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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 04/07/2016 à 23:16
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:54

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -27 : S'il vous plaît, monsieur Stelmar
La nuit était déjà bien avancée quand Lina quitta le Windhall.

Dehors, la pluie tombait dru, et les quelques passants encore dehors à cette heure-ci s'engouffraient précipitamment dans les bouches de métro pour ne pas finir trempés jusqu'aux os. Les gigantesques immeubles d'Omnia se dressaient au-dessus d'eux, ombres inquiétantes à peine visibles dans le smog qui enveloppait la ville. Ça et là, quelques drones voletaient péniblement, affichant des publicités éblouissantes ; ici, l'enseigne d'une échoppe aux néons fatigués clignotait frénétiquement pour essayer d’appâter quelques clients. Là, un écran géant vendait les mérites d'un voyage touristique dans les îles du nord d'Algosya, vantant les bienfaits de l'air marin à grand renforts de slogans flashy – une ironie macabre, quand on connaissait le nombre de problèmes respiratoires que la pollution provoquait à Omnia.

La jeune fille resta quelques instants debout à côté d'une enseigne aux néons, le temps de terminer sa cigarette, regardant ses contemporains s'agiter sous la pluie battante.


Crédit : Elpinoy

En soupirant, Lina referma sa fermeture éclair, rabattit la capuche de son sweat et plongea avec courage dans l'obscurité. Elle marchait d'un pas vif, à la fois pour éviter la pluie, mais aussi parce qu'elle venait de sortir du Windhall par la porte de service, et que de nombreux regards de dégoût ou d'intérêt malsain se posaient sur elle. Elle passa devant un vendeur de nouilles qui la harangua pour qu'elle vienne essayer ses produits, mais Lina était bien trop dégoûtée par l'odeur et l'aspect gluant de ses pâtes pour se laisser appâter.

Une soirée typique juste en dessous de la plus belle ville du monde, se dit-elle avec amertume.

Elle avait fait ses comptes. Si son boulot avait bien un avantage, c'était celui de ramener de l'argent. Et c'était bien pour ça qu'elle continuait.

Au fil des mois, elle avait réussi à amasser un petit pécule, rien de faramineux, mais assez pour commencer à envisager sérieusement son rêve d'emmener sa sœur loin de cette mégalopole maudite.

Lina avait commencé à se renseigner sur les prix des différentes destinations qui s'offraient à elle, et avait rapidement laissé tomber l'idée de partir vivre dans l'archipel Sogulen. Le prix de l'immobilier dans les îles était monstrueux. Il en allait de même pour la région tropicale au sud-est d'Algosya. En revanche, elle commençait à caresser l'idée de partir vivre à l'ouest, dans la région forestière de Losignan, ou même de l'autre côté du détroit, vers Harbing. Le voyage serait long et nécessiterait de passer par Salmyre, mais Lina tenait à éloigner sa sœur d'Omnia.

Elle n'en avait pas parlé au Rex, ni à qui que ce soit. Elle ignorait comment réagirait leur père adoptif s'il apprenait que Lina voulait partir – probablement pas de manière très compréhensive.

Le Rex ne les avait jamais aimées, quoiqu'il dise. A vrai dire, Lina n'avait jamais compris pourquoi il les avait adoptées. Il martelait régulièrement qu'elles étaient importantes pour lui, et il faisait l'effort financier de pallier à leurs besoins, mais aussi loin que Lina s'en souvienne, il ne leur avait jamais témoigné la moindre marque d'affection. Si l'on en jugeait par son comportement, il ressemblait plus à un protecteur, un mécène, qu'un vrai père.

Le fil de ses pensées fut interrompu lorsque Lina sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Elle l'en extirpa et jeta un coup d’œil à l'écran, où un texto d'Edge venait de s'afficher.

« Rdv médecin conclu. Viens demain midi pour explications. »

Lina arqua un sourcil. Son père avait donc réussi à faire accepter Stasie dans l'une des cliniques de la ville haute ? Pas trop tôt.

Avec un soupir, Lina pria pour que ces médecins réussissent là où tous les autres avaient échoué. Le lendemain de leur arrivée dans la planque temporaire, sa jumelle avait eu une nouvelle crise et avait crié de douleur pendant plusieurs heures, sans que Lina ne puisse faire quoi que ce soit pour soulager sa souffrance – à part lui injecter du Vortex. La jeune fille détestait être obligée de droguer sa sœur pour apaiser ses douleurs à la tête. Hélas, faute de traitements efficace, elle n'avait pas le choix. Depuis leur retour à leur véritable appartement quelques jours plus tôt, Anastasia n'avait pas eu d'autre crise, mais ça ne saurait tarder. Chaque soir en rentrant, Lina s'attendait à trouver sa sœur par terre une fois de plus, prise de douleurs à la tête invivables et inexplicables.

Lina se rendait bien compte que chaque épisode était pire que le précédent. Les douleurs empiraient, et l'intervalle de temps entre chaque crise rétrécissait petit à petit. Elle vivait dans la crainte de rentrer un soir dans leur studio, pour retrouver sa sœur morte sur le sol.

Ce rendez-vous allait être le bon. Les médecins de la ville haute sauraient expliquer cet étrange mal qui frappait Stasie depuis sa naissance, cette déficience physique et mentale généralisée qui leur rendait la vie infernale à toutes les deux.

Il le fallait.

~*~
Lorsque Will s'éveilla au son de son alarme, il mit quelques secondes à se rappeler pourquoi il n'était pas chez lui. La bouche pâteuse et les paupières lourdes, il se redressa sur le bord du lit et éteignit son réveil en grommelant. A ses pieds, Fenrir émergeait lui aussi, secouant sa majestueuse crinière.

Tia, ravie de faire la connaissance de l'Arcanin, avait accepté de bon cœur qu'il dorme en dehors de sa Pokéball. Elle-même ne possédait pas de Pokémon, mais l'idée que Fenrir laisse des poils partout dans l'appartement ne la dérangeait pas. Après tout, elle avait une petite armée de gens de ménage à son service, qui s'appliquaient à rendre l'appartement impeccable.

Le personnel au service de Tia était le plus souvent invisible ; comme la jeune femme l'avait expliqué, elle n'aimait pas être entourée de serviteurs. Elle tenait à faire sa cuisine elle-même, lorsqu'elle ne mangeait pas dans les restaurants les plus chers d'Omnia ; quant au ménage, à la lessive et autres autres corvées, elles étaient effectuées dans la plus grande des discrétions, le plus souvent lors des sorties de la fille du Chancelier afin de ne pas l'importuner.

C'était le deuxième jour où le détective assurait la protection de la jeune femme et le moins qu'il puisse dire, c'est que le travail s'était avéré aussi éprouvant qu'envisagé.

Tia avait envoyé des gens chercher les affaires de Will chez lui, et l'ex-Elitien avait pu emménager dans l'appartement luxueux de la jeune femme. Il s'était employé à fouiller chaque pièce dans les moindres détails, prenant même la peine de scruter les murs à la recherche d'éventuels mouchards. Rien.

Il avait exigé de rencontrer chaque membre du personnel afin de les jauger et de leur poser des questions sur leurs habitudes de travail. Il avait demandé à Tia de lui communiquer une liste de ses serviteurs, qu'il avait tâché de mémoriser afin de repérer et surveiller les éventuels éléments à risque. Si quelqu'un voulait effectivement du mal à la fille du Chancelier, il était tout à fait envisageable qu'il cherche à l'atteindre à travers son personnel.

Hélas, la quasi-totalité des gens de Tia étaient des hommes et des femmes qui étaient entrés à son service de nombreuses années auparavant, et qui semblaient en tout point être de bons citoyens. Ils étaient tous discrets et peu loquaces, et les entretiens de Will n'avaient rien donné. Le détective s'était donc résolu à chercher ailleurs, tout en restant vigilant, et s'était donc appliqué à suivre la jeune femme partout dans ses déplacements.

Le premier jour, Tia Taylor avait rencontré une amie -issue de la même école de droit qu'elle si Will en croyait ses rapides recherches la veille- et avait passé l'après-midi à faire les magasins. Will s'était efforcé de se faire discret, renonçant à son éternel imperméable marron au profit d'un jean et d'un blazer sobres. L'amie de Tia -une vraie pouf, avait jugé Will- l'avait regardé avec méfiance et dédain, mais un mot de la fille du Chancelier avait suffit à justifier la présence indésirable du détective.

Voyant que l'amie de Tia possédait son propre garde du corps en la personne d'un molosse à la mine patibulaire, Will avait préféré rester à distance respectable, préférant se mêler à la foule et inspecter les environs. Il avait remarqué deux faits bons à savoir : peu de gens semblaient reconnaître la fille du Chancelier dans la rue, ce qui était bon à prendre, et les rares qui la connaissaient étaient des paparazzis faciles à éloigner.

En une journée, Will en avait repéré deux. Il avait appréhendé le premier avec brutalité, après avoir remarqué qu'il les suivait depuis une demie-heure - malgré qu'ils aient changé trois fois de boutique dans l'intervalle. L'homme, guère ravi d'être ainsi traité, avait exhibé sa carte de presse et craché au visage de Will qu'il allait entendre parler de lui. Le détective, guère inquiété, s'était toutefois promis d'être plus prudent dans ses interpellations.

Les paparazzis étaient la pire plaie d'un travail de protection rapprochée ; ils traquaient la cible et la suivaient sans relâche, exactement comme un criminel potentiel le ferait. Cela rendait les véritables suspects difficiles à repérer et incitait à la négligence.

Le soir venu, Will avait dû accompagner les deux jeunes femmes dans un restaurant hors de prix. Tia l'avait invité à s'asseoir à leur table – à la grande horreur du détective, ainsi que celle de l'amie de la fille du Chancelier. L'ex-Elitien était resté silencieux la majorité du temps, ne participant aux bavardages des deux jeunes femmes que lorsque cela était absolument nécessaire.

Un détail avait cependant attiré son attention. Tout en observant les alentours pendant la journée, il avait prêté une oreille attentive à la manière dont Tia parlait avec son amie. Quand la jeune femme était seule avec Will, elle se comportait de manière charmante, mature mais légèrement enjôleuse. Elle dégageait une attirance charismatique teintée de bourgeoisie, mais également empreinte d'une certaine sagesse. Elle était jeune, jolie et intelligente, et elle le savait pertinemment.

Lorsqu'elle discutait avec son amie en revanche, la fille du Chancelier évoquait des sujets futiles et parlait avec la désinvolture de n'importe quelle jeune femme de vingt-six ans. Même sa manière de s'exprimer changeait, devenait plus familière, moins impérieuse, moins classieuse.

Ce comportement tranchait radicalement avec celui qu'elle avait lorsqu'elle était dans l'intimité de son appartement luxueux, seule avec son personnel ou avec Will. Ce dernier, intrigué par cet étrange contraste, en était venu à une conclusion à la fois satisfaisante et étonnante : Tia Taylor jouait la comédie. Ce n'était qu'une impression, mais quelque chose dans le comportement mondain de la jeune femme lui faisait penser que ce n'était qu'une façade, et qu'elle faisait l'effort de s'abaisser à des conversations banales uniquement parce que c'était ce que l'on attendait d'elle. Elle était bien moins mondaine qu'elle ne le laissait croire en public.

Un bâillement bruyant de Fenrir tira Will de ses réflexions. Il se leva du lit et s'habilla prestement. Alors qu'il boutonnait sa chemise, une voix attira son attention. Tia parlait à quelqu'un dans sa chambre. En fronçant les sourcils, le détective tendit l'oreille et écouta. Il était à peine huit heures, mais elle était déjà réveillée ?

« … rendez-vous médical pour Anastasia ? Il a réussi à en obtenir un ? » disait la voix étouffée de la jeune femme.

Will comprit que l'affaire était privée, mais ne put résister à la tentation d'écouter aux portes. Il sortit dans le couloir et prêta une oreille attentive à la discussion.

« Si mon père… retrouvées. Oui. Je vous laisse faire le nécessaire. … Quoi ? Les cours de danse ? Je lui ai parlé… prendra du temps. Je suis assez occupée pour le moment… risque pas de pouvoir y aller avant quelques temps. … non, laissez. Je m'en occuperai. … A voir avec lui. Je vous tiendrai au courant. Oui. … Oui. Au revoir. »

Will s'éloigna silencieusement et se dirigea vers la cuisine, où les serviteurs avaient bien évidemment préparé un petit-déjeuner. Il constata que le personnel avait même eu la délicate attention de verser des croquettes dans une gamelle pour Fenrir. L'Arcanin et son Dresseur se mirent à table, tandis que l'ex-Elitien réfléchissait au programme de la journée.

Il fut tiré de ses pensées par le bruit de la chambre de Tia qui s'ouvrait. Quelques secondes plus tard, et la jeune femme apparut dans l'embrasure de la porte de la cuisine, déjà habillée. Elle arborait une tenue décontractée, composée d'un pantalon et d'un chemisier élégants. Elle semblait plus détendue, moins sérieuse, mais dégageait toujours cette aura de jeune femme attirante et distinguée. En avisant le détective attablé, elle sourit. Alors que Will peinait encore à émerger, elle semblait parfaitement réveillée.

« Bonjour, monsieur Stelmar. Bien dormi ?
- Très bien, merci. Vous avez déjeuné ?
- Oui, oui. Je vois que certains n'ont pas perdu de temps pour manger... » lança-t-elle avec légèreté en avisant Fenrir.

Elle dépassa Will en le frôlant et s'approcha du Pokémon. L'Arcanin releva la tête de sa gamelle et la regarda de ses yeux pleins d'intelligence, sans broncher. La jeune femme s'accroupit près du Pokémon et lui flatta l'encolure, ce qui sembla plaire à Fenrir qui se laissa caresser d'un air satisfait.

« C'est un beau Pokémon, vraiment. Vous allez bien ensemble, lui et vous.
- Vous avez de la chance. D'habitude, il ne se laisse pas approcher par les étrangers sans grogner, avoua Will en finissant son café.
- Il y en a au moins un de vous deux qui apprécie me tenir compagnie. » fit-elle, mi-sérieuse, mi-amusée.

Will ne répondit rien, mais ne put retenir un sourire qui n'échappa pas à Tia.

« Vous savez, monsieur Stelmar, rien ne vous oblige à rester aussi silencieux. Je suis sûre que vous avez une conversation très intéressante.
- Je suis là pour assurer votre protection, mademoiselle, rappela Will d'un ton impassible.
- Justement, puisque vous allez devoir m'accompagner partout pendant des jours, autant apprendre à faire connaissance, non ? Je suis certaine que nous aurions beaucoup à apprendre l'un de l'autre. »

Elle sortit un paquet de cigarette de la poche de son jean et s'en alluma une, avant de s'asseoir à la même table que Will. Elle croisa les jambes et souffla un léger nuage de fumée.

« Allons, suis-je si inintéressante que ça à vos yeux ? insista-t-elle en faisant une moue tout à fait charmante.
- Non, bien sûr que non, s'empressa de répondre Will.
- Bien ! J'ai failli être vexée, sourit Tia. Que diriez-vous de manger en ville ce midi ?
- Vous ne m'aviez pas dit que vous comptiez rencontrer quelqu'un ce midi, répondit Will en fronçant les sourcils.
- Je ne compte pas rencontrer qui que ce soit, monsieur Stelmar, rit la jeune femme aux cheveux auburn. Juste vous et moi. Voyez ça comme l'occasion d'apprendre à se connaître. »

Will fit la moue. Il n'aimait pas les déplacements improvisés lorsqu'il devait protéger quelqu'un, et c'était bien pour cela qu'il avait demandé à Tia de l'avertir à l'avance de ce qu'elle comptait faire dans la journée. Voyant l'hésitation du détective, la jeune femme lâcha un soupir légèrement déçu.

« S'il vous plaît, monsieur Stelmar, ne m'obligez pas à vous supplier. » fit-elle en ramenant une mèche de cheveux derrière son oreille.

L'ex-Elitien grommela et leva les mains, admettant sa défaite.

« D'accord, d'accord, pourquoi pas. La prochaine fois, essayez de me prévenir à l'avance, c'est tout.
- Parfait ! Alors c'est décidé. Je sais exactement où vous emmener. Vous ne serez pas déçu. »

Elle se leva en souriant, termina sa cigarette et disparut dans le couloir. Will, resté assis, la regarda partir avec la désagréable sensation de s'être fait mener par le bout du nez.

Il jeta un coup d’œil à Fenrir, qui bâilla. Avec un pincement au cœur, le détective ne put s'empêcher de penser que la dernière personne à avoir réussi à amadouer l'Arcanin aussi facilement que Tia… était Diane.