Chapitre 25 : L'or et la corruption
Il ne reste guère de trace des races de l’Alliance des Cinq sur Terre aujourd’hui. J’ai exterminé les Mélénis et les Zan. Les Primordiaux ne sont plus revenus depuis des siècles, et le seul Façonneur de notre univers, ce pleutre d’Arceus, a préféré me fuir plutôt que de m’affronter. Quant aux Célestials… eh bien, même si personne ne le sait, j’ai sauvé le monde de leurs griffes. Mais jusqu’à quand ? Même moi je l’ignore…
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Erend s’était attendu à ce que l’immense vaisseau de Memnark pilonne Atlantis dès qu’il l’aurait à l’écran, et dans cette optique, il s’était dépêché de demander à Nuelfa de mettre toute la puissance sur les boucliers de la cité. Mais non, aucun signe d’attaque n’avait été détecté en provenance du vaisseau ennemi. Il se contentait d’approcher paisiblement ; si toutefois on pouvait juger paisible un vaisseau énorme rempli de robots fanatisés et d’un alien millénaire rêvant de terraformer la planète.
- Qu’est-ce qu’il fabrique, Nuelfa ? Demanda Galatea Crust à la Primordiale. Pourquoi n’attaque-t-il pas ?
- Il hésite. Il n’a pas prévu qu’Atlantis serait là pour l’accueillir. Il a dû sentir qu’il y avait un Primordial dans la cité.
- Il sait que c’est vous ? Voulut savoir Erend.
- Memnark n’est pas omniscient, malgré ce qu’il aimerait nous faire croire. Mais il devine en général très bien. Il doit se douter que c’est moi, mais tant qu’il n’en est pas certain, je ne pense pas qu’il prendra le risque d’attaquer. Il doit craindre qu’Atlantis ait été récupérée par l’Empire Infini, et si puissant soit-il, il ne veut pas s’engager dans une bataille rangée contre l’ensemble des Primordiaux, du moins pas avant d’avoir les cinq Solerios en sa possession.
- Et nous, on peut l’attaquer avec Atlantis ? Demanda Mercutio.
- Je ne vous le conseille pas. Je suis seule à contrôler la cité, et je ne pourrai évidemment pas l’utiliser sous son plein potentiel. Et même si je pouvais, face à un vaisseau de cette taille, je ne garantirai pas la victoire.
Mercutio leva les yeux au ciel.
- Bon, pourquoi on a amené cette cité jusqu’en orbite alors ?
- Exactement pour ce qu’on fait en ce moment, renchérit Erend avec assurance. Troubler Memnark et gagner du temps, jusqu’à que nos amis sur Terre trouvent le dernier Solerios. On pourra alors l’étudier et peut-être trouver un moyen de s’en servir contre Memnark. Même si on n’en tire rien, ça nous fera une assurance : notre Grand Forgeron hésitera à nous exterminer d’un coup s’il risque de détruire son jouet.
Nuelfa dévisagea Erend sous son casque, et le jeune homme devinait fort bien ses pensées. Elle avait dit et redit que le seul moyen pour espérer vaincre Memnark était de réunir les trois Dieux Guerriers pour réveiller et contrôler Excalord. Erend ne l’avait pas oublié, mais il refusait toujours d’avoir affaire avec Castel Haldar. Il était conscient que sa décision était dominée par l’émotion plutôt que par la logique, mais c’était comme ça. Et puis, de toute façon, avoir Hafodes en plus n’aurait servi à rien sans Ecleus.
- Nuelfa, vous m’avez dit que la cité d’Atlantis possédait un système de communication inégalé qui peut s’imposer à n’importe quelle fréquence ? Demanda Erend.
- C’est exact. Vous souhaitez contacter Memnark ?
- Non. Je n’ai rien à lui dire, à lui. Mais je vais avoir besoin de contacter la plupart des dirigeants de pays de la Terre, pour leur montrer l’étendue de la menace. Serait-il possible de les avoir tous en même temps, et par image ?
Erend avait dans l’idée que si on leur montrait un énorme vaisseau extraterrestre hostile, les gouvernants de la planète allaient enfin se retirer les doigts du cul, pour parler crument. Erend en avait recruté un certain nombre comme alliés dans sa Confédération Libre, mais clairement pas assez pour faire face à Memnark. Il voulait une planète totalement unie contre lui, et après la menace passée, la politique pourrait reprendre ses droits.
- Je peux faire cela si vous me dites la localisation de chaque fréquence. Ça pourra prendre un certain temps.
- On n’est pas pressé, si Memnark reste tranquille. Vous deux, vous surveillez notre invité, fit Erend avec un regard pour les jumeaux Crust.
- Euh… et on fait quoi s’il décide d’attaquer ? Questionna Galatea.
- Impressionnez-nous avec votre Flux.
- On peut pas utiliser le Flux dans l’espace.
- Bigre. Pourquoi vous êtes là alors ?
Erend le savait très bien ; parce que les jumeaux Crust n’avaient aucun Pokemon Plante pour rechercher le dernier Solerios, ni aucune troupe à commander en vue de l’invasion des Akyr. Donc, faute de mieux, ils étaient restés sur Atlantis pour admirer l’espace intersidéral. Mais il aimait bien charrier ces utilisateurs de Flux quand il le pouvait. Ils avaient un peu trop tendance à se croire indispensables partout. Erend leur tourna le dos, s’attendant à une remarque acerbe de la part de Mercutio. Il fit bien une remarque, mais pas celle qu’il attendait.
- Euh… Il se passe un truc là du coté du vaisseau.
Erend se retourna vivement, pensant que Memnark avait braqué ses armes sur Atlantis. Mais non, aucun tir ne venait. En revanche, quelque chose venait de sortir du vaisseau à toute vitesse, en laissant une trainée dorée derrière lui. Quelque chose qui se dirigeait vers la Terre.
- Il a ouvert le feu sur la planète ?! S’indigna Erend.
- Non, répondit Nuelfa. Il a largué un Akyr. Et pour qu’un Akyr survive à une entrée en orbite aussi rapide, ce doit certainement être un de Première Classe… ou pire.
Erend fronça les sourcils. Pourquoi Memnark n’enverrait-il qu’un seul Akyr sur Terre ?
- Vers où va-t-il ? Pouvez-vous calculer le point de chute ?
Nuelfa bidouilla pendant quelques secondes sur l’immense clavier holographique central, et une carte de la Terre s’afficha. Nuelfa zooma sur un continent, puis sur une région en particulier, à l’allure hexagonale.
- C’est pas Kalos ça ? Fit Galatea. Qu’est-ce qu’il irait fiche là-bas ?
- Ptet bien du tourisme, imagina Mercutio. Ne dit-on pas qu’Illumis est la ville la plus visitée sur Terre ? Sa réputation a dû atteindre les Akyr de Memnark.
Ignorant les bêtises de Crust, Erend attendit que Nuelfa zoome davantage. Il avait un mauvais pressentiment. Et ce pressentiment fut confirmé quand Nuelfa désigna le nord de la région.
- Romant-sous-Bois, murmura-t-il. Putain de merde…
Mercutio et Galatea haussèrent les sourcils en même temps. Il était très rare d’entendre Erend Igeus jurer ainsi.
- Qu’est-ce qu’il y a de si important, à Romant-sous-Bois ? Demanda Galatea.
- La dernière com que j’ai eu avec mon assistante Velca disait qu’elle se rendait là-bas avec Eryl et Ladytus pour enquêter sur une possible trouvaille du dernier Solerios. Memnark est visiblement au courant, et a envoyé un de ses Akyr le récupérer.
Le visage de Mercutio devant blême.
- Eryl est là-bas ? Rien qu’avec vos deux assistantes ? Contre un Akyr ?!
Erend n’apprécia pas du tout le ton du Mélénis. Il semblait réagir comme si Eryl était toujours sa petite-amie. Mais il comprenait Mercutio. Il tenait autant à la jeune femme que lui, et était bien conscient qu’elle ne pourrait rien faire aux prises avec un Akyr, qui plus est de Première Classe.
- Vous ne pouvez pas… je sais pas moi… sauter de la cité en plein vol et traverser l’atmosphère avec vos pouvoirs ? Demanda-t-il en désespoir de cause.
- On vous a dit que nous ne pouvions pas utiliser le Flux dans l’espace, renchérit Galatea. C’est de la vie que le Flux tire son existence. Nous sommes combien là, sur Atlantis ? Une dizaine ? Une vingtaine d’êtres vivants à des centaines de kilomètres à la ronde ?
- Nuelfa, vous ne pouvez rien faire ? Combien de temps pour faire redescendre la cité sur Terre ?
- Bien trop pour que ce soit utile, répondit la Primordiale avec son détachement tout scientifique. L’Akyr de Memnark a déjà atterri. Je crains que vos amies… ne doivent compter que sur elles-mêmes.
Erend Igeus se traita mentalement de tous les noms odieux qui lui vinrent à l’esprit. Il n’aurait jamais dû laisser Eryl participer à la recherche des Solerios si lui n’était pas présent pour veiller sur elle. Sans elle, il serait privé de sa Reine de l’Innocence, un symbole important pour sa Confédération. Mais plus encore, Erend serait privé d’une des rares filles dans ce monde - peut-être même la seule - qui avait su réchauffer son cœur froid et calculateur. Si jamais il la perdait, même dix galaxies d’écart ne sauveraient pas Memnark de la colère d’Erend Igeus !
***
L’impact causé par l’Akyr Doré et l’explosion de l’arbre géant qui en suivi avaient balayé une bonne partie de la place centrale de Romant-sous-Bois. Eryl, qui était sensible aux émotions émises depuis qu’elle avait découvert sa véritable nature, sentait tout autour d’elle la frayeur, la douleur, le désespoir… Malgré la fumée et la poussière, elle pouvait distinguer plusieurs corps qui gisaient au sol, souvent dans des mares de sang. Les gens couraient, criaient, et la sirène de la ville sonnait à plein régime. Malgré tout ce chaos, Bertsbrand, bien en vie, fut le premier à se reprendre et à désigner l’Akyr en or d’un geste théâtral.
- Ah ah ! Ainsi, Venamia m’envoie ses robots apprivoisés parce que j’ai trouvé son Solerios avant elle ! Oui, évidement. Je l’avais prévu. Elle commence à comprendre à quel point je suis une menace pour elle ! Mais pas de chance, mon grand tout brillant ! Tu vas devoir te frotter à mes formidables GSB et à ma si swag Marie-Eglantine !
Il montra derrière lui d’un geste nonchalant de la main, s’attendant sans doute à être précédé par une armée de fidèles et par son Pokemon invaincu. Mais en guise d’armée de fidèles, il avait quelques gars sonnés qui courraient un peu partout en criant. Quant à son Parecool chromatique, il était en train de filer à plat ventre dans la direction inverse aussi vite qu’il pouvait ; c’est-à-dire très lentement. L’Akyr Doré n’avait pas arrêté de dévisager Bertsbrand, comme s’il attendait de lui quelque chose d’incroyable. Quand la célébrité se rendit compte qu’elle était toute seule face au robot, son sourire confiant se crispa bien vite.
- Ohhhhhhh nooooooooo ! Gémit-il.
Ayant sans doute senti que c’était Bertsbrand qui avait le Solerios, l’Akyr avança d’un pas. Bertsbrand semblait encore posséder une once de courage. Au premier pas de l’Akyr, il ramassa un morceau de tuilerie tranchant comme arme improvisée. Au second pas, il le laissa tomber et courut se cacher derrière une ruine de maison. L’Akyr ne chercha pas à courir. Un humain ne pourrait pas lui échapper, de toute façon. Eryl était consciente qu’elle n’avait ni arme ni pouvoir, seulement ses Pokemon, ce qui serait loin de faire le poids face à un Akyr, mais elle ne pouvait pas laisser le Grand Forgeron obtenir ce qu’il voulait. Elle fit donc face au robot.
- Ecoutez-moi, qui que vous soyez, vous n’êtes pas obligé de faire ça.
L’Akyr, toujours silencieux, s’arrêta quand même, sans doute surpris qu’une humaine ne tente de lui barrer la route. Eryl était certaine que ce qu’elle faisait était une mauvaise idée. De toute évidence, on ne pouvait ni résonner ni négocier avec ces androïdes zombies de Memnark. Ce dernier avait utilisé sa science et ses métaux pour les rendre totalement loyaux et dociles. Mais Eryl, peut-être à cause de son éducation, ou peut-être à cause de sa nature de fragment d’Erubin, était persuadée d’une chose : le mal n’était pas naturel. Personne n’était mauvais à cause du destin ou d’une quelconque fatalité. Même des êtres comme Venamia ou Horrorscor n’avaient pas toujours été malfaisants. Le mal naissait de causes précises. Et toutes les causes pouvaient s’expliquer et se régler sans violence s’y on y faisait l’effort.
- Majesté, reculez s’il-vous-plait ! S’exclama Ladytus en se plaçant devant elle.
- Non, attend ! Je veux essayer parler avec lui.
- Je doute que votre innocence atteigne un tel être. Fuyez avec Velca, je vais tenter de le retenir !
Mais Eryl ne bougea pas.
- Vous étiez un humain comme nous avant, poursuivit-elle à l’adresse de l’Akyr Doré. Vous aviez une vie, des rêves, peut-être une famille ? Memnark vous a tout pris pour vous transformer en cette chose, un esclave de métal. Rien ne vous oblige à le servir !
L’Akyr ne rompit pas son silence, mais il reprit sa marche. Eryl était du genre à défendre ses convictions sans sourciller, mais face à ce monstre métallique lumineux qui approchait sur elle, elle était à deux doigts de faire comme Bertsbrand et de fuir sans demander son reste, malgré sa soi-disant divinité. Elle n’eut pas à le faire cependant. Ladytus utilisa sa puissante attaque Pouvoir Lunaire sur l’Akyr. L’attaque de type Fée provoqua un grand flash lumineux suivi d’une belle explosion, mais l’Akyr ne semblait avoir aucunement souffert, ce qui était sûrement le cas.
Il tourna sa tête allongée en direction du Pokemon, et Eryl sut qu’elle ne pouvait plus se permettre de jouer les pacifistes. En renfort pour Ladytus, elle fit appel à l’ensemble de ses Pokemon : ses fidèles Feunard et Sidérella, qu’elle possédait depuis des années, le puissant Tortank qu’elle devait au professeur Chen quand elle l’avait rencontré, et le petit et mignon Ea, un Pokemon Plante quasiment légendaire et capable de parole. Pour parfaire le tout, Eryl toucha du bout des doigts sa Gemme Sésame qu’elle portait comme collier, et Tortank méga-évolua dans un flash de lumière.
Voyant Eryl se dresser face à cet envahisseur mécanique qui avait pulvérisé leur arbre, certains dresseurs de Romant-sous-Bois, et même quelques GSB de Bertsbrand cessèrent de fuir pour affronter la menace avec leurs propres Pokemon. Eryl aurait préféré qu’ils s’en abstiennent et filent vite d’ici. Elle se doutait que quel que soit le nombre de Pokemon face à lui, cet Akyr tout d’or fait ne serait pas incommodé le moins du monde. Eryl ne se l’expliquait pas, mais elle avait la sensation que cet Akyr là était encore plus dangereux que l’Akyr Propagateur qu’Erend avait affronté sur Atlantis.
Aux ordres de leurs dresseurs, les Pokemon firent pleuvoir un déluge d’attaques spéciales sur l’Akyr, qui poursuivit sa route comme si de rien n’était. Quand un Aligatueur eut la prétention de venir sur lui pour le saisir, l’Akyr l’arrêta d’une main et l’envoya valser avec ce qui semblait une légère pichenette. Les attaques continuaient, mais l’Akyr ne semblait pas s’intéresser à ses adversaires. Et ça, c’était tant mieux, car ça aurait été un vrai massacre. En revanche, le robot tournait la tête de droite à gauche, sans doute cherchant Bertsbrand. Eryl avait vu Velca filer à sa suite. Elle espérait que l’assistante d’Erend aurait la bonne idée de lui prendre le Solerios puis de fuir le plus loin possible.
La police de Romant-sous-Bois arriva, et cribla l’Akyr Doré de balles. Ce dernier ne remarquait toujours pas toutes les attaques dont il faisait les frais, mais il commença à s’agacer de la présence de tant de monde sur la place, lui bloquant la vue de sa cible. Il croisa donc ses bras en or, et une onde de choc tout droit sortie de son corps balaya tout le monde à proximité. Eryl fut vaguement protégée par son Méga-Tortank qui s’était placé devant elle en lui faisant bouclier de son corps, mais n’en fut pas moins emportée quelques mètres derrière.
- Majesté, je vous en prie… fit Ladytus avec faiblesse en se relevant difficilement. Erend m’a chargé de vous protéger… Vous êtes importante pour sa cause. Partez, de grâce !
Eryl savait qu’elle ne pouvait rien faire de plus, ni elle, ni ses Pokemon. Mais prendre la fuite en laissant derrière elle une amie, elle n’était pas sûre d’en être capable. Car c’est bien ce qu’était Ladytus : une amie. Du fait de son intelligence et de sa personnalité bien affichée, Eryl ne la considérait même plus comme un Pokemon. De plus, en raison de son type Fée, Eryl se sentait proche d’elle, sans doute parce qu’elle-même était issue d’un Pokemon Légendaire également de type Fée : Erubin en personne.
Eryl s’apprêtait à répondre négativement, quand un bruit aérien lui fit lever les yeux. Un transport rapide venait de passer au-dessus de la place. Eryl, dans un moment d’espoir, cru à des renforts de la Confédération - peut-être quelqu’un de la X-Squad - mais elle fut bien vite déchantée quand elle vit le logo de l’appareil : un R noir croisé d’un éclair. Un froid sinistre l’envahit.
- La GSR…
Venamia était donc au courant que le Solerios se trouvait ici. Et si elle l’était, nul doute qu’elle se serait déplacée elle-même. Et en ce moment, il n’y avait absolument pas besoin d’elle pour aggraver la situation ! L’avion de Venamia alla se poser plus loin, en direction de l’endroit où Bertsbrand et Velca étaient allés. Eryl ne s’en était pas fait pour Velca en sachant qu’elle poursuivait ce grand crétin de Bertsbrand. En revanche, Venamia, c’était autre chose. Elle devait bouger.
- Je suis désolée, Ladytus… commença-t-elle.
- Ne le soyez pas, répliqua la Pokemon. Prenez le Solerios. Ne laissez pas Venamia s’en emparer.
Effectivement, on ne savait pas ce que Venamia comptait faire avec cet artefact, mais la connaissant, on pouvait s’attendre au pire. Eryl rappela donc ses Pokemon, puis se mit à courir loin de la grande place et de l’Akyr Doré. La voyant décamper, le robot tenta de la suivre, mais fut momentanément stoppé par une épaisse brume qui cacha Eryl à son regard. C’était l’attaque Champ Brumeux, de Ladytus. Elle poursuivit avec Brume Capiteuse et Champ Herbu, respectivement des attaques Fée et Plante, pour augmenter ses stats de défense spéciale et restaurer continuellement ses PV. Ladytus savait que ça n’aurait que peu d’effet face à la puissance d’attaque de l’Akyr Doré, mais elle comptait bien le retenir ici autant qu’elle le pouvait.
- Je suis ton adversaire, monstre de métal, déclara Ladytus.
L’Akyr produisit enfin un son. Un grésillement très désagréable qui pouvait passer pour un ricanement.
- Non, tu ne l’es pas, dit-il enfin.
Ladytus fut un moment surprise par la voix de l’Akyr. Elle était claire et limpide, d’une pureté aussi certaine que son armure dorée, et avait des accents vaguement féminins. L’erreur de Ladytus fut de s’être laissée distraire quelque demi-secondes par cette voix, et elle perdit l’Akyr du regard un très court instant, pour ensuite le revoir devant elle, à quelque centimètres. Il avait bougé si vite qu’il avait disparu pendant un instant. Ladytus ne put rien faire, et l’Akyr lui empoigna son cou fragile de sa poigne implacable.
- Tu ne l’es pas, parce que tu n’es rien, poursuivit l’Akyr. Qu’est-ce que ta mort m’apportera ? Quelle puissance en tirerai-je ? Quelle domination pourrai-je exercer ? Tout est flou. Je ne sais pas. Je ne sais plus…
Ladytus était persuadée de sa mort imminente, mais elle se dit avec ironie que son meurtrier n’était pas très clair dans sa tête.
- Les lumières s’effacent puis reviennent, reprit l’Akyr. Des visages. Des sensations. Des émotions. Qu’est-ce que les émotions ? Je ne sais plus. Ça n’existe plus. Ne comprends-tu pas ? Il ne reste que la domination ! Il n’y a jamais eu que ça !
Ladytus ne comprenait rien au charabia de ce robot dérangé. Elle s’attendait à ce qu’il lui écrase la tête avec sa main en or, mais l’Akyr se contenta de la dévisager intensément.
- Et toi… je te connais, n’est-ce pas ? Tu es… Babytus ?
Ladytus en resta pantoise un moment. Babytus était le nom de son précédent stade d’évolution, qu’elle avait abandonné en évoluant pour protéger Erend il y a de ça sept ans, lors de l’assaut contre le palais de Castel. Comment cet Akyr venu de l’espace pouvait-il la connaître ? Sans un mot de plus, l’Akyr la lâcha, presque délicatement. Puis il reprit calmement sa route. Personne n’osa plus s’interposer, et l’Akyr les ignora. Ladytus était encore sonnée. Qu’est-ce que c’était au juste que cet Akyr ? Ou qui était-il ?
Plus loin, Eryl tentait de rejoindre Velca au travers des rues de Romant-sous-Bois pleine de monde qui courrait dans tous les sens. Ce n’est qu’en sortie de la ville, vers l’usine de Pokeball, que la Reine de l’Innocence vit enfin l’assistante d’Erend, qui observait une sphère verte et brillante dans sa main. Eryl put enfin respirer.
- Velca ! Tu l’as eu ?
- Oui, c’est le Solerios, acquiesça la jeune femme d’un air absent.
- Et Bertsbrand ? Tu ne l’as pas tué hein dis ?
- Il a écopé d’une belle bosse, et a vite filer quand je lui ai montré mon flingue, non sans me promettre que je serai maudite par le swag à tout jamais.
- Pauvre de toi… Bon, il faut filer au plus vite. En plus de l’Akyr qui nous poursuit, Venamia est probablement dans le coin !
- Effectivement, fit une voix ironique.
Eryl ferma les yeux et se retourna calmement. Lady Venamia, la Dirigeante Suprême de Johkan, émergea des arbres à l’Est avec une dizaine de GSR, dont Ian Gallad, un de ses anciens commandants. Elle était vêtue de son habituelle combinaison mélangeant l’armure noire de la GSR avec une cape bleue, symbole de son autorité. Elle avait son brassard à Eucandia multifonction au bras gauche, et l’éclair d’Ecleus à la main droite. Eryl ne l’avait plus eu en face d’elle depuis longtemps, et bien qu’on l’avait prévenu à ce sujet, elle fut effrayée par son nouveau regard, un œil bleu glacé et un autre rougeoyant. En tant que Pierre des Larmes matérialisée dans un corps humain, Eryl pouvait très bien sentir la puanteur corruptive d’Horrorscor en elle.
- Siena, dit calmement Eryl. Ça faisait longtemps.
- Et comment ! On a toutes deux pris du galon, depuis notre dernière rencontre. Moi, dirigeante d’une région entière, et toi, reine d’une confédération. On m’a dit aussi que tu avais laissé tomber Mercutio ? Je peux te comprendre. Si on recherche le pouvoir, Igeus est un bien meilleur parti.
Eryl ne répondit pas aux provocations de Venamia. Maintenant qu’elle l’avait enfin en face d’elle, elle voulait tout tenter pour la sauver.
- Siena, je sais ce qui t’es arrivée. Horrorscor t’a possédée juste après la défaite de Zelan. Tout ce que tu as pu faire depuis, c’est de sa faute. Mais il n’est pas trop tard. Tu peux encore faire machine arrière, et renoncer à la corruption ! Je suis la Pierre des Larmes, je peux t’y aider !
Venamia secoua la tête et éclata de rire.
- Ah oui, la fameuse Reine de l’Innocence ! Persuadée qu’il existe du bien en chacun d’entre nous. Tu as toujours été comme ça, même avant que la divinité ne te monte à la tête. En fait, je t’ai toujours méprisée. Tu n’es qu’une faible et naïve, dépendant exclusivement de personnes plus fortes que toi et se contentant d’asséner tes sermons et ta morale au lieu d’agir. Je me demande comment Igeus fait pour te supporter constamment, alors que je sais très bien qu’il pense comme moi.
- C’est faux ! Riposta Eryl avec un peu de colère dans la voix. Erend est quelqu’un de bien. Il n’a rien à voir avec toi !
- Libre à toi de le croire. Mais Erend Igeus me ressemble bien plus qu’il ne te ressemble.
Eryl tenta d’oublier les paroles de Venamia et de la raisonner à nouveau.
- On ne peut pas mettre nos différents de coté, pour cette fois ? C’est à notre monde dans sa totalité que Memnark en veut. Il se fiche de savoir qui d’Erend ou de toi va régner. Nous devrions nous allier pour le vaincre !
- Que voilà une bonne idée, sourit Venamia. Si Igeus est prêt à me jurer allégeance pour combattre Memnark, je suis prêt à l’écouter. Mais sinon, je crains de devoir pour l’instant m’allier avec le camp le plus sûr, et ce n’est pas vous.
Venamia tendit le bras, et Eryl vit avec sidération Velca s’approcher d’elle pour lui remettre le Solerios.
- Oh, au fait, j’ai oublié de préciser, ajouta Venamia. Je crains fort que votre amie Velca ne soit en fait mon amie Velca.