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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 18/06/2016 à 18:49
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:52

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -32 : Le Commissariat
Will s'arrêta un instant sur la passerelle et regarda l'immense bâtiment du Commissariat d'Omnia qui se dressait au-dessus de lui.

Voilà huit ans qu'il ne s'en était pas approché d'aussi près. Il s'agissait d'une immense tour, un peu moins belle et plus pragmatique que ses consœurs dans son allure. Plus large que la majorité des autres bâtiments de la ville haute, le Commissariat avait une forme d'énorme dôme d'acier et de verre, et ne comportait qu'une seule entrée par laquelle entraient et sortaient une dizaine d'Elitiens. La demi-sphère était en fait constituée d'une myriade de petites facettes, à la manière d'une boule disco. Chacune reflétait la lumière du soleil, donnant à l'édifice l'air d'une gigantesque sphère lumineuse lorsque l'on était au zénith.

Avec un soupir, Will reprit sa marche, appréhendant légèrement. Il avait troqué son éternel imperméable marron contre des habits plus « normaux ». L'une des étapes la plus importante d'une P.R.E. était l'examen psychotechnique. Will était un ancien Elitien, et en tant que tel, il avait été formé à l'analyse comportementale et au profilage. Il savait ainsi que la manière qu'avait une personne de s'habiller pouvait en dire long sur elle.

Lorsqu'il atteint l'entrée du Commissariat -une simple arche formée par la jonction de la passerelle avec la demi-sphère-, il franchit les portails détecteurs. Ces dispositifs étaient paramétrés pour détecter les métaux, les Pokéball, ainsi que certaines substances considérées comme dangereuses. L'objectif était évidemment d'empêcher tout potentiel terroriste de pénétrer à l'intérieur du bâtiment de la ville contenant le plus d'Elitiens. Afin de ne pas se faire refouler à l'entrée, Will avait donc du laisser la Pokéball de Fenrir à son appartement. L'Arcanin n'aurait jamais été admis dans l'enceinte du bâtiment. Seuls les Elitiens pouvaient pénétrer dans le Commissariat avec leurs Pokémons.

Will remarqua cela dit que la sécurité avait été renforcée par rapport à son époque. Au lieu des deux Elitiens débutants que l'on affectait jadis à la garde de la porte se trouvait désormais toute une escouade d'agents chevronnées, à en juger par les galons sur leurs épaules. Un Officier se trouvait même parmi eux, chose rarissime à l'époque de Will.

L'organisation des Elitiens était simple ; chaque agent pouvait commander à ceux de ses camarades qui possédaient moins de galons que lui. Lesdits galons étaient des gages de l'avancement hiérarchique de leur porteur, que l'on acquérait en récompense pour des opérations menées avec brio, ou simplement en reconnaissance de l'ancienneté. Avec chaque nouveau galon venait bien sûr un salaire et des responsabilités plus importantes. Enfin, au bout de dix galons, l'Elitien était promu Officier, et pouvait s'il le désirait prendre la charge d'un département entier du Commissariat : analyse comportementale, section médico-légiste, section criminelle, brigade d'intervention, etc. C'était la plus haute distinction à laquelle pouvait prétendre un Elitien, et sur les deux-trois cents agents que comptait Omnia, seule une vingtaine étaient Officiers.

Il n'était pas rare que les plus fidèles Elitiens se voient récompensés d'une promotion d'Officier peu avant leur retraite ; mais obtenir ce grade à cinquante ans seulement, comme l'avait fait Garvin, était la preuve indéniable d'un agent talentueux. Quoiqu'en dise le vieil Elitien aux tempes grisonnantes, il pouvait être fier.

Will s'approcha du portique et attira évidemment l'attention. Bien qu'il porte des habits considérés comme normaux par ses contemporains –un pantalon noir et un blazer assorti-, il n'était pas vêtu de l'uniforme des Elitiens, ce qui était rare parmi les visiteurs de l'endroit.

« Halte ! Vous, approchez ! » le héla un Elitien après que le détective eût passé les portiques de sécurité.

Will obtempéra et marcha d'un pas assuré vers l'homme. Il avait l'air familier. Son front était plus ridé et sa barbe drue prenait une teinte poivre et sel, mais le détective n'eut aucun mal à le reconnaître.

« Bon sang, Stelmar, c'est toi ? s'étonna l'homme
- Salut, Adrien. Ça fait longtemps. » sourit Will en serrant la main de son ancien collègue.

Adrien Lacroy avait obtenu son diplôme de l'Académie la même année que Will ; tous deux avaient servi dans la brigade d'intervention, huit ans plus tôt. Adrien lui avait même sauvé la vie une fois, lors d'une descente qui avait dégénéré.

« Tu peux le dire ! Ça fait quoi… dix ans ?
- Huit. Alors, on est affecté à la sécurité ?
- Ouais… On manque d'effectifs, alors ils ont rappelé quelques gars des patrouilles de surface pour s'occuper des allées et venues ici. Tu parles d'un job. Foutue Résistance. Ils rendent tout le monde parano. Allez, viens que je te scanne. Papy m'avait pas dit que la Taylor avait eu ce qu'elle voulait… Tu sais qu'il est devenu Officier ?
- Il me l'a dit, oui. On a pris un café ensemble la semaine dernière. Il le mérite, répondit Will en laissant Lacroy lui braquer son scanner rétinien en direction de l’œil droit.
- Tu viens pour ta P.R.E. ?
- Oui. Tu sais qui s'en charge ?
- Euh… Aucune idée. J'espère pour toi que c'est pas Riviera.
- Riviera est passé au recrutement ? s'inquiéta Will.
- A l'analyse comportementale. Tu pourrais très bien tomber sur lui, fais attention. Et je le vois bien faire des pieds et des mains pour t'emmerder. Vivement qu'il se barre en retraite, si tu veux mon avis... »

Le petit cylindre pourvu d'une lentille se mit à projeter holographiquement un portrait de Will, tout en énonçant d'une voix synthétique :

« William Aaron Stelmar. Activité : secteur libéral. Externe. Attendu à 15h30 en salle d'examens 3N012. Motif : P.R.E.
- Ok, tout est en ordre, papy a bien fait les choses, annonça Lacroy d'un ton appréciateur. Tu te rappelles du chemin ?
- Je devrai m'en sortir.
- Bonne chance, Stelmar. Passe prendre un coup à la maison à l'occasion. Ça m'a fait plaisir de te revoir.
- Moi aussi, Adrien. Moi aussi. » sourit Will en hochant la tête.

Il s'éloigna, pensif. Il n'avait jamais vraiment gardé de contact avec les Elitiens, à part Garvin ; il avait préféré se couper de tout ce qui pouvait lui rappeler Diane.

Et voilà pourtant que tout ça le rattrapait. Avec un soupir, il leva la tête et contempla l'intérieur du Commissariat qu'il n'avait pas fréquenté pendant huit ans, et qui lui paraissait pourtant si familier.

La demi-sphère comportait une grande tour centrale, d'une cinquantaine de mètres de diamètre. C'était là que se trouvaient les bureaux. Tout le reste du dôme n'était qu'un immense hall ouvert et lumineux, dans lequel étaient accrochées de nombreuses banderoles rouge et or affichant le logo C.E.O. : Commissariat des Elitiens d'Omnia. De nombreux escaliers et passerelles desservaient les différents étages de la tour administrative, où des dizaines d'Elitiens circulaient. Certains trottinaient avec hâte d'un palier à l'autre, d'autres discutaient d'un air pressé. L'atmosphère était nerveuse, et le Commissariat sembler fourmiller d'activité à tous les étages.

Will emprunta l'un des escaliers et gravit une volée de marches jusqu'au troisième niveau. Il crut reconnaître quelques têtes parmi les Elitiens qu'il croisait, mais ne s'arrêta pas pour les saluer. La majorité d'entre eux feignait de ne pas le reconnaître, ou alors le regardait avec étonnement, voire dédain. Will ne s'étonna pas. L'issue de sa dernière mission en tant qu'Elitien justifiait son exécrable réputation au Commissariat.

Il se dirigea plein nord, empruntant une passerelle reliée au plafond par des filins solides. En quelques pas, il parvint à l'une des innombrable entrées de la tour centrale, et ouvrit la porte d'un geste qui se voulait plus assuré qu'il ne l'était. Le détective aurait aimé voir Garvin avant son entretien. Hélas, en tant que nouvel Officier, son ami devait être particulièrement occupé.

L'intérieur de la tour administrative était bien moins ouvert que le hall ; la lumière que crachaient les néons blafards conférait un air aseptisé aux longs couloirs circulaires qu'arpentaient les Elitiens. Des volées de portes s'ouvraient sur ces corridors, et malgré les timides plantes vertes disposées ça et là en guise de décoration, Will avait toujours trouvé l'endroit étouffant. C'était en partie pour cela qu'il n'avait jamais pu se résoudre à une carrière de bureaucrate.

Il arpenta le couloir, fouillant dans sa mémoire pour se remémorer l'emplacement de la salle 3N012 où il avait rendez-vous. Finalement, il finit par la trouver, après être passé devant sans la remarquer et avoir fait un tour superflu de l'étage.

Il consulta sa montre -encore une relique d'un âge passé, à l'époque où tout le monde possédait l'heure sur son téléphone- et constata qu'il avait deux minutes d'avance.

Tu t'es surpassé, mon vieux, se dit Will.

Il attendit quelques instants, tâchant de se remémorer les divers entretiens qu'il avait pu passer dans sa vie. La P.R.E. était une procédure générale, que l'on adaptait en fonction du travail pour lequel on recrutait, aussi revêtait elle des formes variées selon les personnes. En revanche, chacun comportait un examen psychologique, et c'était bien cela dont Will se méfiait.

A 15h29, Will frappa deux coups secs à la porte… et se figea une seconde lorsqu'il aperçut qui lui ouvrait.

Là, face à lui, la main sur la poignée et un sourire narquois sur le visage, se trouvait l'Officier Frank Riviera. L'homme qui avait pris la décision de retirer à Will son badge d'Elitien. L'homme que Will avait toujours considéré comme en partie responsable de la mort de Diane.

« Entrez, Stelmar. » ordonna-t-il d'une voix mielleuse.

Will eut la présence d'esprit de lâcher un vague « Bonjour » en pénétrant dans la pièce. Cette dernière n'était meublée que par deux chaises de part et d'autre d'une simple table sur laquelle était posée une chemise cartonnée. Le détective était trop perturbé par la présence de Riviera pour continuer à détailler son environnement, aussi reporta-t-il toute son attention sur l'Officier.

Frank Riviera était un homme au visage fuyant et au teint mat. Mince et assez petit, un peu plus âgé que Garvin, il n'était pas très impressionnant. Ses yeux sombres étaient soulignés par de sévères cernes, et ses lèvres étaient pincées, lui donnant l'air irrité en permanence. Will, qui le dépassait de presque une tête, ne se laissa pas tromper. Frank Riviera n'était pas un excellent agent de terrain, mais il était redoutablement intelligent. Et retors.

Ses vieux réflexes reprirent le dessus et le détective se tint droit, mains jointes dans le dos, comme à l'époque où il faisait ses rapports à celui qui était son supérieur d'antan.

L'ex-Elitien serra les dents. Lacroy avait vu juste. Le connaissant, Riviera avait fait tout son possible pour qu'on lui affecte cet examen, et dire qu'il allait prendre un malin plaisir à tourmenter Will était un euphémisme.

« Asseyez-vous.
- Excusez-moi, Monsieur, mais depuis quand est-ce que les Officiers s'abaissent à faire passer les entretiens d'externes ? lança Will d'un ton qui s'efforçait d'être respectueux.
- Depuis que l'externe en question est responsable de la mort d'un de mes meilleurs agents, qu'il est impliqué dans le plus grand échec du Commissariat de cette décennie et qu'il a risqué la vie du Chancelier et de sa famille, répondit Riviera en souriant.
- Sauf votre respect, Monsieur, je dirai plutôt que le plus grand échec du Commissariat de cette décennie est la manière dont il gère actuellement la Résistance. » rétorqua Will.

Le détective regretta presque immédiatement cette phrase. Il serra les dents. Il venait de rater l'examen avant même de l'avoir commencé, et Riviera le savait.

L'Officier s'assit tranquillement sur sa chaise et croisa les mains, regardant Will avec son sourire narquois. Riviera ne prit même pas la peine de répondre. Les deux hommes se fixèrent pendant quelques secondes. La tension était palpable.

« Asseyez-vous, Stelmar. »

Will obtempéra sans un mot et tâcha de garder son calme. Garvin avait fait tout son possible pour lui obtenir cet entretien. Par égard pour son ami, il devait au moins faire l'effort d'aller jusqu'au terme de l'examen.

« Bien. J'ai l'obligation légale de vous informer que cet entretien sera enregistré, et que vos paroles comme les miennes pourront être examinées par un comité tiers. Ai-je votre accord ?
- Oui.
- Parfait. L'enregistrement a bien évidemment débuté dès votre entrée dans la pièce. »

Will s'efforça de rester impassible, mais le sourire faussement aimable de Riviera lui donnait envie de partir en claquant la porte. Cet homme était une plaie, et il allait tout faire pour le déstabiliser. L'Officier serait le plus heureux des hommes si Will était déclaré inapte ou pas assez fiable. Il ne fallait absolument pas que le détective lui donne des raisons de poser ce diagnostic.

« Officier Frank Riviera, matricule B026, annonça son interlocuteur d'une voix claire. Procédure de Recrutement d'Externe de William Aaron Stelmar, candidat à la protection rapprochée de la civile Tia Taylor, à la demande de cette dernière. Numéro de dossier : 1625. Entretien numéro 1. Vous confirmez être William Aaron Stelmar ?
- Oui.
- Bien. Commençons. Quel âge avez-vous, monsieur Stelmar ?
- Trente-six ans.
- Quelle est votre activité professionnelle ?
- Je suis enquêteur de droit privé.
- De quelle formation disposez-vous ?
- Je suis rentré à l'Académie quand j'avais quinze ans. J'ai obtenu le diplôme à dix-huit ans. »

Will donnait des réponses les plus courtes et précises possibles. Il savait que beaucoup de candidats commettaient l'erreur de bafouiller ou de se reprendre, pour finir par en dire trop, aussi prenait-il toujours une ou deux seconde de réflexion avant de répondre.

« Quel parcours professionnel avez-vous effectué ensuite ?
- Je suis devenu Elitien, répondit Will, qui commençait à voir où Riviera voulait en venir.
J'ai été intégré au service de sécurité de la Chancellerie, où j'ai servi pendant deux ans. Après quoi, j'ai été muté au service d'intervention où j'ai servi cinq ans. On m'a ensuite affecté à la brigade spéciale pendant trois ans, après quoi j'ai quitté le Commissariat.
- Pourquoi donc ? » demanda Riviera d'une voix mielleuse.

Will se raidit. Riviera le savait parfaitement, et les archives du Commissariat contenaient encore son dossier. Si l'Officier posait ces questions d'apparence anodine, c'était uniquement pour le pousser à s'énerver.

« Mon badge m'a été retiré à la suite de l'échec d'une mission d'intervention qui a conduit à la mort de huit civils, ainsi que de l'agent Diane Sunderland. La brigade dont j'étais membre a ensuite été dissoute.
- Parlez-moi de cette opération.
- Une enquête a été menée, protesta Will. Tous les détails sont dans les archives du Commissariat.
- Vous êtes prié de répondre aux questions, et uniquement aux questions. » rétorqua Riviera d'une voix doucereuse.

Will crispa les mâchoires. Riviera était en position de force, et ils le savaient tous les deux. Si Will refusait, là, maintenant, alors que leur conversation était enregistrée, c'était admettre devant témoin que cet événement l'avait traumatisé et qu'il n'était peut-être pas assez stable pour s'occuper de la protection de Tia Taylor.

Les souvenirs longtemps refoulés s'agitèrent dans son esprit telle une masse d'eau agitée. Le barrage psychologique qu'il avait mis en place pour survivre à son deuil se fissura, céda, et le passé déferla dans son esprit comme un torrent déchaîné.

Alors, Will ferma les yeux et se remémora Diane, leur rencontre, son sourire, leurs disputes, et ce jour maudit où, huit ans plus tôt, tout avait basculé.