Ch. 03 : Une flamme inextinguible
Lufasa nous avait laissé toute la nuit pour nous reposer, et c'est le lendemain de notre pseudo-invasion, aux aurores, que nous fûmes réveillés. Nous partagions une même chambre, et j'étais même étonné de ce confort. Nous avions chacun une couchette, un vrai matelas, quoique fin, et une couverture. Le fait d'être dans un bâtiment bien conservé devait aider, sans nul doute. Cela faisait des années que je n'avais pas aussi bien dormi, et j'étais plutôt content de pouvoir me trouver là, bien qu'il s'agisse de la base d'une faction.
C'était un Voltorbe qui avait été chargé de nous réveiller, sans douceur. A vrai dire, c'était tout juste si la boule rouge et blanche ne s'était pas faite exploser rien que pour ça. Mais qu'importe ce réveil presque difficile, nous étions en forme, ayant passé la nuit la plus merveilleuse de notre vie. Kishki, quant à lui, était électrique, c'était le cas de le dire. L'idée de « s'entraîner » le mettait dans un état d'excitation jamais atteint. Moi, ça ne me faisait ni chaud ni froid, même si je devais avouer que le fait de me fortifier ne me déplaisait pas totalement. Il était peut être temps de songer au futur.
— Le chef vous attend dans la salle de combat, nous avait dit le Pokémon.
La salle de combat, c'était la grande pièce dans laquelle nous étions tombés et avions failli mourir. Facile de s'en souvenir. Nous le suivîmes, et après avoir simplement longé un couloir, aussi jaune que le reste du bâtiment, nous arrivâmes dans la tant appréciée « salle de combat ». Lufasa nous y attendait, en compagnie de Golcab, l'Elekable qui nous avait collé une raclée, la veille. Il n'y avait que ces deux Pokémon, et je me demandais bien où étaient partis tous les autres membres de la faction, doutant que l'arène fut extrêmement grande.
— Voilà donc le grand jour, fit le Luxray. C'est votre première journée d'entraînement sous ma tutelle. Ne me décevez pas.
— Oui !! s'exclama la pile AAA jaune.
Il avait la pêcha, lui. Pour ma part, j'avais une question.
— J'ai une question, dis-je. Avant d'arriver ici, nous nous sommes échappés de l'immeuble des FéroGuerriers. Leur chef, je m'en souviens bien, a dit qu'ils étaient la faction la plus puissante du quartier. Or, vous êtes juste à côté. Pourtant, quand je vous vois, rien que vous deux, j'ai l'impression que vous êtes plus forts. Alors est-ce qu'il disait ça juste pour se donner un genre, ou est-ce qu'il avait raison ?
— C'est une bonne interrogation, répondit Lufasa. Leur chef... tu dois parler de Colossaps. Pour tout te dire, nous nous sommes déjà affrontés, tous les deux, et c'est difficile de dire lequel de nous deux est le plus fort. C'est un Pokémon très coriace, qui se bat tout aussi bien.
— Mais... continuai-je. On a pourtant réussi à leur échapper sans grandes difficultés ?
— Il ne faut pas juger un Pokémon sur l'impression qu'il donne, sur son apparences, ou sur ses gestes, s'ils ne sont pas réels. Ce que je veux dire par là, c'est que lui et sa faction ne vous ont pas montré tout leur potentiel. S'ils avaient réellement voulu que vous restiez prisonniers, ils se seraient battus de toutes leurs forces. Sans doute avaient-ils la conviction que vous reviendriez.
Je me tournai vers Kishki, qui eut la même idée que moi : le pendentif porte-bonheur. Le Brilloeil avait tout à fait raison. Nous avions donc échappé à une faction, tandis que celle-ci s'était retenue ? Même les Férosinges ? Je n'en revenais pas.
— Et si vous y revenez vraiment, il vaut mieux que vous soyez tous les deux prêts. Je vous souhaite donc la bienvenue dans la faction Volta. Ici, il n'y a que des Pokémon de type électrique, tu es donc le premier, jeune Arcko, à être d'un autre type. Rien que pour cette raison, ne me déçois pas.
Je hochai la tête. Ça ne me faisait pas plaisir, toutefois, de devoir faire partie de sa faction. Enfin, cela devait être nécessaire, et encore une fois, le contredire ferait tomber à l'eau tous nos efforts. Nous avions un professeur, c'était déjà une chance incroyable.
— Je vais donc vous apprendre les rudiments du combat, poursuivit le Luxray. Tout d'abord, connaissez-vous les deux types d'énergies servant à se battre ?
Ça devenait intéressant. Mais je n'en avais aucune idée. Le Pichu non plus, nous secouâmes donc la tête.
— La première est l'énergie de ressentiment. Elle est différente selon chaque Pokémon, et est basé sur des sentiments. A titre d'exemple, celle de Colossaps est la colère. En fait, lorsque quelqu'un atteint un niveau suffisant de ce sentiment, sa force est libérée. Cela signifie que, pour le Colossinge, lorsqu'il est très en colère, il se bat à pleine puissance. Pour d'autres, ce sera la fierté par exemple, la tristesse, la joie, etc. Comme j'ai dis, tout dépend du Pokémon.
— Mais comment le savoir ? osai-je demander.
— C'est l'expérience qui te le dira. Lorsque tu ressens une émotion, tu sais de quoi il s'agit. Si, à cet instant, tu te sens prêt à tout défoncer, c'est que c'est ce sentiment qui constitue ton énergie.
Bien que ça puisse paraître assez étrange, l'explication de Lufasa était limpide et nous comprenions tout. Jamais je n'aurais imaginé une telle source d'énergie.
— Ensuite, continua le Luxray, il y a la deuxième, plus importante. La première n'agissait que comme un multiplicateur, et si vous ne maîtrisez pas celle dont je vais vous parler, qu'importe vos sentiments, vous ne parviendrez pas à vous battre correctement. Ou tout du moins, vous n'aurez pas toute votre puissance. Donc, la deuxième n'est autre que l'énergie élémentaire. C'est la plus importante, comme je vous le disais, et vous allez comprendre pourquoi. (il se tourna vers Kishki) Toi, le Pichu, tu parviens à créer des éclairs, c'est déjà un début. Toutefois, pour un Pokémon électrique ressemblant plus à une pile qu'autre chose, c'est normal. (puis il me regarda) En revanche, toi, tu ne peux rien faire de ton énergie élémentaire, mais il n'y a pas de mal à ça.
— Et... qu'est ce que c'est, exactement, cette énergie ?
— J'allais y venir, ne me coupez pas. Nous possédons tous un type : électrique, plante, feu, eau, combat, normal, dragon, etc. . Ce type va définir notre énergie élémentaire. Ce que les humains se plaisaient à appeler « capacités », ce n'était que là manifestation de cette énergie. Cependant, ils n'en avaient pas conscience, et résultat : nous n'en utilisions qu'une partie. Aujourd'hui, nous avons appris à la débloquer entièrement, et la manière dont nous nous battons est bien différente. Ce que vous avez vu hier pendant le combat contre Golcab était un bon exemple, mais j'aimerais vous montrer autre chose. (il s'adressa à l'Elekable à côté de lui) Montre-leur ce que tu sais faire.
Le Pokémon Foudrélec tendit sa main ouverte, paume vers le ciel, et de petits éclairs commencèrent à s'y former. Ceux-ci se regroupèrent alors jusqu'à former une sphère, de plus en plus lisse, de plus en plus opaque, en somme de plus en plus parfaite. Lorsque la forme fut totalement stabilisée, le crépitement des éclairs disparut, et deux couleurs apparurent : sur l'hémisphère supérieur de la boule du rouge, et sur l'inférieur du blanc. Nous fixions ce mystérieux objet avec étonnement et admiration.
— En utilisant son énergie élémentaire de foudre, Golcab a pu lui donner la forme de ce qu'on appelait une Pokéball. Elle ne peut pas être utilisée, mais a un autre avantage. Montre-leur.
Il nous tourna le dos, et sa sphère lévitant près de sa main, il visa le mur. L'objet rond fila alors vers la paroi jaune à toute vitesse, et explosa, libérant un formidable tonnerre. C'était magnifique, et en même temps certainement très puissant. Le mur, cependant, y résista.
— Nous avons consolidé le bâtiment pour prévenir à ce genre d'éventualités, informa Lufasa. Mais il n'empêche que cette attaque est dévastatrice, et pourrait facilement désintégrer un Pokémon ne se défendant pas. Voyez-vous, Golcab est la personne la plus puissante que j'ai pu connaître, en raison de son énergie de ressentiment. Son émotion forte, à lui, c'est le calme. Il ne peut se donner à fond que quand il est calme, sans angoisse, sans peur, sans tristesse ni joie, sans rien. Un plat total. Afin d'éviter que des émotions quelconques viennent perturber son calme, il a décidé d'arrêter de parler, et a bloqué, durant plusieurs années son esprit. C'est le prix à payer pour maîtriser son flux spirituel parfaitement.
J'en restais bouche-bée. Ainsi, juste pour utiliser son potentiel de puissance à cent pourcent, ce Pokémon avait délibérément perdu la parole et ses émotions ? Le calme. Ce sentiment paraissait si simple à maîtriser et pourtant, il suffirait de la moindre entrave émotionnelle pour ne pas pouvoir l'utiliser. A côté de ça, la colère de Colossaps était bien plus pratique. C'était stupéfiant.
— D'ailleurs, le flux spirituel, comme je viens d'en parler, c'est une autre manière d'appeler l'énergie de ressentiment. C'est plus court. Quant à l'énergie élémentaire, elle prend simplement le nom de flux élémentaire.
— Mais attendez, fis-je, j'ai une question. Si Golcab peut maîtriser son flux spirituel totalement, ça veut dire qu'il est aussi puissant que les Dieux ?
Lufasa secoua la tête. D'un autre côté, je m'en doutais.
— Non, de même que le sentiment varie en fonction de la personne, son potentiel varie également. Un Pokémon avec un faible talent mais qui contrôle parfaitement sa spiritualité sera très puissant. Toutefois, un autre avec un talent gigantesque qui le maîtrise aussi bien ne jouera pas dans le même monde. Et à cela s'ajoute le flux élémentaire. Si personne n'a pris la place des Dieux, c'est que personne ne l'a pu. Et pourtant, il existe en ce monde d'autres créatures très puissants. J'en viens enfin au troisième point, celui par lequel nous allons commencer : la capacité physique. Il semblerait que chez les Pokémon elle soit très développée, et peut-être même qu'elle n'ait pas de limites. Ne me demandez pas de l'expliquer, je n'en serais pas scientifique. Mais il n'empêche qu'avec un entraînement rigoureux, vous serez à même de fortifier incroyablement votre corps. C'est ce que nous allons faire tout de suite.
— On commence pas par l'énergie élémentaire ? demanda timidement Kishki.
— Non. Vous n'avez pas encore la condition pour. Je veux voir votre niveau, cependant, donc vous allez me faire le maximum de pompes.
Ai-je bien entendu ? Des pompes ? C'était peut-être la pire chose qui pouvait m'être donnée de faire. Même courir, je l'accepterais bien volontiers. Enfin je ne m'enflammais pas trop, sachant que c'était certainement ce qui nous attendais. Nous nous mîmes donc en position de pompes, et commençâmes notre longue série. Je les comptai :
— Une... Deux... … Trois... … … Quatre...
Puis je tombai. Kishki, à côté, avait déjà lâché après la première. Devant nous, Lufasa soupira.
— Bon sang, comment pouvez-vous être si faibles... ?
Nous passâmes ensuite à la course. La salle devait faire grosso-modo deux cent mètres carré, et je n'ai pu tenir que cinq tours avant de tomber de fatigue, transpirant à grosses gouttes. Visiblement, marcher et courir, c'était deux choses différentes. La Minisouris, quant à elle, avait – avec peine – réussi à enchaîner six tours, soit un de plus que moi. J'étais content pour lui, mais... Comment dire?Ah oui, c'était de la merde. Nos performances, selon les mots du Luxray, étaient aussi mauvaises que celles d'un Pokémon sorti de l’œuf. Je voulais bien le croire.
Vinrent ensuite les flexions – ou squats pour les initiés –, les tractions, les sauts, encore de la course, des pompes, et tout s'enchaînait. C'était intenable. Le soir venu, de retour dans notre chambre, nous nous écroulâmes sur la couchette, ne pouvant plus bouger le moindre muscle. Le Voltorbe du matin vint aussi vite.
— Demain matin, même heure, déclara-t-il avant de sortir.
— ...agngnuh... maugréai-je.
C'était impossible, je ne pouvais recommencer ça le lendemain. Je m'endormis presque immédiatement, à moitié allongé, mes pieds dépassant encore du petit lit. Et le lendemain, toujours aux aurores, le bruyant Pokémon Balle vint nous réveiller, nous hurlant presque dessus. J'en avais déjà ma claque de cet entraînement à la con. J'étais là pour devenir plus fort, pas pour mourir. Tels des zombies, nous avançâmes vers la salle de combat, où nous attendait encore Lufasa. Je savais ce qu'il allait dire.
— J'espère que vous êtes en forme, fit-il, car nous continuons l'entraînement.
— ...A quoi ça sert ? demandai-je.
Il me gratifia d'un regard sombre.
— A quoi ça sert ? répéta-t-il. Sache, jeune homme, que si vous pouviez courir sans vous arrêter toutes les trente secondes ou effectuer plus de cent pompes chacun, vous n'auriez peut-être pas à subir ces entraînements. Mais non, vous n'en êtes pas capables. Vous êtes aussi solides que des brindilles. Votre force physique et votre endurance est lamentable. Je ne peux même pas encore vous apprendre les bases du combat. Que croyez-vous, que je fais ça pour m'occuper ? Non. J'ai d'autres choses plus importantes à faire que de gérer deux gamins faiblards. Dans ce monde, chaque jour est un danger, et je suis le chef de Volta, c'est donc mon rôle de coordonner les troupes. Sachez que si je fais ça, c'est essentiellement pour vous, alors n'allez pas vous plaindre. Autrement, vous pouvez très bien vous en aller, et tenter de trouver quelqu'un d'autre pour vous apprendre l'utilisation des flux. Alors ?
— ... Non... ça ira...
— Très bien. Alors on va commencer par de la course. Faites-moi au-moins deux-cent tours. Si vous n'êtes pas capable de les finir, j'en rajoute deux cent, et ainsi de suite, jusqu'à ce que vous les ayez fait. Si ce n'est pas le cas, pas de repas ce soir.
Pas de repas ? Après un effort aussi intense que celui-ci ? J'allais mourir, c'était évident. Nous nous exécutâmes donc, enchaînant les tours de salle, et je ne pus en tenir plus de dix. Je notais toutefois une certaine amélioration depuis la veille, et cela me rassurais.
— L'Arcko, deux cent de plus.
J'avais oublié. Ma douce joie s'évanouit, criant à l'agonie. Deux cent tours supplémentaires, puis encore deux cents, encore et encore, jusqu'à la fin de la journée. Le soir venu, je n'avais même plus la force d'aller jusqu'à notre chambre, et je restai ainsi sur le sol. Kishki, lui, s'en sortait mieux, avec uniquement deux mille cinq cent vingt tours de retard, contre dix-sept mille et des patates pour moi.
Je laissa le Pichu aller dormir, lui disant que ce n'était plus la peine de m'attendre. Quant à Lufasa, il était exaspéré au possible. L'on éteignit les projecteurs de la salle, et me voilà seul dans le noir, allongé par terre et baignant dans une mare de transpiration. Je restai une bonne heure sans pouvoir bouger le moindre muscle. Puis, une fois ces soixante minutes écoulées, j'eus une illumination. Comment pouvais-je rester là, ainsi allongé, à attendre que le temps passe ? Je devais progresser, je n'avais pas le choix ! Je serrai les poings, et me relevai avec difficulté. Un genou, d'abord, puis l'autre, et enfin, j'étais de nouveau debout.
— Moi, Zalen, déclarai-je, ne me laisserai pas abattre !
J'allais m'entraîner toute la nuit durant, et le lendemain, ils seraient tous étonnés de voir les résultats ! J'inspirai, expirai, puis courrai. Ma volonté... Je la sentais... Comme un doux frisson dans le corps, m'emplissant d'une grande force. Était-ce ça, mon flux spirituel ? Je pouvais le faire, je devais le faire, je...
BONG
Dans le noir je vis des étoiles, puis tombai par terre, à la renverse. Le mur. J'avais oublié qu'il y en avait un. Ça faisait très mal, quand même. Doucement, je me relevai, et à tâtons, me situai. Je me trouvais dans le coin. Déjà que la course en pleine lumière, c'était difficile, mais la course en obscurité... C'était autre chose. Je me tournai, et me mis à longer le mur, comptant chacun de mes pas. C'était nécessaire, afin de savoir où j'allai.
Je devais marcher tout doucement, et accélérer petit à petit, à mesure que je quadrillais la zone et enchaînait les tours. La salle n'étant pas carrée mais plutôt rectangulaire, tous les côtés n'étaient pas identiques et par conséquent, il en était de même pour mes pas. A vrai dire je ne sentais plus mes jambes, mais c'était mieux ainsi. Qu'elles se taisent, plutôt que hurler de douleur.
Dans ma tête étaient soigneusement mémorisés les nombres de pas pour chaque côté. Ils diminuaient à mesure que j'augmentais ma vitesse, lentement. Je ne comptais pas les tours, ce n'était pas nécessaire, j'avais un autre objectif. Un de moins à chaque fois, quarante-neuf pas au lieu de cinquante. Peu à peu, j'arrivais à me repérer et bientôt je pus entamer ma course, ne songeant qu'à mes chiffres. Les minutes, les heures défilaient sans que je ne m'en rende compte. J'avais l'impression de dormir debout, continuant à courir et comptant mes pas machinalement. Mon rythme était beaucoup moins soutenu que celui d'hier ainsi que d'aujourd'hui. J'allais moins vite, mais je tenais plus longtemps. Après tout, Lufasa n'avait mentionné aucune vitesse minimum ?
Dans l'obscurité des gradins, des yeux perçants me regardaient, bien que je ne le sache pas. Il était allongé là depuis des heures maintenant, et ne bougeait pas, se contentant juste de me suivre de son regard inquisiteur.
Ce n'était pas un exploit. Je ne courrais pas, je traînais mes jambes. Mais j'avançais, c'était tout ce qui comptait. Je ne pouvais évidemment pas savoir à combien de tours j'étais, ne les comptant plus depuis belle lurette, mais ça n'avait pas d'importance. Je trébuchai finalement, et m'écrasai de tout mon long sur le sol poussiéreux. Une pompe. C'était tout ce que je demandais. C'était la touche finale apportée à ma séance d'entraînement. Tant que je ne l'avais pas faite, ne refusais je dormir...
Tout tremblant, je tentai de ramener mes bras vers moi par des mouvements saccadés et brusques. Avais-je raison quand je disais que c'était ma volonté, mon sentiment fort ? Si tel était le cas, alors je me donnerais à fond, et ferais une pompe de plus !
— Allez... murmurai-je dans le noir. Lève-toi, Zalen... Tu peux le faire...
Enfin, mes paumes étaient appuyées contre le sol, coudes levés. Maintenant, il fallait se lever, et effectuer cette fichue pompe. Je tentai de pousser ; rien.
— Allez... Lâche rien...
Je poussai toujours plus, mobilisant toute la force de mes petits muscles, quitte à ce qu'ils s'arrachent de mes os. Je ne me souciais plus de ce genre de détails. Ça y est, j'ai compris. Oui, ma volonté doit forcément être mon sentiment fort, il n'y a pas de doute ! Toutefois... Ce n'est pas ma force, qui est décuplée. Même si ça ne marche pas très bien, c'est ma motivation qui est augmentée, à un tel point que je ne me reconnais plus ! Maintenant, qu'importe les risque que je prends, les dégâts que je peux m'infliger, et les dangers que je brave, tout ce qui compte est que je puisse progresser ! Ne rien lâcher, ne rien lâcher, ne rien lâcher...
— ALLEZ !! criai-je, perdant l'usage de mes cordes vocales.
Un centimètre. J'y arrivais, je parvenais à me décoller du sol d'un centimètre. Ce n'était peut-être pas grand chose, mais en soi, c'était une victoire !
— Monte ! Monte ! Plus hauuut ! fis-je, sans qu'aucun son ne sorte de ma bouche.
Deux centimètres, puis trois, quatre ! J'avais fait la moitié de la montée ! J'y étais presque, le plus dur était passé ! Il fallait que je continue, je ne pouvais pas m'arrêter maintenant ! Accompagnant mon mouvement d'un cri de guerre, j'épuisai mes dernières forces dans cet effort sur-pokémonien, et me hissai sur mes bras, bloquant mes bras. Enfin ! J'avais réussi !
J'entendis un petit crac, puis je m'écroulai au sol, inconscient. Derrière-moi, le Luxray ricanait. Il sauta de sa balustrade et s'approcha de moi.
— Surmenage, murmura-t-il. Il n'empêche que c'était beau. Mon avis te concernant pourrait peut-être changer... Zalen.
Il me hissa sur son dos et m'amena jusqu'à notre chambre, où il me jeta sur la couchette. Je dormais déjà à poings fermés, et le voyage ne m'avait aucunement réveillé. Après tout, un tel effort ne pouvait que me laisser dans cet état. Kishki dormait déjà depuis quatre heures, l'heure à laquelle il était parti se coucher. Pour ma part, avec tout ce temps de sommeil en moins, j'espérais avoir un jour de congé...
— Debout la dedans ! gueula le Voltorbe.
J'ouvris les yeux, et me redressai violemment, pour hurler à m'en péter les poumons :
— SILEEEEEEEEEENCEEEEEEEEEEEEEE !!!! Y'EN A QUI DORMENT ICI ! BONNE NUIT.
Sur ces mots je me recouchai. Pendant quelques secondes, la Balle resta à me fixer, totalement éberlué. Puis, il s'énerva, et s'approcha de ma couchette en roulant.
Pour le reste je ne me souviens pas, mais selon le Pichu, j'ai souffert. En « pleine » forme, donc, nous nous dirigeâmes vers la salle de combat, où nous attendait Lufasa, comme toujours.
— J'espère que vous avez bien dormi, dit-il, parce que aujourd'hui, vous allez devoir vous défoncer. Désolé le Pichu, mais un certain Arcko a eu la bonne idée de s'entraîner cette nuit. C'était une bonne initiative, mais du coup on va monter le niveau de... dix crans ? Oui, ça ira.
L'enfoiré, il le savait, et il m'a pas laissé dormir ? Puis... Dix crans ?!
— J'ai besoin, continua-t-il, que d'ici la fin de la semaine vous soyez totalement opérationnels. Je veux dire que dimanche soir, vous devrez être en mesure de commencer l'entraînement au combat. Autrement, je ne pourrai vous garder ici davantage.
Nous étions vendredi. Autant dire que peu de jours nous séparaient de dimanche soir. Qui plus est, la définition de « être opérationnel », pour Lufasa, était extrême :
— Par là, j'entends que vous devez pouvoir enchaîner des exercices physiques rapidement et efficacement. Sinon, votre corps ne sera pas prêt pour la maîtrise du flux élémentaire. Dans tous les cas, ce n'est pas en trois jours que vous progresserez vraiment, mais c'est un début.
Ce Luxray était malade, de nous faire subir un entraînement. Mais je ne me plaignais, plus, j'exécutai. Contrairement à Kishki, je n'était pas heureux de cette condition. Certes, nous allions devenir plus forts, mais tout ça, c'était uniquement grâce à l'intervention d'une faction. Vassale, qui plus est.
Je n'aurais de cesse de le répéter, mais toutes les factions étaient mes ennemies. Une prônant le désir de vivre unis et en paix, ça n'existait pas. Lufasa, Golcab, et tous les autres membres de Volta, j'étais convaincu qu'ils tuaient à tout va pour prospérer. Je me souvenais des paroles du chef : « j'en ai vu des centaines d'autres disparaître ». J'avais envie de sourire. Bien sûr qu'ils les avaient vu, c'est même lui qui avait dû les écraser. Que ferait-il de nous si nous n'étions pas à la hauteur de ses attentes ? Je le savais : il nous tuerait.
Je relevai la tête, et nos regards se croisèrent. Dans ses yeux, la sévérité, la dureté d'un meurtrier. Dans les miens, la colère naissante, et l'envie de vengeance. Plus le temps passait, et plus je me sentais proche de tous ces vagabonds, ces Pokémon seuls, comme nous, tués par des enfoirés comme lui. Alors, je n'avais pas peur de devenir un meurtrier, à mon tour, si je pouvais éradiquer de la surface de cette planète un maximum de factions. Un jour viendra où je te tuerai, Lufasa. Mais ça, tu le sais, et tu attends ce jour depuis que tu as perçu ma volonté. Mais avant, je dois devenir plus fort.
Un coup de coude de mon acolyte me sortit de ma réflexion, et je cessai de fixer le Pokémon Brilloeil.
— T'es prêt, Zalen ? me demanda-t-il. T'as l'air dans la lune.
Si on excluait mes idées de vengeance, mon manque de sommeil, ma fatigue titanesque et l'état de mon corps pouvait, en effet, provoquer une légère distance vis-à-vis de la réalité. Je me souvenais encore de ce « crac » de la veille, lorsque j'étais à bout. Heureusement, je ne sentais pas vraiment de douleur dans mes articulations, plutôt dans mes pauvres muscles.
— On va donc changer le programme des entraînements. A partir de maintenant, renforcement musculaire le jour, et course la nuit, dans l'obscurité, évidemment. Du coup, jusqu'à dimanche soir, plus de sommeil.
Kishki protesta, de sa petite voix fluette. Pour ma part, je m'étais promis de ne plus me plaindre. Après tout, je savais ce qu'il allait nous dire. Lufasa se tourna vers moi.
— Si je vous impose ça, c'est pour que vous n'ayez pas à mourir.
La Minisouris ne comprit pas où il venait en venir, ou pensa sûrement qu'il penser au futur, lorsque nous devrions nous battre contre d'autres factions. Je ne savais quoi penser ; faisait-il ça pour ne pas devoir nous tuer, ou véritablement pour que nous puissions survivre dans ce monde ? Ce personnage était difficile à comprendre, bien que certainement que j'y arriverais, avec le temps.
— N'ayez crainte, dis-je tout en le fixant. Nous ne mourrons pas. En aucun cas.
Je ne savais pas quelle flamme illuminait mon regard, mais une chose était certaine : elle ne s'éteindrait jamais, même après mon dernier souffle.