cela maîtriser à la perfection les deux énergies. Les maîtres en la matière peuvent ainsi créer des clones d'eux-mêmes, totalement réels, qu'ils manient grâce à leur spiritualité. Cependant, ne songe pas trop à ce genre de possibilités, car ce n'est pas ta priorité, je dirais.

Je hochai la tête. Il avait raison, je ne devais pas me poser de telles questions, surtout quand seules des personnes ayant plusieurs décennies d'entraînement y arrivaient.

— Je vais vous refaire maintenant un topo rapide sur à quoi servent les deux énergies. L'élémentaire, donc, permet de manier à sa guise son élément. Le Pichu tu es de type électrique, tu manieras la foudre. L'Arcko, toi ce sera la nature, étant de type plante. Ne me demande pas ce que ça veut dire, je ne partage pas ton élément. Si tu veux plus de renseignements, il va falloir le découvrir par toi-même.

Je m'en serais douté. Au pire, c'était aussi drôle de se débrouiller seul.

— Donc, poursuivit Lufasa, cette énergie, elle vous permet de faire n'importe quoi. Que ce soit créer des formes, la modeler en armes, tirer des rayons lasers, construire une maison... Bref, n'importe quoi, tant que vous l'imaginez et que vous êtes capables de le faire. Ensuite, la partie plus complexe, le flux spirituel. Comme je vous ai déjà dis, ce sera à vous de trouver quel est votre sentiment fort.

— Euh... commençai-je. Quand je m'entraînais, j'avais un désir ardent de progresser, quoi qu'il puisse arriver. Donc, est-ce que mon sentiment pourrait être la volonté ?

Le Luxray soupira, je compris que j'avais dis une connerie.

— La volonté ? Navré, mais ce n'est pas une émotion. La volonté de protéger quelqu'un ? de survivre ? de tuer tous les autres ? Quoi que tu puisses penser, ce n'est pas une émotion comme je t'ai dis. Ce que tu as éprouvé, ce n'était autre qu'un effet placebo. Tu as cru avoir trouvé ton sentiment fort parce que tu étais animé par le désir de progresser, donc tu t'es dit « j'ai de la volonté, ma force va se décupler ». Non ?

J'acquiesçai, déçu. Ce n'était donc pas complexe pour rien.

— Où en étais-je... Ah oui, donc le flux spirituel vous permet, lorsque vous ressentez forcement votre sentiment fort, de décupler vos forces. Le terme exact est « entrer en résonance avec le sentiment ». Ça veut dire que quelque part dans votre esprit, il y a cette émotion qui vous attend, chargée à bloc. Pour réussir à l'atteindre, il faut que, ailleurs dans votre esprit, votre compteur spirituel soit au maximum, que l'émotion en question ait prit le dessus sur vous. Dans ce cas-là, les deux s'alignent, et vous passez en spiritualité. C'est aussi simple que ça.

Ça ne l'était donc pas, simple.

— Si tout est clair, mettez-vous en ligne, que nous puissions vous observer mieux, et concentrez-vous. Imaginez l'élément que vous souhaitez obtenir, visualisez-le au maximum !

Nous nous plaçâmes comme indiqué par le chef, et commencions à imaginer notre élément, sous les yeux attentifs des deux Pokémon électriques. Dans la tête de Kishki, c'était simple : de la foudre. Il en avait déjà vu, il en avait déjà produit, alors il n'avait qu'à y penser. Un vrai jeu d'enfants. Dans ma tête, en revanche... c'était le vide. Le vide intersidéral. Sérieusement, à quoi est-ce que je pouvais penser ? Des feuilles ? De l'herbe ? Des arbres ? Des fougères ? Non, je vais pas matérialiser des fougères, quand même ! Et puis, cette théorie c'est complètement con ! Je veux dire, les Pokémon insecte, ils pensent à quoi ? Du miel et de la toile ? Bref, ça ne me concerne pas, ça. Je dois plutôt réfléchir à moi.

Puis, l'énergie de la nature, va la représenter, sérieux. Dans ces moments-là, j'aurais vraiment aimé naître de type feu. De bonnes grosses flammes, rouges, vertes, bleues, oranges, roses, tellement de possibilités. Non, plutôt, je me retrouve à devoir représenter des feuilles. Et attends... Des feuilles, ce n'est pas possible, comme c'est quelque chose de matériel. Enfin, je crois ?

Il me fallait un moyen de comparaison, quelque chose pouvant m'aider à comprendre le fonctionnement de cette énergie. Autrement, j'étais condamné à rester cloîtré ici pour le restant de ma vie. Enfin, je finirais par mourir, que ce soit de la main de Morphée ou Lufasa.

— Ouais, j'y arrive !

Je me retournai, surpris, vers mon acolyte. J'écarquillai les yeux, le voyant entouré d'une aura jaune crépitante.

— En effet, souligna le Pokémon Brilloeil, c'est un début. Un bon début, même.

Je n'en revenais pas. Nous venions tout juste de commencer, et... il y arrivait ?! Je savais qu'il avait des facilités, mais à ce point, c'en devenait irréaliste.

— Et toi, l'Arcko ?

— Oh bah moi... ça va venir, je le sens bien, là...

Deux jours plus tard, j'en étais toujours là, à ne rien trouver. Aucune idée, rien. J'avais déjà songé à faire le vide dans mon esprit, mais après réflexion, je m'étais rendu compte que c'était déjà le vide dans mon esprit. Involontairement, bien entendu.

Et le Pichu... Il parvenait déjà à enrober son corps d'une membrane électrique, à créer des sphères – quoique pas très stables – d'électricités, à créer un fouet avec sa foudre, et ses éclairs avaient augmenté en puissance. A ce moment, je me sentais faible. Ou stupide. Ou peut-être les deux. Faible et stupide et ridicule, en bonus.

Je devais trouver quelque chose... Réfléchis, Zalen. Bon, tu es de type plante, c'est pas le type le plus simple à imaginer. Mais il y a pire, comme le type insecte, dragon, fée, combat, ou normal, même ! Tiens c'est vrai, ça... Je me tournai vers Lufasa, qui nous observait encore, et m'adressai à lui.

— Dites, tous les types ont une énergie ?

— Oui, répondit-il.

— Alors... Ils font comment, les type normal ? Parce que... ils ont pas grand chose à imaginer, on va dire.

— Eh bien ils visualisent simplement leur énergie.

Oui, visualiser son énergie, c'est bien, mais c'est ce que je fais depui... Visualiser son énergie ? Mais oui, comme il n'y a aucune image particulière attachée à leur type, ils ont juste à imaginer un truc ressemblant à un flux blanc ! Et moi, j'ai à le faire avec du vert, et me dire que c'est la nature ! Enfin, j'avais saisi le truc.

Ainsi, pendant les prochains jours et nuits, j'essayais de matérialiser une énergie verte. Kishki s'entraînait déjà au combat contre Golcab, pour se familiariser avec son flux. Moi, je n'en étais pas là, ayant une semaine de retard, mais je ne baissais pas les bras. En fait, pour le rattraper, il fallait que je mise tout sur la quantité d'énergie que je pouvais amener à moi. Je n'avais pas le temps d'imaginer des attaques très classes, il me fallait plutôt la matière brute.

Visualiser une cascade d'eau verte, un liquide épais reflétant la profondeur de la jungle. Voilà, je sentais une douce chaleur recouvrir mon corps. Elle semblait émaner du plus profond de mes entrailles. J'ouvris les yeux, pour observer cette fine fumée verte m'enrobant, s'échappant du sol pour monter jusqu'au niveau du haut de ma tête. Une fois ce niveau passé, elle disparaissait, étant trop loin de mon corps.

Intérieurement, je jubilai. Certes, ce n'était qu'un début, mais en progressant... Je devais faire grossir la cascade, qu'elle soit plus dense. Je devais leur montrer de quel bois je me chauffe ! Ma volonté, simple placebo ? Et bah très bien, mais ce n'est pas pour ça que je vais la dégager comme ça. Disons que c'est ma petite particularité à moi, ma deuxième énergie spirituelle !

Toute ma force devait être mobilisée, chaque molécule de mon corps devait être utile à la confection de cette fumée. Allez Zalen, donne tout !

Je commençai à sentir de petites vibrations, autour de moi. Était-ce le sol qui tremblait, ou l'air ? Peu m'important, tant que ça tremblait. Et ça devait bouger encore plus !

— AAAAAAAAAAAAHHHHH ! m'écriai-je.

La chaleur s'intensifiait, signe que la fumée grandissait. J'y arrivais, c'était de mieux en mieux ! Surpris par ce cri de guerre, les autres se tournèrent vers moi, au moment même où ils sentirent le sol trembler. Ah, quelle puissance !

— Quel imbécile, soupira Lufasa.

Pourquoi disait-il ça ? Je faisais grandir ma puissance, j'étais... Puis je m'évanouis, et les vibrations cessèrent. Le Luxray s'approcha de moi.

— Eh bien finalement, tu as su trouver ton énergie. Félicitations, mais ce n'était pas la peine d'aller aussi loin. Le Pichu, teste donc tes pouvoirs sur lui, je veux voir la puissance de tes éclairs.

— Compris ! s'écria l'autre.