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Parade (OS) de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 24/06/2016 à 15:26
» Dernière mise à jour le 24/06/2016 à 16:39

» Mots-clés :   Absence de combats   Absence de poké balls   Médiéval   One-shot

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Les marcheurs
"Les guerres sont gagnées sur les champs d'entraînement, pas sur les champs de bataille."
— Général Philip Sheridan


On aurait pu entendre les canons hurler et les trompettes chanter. On aurait pu voir les drapeaux fièrement hissés s'envoler au gré du vent. On aurait pu sentir l'odeur de la poudre, de la chair brûlée et du sang. On aurait pu entendre les familles pleurer et les morts se taire. On aurait pu voir la terreur gravée sur les visages, et les vainqueurs piller les perdants. On aurait pu sentir la tension palpable et l'odeur de la mort se répandre partout.

Mais on n'entendait rien de tout cela. On ne voyait rien de tout cela. On ne sentait rien de tout cela. Seuls les sons métalliques de leurs armures, alors qu'ils marchaient, la tête haute, le pas certain, arrivaient jusqu'aux oreilles. L'œil ne parvenait qu'à voir le rouge rutilant de leurs armures et le gris acier de leurs lames. Pas d'odeur. Pas de senteur de sang. Rien. Rien que l'odeur de la peur et de la soumission.

Clang. Clang. Tel était le son de leurs pas martelant le sol de terre battue. On tremblait, on ne pouvait pas détacher le regard ni faire la sourde oreille. On observait, le cœur battant, le sang bouillonnant jusqu'aux tempes, les mains tremblantes, la bouche ouverte de stupeur et d'émerveillement, les sourcils arqués, les yeux exorbités. Une fascination malsaine emplissait les poumons et le cœur et l'estomac, jusqu'à donner des envies de vomir.

Carré, organisé, militaire, le cortège avançait, progressait plus avant, le regard tourné vers le lointain, le pas toujours parfaitement synchrone, dans un silence pesant seulement entrecoupé de déchirements métalliques perçant les tympans. Le chef marchait devant. Plus grand que les autres, plus menaçant, son regard acéré perçait les poumons et les cœurs et les estomacs. Jusqu'à donner des envies de vomir et de fuir à toutes jambes et de mourir.

On ne faisait pas un geste, on gardait le silence, les yeux rivés vers ce spectacle semblant venu d'un autre monde, d'une autre dimension, d'un autre univers. La fille du maire, dans les bras de son paternel, était la plus fascinée d'entre tous. Des flammes d'émerveillement brillaient dans ses grands yeux verts, et elle aurait voulu sauter rejoindre ces étranges marcheurs, mais la prise de son père se resserra sur elle pour qu'elle ne commette nulle folie.

Ils traversaient le village comme si ce territoire leur appartenait, piétinant la terre dans un fracas métallique assourdissant, les lames grises et les armures rouges rendues brillantes par le soleil tapant durement sur la région. Les fermiers indignés ne manifestèrent pas la moindre objection lorsque les marcheurs passèrent, sans se soucier de rien, sur les potagers. Ils avaient les entrailles noués par la peur et étaient incapables du moindre mouvement.

Lorsque le regard du meneur des troupes croisa celui de la fille du maire, l'enfant sentit comme une décharge lui parcourir les veines. Un sentiment nouveau commençait à s'insinuer en elle, telle une scolopendre longeant son dos, lui arrachant des frissons étonnants. La terreur. Jamais elle n'avait expérimenté cela. Elle se sentait plus vivante que jamais, tandis que la main griffue de la peur se resserrait inexorablement autour de son frêle cou de petite humaine.

Bien que cette sensation soit fort désagréable, la petite fille s'y accrochait désespérément. Elle aimait cette impression de ressentir toute la vie du monde s'écouler dans ses veines pour faire battre son cœur à une vitesse qu'elle n'aurait jamais soupçonnée. Ces vagues de froid qui la submergeaient tandis que ses yeux se plongeaient dans ceux, d'un noir profond, du chef des marcheurs en rouge. Son casque pourpre orné d'une lame d'or et d'argent la fascinait.

Elle se demandait comment ils pouvaient se déplacer sans trop fatiguer, avec ces armures rutilantes et lourdes, qui faisaient un bruit monstrueux chaque fois qu'ils avançaient d'un pas. Cela devait beaucoup peser, et en combat, comment faisaient-ils pour paraître autant à l'aise dans ces coquilles d'acier ? Elle qui avait du mal à faire preuve d'endurance, peinait à concevoir que ces armures puissent leur permettre le moindre effort physique. Pourtant, ils poursuivaient leur marche.

Un pas devant l'autre, dans une harmonie parfaite. Le plus grand, le meneur, donnait le rythme, et les autres marcheurs battaient la mesure en une synchronisation si maîtrisée qu'elle semblait surnaturelle. Les villageois, toujours avec ces expressions de profonde terreur sur leurs visages pâles, gardaient leurs yeux exorbités, suivant du regard cette sinistre procession tricolore. Rouge, argent et or. Les trois couleurs des vainqueurs.

Tandis que la fille du maire se débattait pour quitter les bras de son père, comme attirée par une force étrange, le cortège commençait à s'éloigner. Clang. Clang. Le son métallique de leurs pas, résonnant dans tout le minuscule village de campagne. On n'entendait que cela, et le vent sifflant entre les quelques arbres ayant élu domicile à proximité de la bourgade habitée d'un demi-millier d'habitants tout au plus.

Les yeux des villageois ne quittèrent pas la procession composée d'un nombre impressionnant de Scalpion, dominés par leur meneur, un Scalproie. Les marcheurs taciturnes s'en allaient, dessinant une longue file bien ordonnée sur la colline au loin. La petite fille ne frissonnait plus, mais elle avait toujours, imprimée dans un coin de sa tête, cette image du chef la regardant de ses yeux d'un noir d'encre, plongés dans ses orbes verts.

La guerre entre Hommes et Pokémon qui secouait cette petite île perdue quelque part dans la mer, à l'ouest d'Unys, prenait fin. L'armée qui représentait le camp de ces créatures aux pouvoirs fabuleux, uniquement composée de Scalpion et dirigée par le général Scalproie, avait vaincu, et maintenant, les Hommes étaient entre les griffes des Pokémon. Ils s'étaient montrés présomptueux et avaient pensé vaincre, avec leurs seules lames, des êtres aux grandes capacités.

A présent, ils ne pouvaient que regarder partir, au loin, ce cortège sinistre et silencieux, tandis que leur sort reposait entre les pattes des Pokémon. Rien que d'imaginer les cadavres découpés de leur propre armée, les Hommes tremblaient. La nature était contre eux, du côté des Pokémon. Ils devaient l'accepter. Un dernier regard lancé en direction du groupe de Scalpion menés par leur chef leur suffit, puis ils retournèrent à leurs occupations. Que pouvaient-ils faire d'autre ?


"Un Pokémon sans pitié qui tranche en deux ses proies immobilisées par les cohortes de Scalpion qu'il commande."
— Description de Scalproie dans le Pokédex