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» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 03/07/2016 à 14:46
» Dernière mise à jour le 03/07/2016 à 14:46

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-7 : L'Eventreur de Lavandia Bay
"Vivre est la chose la plus rare du monde. La plupart des gens ne font qu'exister."
— Oscar Wilde

Mai 1885, quartier de Lavandia Bay, Hoenn.

La vieille dame, dont le Caninos venait de découvrir quelque chose de peu ragoûtant dans une ruelle se terminant en impasse, fut raccompagnée chez elle par quelques sympathiques gentlemen qui l'escortèrent jusqu'à son appartement, à quelques rues de là. Elle était tout bonnement bouleversée par ce qu'elle avait vu, et plus jamais elle ne voulait assister à quelque chose de semblable. Son fragile cœur ne s'était jamais emballé de la sorte, au point de vouloir sortir de sa poitrine en lui explosant la cage thoracique. A présent, elle avait le souffle court et peinait à marcher droit. L'aide des hommes qui l'accompagnaient la soulagea beaucoup.

Le baron et gouverneur du comté de Lavandia, Raymond St John, se précipita dans la ruelle, suivi de près par Marion, sa garde du corps, et Rebecca, qui ne souhaitait aucunement rester en retrait. Au sol, au fond de celle-ci, tout près du mur marquant l'extrémité de l'impasse, se trouvait une forme, inerte, à l'odeur nauséabonde. Il ne fallut que quelques secondes aux trois pour comprendre qu'il s'agissait d'un être humain mort. L'aristocrate lavandien tressaillit. Robert Steiner avait peut-être bel et bien raison lorsqu'il parlait d'une menace planant sur les environs. Cela n'avait beau être qu'un pressentiment de la part du scientifique, le brun y croyait bel et bien, à présent qu'il voyait un cadavre dans sa ville.

Il s'en approcha, le son de ses bottes de cuir brisant le silence pesant qui s'était installé entre eux. Au loin, on n'entendait que les interrogations des habitants perplexes, et l'arrivée des forces de police. Le trentenaire se pencha sur l'amas de chairs sanguinolentes qui avait, heureusement, encore forme humaine, et entreprit d'examiner les blessures. Il retira sa veste et retroussa les manches de sa chemise, désireux de ne pas abîmer des tissus aussi coûteux. Sous les yeux ébahis de Rebecca, qui n'osait bouger, il promena ses mains le long des plaies béantes pour tenter de déterminer ce qui avait bien pu arriver à ce malheureux. Une fois qu'il en eut tiré des conclusions, il se leva, les mains pleines de sang à moitié séché, et rejoignit les deux jeunes femmes.

"Ses blessures ont été causées par quelque chose de tranchant. Une lame, sans doute un long poignard ou une épée fine. Je ne saurais dire, il est dans un état assez catastrophique. Proprement éventré, sans aucune pitié. Il devait être vivant et debout étant donné que ses yeux sont encore ouverts et qu'un filet de sang a coulé de sa bouche jusqu'à son menton."

Marion hocha la tête, et quitta la ruelle pour aller expliquer la situation aux agents de police qui arrivaient en petits groupes. L'infirmière soupira et, ses jambes chancelantes ne pouvant plus tenir, s'assit contre le mur, à même le sol pavé. Elle regarda l'homme lavandien, intriguée.

"Je ne savais pas que vous étiez médecin.
— Mon père a voulu que je suive des études, et c'était bien le seul domaine dans lequel je n'avais aucune connaissance. Mes précepteurs m'apprenaient tout ; le droit, la politique, les mathématiques, les langues anciennes... mais pas la médecine. J'ai obtenu un doctorat il y a quelques années, mais n'ai jamais exercé.
— Je ne pensais pas que les nobles travaillaient, à vrai dire... en côtoyer m'apprend des choses intéressantes. En tout cas, vous n'avez pas froid aux yeux. Sans hésitation, vous êtes allé voir ce corps et l'avez touché. C'est impressionnant. En tant qu'infirmière, je devrais y être accoutumée, mais... c'est trop oppressant. La simple vue de ce tas de chairs sanglantes... et l'odeur immonde..."

La vue d'un groupe d'enquêteurs en uniforme bleu l'interrompit, et elle se mura dans le silence. L'un des agents tendit un morceau de tissu à Raymond pour qu'il puisse se nettoyer les mains, et rejoignit ses collègues autour du corps, pour les aider à le déplacer sur un brancard. Ils l'emmenaient sûrement à la morgue, pour que les médecins légistes l'étudient attentivement et parviennent à trouver des indices. Rebecca doutait fortement de l'efficacité des autopsies de l'époque ; après tout, ils ne disposaient pas de la technologie de 2011. Pas de reconnaissance d'ADN ou des empreintes digitales. Ils devraient se débrouiller avec les indices qu'ils avaient, et ils ne disposaient pas de grand chose à l'heure actuelle. Si l'assassin décidait de frapper une nouvelle fois, ils trouveraient certainement plus de preuves ; un tueur commet des erreurs, et plus il tue, plus il est susceptible de laisser des traces compromettantes.

Comprenant qu'ils devaient s'en remettre à la police, l'aristocrate lavandien mena les deux jeunes femmes hors de la ruelle. Il leur demanda d'attendre ici pendant qu'il allait chercher des sandwiches, n'ayant plus le cœur à aller déjeuner dans un restaurant chic. La garde en uniforme élégant soupira et se laissa lourdement tomber sur un banc, lasse.

"Je n'y crois pas... un meurtre sur le territoire de monsieur Raymond, et aussi cruel par-dessus le marché... qui peut lui en vouloir au point de commettre un acte qui mettrait en doute son contrôle sur le comté ?
— Peut-être l'Ordre de Mew, lâcha spontanément l'infirmière, songeant au couple Dover. Le baron dit que monsieur Dover fait partie de ce groupe religieux, ils ont pu monter ça pour détourner son attention afin de commettre des méfaits dans son dos..."

La jeune femme à la chevelure flamboyante semblait très sceptique. Sa main soutenant son menton, elle réfléchissait activement, mais rien ne lui vint à l'esprit.

"J'ai des doutes, mais si les intuitions de monsieur Robert concernant madame Lydian Dover sont avérées, il se peut qu'elle tire les ficelles sans que son époux ne soit au courant. Surtout que celui-ci répugnerait probablement à engager un tueur pour détourner l'attention de monsieur Raymond. Je ne suis pas habilitée à psychanalyser qui que ce soit, mais monsieur Dover m'a l'air parfaitement sympathique et équilibré mentalement. A moins que tout ceci ne soit qu'une habile comédie, mais... je ne sais pas quoi penser, à vrai dire.
— Je peux comprendre sans mal, admit Rebecca. Nous sommes embarqués dans une histoire à dormir debout à cause d'un voyageur spatio-temporel qui cache en permanence ce qu'il pense vraiment..."

Marion acquiesça. Effectivement, tout cette situation avait de quoi rendre perplexe n'importe qui. Un type mort en 1964 devenu capable de voyager à sa guise dans l'espace-temps et qui pressentait des menaces apparemment avérées n'avait rien de très cohérent. Peut-être une puissance supérieure était-elle derrière tout cela, mais nul n'aurait été capable de le dire. Le retour du noble lavandien, armé d'un sac de sandwiches, coupa court à leurs réfléxions.


***

Ils rentrèrent de la ville aux alentours de trois heures de l'après-midi. Le manoir était toujours aussi calme, bien que le personnel s'affairât en cuisine pour offrir, comme à l'accoutumée, un somptueux repas au maître de maison et à ses invités. Dès qu'ils furent accueillis par Marvin, le majordome les conduisit immédiatement, armé d'un chariot sur lequel trônaient des tasses de thé, dans la grande bibliothèque à la demande de Raymond, qui souhaitait s'entretenir avec Robert au plus tôt.

Le rouquin, toujours plongé dans de gros volumes, affalé dans un fauteuil particulièrement confortable, tirant de temps à autre une bouffée de sa cigarette fumante, leva les yeux en direction de la porte dès lors qu'il l'entendit s'ouvrir, et esquissa un sourire en voyant arrivé Marvin, suivi du maître de maison, de la commandante de la garde du manoir, et de l'infirmière qu'il avait entraînée jusqu'en 1885. Et au vu de leurs mines très sérieuses, il put rapidement en déduire que leur petite sortie en ville ne s'était pas passée si bien que cela...

"Vous me semblez bien déconfits tous les trois... que s'est-il passé, au juste ?
— Un tueur sévit à Lavandia, j'en ai bien peur... soupira Raymond. Dans le quartier de Lavandia Bay, un cadavre a été découvert. Ce n'était pas beau à voir, vraiment. Tué avec une lame, probablement un poignard long ou une épée. Le tueur l'a éventré... la police lui donne déjà le surnom de "l'Eventreur de Lavandia Bay", vous rendez-vous compte..."

Robert plissa les yeux, intrigué, et ne put s'empêcher de sourire. Décidément, toute cette histoire devenait des plus intéressantes.

"Je vois... ce n'est probablement qu'un stratagème des Dover pour détourner votre attention de leurs sombres magouilles visant à vous destituer du pouvoir et à faire main basse sur le comté de Lavandia, supposa le scientifique. N'y prêtez pas trop d'attention.
— C'est ce que je pensais aussi, intervint Rebecca en se servant une tasse de thé sur le chariot, mais a-t-on la moindre preuve qu'ils sont liés à cela ? Mademoiselle Marion pense que ce n'est pas nécessairement leur fait.
— Il m'est impossible de ne pas prêter attention à cela, monsieur Robert, renchérit Raymond. Je suis chargé de faire régner l'ordre sur la ville, il en va de mon devoir. Si j'ignore cette affaire...
— Très bien, travaillez donc dessus avec la police, nous nous consacrerons à la découverte du plan des Dover. Je ne sais pas ce qu'ils veulent précisément... quant aux preuves de leur culpabilité dans cette histoire, Rebecca... je me contenterai de dire que chaque point doit être éclairci le moment venu."

L'infirmière, déboussolée, plissa les yeux. Cela voulait-il dire que Robert savait de quoi il en retournait ? Après tout, il semblait plutôt serein quant à cette affaire de meurtre, sans même en connaître les détails. Il n'avait pas vu ce corps sanguinolent dans la ruelle, ni senti cette atroce odeur de chair et sang... mais peut-être bien qu'il avait déjà une petite idée sur l'identité du coupable de ce massacre. Son intelligence n'était plus à prouver, elle le savait, bien qu'elle demeure dubitative quant à sa prétendue mort. Elle lui jeta un regard en coin tandis qu'il écrasait sa cigarette sur le chariot à thé, faute d'avoir un cendrier.

Son air avisé, ce sourire pincé qu'il arborait en permanence, ce costume du dix-neuvième siècle, cette lueur énigmatique dans le regard, tout ceci contribuait à le faire paraître plus âgé que ses vingt-huit ans. En y réfléchissant bien, avait-il vraiment vingt-huit ans ? Physiquement, cela ne faisait aucun doute, mais il semblait être bien plus intelligent que le commun des mortels. Un génie, probablement, comme on en voyait un tous les demi-siècles.

"L'Eventreur de Lavandia Bay... qui se cache vraiment sous ce masque de tueur ?"


***

La lumière tamisée donnait une atmosphère agréable et mystérieuse à la grande pièce aux épais rideaux de velours. L'homme masqué et encapuchonné promenait son regard un peu partout dans le somptueux bureau de Lydian Dover, attendant son arrivée. Il avait toujours été très ponctuel et arrivait en avance quasiment à chaque fois qu'il avait un rendez-vous quelque part. La femme arriva finalement, ses cheveux dorés soigneusement attachés comme à son habitude, dans sa longue et magnifique robe couleur lilas. Le visiteur masqué s'inclina poliment.

"Je ne suis pas surprise de te voir déjà là, mon ami. Prends donc un siège, le temps que nous discutions. Mets-toi à l'aise.
— Ce ne sera pas nécessaire, madame, je vous remercie. Je viens simplement m'enquérir de mes prochains ordres. Quels sont-ils ?
— Toujours aussi sérieux, à ce que je vois. Ne veux-tu pas même une tasse de thé ? Ou bien t'en coûterait-il de retirer ce masque ?
— Vous connaissez très bien mon visage, et je ne m'inquiète pas de retirer ce masque en votre présence, madame, mais comprenez qu'il est particlièrement fastidieux de l'ajuster correctement, aussi vais-je refuser votre aimable proposition."

L'aristocrate de Poivressel hocha la tête et porta sa propre tasse de thé brûlant à ses lèvres. Le délicieux brevage la revigora un peu. Elle jeta un œil à l'extérieur. La nuit était déjà tombée depuis deux ou trois heures, et on pouvait entendre, si l'on ouvrait la fenêtre, le chant des Hoothoot nichés dans les arbres du jardin. L'individu portant un masque ne se sentait pas tout à fait à l'aise en présence de cette femme énigmatique. Elle était entourée d'une aura de folie, de démence presque palpable, pour lui qui avait toujours su analyser les émotions humaines. Même lui, qui était un exécutant froid et implacable, se retenait de frissonner face à Lydian Dover. Son regard glaçant figeait son sang dans ses veines, et il aurait été bien en peine de dire ce qui lui passait par la tête.

Une fois qu'elle eut pris tout son temps à déguster son thé, elle sortit de l'un des tiroirs de son bureau une enveloppe scellée par un cachet de cire rouge, et la tendit à l'homme, qui la saisit de sa main gantée de cuir. Son ordre de mission. Allait-il devoir tuer un innocent, encore une fois ? La nuit dernière, il avait erré plusieurs heures dans le quartier de Lavandia Bay pour enfin trouver un rôdeur nocturne. Et il serait juste de croire que cela ne se reproduirait pas ; la police avait recommandé à tout le monde dans le quartier de se montrer vigilant et d'éviter de sortir la nuit, dans la mesure du possible. Néanmoins, l'homme au masques se devait d'obéir aux exigeances de Lydian Dover. Il recevait la majorité de sa paye grâce à ce travail, après tout, et elle ne lésinait pas sur les revenus...