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» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 19/06/2016 à 21:07
» Dernière mise à jour le 20/06/2016 à 09:44

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-5 : Rencontre avec les Dover
"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre."
- Karl Marx (1818 - 1883) -


Mai 1885, manoir St John, comté de Lavandia, Hoenn.

Il n'y avait pas âme qui vive dans les jardins du manoir. A l'exception de deux employés de maison qui discutaient tranquillement à l'ombre des arbres, sous un ciel d'or, tandis que le soleil amorçait sa descente, entouré d'épais nuages. Ce spectacle de toute beauté plaisait beaucoup à tous les habitants des environs, et ces deux-là ne faisaient pas exception à la règle. Marion Dwight, commandante de la garde du manoir, se méfiait un peu du majordome, Marvin, qui ne lui inspirait pas tellement confiance, mais préférait largement sa compagnie à celle de ses hommes, peu cultivés et pour une partie très condescendants avec elle sous prétexte qu'elle soit une femme. Bien sûr, elle tentait de faire abstraction de tout cela, mais ne pouvait pas totalement s'en détacher non plus. Et puis, elle était encore jeune. Dans quelques années, peut-être bien que cette attitude désagréable disparaîtrait pour laisser place à du respect et de la loyauté. Elle ne se faisait pas trop d'illusions cependant.

Le majordome à l'apparence singulière observait, parfaitement calme, le soleil qui se couchait. Il avait invité la jeune femme à venir discuter quelque temps, mais ne se montrait pas spécialement bavard. Elle commençait à se demander pourquoi elle se trouvait là, avec lui. Lorsqu'elle amorça un mouvement pour se lever, il la retint.

"Nous ne sommes pas pressés, mademoiselle Dwight. Admirez donc un peu ce magnifique coucher de soleil et détendez-vous.
— Mon poste ne me permet pas vraiment de me détendre, vous savez... mais ce n'est pas de refus. Je suis exténuée, étrangement.
— Ce doit être l'été qui approche. La chaleur a tendance à épuiser."

La fière jeune femme resserra un peu son chignon et imita le majordome, ses yeux bleus océan tournés vers le ciel doré. Il avait raison, c'était un spectacle d'une beauté éblouissante, qu'elle ne prenait presque jamais le temps d'admirer. Il fallait la comprendre. A cause de tous ces préjugés qu'avaient ses subalternes à son sujet, elle travaillait constamment, sans se reposer assez, beaucoup plus durement qu'eux. Quand bien même, ils ne la traitaient toujours pas avec le respect qu'elle méritait. On ne cessait de lui répéter que ça ne changerait jamais, mais elle se plaisait à croire qu'un jour, on la considérerait à sa juste valeur, comme le faisait son employeur, le baron St John.

"De quoi vouliez-vous discuter avec moi, exactement ? Je ne pense pas avoir autant de culture que vous, soupira la jeune femme.
— Détrompez-vous, je crois que vous êtes la seule qui mérite d'être au courant parmi les autres employés de monsieur Raymond.
— De quoi est-il question, au juste ?
— C'est quelque chose d'un peu délicat, mais je vous l'assure, c'est la vérité, et monsieur Raymond vous le confirmera. A vrai dire, c'est lui-même qui m'a demandé de vous mettre au courant. J'ose espérer que vous ne mettrez pas en doute ce que je vais vous dire, expliqua Marvin.
— ...tout dépend de ce que c'est. Je vous écoute."

Le majordome entreprit donc de raconter tout ce que le baron lui avait demandé d'apprendre à Marion. Il n'omit aucun détail, et expliqua tout, du début à la fin. Elle n'intervint pas pendant ce long discours, mais ses expressions faciales en disaient très long sur ce qu'elle pensait. Une fois que Marvin eut terminé, elle se prit la tête dans les mains, en proie à une réfléxion intense, et soupira.

"Seigneur Arceus, qu'est-ce que vous me chantez là ? Le voyage spatio-temporel ? Sérieusement ?
— Je me doutais bien que vous ne me croiriez pas, mais monsieur Raymond lui-même a eu l'occasion de vérifier si oui ou non cela était vrai, et ça l'est. Mademoiselle Rebecca et monsieur Robert viennent respectivement de 2011 et de 1964.
— Je n'ai pas eu l'occasion de m'entretenir avec eux, ils sont directement partis avec monsieur le baron et les Dover... argh. Et puis, pourquoi donc me prévenir, moi, que des voyageurs spatio-temporels se trouvent ici ?"

Le majordome esquissa un sourire, qui sembla donner de la vie à son visage pâle comme la mort. En trois ans, Marion ne l'avait jamais vu lui adresser ne serait-ce qu'un signe, et voilà qu'ils discutaient tous les deux comme de vieux amis. Mais elle avait d'autres choses plus importantes auxquelles penser.

"Si monsieur Raymond vous a choisie comme l'une des rares personnes à mettre au courant, c'est qu'il vous tient en haute estime. Après tout, ne vous a-t-il pas confiée la tâche de veiller sur le manoir ? Il vous fait confiance, sachez-le.
— ...vu comme ça, effectivement, ça tombe sous le sens. Ecoutez, j'aimerais croire à tout cela, mais il faudrait peut-être commencer par me prouver que le voyage spatio-temporel est possible, soupira la jeune femme.
— Voudriez-vous que monsieur Robert vous fasse une démonstration de ses talents ?
— C'est ça, l'idée, oui.
— Fort bien, nous arrangerons ça après son entrevue avec les Dover."

La commandante de la garde du manoir St John hocha la tête et se plongea à nouveau dans une réfléxion intense. Pour elle, c'était un honneur que d'avoir ce poste prestigieux auquel aspiraient tous ses subalternes. Elle était forte. Et elle devait le rester, quel qu'en soit le prix. Elle se le promit en silence, tout en gardant les yeux rivés sur ce ciel d'or et ce soleil couchant. Marion Dwight protégerait l'aristocrate lavandien au péril de sa vie, il s'agissait de son devoir. Et un Dwight remplissait toujours son devoir, peu importe le danger. Marvin pouvait presque sentir sa détermination, et esquissa un sourire.


***

Le couple Dover fut rapidement conduit jusqu'au bureau de Raymond, accompagné de Robert et Rebecca. Laquelle ne cessait de jeter des regards mauvais à Lydian, cette quadragénaire blonde aux apparences antipathiques, qui ne dissimulait certainement pas un bon fond. Elle ne savait pas comment l'expliquer, mais depuis qu'elle se trouvait en sa compagnie, elle ressentait un malaise permanent qui semblait la ronger de l'intérieur, comme une grave maladie. Et elle fuirait volontiers Lydian Dover comme elle fuirait la peste.

Le bureau du maître de maison était une grande pièce sobrement décorée, avec de larges étagères remplies d'ouvrages de chaque côté. Le scientifique de 1964 s'avoua impressionné par une telle quantité de livres, qui rivalisait aisément avec celle de l'université où il avait pu faire ses études, de 1954 à 1958. On les fit asseoir, et une employée de maison leur apporta un thé bien chaud à l'odeur apaisante. Une fois tout le monde assis, Raymond se permit de faire les présentations.

"Monsieur et madame Dover, je vous présente le comte Robert Steiner, de Sinnoh, et sa charmante sœur, Rebecca. Ce sont de vieux amis.
— Sa sœur ? s'étonna Lydian, haussant un sourcil, dubitative. Vous n'avez aucun trait en commun, pourtant.
— Je vous épargnerai les détails de notre vie de famille, lady Dover, soupira Robert, désireux d'en apprendre plus au sujet du couple venu de Poivressel.
— Ne me dites pas qu'ils vont assister à notre entrevue ?"

Raymond serra les dents, nerveux. Il savait que l'épouse du gouverneur de Poivressel était plutôt du genre à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Mais compte tenu de la situation, il ne pouvait pas se permettre d'écarter Robert et Rebecca de la conversation. Tous deux avaient après tout leur rôle à jouer ici, s'ils comptaient écarter cette fameuse menace qui planait sur la région, et qui était sans doute liée aux Dover et à l'Ordre de Mew.

"Ils ne nous dérangeront pas, vous avez ma parole, lady Dover, assura le maître de maison. Tout va bien se passer, nul besoin de s'inquiéter, d'accord ?
— ...fort bien, consentit la femme blonde, non sans un regard suspicieux adressé aux deux étrangers.
— Lydian, chérie, détends-toi, nous ne sommes ici que pour discuter, c'est tout, ajouta Finn Dover, mal à l'aise.
— Faites comme si nous n'étions pas là, vous verrez, c'est efficace", sourit Robert, parfaitement détendu comme à son habitude.

Rebecca secoua la tête, excédée. Comment pouvait-il être si serein en présence de ces deux énergumènes qui avaient l'air tout sauf honnêtes ? Elle prit son temps pour les observer, tandis qu'ils discutaient affaires avec Raymond. L'homme, Finn, ne semblait pas plus dangereux que cela, en dépit de ce que leur hôte avait sous-entendu à leur sujet. S'il faisait partie de l'Ordre de Mew et qu'il était fou, il le cachait vraiment très bien. Son épouse Lydian, en revanche, l'inquétait bien plus. Rien qu'en la regardant, on pouvait sentir toute sa noblesse et son arrogance, qui transparaissaient par tous les pores de sa peau, qui semblaient presque hurler au commun des mortels qu'elle leur était largement supérieure. Et Rebecca l'aurait volontiers crue capable de proclamer cela devant ses yeux. Son regard émeraude était dur et pourrait sans doute transpercer la plus solide des couches d'acier.

La conversation allait bon train, mais ni l'infirmière ni le chercheur n'y prêtèrent une véritable attention. Tous ces simulacres de politesse et de bienséance dissimulant une extrême animosité ne les intéressaient pas. Ils se contentaient d'agir en observateurs silencieux, si bien que ni l'un ni l'autre des Dover ne se préoccupa plus de leur présence.

Si Rebecca observait ces deux invités énigmatiques d'une manière très générale, Robert, de son côté, préféra s'intéresser de très près à leurs petites manies. Ces gestes en apparence anodins pouvaient permettre de déterminer un certain nombre de choses chez un être humain, comme il avait pu l'apprendre lors de ses cours de psychologie. Finn Dover passait constamment sa main dans ses cheveux noirs lorsque la conversation semblait tourner à l'avantage de Raymond. Un signe d'anxiété évident. Le rouquin put aisément déduire que cet homme était quelqu'un de très nerveux et peu sûr de lui, ce qui ne collait pas vraiment avec son titre de gouverneur du comté de Poivressel. Exercer une telle fonction requérait une importante confiance en soi et une volonté inébranlable. En revanche, en observant Lydian plus en détail, il fut impressionné de constater qu'elle était tout l'inverse de son mari. Cette manie qu'elle avait de porter sa main à son visage, probablement inquiète d'avoir des rides, traduisait son côté superficiel. Sans oublier sa tendance à constamment joindre les mains, qui n'augurait rien de bon, sinon un air conspirateur presque effrayant.

Mais le plus affolant chez cette femme, c'était sans aucun doute son regard. Elle avait beau être forte pour cacher ses émotions, il transparaissait toujours quelque chose dans ces orbes verts émeraude. En l'occurence, une once de folie qu'il serait idiot de ne pas prendre en considération. Robert put conclure, grâce à ces quelques observations rudimentaires, que s'il y avait bel et bien quelqu'un de dangereux au sein du couple Dover, il s'agissait de Lydian.

Une fois que la conversation fut terminée, Raymond fit reconduire les Dover chez eux, car la quadragénaire blonde refusait de passer la nuit au manoir St John. Son époux s'en excusa et quitta la demeure à sa suite. Le maître de maison soupira.

"Je ne sais pas si cette entrevue nous a apporté quoi que ce soit, en vérité. Nous n'avons fait que bavarder de choses et d'autres autour d'un thé, rien d'autre... on n'a même pas eu l'occasion d'aborder le sujet important plus en détail, ils refusaient d'écouter !
— Détrompez-vous, j'ai pu trouver des informations intéressantes en observant attentivement ces deux-là, admit Robert.
— J'ai moi aussi pu en déduire quelque chose d'important", ajouta Rebecca.

Raymond, dubitatif, leur demanda des précisions. Ils lui expliquèrent tous les deux ce qu'ils pensaient du couple Dover.

"Ainsi donc, vous pensez que c'est Lydian qui tire les ficelles, et que son mari n'est qu'un pantin ? Il est vrai que je n'ai pas songé à les observer avec toute l'attention requise...
— Admettez-le, elle est bien plus louche que lui, non ? insista l'infirmière.
— Il est vrai qu'elle a un comportement plutôt condescendant et un mauvais caractère très affirmé, bien plus que son époux... mais nous ne pouvons être certains de rien. Peut-être que ce n'est qu'une habile comédie pour nous détourner de la vérité."

Robert sembla réfléchir un moment.

"Je ne crois pas que l'on puisse pousser la comédie aussi loin. A moins qu'ils aient pris des cours de théâtre, ça m'étonnerait que ce soit une mascarade.
— Ce serait très fort de leur part, si c'était le cas, songea la jeune femme.
— ...vous avez sans doute raison. La politique rend paranoïaque, à force. Je crois que j'ai bien besoin de repos.
— Vous n'avez tout de même oublié ce que vous m'avez demandé, monsieur Raymond ?" intervint une voix masculine.

Marvin arrivait dans leur direction, accompagné de la jeune femme aux cheveux rouges qui dirigeait la garde du manoir, Marion Dwight. Celle-ci avait le maintien droit et le regard fier. Robert en fut impressionné. Sans doute allait-elle se rendre particulièrement utile lors de ce conflit opposant son employeur aux Dover.

"Pardonnez-moi, Marvin, je crois que je manque vraiment de sommeil. Vous avez réussi à la convaincre ?
— Pas vraiment, soupira Marion. J'aimerais bien y croire, mais pour ça, il me faudrait une démonstration."

Le rouquin s'approcha d'elle et lui prit la main pour y déposer un baiser, comme le ferait n'importe quel gentleman lavandien. Elle s'en étonna et l'observa sous toutes les coutures, intriguée.

"C'est donc vous, qui avez le pouvoir de voyager à votre guise à travers le temps et l'espace...
— En chair et en os, mademoiselle."

Il lui offrit un sourire aimable et lui tendit sa main.

"Alors, où voulez-vous aller ? Je vous préviens, la première fois, ça peut causer des maux d'estomac."

Marion plissa les yeux, dubitative, et donna une destination et une époque au hasard. Une seconde plus tard, un flash de lumière aveuglante les enveloppa, puis ils disparurent.