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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 07/06/2016 à 16:26
» Dernière mise à jour le 04/07/2016 à 11:35

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Film 18 (2/5) : Le coeur qui tremble

Le coeur qui tremble - Lara Fabian


Athéna arracha la boîte des mains de Pandore juste avant que celle-ci n'en soulève le couvercle. Cela ne s'était joué qu'à une fraction de seconde, mais elle était parvenue à l'arrêter à temps. Avec un soupir de soulagement, elle se redressa, avant de poser son regard sur l'humaine.

Des larmes baignaient ses yeux noisette. Elle semblait terriblement coupable de l'acte qu'elle avait failli commettre. Si la déesse la fixa un instant avec déception, son expression se radoucit rapidement, au fur et à mesure que Pandore sanglotait ses explications :

- Joséphine va mourir ! Il fallait... Il faut que je trouve un remède. Je ne peux pas... Je sais que l'avenir du monde est en jeu et je sais que c'est égoïste, mais je serais prête à le sacrifier pour que survive ma petite soeur.
- Chut... Calme-toi, d'accord ? C'est une simple erreur de parcours. Je suis arrivée à temps pour t'éviter de commettre l'irréparable. Personne n'en saura rien, et...
- Au contraire.

Athéna sursauta. La silhouette d'un homme à la barbe grisonnante se découpait sur le seuil de la maison, dans son dos, qu'elle observa avec une légère crainte dès qu'elle se fut retourner. Pandore, apeurée par cette apparition, blêmit et se mit à trembler. L'individu portait un capuchon, ainsi qu'un sceptre.

- Q-Qui êtes-v-vous ? bredouilla-t-elle.
- Père, que...
- Arceus savait que tu ne pourrais t'empêcher d'altérer le futur, toi qui prétend pourtant toujours ne jamais abuser du pouvoir de tes Zarbi, en particulier lorsqu'il est question de l'avenir.
- Je ne pouvais pas permettre à la boîte d'être ouverte.
- Non, mais ton petit discours vient de trahir tes intentions. Tu n'avais nullement l'intention de mentionner l'échec de l'humaine à Arceus, en dépit de votre pacte. Tu me déçois profondément, ma fille.

Pandore écarquillait les yeux de terreur, désormais. Elle s'était rapprochée de la déesse au point de se blottir contre elle, car Zeus lui inspirait une crainte indicible. Athéna passa un bras réconfortant autour de ses épaules, puis s'adressa à son patriarche sur un ton suppliant :

- Je t'en prie, ne lui dis rien au sujet de ce qui vient de se passer. Je te le demande comme une faveur. Les humains... J'ai eu l'occasion de beaucoup les observer, ces derniers temps. Ils sont dotés de bonnes intentions.
- Sauf que pour les réaliser, ils commettent de mauvaises actions. Pire, des erreurs. Ils sont comme Lilith. Imparfaits. Dominés par des sentiments exécrables. Arceus a été suffisamment clément de leur accorder une chance qu'ils ne méritaient pas. Dussent-ils en avoir un millier qu'ils échoueraient de la même façon. Quant à toi, ma fille, si jamais tu tentes à nouveau de désobéir à ton Alpha, qui de surcroît se trouve être celui auquel je suis lié, je peux t'assurer que tu le regretteras.

Zeus arracha le coffret des mains d'Athéna, sans que celle-ci ne tente de résister. Il l'écarta ensuite d'un geste du bras assez virulent pour la repousser loin de Pandore. Cette dernière laissa échapper un petit gémissement apeuré quand il s'approcha d'elle. Il la souleva du sol de son bras libre et la chargea sur son épaule avec autant de facilité que s'il s'agissait d'une sac de coton.

- Non ! Non ! couina-t-elle. Lâchez-moi, je vous en prie ! Je vous en supplie !
- Silence, mortelle ! Arceus a ordonné que je t'amène à lui sitôt que tu aurais brisé ton serment, et c'est ce que j'ai l'intention de faire.
- Non ! Vous ne pouvez pas m'emmener. Joséphine, elle... Athéna, s'il vous plaît ! Ma petite soeur... Elle ne doit pas rester toute seule.

Le dieu du tonnerre porta Pandore jusqu'au dehors, sans souffrir des coups de poing et de pied qu'elle tentait de lui asséner dans l'espoir qu'il desserre son étreinte sur elle. La maîtresse des Zarbi les observa. En cet instant, elle éprouvait l'envie de tenir tête à son père, de s'opposer à lui, néanmoins elle savait que le seul moyen qu'elle avait de l'arrêter était de se battre contre lui, or jamais elle ne s'y résoudrait.

Elle hésita, tandis qu'il s'éloignait en emportant Pandore avec lui. Elle désirait les suivre, mais le contact léger de la fiole contenant le médicament pour Joséphine au contact de sa jambe lui ordonnait de rester et de soigner la fillette. Si elle laissait Zeus prendre trop d'avance, cependant, elle ne le rattraperait pas avant qu'il n'ait conduit l'aînée auprès d'Arceus.

Il n'était pas stipulé, dans leur accord, qu'il aurait le droit de se venger personnellement de la mortelle, en plus de livrer son espèce à elle-même, pourtant cette décision ne la surprenait pas vraiment. Elle aurait dû se douter dès le départ qu'il tiendrait à la châtier personnellement.

Elle glissa sa main dans la poche de sa robe et en sortit un petit flacon, qui contenait une potion de guérison. Une seule gorgée suffirait à Joséphine de se rétablir. Elle devait faire vite si elle tenait à avoir une chance de la sauver non seulement elle, mais également Pandore.

- Antonin ! appela-t-elle, en se remémorant le nom du frère de celle-ci. Antonin !

Une porte s'ouvrit timidement en grinçant sur ses gonds et le garçonnet apparut dans l'embrasure. Elle lui adressa une expression amicale, afin de le rassurer, car il paraissait craintif. Il avait dû entendre sa soeur hurler quand Zeus l'avait empoignée et, à présent, il s'inquiétait, ce qui était parfaitement légitime.

- Où est Panny ? Pourquoi a-t-elle crié ?
- Je m'occupe d'elle. Toi, en revanche, tu dois prendre soin de Joséphine. Pand... Panny a dû s'absenter pour un moment, alors il va falloir que tu te montres fort et courageux pour aider ta cadette. Tiens. Donne-lui ceci, c'est un remède très efficace.
- Panny a dit qu'il n'en existait pas. Que s'il y en avait un, elle l'aurait déjà trouvé.
- C'est parce qu'il n'y en a pas à Sinnoh. Celui-ci est très spécial, il vient de ma contrée et il est excessivement rare. Surtout, prends bien garde à ce flacon, car je ne pourrais certainement pas m'en procurer un autre. Fais-le lui boire et tu verras qu'elle se sentira immédiatement mieux.

Antonin observa son interlocutrice avec suspicion. En temps normal, il ne se méfiait pas d'elle, mais en l'absence de Pandore, il semblait se montrer beaucoup plus méfiant. Cela n'avait rien d'étonnant, le pauvre enfant devait être terrifiée. Son aînée venait de se volatiliser et son autre soeur était mourante.

- S'il te plaît, insista Athéna en lui tendant le flacon. Si elle n'avale pas ce remède très vite, elle va...

Elle n'acheva pas sa phrase à cause de l'expression terrifiée qu'affichait désormais le garçon, en plus de ses yeux qui s'étaient soudainement embués. Il hésita encore une fraction de seconde, puis finit par faire un pas tremblant en direction de la déesse. Elle le congratula d'un sourire, puis quitta la maison au pas de course dès qu'elle lui eut remis le médicament.

***
- Cronos ? répéta Lugia. Impossible. Athéna a définitivement vaincu tous les fragments épars de son âme, à l'exception de celui à partir duquel je t'ai créée.
- Justement. Grâce à cela, j'ai eu accès à ses connaissances, j'ai pu découvrir le Chaos du temps où il régnait seul avec Arceus, avant la création du monde, puis la défaite cuisante qu'il a subi face à lui, ainsi que face à Athéna. Jusqu'à présent, il n'y avait rien eu de nouveau, et pourtant... Pourtant aujourd'hui, je suis certaine de l'avoir senti.

Némésis s'interrompit. Elle ne s'était pas encore remise du bouleversement qu'elle avait subi en percevant le démon. A cause de ses origines, elle n'était pas réellement surprise de découvrir qu'une sorte de connexion s'était établie entre elle et Cronos. En revanche, cela l'inquiétait.

- S'il est de retour, cela ne laisse rien présager de bon. Arceus ne pourrait plus venir à bout de lui, maintenant qu'il a perdu la faculté de combiner l'ensemble de ses plaques. Quant à Athéna...
- Ses pouvoirs sont devenus encore plus instables que jamais suite à leur face à face. Elle en a peur. Toi, par contre, tu pourrais. Ta puissance est similaire à la sienne, peut-être même plus forte encore.
- Ma magie est puissante, certes, et elle se matérialise sous toutes les formes possibles, cependant elle ne me permet pas d'accéder à l'énergie pure des types.
- Tu peux la créer. N'est-ce pas ce que tu as fait pour Lilith ?
- Si, bien sûr, néanmoins il m'a fallu deux ans pour parvenir à rassembler l'aura spectrale nécessaire à mon projet. Le temps de créer les seize autres, Cronos aura réalisé un véritable carnage s'il est réellement de retour.
- Dans ce cas, il ne te reste plus qu'une chose à faire, affirma Lugia.

***
- Non ! s'écria Athéna en faisant irruption dans la Salle du Trône.

Elle allait la traverser en courant, toutefois un éclair la contraignait à s'immobiliser. Zeus lâcha Pandore aux pattes d'Arceus sans ménagement, et elle s'effondra sur le sol, les muscles paralysés par la peur. Il lui tendit ensuite le coffret, dont l'Alpha s'empressa de reprendre immédiatement possession.

Malgré sa curiosité, le dieu ne posa aucune question sur son contenu. Il savait que, s'il l'avait fait, il n'aurait pas valu mieux que cette maudite humaine qui avait été tentée de l'ouvrir, alors que cela lui était interdit. Il se contenta d'observer le Créateur pendant que celui-ci se penchait par-dessus l'humaine, pour lui gronder férocement dessus.

- Arceus ! l'appela Athéna, depuis l'extrémité de la pièce. Ne fais pas cela, s'il te plaît.
- Silence ! Nous avions un accord et elle ne l'a pas respecté.
- Toi non plus, tu n'avais pas l'intention de t'y soumettre. Tu aurais repoussé indéfiniment l'échéance de ce pacte, jusqu'à ce qu'elle ou son successeur échoue. Tu l'as toi-même admis.

Pandore avait réussi à relever la tête et elle fixait désormais l'être suprême avec des yeux écarquillés par la terreur. Jamais elle n'avait vu un pokémon aussi immense que celui-ci, ni aussi effrayant. Elle n'eut aucun mal à identifier la créature originelle qu'Athéna avait souvent évoqué avec elle, mais savoir qui elle était ne lui apportait aucun réconfort, bien au contraire.

- Zeus, emmène ta fille avec toi. Je commence en avoir plus qu'assez de la voir intercéder en faveur de ces mécréants.
- Viens, ordonna le maître de la foudre.

Il allait empoigner Athéna par le bras, néanmoins il poussa un cri de douleur au moment de la saisir. Les yeux rivés sur Arceus, elle n'avait pas l'intention de quitter la pièce et son corps avait réagi beaucoup plus vite que son esprit. Ses pouvoirs s'étaient manifestés dans le but de servir sa volonté.

- Je... Pardon ! s'excusa-t-elle précipitamment lorsqu'elle constata qu'elle venait d'électriser son propre père par inadvertance. Je ne voulais pas, je...
- Regarde où tout cela te conduit. Athéna, tu sais très bien que tu dois éviter les émotions fortes. C'est de l'inconscience.

En effet, en cet instant, elle sentait toute son énergie affluer dans l'ensemble de son organisme, car le sort qu'Arceus destinait à Pandore la contrariait au plus au point. Elle cherchait un moyen de la sauver, mais si elle ne reprenait pas rapidement le contrôle d'elle-même, elle mettrait sa vie en danger. Les légendaires pouvaient survivre à sa puissance, cependant une humaine succomberait.

- Ne lui fais pas de mal, je t'en supplie, murmura-t-elle avant de tourner les talons, Zeus dans son sillage.

Arceus attendit que la porte de la salle démesurée se soit refermée avant d'ordonner à Pandore de se mettre debout. Elle hésita à obéir. A quoi bon se soumettre aux instances d'un dieu qui avait vraisemblablement pour unique volonté celle de la tuer ? Elle n'était pas brave, toutefois, ni rebelle. Elle avait un caractère docile et doux, qui la convainquit de se relever.

Ses jambes tremblaient trop pour supporter son poids et à peine se fut-elle dressée dessus qu'elles lâchèrent. La jeune femme s'écroula sur le sol dans un bruit sourd, son jupon rapiécé dessinant un cercle évasé brun autour d'elle. Elle se mit alors à pleurer doucement, avant de prendre son visage dans ses mains.

Elle pensait à son erreur, à l'humanité qu'elle avait condamné à travers son acte, mais surtout à sa petite soeur, mourante, ainsi qu'à Antonin, qu'elle ne reverrait sans doute plus jamais. Si Arceus ne lui ôtait pas la vie d'ici les minutes à suivre, le chagrin s'en chargerait sûrement.

Le Créateur, pour sa part, s'impatientait. Il avait un minimum d'honneur et ne voulait pas frapper cette mortelle tandis qu'elle était à terre. Comme elle ne semblait pas décidée à tenter de se relever, néanmoins, il dut se résoudre à charger un Jugement, en se servant de sa plaque combat, qu'il évaluait comme la plus adéquate face à l'humaine.

Un silence de mort régnait sur la pièce, adéquat à la situation. Seuls les sanglots de Pandore le troublaient. Au début, Arceus n'y prêta aucune attention, mais rapidement, ils lui évoquèrent des sons familiers. Son attaque était quasiment prête à être tirée lorsqu'il y renonça.

Une étrange créature à la fourrure rousse se trémoussait sur le sol en poussant de petits gémissements. Le Créateur s'en approcha, curieux, afin de l'observer de plus près. Elle l'intriguait. Il l'avait conçue pour qu'elle soit différente des pokémon et le résultat était bien supérieur à ses espérances. Elle était magnifique.

Au-dessous de ces longs poils roux qui s'enroulaient autour de son corps, il distingua la plus belle face qu'il lui avait été donné de voir. Ses paupières étaient closes, car elle dormait d'un sommeil paisible. Sa gueule aux babines écarlates s'agitait de temps en temps, pour laisser échapper ces sons plaintifs.

Jamais il n'avait vu d'être aussi adorable que celui-ci. Elle alliait la fragilité apparente de Célébi, la beauté de Sulfura et l'élégance de Lugia. Il était incapable de s'arracher à sa contemplation. A peine apparue, elle l'avait déjà envoûtée.

Soudain, elle poussa un cri plus sonore que les autres. Elle se réveillait. Enfin. Il allait enfin pouvoir découvrir la couleur de ses yeux, qu'il n'avait eu de cesse de s'imaginer. Elle battit doucement des cils, avant de les redresser totalement. Ses prunelles étaient marron, pigmentées de nuances plus sombres par endroits. Arceus s'en émerveilla.

Il sentait, dans son dos, que les autres la regardaient également, et pour un peu, il en aurait presque éprouvé de la jalousie. Elle était son oeuvre, elle lui appartenait. Elle était SA Lilith.


Sans s'en apercevoir, Arceus avait baissé la tête, tandis que ce souvenir l'avait envahi. Il n'arrivait pas à croire que cette créature faible et apeurée lui évoque la renégate. Pourtant, il devait bien admettre, en son for intérieur, que Lilith n'avait pas toujours était la femme froide et dure qu'il avait bannie. Autrefois, elle était exactement ainsi.

Cette humaine... Cette Pandore... Elle était décidément plus proche encore de la Première qu'il ne voulait le croire. Elles étaient pareilles. Elles avaient l'une comme l'autre trahit sa confiance, et pourtant, quelque chose en elles le bouleversait au plus profond de son âme.

C'était absurde. Il était l'Alpha et surtout, il haïssait les mortels de tout son être. Il devait faire ce qu'il avait prévu, autrement dit l'exécuter. L'épargner serait une faiblesse, or en tant qu'être suprême, il n'avait pas le droit d'en avoir. Qui plus est, il n'avait aucune raison de lui laisser la vie sauve.

Au moment de charger un nouveau Jugement, puisqu'il avait renoncé au précédent, il s'aperçut qu'il en était incapable. Quelque chose en lui l'en empêchait. Il maudissait son âme ou son coeur, peu importe ce qui était à l'origine de son échec, de le solliciter à cet instant.

Pandore releva son doux minois, sans doute surprise de ne pas voir arriver sa sentence fatale, à laquelle elle s'était pourtant préparée mentalement. La vision de son visage troubla encore davantage Arceus. Son allure n'était pas le seul point commun qu'elle partageait avec la Lilith des premiers jours. Elle avait également les mêmes yeux, oblongs et couleur noisette.

- Hmpf... Ne bouge surtout pas d'ici, gronda-t-il. Je reviens.

***
- Athéna ? Puis-je vous parler un moment ?
- Némésis ? Quelle surprise. Je croyais que vous aviez décidé de vous retirer sur Terre un moment ?

Les deux déesses s'étudièrent mutuellement du regard. En dépit de la courtoisie dont elles faisaient constamment preuve l'une envers l'autre, une certaine animosité régnait entre elles. Elles se ressemblaient beaucoup, toutes les deux, mais elles étaient également très différentes.

Leurs dons étaient complémentaires, d'une certaine façon. Athéna était capable de savoir les choses grâce aux Zarbis, même si elle préférait généralement les ignorer, et Némésis, pour sa part, était en mesure de les sentir. Ensemble, elles auraient pu accomplir une oeuvre remarquable, néanmoins la Justice devait toujours se heurter à un manque total de coopération de la part de la fille de Zeus.

- L'instant est relativement mal choisi, indiqua l'humaine de Jirachi. Je...
- Qu'avez-vous de plus important à faire que de vous soumettre à l'une de mes requêtes ? Dois-je vous rappeler, très chère, que mes désirs sont des ordres ?
- Eh bien soit, allez-y. De quoi souhaitez-vous m'entretenir ?
- Vous vous en souviendrez certainement, je vous ai par le passé avoué ressentir... d'étranges pressentiments. De mauvais pressentiments, pour être exact.
- En effet. En avez-vous trouvé la signification ?
- Je crois que oui. Ils sont liés à Cronos.

Athéna se raidit immédiatement, pour fixer son interlocutrice avec stupeur. Comment pouvait-elle connaître ce nom ? Personne, pas même Zeus, n'était au courant de l'existence du démon, à l'exception de l'Alpha et d'elle-même. Ils avaient tout fait pour que tous ignorent ce secret.

- Comment...
- Quand Arceus a détruit Cronos, il n'a pas été réellement vaincu. Son âme a été divisé en dix-sept fragments. Autant qu'il y a de plaques.
- Dix-sept ? répéta la déesse. Non. Il n'y en avait que... seize, et je les ai tous rassemblés afin de les enfermer dans un coffret. Je le saurais s'il en existait un autre. Les Zarbis m'auraient avertie.
- C'est parce qu'il n'appartient plus à Cronos, désormais. Il est en possession de quelqu'un d'autre.

La fille de Zeus l'observa, les lèvres entrouvertes. Némésis la regardait avec insistance, comme si elle cherchait à lui faire comprendre une évidence. Ce qu'elle était en train de lui révéler était cependant si immense qu'Athéna mit plusieurs secondes à en prendre réellement conscience.

- Vous... finit-elle par lâcher dans un souffle.
- Moi, en effet. Grâce à cela, je dispose d'une connexion constante avec lui, en quelque sorte identique à celle d'un humain et de son légendaire. Je sais absolument tout. Je connais le sacrifice d'Arceus, mais aussi que c'est vous qui l'avez enfermé et réduit à l'impuissance. Une fois à l'intérieur du coffret, coupée du monde extérieur par un sortilège, j'ai cessé de ressentir son âme. Aujourd'hui, cependant, je l'ai perçu. Cette sensation n'a duré qu'un bref instant, mais pendant quelques secondes, je... J'ai cru qu'il était de retour.

Athéna garda le silence. Voilà qu'elle faisait face à un imprévu de taille. L'Alpha lui avait confié pour mission de tenir Némésis à distance du marché qu'ils avaient passé et auquel Pandore était liée, toutefois ni l'un ni l'autre n'aurait pu s'attendre à ce que la Justice soit au courant de l'existence de Cronos. Pire que cela, qu'elle soit rattachée à lui.

- Le couvercle a été soulevé, déclara-t-elle suite à une profonde inspiration.
- Comment cela a-t-il pu se produire ?
- Je n'en ai pas la moindre idée. Je pense qu'il a dû rassembler suffisamment de force, en dépit de l'état pitoyable dans lequel il se trouve, pour parvenir à briser mon enchantement. Les Zarbi m'ont avertie à temps, de sorte que j'ai pu l'empêcher de s'échapper et j'ai renouvelé le sortilège, en m'efforçant de le rendre plus puissant encore.
- Vous y êtes parvenue ? J'ai cru comprendre que vous aviez souvent des difficultés avec vos pouvoirs.
- Ils sont... J'imagine que je pourrais presque aller jusqu'à les comparer aux vôtres, sans pour autant désirer vous faire injure. Je les maîtrise avec difficulté et, depuis que j'ai affronté Cronos, ils sont devenus particulièrement instables. Je travaille néanmoins à leur contrôle avec assiduité, alors oui, cela a fonctionné.
- Est-ce pour cette raison que vous êtes toujours si étrange ? Si... distante ? Parce que vous avez peur de votre puissance ?
- Je crains surtout la pression que cela m'infligerait si les autres venaient à en avoir connaissance. Je sais que vous, vous pouvez la sentir, de même que Darkrai et Héra. Mes plus proches amis sont également au courant de ce secret, car je place toute ma confiance en eux, mais... J'ai conscience qu'un seul faux pas, une seule erreur et mon véritable visage serait dévoilé au grand jour, or j'en commets encore trop par inadvertance pour vouloir courir le moindre risque.

Némésis acquiesça doucement. Elle s'apprêtait à tourner les talons et à s'éloigner lorsqu'elle se ravisa. Ses yeux noirs, pareils à deux onyx, se plongèrent dans ceux plus doux et plus bruns de la déesse.

- J'ai été ravie d'entendre que mes mauvais pressentiments n'étaient qu'une fausse alerte, par chance. Si Cronos venait à se libérer et à se régénérer, je ne pense pas que même Arceus, vous et moi parviendrons à en venir à bout.

Athéna ne releva pas. Elle détestait mentir, d'autant plus face à Némésis, car elle était la seule à en avoir la possibilité. Ses pouvoirs étaient certainement la cause de cette particularité. Toujours était-il que ceux de la Justice, pourtant capables de distinguer la vérité et son contraire, ne s'appliquaient pas sur elle.

La perspicacité de la déesse, souvent, lui permettait tout de même de percevoir en elle honnêteté ou dissimulation, mais en l'occurrence, elle parut convaincu de ses propres, ce dont la fille de Zeus se félicita.

***
- Arceus, je ne comprends pas... Pourquoi l'avoir épargnée ?

Zeus jeta un regard dédaigneux à la mortelle, assise sur le sol en marbre, les genoux repliés contre son buste, pendant que lui-même discutait avec l'Alpha. Ils se tenaient à nette distance d'elle, de sorte qu'elle ne puisse pas entendre leur conversation.

Le Créateur ne sut que répondre. Il éprouvait de la honte à la seule idée que cet être insignifiant, cette simple humaine, l'ait ému. Il n'accordait d'ordinaire aucune clémence, aucune pitié. Il ne l'avait pas fait pour Lilith, alors pourquoi cette fois-ci ne parvenait-il pas à asseoir son autorité ?

Face à la Première, il avait ressenti de la rage, de la colère. Il voulait les briser, Giratina et elle, les séparer afin d'effacer leur union contre-nature. Face à Pandore, cependant, aucun de ces sentiments ne régnait en lui. L'émotion qui le dominait en cet instant était la compassion, elle qui lui était jusqu'alors inconnue.

- Athéna ne me le pardonnera jamais, si je la tue.
- Elle n'a pas à discuter tes ordres, ni tes choix. Elle se soumettra, comme tout le monde.
- Non, mais elle aura une dette envers moi.
- Une dette ? Que peux-tu retirer d'elle ? s'étonna Zeus.
- Son aide et son soutien. Némésis s'est exilée sur Terre après m'avoir gardé à l'oeil un long moment. Je sais qu'elle n'est pas d'accord avec la plupart de mes actions et elle risque de me les faire payer tôt ou tard. Ce jour-là, crois-moi, Athéna aura son utilité.

Arceus ne mentait pas totalement. Il était convaincu que, même s'il était le seul et l'unique Alpha, il valait mieux pour lui continuer à s'assurer non seulement la loyauté de la déesse, mais également sa confiance, qui semblait s'amenuiser. Il espérait que cela suffirait à la rétablir.

- Reconduis-la dans le monde d'en-bas et informe ta fille de la décision que j'ai prise. Qu'elle s'en réjouisse.

Zeus acquiesça d'un hochement de tête, s'inclina respectueusement, puis se dirigea vers l'humaine. Celle-ci se crispa en le voyant approcher, les yeux fixés sur son sceptre électrique, exorbités. Elle craignait qu'Arceus n'ait décidé de la faire exécuter par quelqu'un d'autre mais, contre toute attente, le légendaire se contenta de l'empoigner par un bras pour la mettre debout.

- Viens, ordonna-t-il.
- Où... Où m'emmenez-vous ?
- Chez toi. Dans sa grande miséricorde, l'Alpha a choisi de t'épargner. Estime-toi heureuse, car tu ne le méritais pas.

***
- C'est très bien, Athéna. Tu fais d'immenses progrès.
- C'est parce que j'ai un bon professeur.

Une flamme démesurée s'éleva au-dessus de sa tête pour léviter jusqu'au plafond. Rayquaza se mit à tournoyer autour d'elle et l'éteignit grâce au courant d'air qu'il provoqua. La suivante fut encore plus grande, et tout aussi bien maîtrisée.

- L'élément aquatique, à présent.

La déesse plaqua sa main contre le mur et, immédiatement, des filaments d'eau se mirent à ruisseler le long de la paroi, pour former une flaque à ses pieds qui continuaient à s'étendre. Le serpent d'émeraude l'observa avec fierté. Ces longues années d'entraînement payaient enfin.

Il ignorait qu'Athéna était simplement plus sereine et qu'elle n'avait quasiment plus de préoccupations en tête depuis qu'Arceus avait libéré Pandore. Par conséquent, elle n'était plus victime de crises de panique destructrices, ce qui lui redonnait confiance en elle, ainsi qu'en ses pouvoirs.

Son combat avec Cronos et les conséquences désastreuses qu'il avait provoqué chez elle ne serait bientôt plus qu'un lointain souvenir, dès lors qu'elle serait parvenue à maîtriser à la perfection les dons qui étaient les siens. A la vue de la puissance qui était la sienne, toutefois, cela risquait de nécessiter encore un peu de temps. Pour l'instant, elle évitait encore de la pousser trop loin.

- C'est parfait. Nous allons nous arrêter là pour aujourd'hui. Il ne faudrait pas réaliser l'action de trop.

Rayquaza vint se poser sur le sol, face à elle, et elle le remercia de son soutien. Même s'il avait fort à faire avec l'éducation d'Horus, il trouvait toujours du temps à lui consacrer, ce dont elle lui était reconnaissante. Sans son aide, elle ignorait ce qu'elle ferait.

- Si tu as besoin de moi, je serai dans notre Antre.

Isis, Osiris et leur fils, ainsi que leurs pokémon, vivaient dans les mêmes quartiers. Seth logeait autrefois avec eux, mais il faisait de plus en plus de voyage dans le monde d'en-bas, afin de détourner ses pensées de sa soeur, qui lui avait préféré son frère. Cela évitait de nombreuses querelles entre eux, que Némésis n'avait de cesse de punir de façon extrêmement violente.

Elle-même passait très peu de temps dans la Salle Originelle, actuellement. Poséïdon leur avait appris qu'elle avait décidé d'ériger un temple à sa propre gloire, sur les rives de l'île d'Atlantide, située au large de la côte sud d'Hoenn. Athéna s'étonnait qu'elle demeure aussi fréquemment sur Terre, néanmoins elle n'avait aucun moyen de découvrir pourquoi.

Même si elle se résignait à poser cette question qui l'intriguait aux Zarbi, ils n'auraient aucune réponse à lui apporter. La Justice avait la capacité d'échapper à leur pouvoir de connaissance

- Merci, Rayquaza, mais tu peux te retirer sans crainte. Tu m'as suffisamment aidée, aujourd'hui. Je n'abuserai pas davantage de ta gentillesse.

Elle quitta la pièce dans laquelle elle s'était enfermée en compagnie du légendaire. Elle avait l'intention de rendre une petite visite à Zeus, afin de l'informer des progrès qu'elle faisait. Il serait certainement très fier d'elle lorsqu'elle lui annoncerait la nouvelle. Elle espérait simplement qu'il ne serait pas en compagnie d'Héra, car celle-ci lui donnait constamment l'impression de ne guère l'apprécier, or elle ne tenait pas à s'attirer les foudres de sa belle-mère et tante.

***
- Père ? appela-t-elle. Père ?

La salle était plongée dans les ténèbres. Seuls des éclairs l'illuminaient par moments. Ils jaillissaient des épais nuages noirs qui s'amoncelaient sous le plafond et venaient frapper le sol, dans lequel ils causaient des traces de brûlures.

- Père ? Où es-tu ?

Athéna insista. Elle sentait que Zeus était ici. La foudre ne tomberait pas si tel n'était pas le cas. Elle cligna des paupières à plusieurs reprises, afin d'habituer sa vision à l'obscurité, puis parvint à le distinguer. Il était étendu par terre, immobile, le visage orienté en direction du ciel artificiel qui s'étendait au-dessus de leur tête.

- Oh, père ! Que se passe-t-il ? Te sens-tu mal ?

Sans hésiter, elle se précipita dans sa direction. Elle craignait le pire. Les légendaires n'étaient pas sujet aux maladies, pourtant tout la poussait à croire qu'il n'était pas dans son état normal. Son attitude le laissait penser.

Parvenue à sa hauteur, elle s'accroupit à ses côtés et s'empressa de prendre la main dans la sienne. Zeus, qui avait gardé les yeux clos jusqu'à présent, daigna les ouvrir pour lui jeter un regard blasé. Athéna s'autorisa un soupir de soulagement, avant que celui-ci ne se mut en reproche.

- Tu m'as fait peur ! En as-tu conscience ?
- Allons bon... Que veux-tu qu'il m'arrive ?

D'un geste, il fit taire l'orage qui grondait férocement au-dessus de lui et sa fille ne peut s'empêcher de l'observer, légèrement envieuse. Elle avait beau être fière de ce qu'elle accomplissait avec ses pouvoirs et de la maîtrise qu'elle acquérait peu à peu, elle était toujours loin d'avoir un tel niveau, de même qu'une aisance aussi déconcertante dans leur maniement.

- Ce serait plutôt à toi de me l'expliquer. Tu ne peux décemment admettre que ce genre de comportement est normal, en particulier chez toi.
- Pose donc la question à Arceus, et rapporte-moi la réponse, par la même occasion.
- Que veux-tu dire ?
- Il est étrange depuis un moment. C'est cela qui me préoccupe. Il ne me parle plus et c'est à peine si je le vois encore. J'ai l'impression qu'il est absent, et pas seulement physiquement.

Zeus s'interrompit un instant, le temps pour lui de se mettre debout. Athéna l'imita. Elle était tout aussi grande que lui, mais nettement plus mince. Par comparaison, elle ressemblait à une brindille qu'il aurait pu casser en deux d'un simple geste. Elle allait ouvrir la bouche pour l'interroger davantage, cependant il la devança :

- Il te confie plus de choses qu'à moi. Ce n'est pas un reproche, je sais que tu es la plus sage et la plus intelligente d'entre nous. Dis-moi... Sais-tu ce qui est à l'origine de son brutal changement ?
- Non, avoua-t-elle honnêtement. En fait, moi non plus, je n'ai pas vraiment eu l'occasion de le croiser, ces derniers temps. Pas depuis...

Elle s'interrompit. Arceus régnait en maître absolu de la Salle Originelle et il aimait faire étalage de son statut d'Alpha, car la modestie ne faisait pas partie de ses qualités. Il se montrait toutefois plus discret, presque effacé, d'ailleurs, depuis les évènements survenus avec Pandore.

- Je vais lui parler, annonça Athéna. Je pense savoir ce qu'il y a.

***
Arceus ferma les yeux. Il ne devrait pas être là, et pourtant c'était le cas. Non seulement il venait de plus en plus fréquemment dans cet endroit, mais de surcroît, il s'y attardait toujours davantage. C'était une pulsion qu'il ne parvenait pas à réfréner, contre laquelle il aurait pourtant aimé lutter.

- Cette salle est bien la dernière où je serais venue te chercher.
- Comment es-tu arrivée ici, dans ce cas ?
- Une conversation avec Zeus m'a mise sur la voie.

Athéna ne se rendait jamais dans cette pièce, d'ordinaire. Elle n'en avait pas besoin. Son architecture un peu particulière permettait d'observer à travers le sol le monde d'en-bas. Elle-même préférait faire appel aux Zarbi quand elle souhaitait voir comment s'en sortait Lilith ou prendre des nouvelles de Pandore.

- Tu inquiètes beaucoup mon père, en as-tu conscience ? Et... Moi aussi, tu m'inquiètes.
- Vraiment ? Pourquoi donc ?
- Je te suis reconnaissant de ce que tu as fait pour elle, cependant j'ai conscience que cela te perturbe. Pour être honnête, je ne m'explique pas ton geste, ni les motivations qui te poussent à continuer de l'observer. Qu'est-ce que cela t'apporte ?
- Je n'en ai pas la moindre idée, confessa Arceus.
- Alors pourquoi le fais-tu ?
- Je...

Il fut incapable de trouver une explication rationnelle à lui apporter, car il n'en avait pas. Il n'était pas en mesure de s'exprimer son propre comportement, aussi comment aurait-il pu se justifier face à Athéna ?

- Sa petite soeur va mieux. Un miracle, d'après leurs dires. J'imagine que tu n'es pas étrangère à cela.
- Peut-être est-ce simplement la joie d'avoir vu son aînée revenir après qu'elle ait pourtant été condamnée à mort par un dieu qui lui a permis de guérir, répliqua la déesse avec malice.
- Ne te moque pas de moi, Athéna. Je ne le permettrai pas.

La déesse l'étudia longuement. En cet instant, il ne paraissait pas aussi majestueux et autoritaire que de coutume. Au contraire, il semblait las et dépité, comme s'il portait sur ses épaules toute la misère du monde, ce qui était plus ou moins le cas. Son encolure s'affaissait et il gardait constamment la tête baissée.

- Oh non... souffla la fille de Zeus. Non, ne me dis pas que... Arceus !

Elle se frappa le front avec le plat de la main tandis que l'Alpha poussait un grondement menaçant dans sa direction, comme s'il cherchait à la dissuader d'aller plus loin dans la tournure que venait de prendre la conversation. Elle secoua la tête avec virulence, paniquée.

- Comment... Comment as-tu pu ? J'ai cru que tu t'étais montré clément. Bienveillant. Que pour une fois, tu avais écouté ton coeur et non ta tête. Pas que... Bon sang, Arceus ! Tu t'es épris d'elle !
- Ce n'est pas... ce que tu crois.
- Que suis-je censée en déduire, dans ce cas ? Que tu fais un transfert ? Elle n'est pas Lilith !
- Lilith n'est plus ainsi depuis longtemps, et je ne l'aimais pas.
- Tes sentiments à son égard ont toujours été relativement ambigus, même pour moi, et peut-être que s'ils avaient été tout autres, ta jalousie à l'égard de Giratina aurait été moins farouche.
- Je t'ai déjà dit que je ne voulais plus entendre parler d'elle !
- Le sujet me semble inévitable, puisque tu l'as bannie pour un acte que tu es en train de commettre toi-même.
- Je ne commets aucun crime, je n'enfreins aucune règle.
- Arceus... Tu croyais qu'elle était à toi, rien qu'à toi, et elle t'a brisée le coeur le jour où elle a pris une direction différente de la tienne. Que cherches-tu avec Pandore ? A recommencer ? Tu veux qu'elle te doive éternellement la vie, au point de la transformer en enfer si elle ne l'utilise pas à ta convenance ?
- Non. J'ignore ce que je désire. Je... Tout ceci est inconcevable.
- En effet.

Athéna avait pour habitude de se montrer compréhensive, mais en cet instant, elle avait toutes les peines du monde à y parvenir. Suite à l'exil de Giratina et de Lilith, elle n'avait jamais caché qu'elle soutenait leur partie, or voici qu'Arceus se mettait à accentuer l'injustice qu'il avait commise.

- Je pense que tu devrais te tenir loin de Pandore. Cela vaudra mieux pour tout le monde, en particulier pour toi. Si la conversation que nous venons d'avoir venait à s'ébruiter, tu aurais beaucoup à perdre. Némésis, déjà, te ferait certainement payer très cher les sentiments que tu crois éprouver pour elle.
- Je ne crois pas. Je les éprouve. Athéna, tu ne comprends pas ! Je... Je n'arrive pas à penser à quoi que ce soit d'autre, mon esprit est constamment tourné dans sa direction. Quelle influence cette mortelle a-t-elle sur moi au point de... de me contaminer de la sorte ? Les émotions sont pour les faibles. Pire, pour les humains, or voici que j'en suis victime, moi aussi.
- Te mettre en colère ne changera rien. C'est ce que je m'efforce de t'expliquer depuis des années. Nous ne sommes pas aussi différents d'eux que nous voulons bien le laisser entendre. Nous aussi, nous aimons, nous souffrons... Contrairement à eux, cependant, nous avons la force et la volonté nécessaire pour lutter contre cela. C'est pourquoi je te demande de le faire. Renonce. Renonce à cette folie tant que tu le peux. Tu n'aurais même pas dû la laisser prendre une telle ampleur.
- Athéna...

Elle avait tourné les talons, prête à quitter la pièce, lorsqu'il l'appela. Elle en avait assez entendu jusqu'alors pour souhaiter en écouter davantage de sa part. Elle avait toutes les peines du monde à réaliser ce qu'elle venait de découvrir, pourtant elle était déjà convaincue que rien de bon ne résulterait de cette histoire.

- Toi aussi, tu l'apprécies, n'est-ce pas ?
- Je respecte les humains. A mes yeux, leur vie n'est pas aussi insignifiante qu'elle a pu l'être au tien. Et j'appréciais également Lilith, même si j'ai bien conscience que cela n'a jamais été réciproque.
- Arrête de la mentionner ! Elle n'est plus rien, aujourd'hui. Elle n'existe plus pour moi, alors cesse de prononcer son nom !
- Non !

Comme il s'était mis à crier, la déesse commença à en faire de même, sans réellement s'en rendre compte. Le regard autoritaire, ils s'observaient l'un l'autre, attendant de voir lequel détournerait les yeux en premier. Athéna résista, Arceus céda. Elle en profita pour lâcher :

- Est-ce que tu comprends mieux, désormais ? Ce que Giratina a pu ressentir ?
- Cela n'a rien à voir. Lilith était à moi, il n'avait pas le droit de me la prendre, pas plus qu'elle n'avait le droit de me tourner le dos pour lui. Ils m'ont trahi, et cela, je ne peux le tolérer.
- Tu ne peux surtout pas tolérer qu'elle ne t'ait pas choisi toi. Qu'elle te l'ait préféré. Si encore tu te repentais... Si tu admettais tes torts et que tu consentais à leur accorder ton pardon, à les réunir et à les laisser en paix, je pourrais peut-être te croire sincère. Comme je suis cependant persuadée que tu n'en as nullement l'intention, la discussion peut s'arrêter là.
- Tu as effectivement raison sur ce point. Pas seulement parce que je ne le souhaite pas, mais aussi parce que cela pourrait se révéler dangereux. Lilith est aveuglée par la haine et par l'ambition. Même si j'acceptais de m'excuser, ce que je ne ferai jamais car ni elle ni lui ne le mérite, elle ferait fi de cette tentative de réconciliation. Elle est consumée par l'esprit de vengeance, désormais. Elle me méprisera jusqu'à son dernier souffle et il en sera de même pour moi.
- Très bien, dans ce cas...
- En revanche... En revanche, je pourrais consentir à ordonner aux légendaires de reprendre leur rôle et à rétablir l'équilibre du monde.

Athéna, qui était sur le point de sortir pour de bon, s'immobilisa. Ses lèvres se pincèrent et elle devait prendre sur elle pour parvenir à maîtriser la colère qui poignait en elle. Elle n'arrivait pas à croire qu'Arceus se comporte d'une telle façon. C'était un odieux chantage, voila tout.

- Je croyais que cela t'importait ? interrogea-t-il.
- Ce qui m'importe, c'est que tout aille bien pour tout le monde, ce qui ne sera pas le cas si tu continues à avancer dans cette voie. Si je te laisse faire, ce sera le chaos.
- Personne n'a besoin de savoir, et personne ne saura si nous nous montrons prudents.
- Qu'est-ce que tu attends de moi, exactement ?
- Ton soutien, rien de plus.

La déesse repoussa une mèche de cheveux que l'agitation dont son corps était victime avait fait tomber devant ses yeux. Dire qu'ils étaient en train d'avoir cette conversation au sujet d'une humaine. Qu'Arceus venait de lui confesser qu'il s'était épris de Pandore. C'était absurde, déraisonnable.

- Je ne peux pas te l'accorder. Pas après ce que tu as fait à Lilith. Et puis, tout cela n'a aucun sens ! Sa vie sera éphémère. Dans un demi-siècle, elle ne sera plus là. Ne t'attache pas à une chose dont tu sais par avance qu'elle ne durera pas.
- Justement. Bientôt, elle cessera d'exister. Ce n'est qu'une question de temps avant que mon tourment ne disparaisse, mais en attendant... Elle est là.

Athéna s'accorda une seconde de réflexion. Comment elle, si sage, si respectueuse, pourrait-elle cautionner une telle folie ? Comment pourrait-elle accepter qu'Arceus enfreigne la loi pour laquelle il avait banni Giratina et exilé Lilith, dans la plus totale disgrâce ?

A l'exception de l'attitude dont l'Alpha avait toujours fait preuve à l'égard de la Première, elle avait toujours cru qu'il était incapable d'aimer, qui que ce soit, de n'importe quelle façon que ce soit. Elle devait pourtant admettre qu'elle, qui avait d'ordinaire raison sur tout ou presque, s'était trompée.

Peut-être cela adoucirait-il son âme, rendue âpre par son combat contre Cronos et le comportement impétueux de sa favorite. Peut-être cela ferait-il de lui un meilleur dieu ou, du moins, un meilleur être vivant. Elle n'en était pas certaine, mais elle devait pourtant reconnaître que sa proposition représentait un immense pas en avant de sa part. Lui qui méprisait les humains, il était prêt à recommencer à zéro avec eux, uniquement par rapport à Pandore.

- Si... Ce n'est qu'une hypothèse, bien sûr. Si je consens à tolérer tout ceci, à garder ce secret pour moi et à ne pas te tempêter constamment dessus au sujet de Lilith... Tu me promets d'ordonner aux légendaires de reprendre leur ouvrage dans le monde d'en-bas ?

Arceus la regarda et sourit avec délicatesse, ce qui la désempara. Elle ne comprenait pas pourquoi il paraissait soudain si satisfait. D'un mouvement d'encolure, il lui désigna la vision de la Terre qu'il contemplait. A cet instant précis, Electhor, Artikodin et Sulfura étaient en train de survoler la planète.

- Tu...
- Ils y sont déjà. Je n'ai pas attendu d'avoir ton accord ou ta bénédiction pour cela. J'avais envie de faire quelque chose de bien. Quelque chose pour elle. C'est la seule idée qui m'est venue.

Athéna le regarda avec insistance. Elle le voyait différemment, comme si elle découvrait un Arceus autre que celui qu'elle avait toujours connu. Un être doté d'un coeur, qui laissait pour une fois sa véritable personnalité s'exprimer, au détriment de son égo et de son autorité.

- Eh bien... Je dois admettre que tu me surprends. Agréablement.

Ils restèrent silencieux un instant, à contempler côte à côte le monde d'en-bas. En dépit de son échec, Pandore était peut-être bien son salut, finalement. Si cet amour naissant que l'Alpha paraissait éprouver à l'égard de la jeune humaine permettait de sauvegarder toute son espèce, comment pouvait-elle s'opposer à cela ? Après tout, il s'agissait de son principal dessein.

- D'accord, capitula-t-elle. Fais comme tu le sens. Je tiens seulement à te mettre en garde, afin de pouvoir dire le moment venu que je t'aurai prévenu. S'il doit y avoir des répercussions, elles seront énormes, et je pense que ton existence tout entière s'effondrera.
- Je ferai en sorte que cela n'arrive pas.

Athéna ne releva pas. Il semblait vraiment déterminé. Comment pouvait-elle l'en blâmer, cependant ? Elle savait que l'amour poussait à commettre des folies. Lilith et Giratina en étaient la preuve vivante. Elle-même avait choisi d'encourir le risque de voir Cronos se libérer de ses chaînes dans le but d'offrir une chance à ces humains qu'elle chérissait tant.

Avec un soupir, elle prit congé. Il était temps pour elle de se retirer et de laisser Arceus se perdre seul dans la contemplation de sa nouvelle passion. Son instinct lui soufflait qu'elle commettait une erreur, qu'elle n'aurait pas dû céder. Son coeur, cependant, voulait croire qu'il était possible que ce retournement inattendu arrange tout, ainsi qu'elle l'avait espéré.

Dans un cas comme dans l'autre, Pandore serait la clé de tout. Soit elle apporterait la félicité à l'univers, soit elle provoquerait sa ruine. Seuls les Zarbi sauraient le dire avec précision, cependant Athéna n'avait pas l'intention de les solliciter pour cela. Ce serait l'avenir qui lui apporterait la réponse, qu'elle soit bonne ou mauvaise.

***
Athéna mit un terme à sa leçon avec Rayquaza lorsque Prométhée pénétra dans son antre, à l'intérieur de laquelle il était attendu. Elle l'étreignit avec tendresse pendant que le pokémon légendaire s'inclinait et prenait congé, afin de ne pas les déranger dans leur intimité.

- Tu m'as manqué, confessa-t-elle. Cela faisait si longtemps que tu n'étais pas revenu à la Salle Originelle.
- Je vais sûrement avoir beaucoup plus de temps libre à présent pour te rendre visite. J'ignore par quel miracle tu as réussi à convaincre Arceus de laisser les légendaires reprendre leur rôle, mais toujours est-il que la Terre ne s'est jamais aussi bien portée qu'en ce moment. C'est un véritable âge d'or.
- Oh, il m'a simplement fallu... Beaucoup argumenter, presque le supplier, et il a fini par céder.
- Lui ? Céder ? Bien sûr, j'oubliais. Tu es Athéna et personne ne te dit non. Méfie-toi, car un beau jour, tu deviendras la seconde Némésis. Nul ne tentera de te contredire, mais tous te craindront.
- Je ne suis déjà guère appréciée au sein de la Confrérie, alors je suppose que cela ne saurait être pire.
- Quoiqu'il arrive, rappelle-toi toujours que tu nous as, nous, affirma Prométhée.

Il prit sa main dans la sienne, qui paraissait fine et minuscule au contact de sa paume musculeuse, avant de baiser ses doigts avec déférence. La déesse lui adressa un sourire tendre.

Comment aurait-elle pu condamner Arceus quand elle-même était incapable de mettre un terme à sa propre histoire d'amour ? Elle éprouvait des sentiments si forts à l'égard de Prométhée qu'elle allait jusqu'à accepter que les siens soient partagés entre Volupté et elle, afin de ne pas le perdre. Ni l'une ni l'autre voulait le contraindre à choisir, par peur d'être celle qui serait jetée.

Il n'y avait jamais rien eu au sein de leur triangle. Ni baiser, ni déclaration enflammée, ni favoritisme. Cela pourrait-il fonctionner pour l'Alpha ? Serait-il capable de conserver un amour pur et décent à l'encontre de Pandore ? Si tel était le cas, il y avait peut-être un espoir, du moins osait-elle le supposer.

- Athéna !

Cette voix, cette simple intonation vibrante d'autorité, suffit à réduire ses pensées à néant. Elle annonçait forcément des mauvaises nouvelles, comme toujours. S'il ne s'était pas agi d'un sujet particulièrement grave, Némésis n'aurait jamais parcouru tout le chemin jusqu'au Colonnes Lances, elle qui résidait désormais dans le monde d'en-bas.

- Qu'y a-t-il ? interrogea-t-elle.

Prométhée murmura une vague excuse afin de s'éclipser. Il ne tenait pas à éveiller le courroux de la justice en s'attardant au coeur d'une conversation qui ne le concernait certainement pas. Athéna ne tenta pas de le retenir. Elle se retourna simplement pour faire face à la déesse, qui la fixait avec dureté.

- La dernière fois que nous nous sommes parlées, vous m'avez affirmé que Cronos ne représentait plus une menace, que toute cette histoire était terminée.
- C'est effectivement le cas. Cela vous tracasse-t-il ?
- Non. Ce qui me tracasse, c'est de savoir que, justement, il est inoffensif.
- Où voulez-vous en venir ?
- J'étais persuadée que mes mauvais pressentiments étaient liés à lui, cependant vous m'avez récemment affirmé que nous ne risquions plus rien. Cela signifie donc qu'il se passe forcément et, étrangement, je suis convaincue que vous savez ce dont il s'agit. Vous savez toujours tout et vous le savez mieux que moi, Athéna, alors parlez.
- Némésis... Quel intérêt aurais-je à vous dissimuler quoi que ce soit ?
- Vous êtes la seule à être en mesure de mentir, à duper mes dons. Par conséquent, vous êtes la seule à pouvoir me cacher des informations que je suis en droit d'obtenir. C'est pour cela qu'Arceus tient à vous garder constamment sous sa coupe. Vous êtes son arme contre moi.
- Je ne suis pas une arme, je ne désire que le bien.
- Il n'y a pas de bien, ni de mal. Il y a seulement la justice, et la Justice, c'est moi. Vous êtes incapable de prendre du recul, et pour une légendaire, vous écoutez beaucoup trop votre coeur, au détriment de votre raison. Je vous laisse une dernière chance, Athéna. Que suis-je censée savoir ?

La fille de Zeus l'observa en silence, sans ciller. Elle garda les lèvres scellées et veilla avec soin que son visage ne trahisse aucune expression. Il suffisait d'un infime détail pour que Némésis parvienne à tirer d'impressionnantes conclusions, généralement exactes.

- Très bien. Continuez, mais permettez-moi de vous prévenir que vous vous engagez sur une mauvaise voie. Arceus est peut-être l'Alpha, cependant mon statut me place au-dessus de lui. J'admire votre loyauté, Athéna, raison pour laquelle je déplore que vous l'accordiez à la mauvaise personne.
- Il est le pokémon de mon père.
- Zeus n'est pas votre père, seulement le substitut de votre pokémon qui s'est chargé de votre éducation. Quoi qu'il en soit, soyez assurée de ceci : je découvrirai la vérité tôt ou tard. Le moment venu, quel que soit le crime qui aura été commis et quel qu'en soit le responsable, vous en serez coupable également. Vous vous prenez peut-être pour moi, mais vous n'êtes pas moi. Le jour où vous concevrez que le bien peut conduire au mal, que l'un existe pas sans l'autre, vous serez peut-être à mon niveau. En attendant, vous n'êtes qu'un obstacle à ma justice, et je continuerai à vous considérer comme tel, même si pour cela, je dois vous châtier en conséquence. Arceus vous dresse devant moi parce que vous êtes en quelque sorte mon équivalent en matière de puissance, mais je n'ai pas peur de vous. Je n'hésiterai pas non plus à me battre contre vous si cela s'avère nécessaire. Je le déplore, car je pense que vous avez du potentiel et beaucoup à apporter, mais si vous ne vous ressaisissez pas très vite, vous vous condamnerez vous-même à l'erreur. Et ce jour-là, vous ne m'échapperez pas, car quoi que vous me cachiez, j'aurai toujours une façon plus grande et plus inattendue de répliquer.

Athéna garda le silence pendant que Némésis enfonçait ses prunelles inquisitrices au coeur des siennes. Elle demeura ainsi un moment, puis tourna les talons avec mépris. Son éloignement ne suffit pas à permettre à la fille de Zeus de reprendre ses esprits, que ses menaces venaient de bouleverser.

***
- Némésis te soupçonne.

Arceus ne réagit pas. Il se perdit dans sa contemplation du monde d'en-bas. Il ne quittait pratiquement jamais cette salle, désormais, et passait tout son temps à contempler Pandore, au détriment de son statut d'Alpha. Comme il ne semblait vraisemblablement pas l'avoir entendu, ou du moins n'avoir que faire de ses propos, Athéna les réitéra.

- Que peut-elle donc soupçonner ? Nous sommes deux à être au courant de cette histoire. Toi et moi.
- Tu n'es pas sorti d'ici depuis des semaines. Zeus s'inquiète constamment à ton sujet et cela me brise le coeur de voir mon père dans cet état. Tout le monde, dans la Salle Originelle, a remarqué que ton comportement avait brutalement changé. Qui plus est, les légendaires ne comprennent pas pourquoi, du jour au lendemain et sans raison apparente, tu leur as ordonné de recommencer à accomplir leur mission. Némésis dispose de dons particuliers, ainsi que d'une capacité de déduction exceptionnelle. A partir du moment où elle a le moindre doute, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne découvre la vérité.
- A toi de l'en empêcher, dans ce cas.

Athéna ouvrit la bouche, mais la referma presque aussitôt. Arceus s'exprimait sans détourner les yeux de la jeune humaine, qu'il observait à travers le sol ensorcelé. La déesse pouvait l'apercevoir également, bien que son angle de vue soit différent. Elle ferma les paupières une seconde, l'âme alourdie par la peine, avant de murmurer :

- Elle a raison. Tu te sers de moi contre elle.
- Qui d'autre serait capable de jouer ce rôle ? Je n'ai qu'une confiance limitée en Héra et Hadès et Poséïdon sont loin d'avoir une finesse d'esprit identique à la vôtre.
- Il n'est pas encore trop tard. Tu peux avouer la vérité. Elle se montrera plus clémente si tu le fais.
- Plus clémente ? Némésis tuera non seulement Pandore, mais elle rétablira également Lilith et Giratina.
- Elle ne sacrifiera pas une humaine qui n'a rien demandé au sort qui est le sien. En revanche... Je suppose que oui, elle exigera la levée du châtiment qui a été le leur. Arceus, je ne te comprends pas ! Comment peux-tu laisser la haine l'emporter sur l'amour ? Tu es prêt à courir tous ces risques, à nous mettre la plus puissante des divinités à dos, uniquement parce que tu refuses de pardonner à Lilith ?
- Tu l'as dit toi-même, personne n'accepterait mes sentiments à l'égard de cette humaine. Je perdrai non seulement la loyauté et la confiance de toute la Confrérie, mais également leur respect. Qui plus est, Lilith et Giratina s'empresseraient de la retrouver et de la détruire, afin de me faire autant de mal que je ne leur en ai infligé.
- Je la protégerai. Je tiens à elle, moi aussi. Je me suis d'ailleurs prise d'affection pour elle bien avant toi. Ne crois pas qu'il n'y a qu'à toi que sa vie importe, au contraire. Elle compte aussi énormément à mes yeux.
- Protège-la, dans ce cas.
- Parle à Némésis.
- Non. Nous voulons tous les deux la même chose : que Pandore reste saine et sauve. Le seul moyen que nous avons de nous en assurer est de garder le secret au sujet de son existence. Garde-les à distance, tous autant qu'ils sont. Ils ne doivent jamais savoir.

Athéna se mit à gesticuler nerveusement. Sa respiration s'accéléra et un vent léger se leva autour d'elle. Elle s'empressa de l'interrompre. Malgré ses séances encourageantes avec Rayquaza, ses pouvoirs s'éveillaient toujours sans son accord lorsqu'elle souffrait de stress émotionnel, comme c'était le cas en cet instant.

- Le mensonge et la dissimulation ne sont pas une solution. Qui plus est, c'est de Némésis, dont nous parlons. Elle finit toujours par savoir, en dépit de tout et même en dépit de moi.
- Pas cette fois. Tu m'entends, Athéna ? Cela ne se produira pas. Le règne de terreur qu'elle applique au sein de la Confrérie doit se terminer. Il est hors de question que je la laisse continuer à tout diriger, à tout plier à sa volonté. Je suis l'Alpha. Sans moi, elle n'existerait pas, il est temps qu'elle s'en rappelle.
- Arceus... Qu'est-ce que tu as en tête ? s'inquiéta la déesse. Tout ce que tu vas faire, c'est éveiller son courroux, et aucun de nous n'ignore ce qui se passe lorsqu'elle est en colère.

Elle attendit une réponse qui ne vint pas, pourtant elle était certaine que le Créateur était déjà en train de fomenter une idée dans son esprit. La tournure que prenait la situation ne l'enchantait guère. Elle avait même l'impression qu'elle lui échappait totalement et qu'elle insistait impuissante à cela.

- Si elle existe, justement, c'est pour vous rappeler que vous n'avez pas tous les droits, pas même toi, lâcha-t-elle sèchement, avant de tourner les talons car elle savait qu'elle n'obtiendrait plus rien d'Arceus.

***
Athéna errait dans les couloirs étrangement silencieux de la Salle Originelle. Depuis que l'Alpha avait donné l'ordre de recommencer à maintenir l'équilibre dans le monde d'en bas, les légendaires s'y rendaient régulièrement, mais jamais en même temps. Elle ne s'expliquait pas ce calme qui régnait sur les lieux.

- Poséïdon ? appela-t-elle. Héra ? Hadès ? Père ? Quelqu'un ?

Elle les nomma tous un à un, en vain. Elle n'obtint aucune réponse. Pour un peu, elle aurait eu l'impression d'être seule au monde. Elle s'efforça de réfléchir afin de trouver une explication rationnelle à ce calme surprenant.

Satan et Artémis étaient avec Lilith. Il n'était pas exclu qu'Inari soit partie rejoindre. Les Oiseaux étaient sur Terre afin de réguler le climat, en compagnie de leurs légendaires. Arceus était probablement barricadé dans la salle qui lui permettait d'observer le monde d'en-bas, comme à son habitude. Cela n'expliquait cependant en rien l'absence de tous les autres.

- Athéna ! s'écria soudain une voix.

Elle poussa un soupir de soulagement, heureuse de constater qu'il restait encore des personnes présentes dans la Salle Originelle. Elle déchanta cependant bien vite lorsqu'elle vit Isis courir dans sa direction, le bas de sa robe retroussée, les traits tendus par l'anxiété.

- Athéna, je vous cherchais. Il faut que je vous parle, c'est de la plus haute importance.
- J'imagine que ce que vous vous apprêtez à me dire n'est pas sans lien avec la curieuse atmosphère qui règne ici, n'est-ce pas ?
- Oh, ma dame, c'est terrible ! Arceus a... Il a...
- Quoi ? Qu'a-t-il fait ?
- Il a rassemblé une grande partie des légendaires, afin de leur faire part d'une mission qu'il souhaitait leur confier.
- Une grande partie ? Qui ?
- Tous, sauf quelques-uns. Ceux qui sont en bas, évidemment, mais aussi les derniers à être apparus, autrement dit ceux qui n'ont pas encore eu le temps de se développer suffisamment. Vos plus proches amis étaient absents, eux aussi. Arceus ne tenait sans doute pas à ce qu'ils vous avertissent.
- Qu'ils m'avertissent de quoi ? Avez-vous la moindre idée de ce qu'il manigance ?
- Oui. J'étais conviée, moi aussi.
- Etait ? Vous voulez dire que cette réunion s'est achevée ?
- Hélas, oui. Arceus tenait à garder tout cela secret, raison pour laquelle il vous a laissée à l'écart. Il ne s'attendait certainement pas à ce que ce soit moi qui vous prévienne, mais... Seth est parti avec eux. Il a beaucoup de défauts et nous cause beaucoup de tourments, mais c'est mon frère. Je ne supporterais pas qu'il lui arrive malheur. C'est pour cela que je viens vous trouver. Empêchez-les de commettre cette folie.
- Quelle folie ? interrogea Athéna, contaminée par l'anxiété d'Isis.
- Ils sont partis combattre Némésis. Ils ont l'intention de la détruire, en dépit des répercussions que cela peut avoir sur l'équilibre du monde.

La déesse eut un mouvement de recul. Elle aurait dû s'y attendre, suite à l'étrange attitude d'Arceus lors de leur dernière conversation, pourtant elle n'avait pu se résoudre à le croire aussi inconscient. Sa rencontre avec Pandore l'avait décidément amené à perdre toute sa raison.

Qu'avait-elle fait ? Némésis avait raison. Elle avait voulu agir pour le mieux, et désormais, tout basculait dans le chaos le plus total. Comment allait-elle pouvoir réparer ses erreurs ? Elle en était incapable. Elle s'était engagée dans une pente trop glissante pour parvenir à la remonter.

La Justice l'avait mise en garde, pourtant, mais elle ne l'avait pas écoutée. Elle ignorait ce qui allait se produire, à présent. Comment réagirait-elle, lorsqu'elle verrait qu'Arceus avait fomenté un plan de destruction contre elle ? Elle ne consentirait jamais à tuer un légendaire, car elle les savait indispensable à l'équilibre du monde, mais elle était en mesure de leur infliger une éternité de tourments.

- Arrêtez-les avant qu'il ne soit trop tard, supplia Isis.
- Je crains que ce ne soit déjà le cas. Ils ont été trop loin. J'ai été trop loin. Nous ne pouvons plus faire marche arrière, à présent. Nous allons tous payer le prix de nos actes, moi la première.

***
Des éclairs aveuglants striaient le ciel obscur, au-dessus de l'Atlantide. Ils étaient si puissants qu'ils étaient même certainement visible depuis la côte de Hoenn, située pourtant à des miles de là. Les bruits du combat étaient assourdissants, ils couvraient celui du tonnerre.

Némésis était immobile dans les airs, à une vingtaine de mètres de la surface déchaînée de l'océan. Hadès avait fait trembler tout le sol de l'île afin de détacher son temple du reste des terres et Poséïdon s'était empressé de le submerger, de façon à la faire sortir de sa tanière. Là, elle s'était retrouvée nez à nez avec la coalition organisée par Arceus.

Elle avait rapidement compris qu'il s'agissait de l'événement contre lequel ses mauvais pressentiments l'avaient mise en garde et le combat avait débuté. Elle savait pourquoi ils étaient là. Elle était l'unique obstacle face à la toute puissance de l'Alpha. Elle éliminée, il pourrait faire ce qu'il désirait, commettre toutes les injustices possibles, plus personne ne serait à même de se prétendre au-dessus de lui.

La bataille était redoutable. Némésis était seule avec Lugia face à une horde d'ennemis. Malgré cela, elle parvenait à conserver un net avantage sur eux. Ses pouvoirs étaient beaucoup plus puissants que les leurs. Même en surnombre, ils ne parviendraient jamais à la vaincre.

Elle pouvait contrôler la foudre de Zeus, les tempêtes de Poséïdon, les secousses d'Hadès... Rien n'échappait à ses capacités, qu'elle devait à Cronos. Leur tentative pour l'abattre était vouée à l'échec. Il ne s'agissait que de pauvres fous qui allaient payer le prix de leur témérité.

Némésis attira vers elle toute l'énergie électrique contenue dans l'atmosphère pour la diriger vers Kyogre. Bien qu'il soit enfoncé dans les profondeurs aquatiques, l'éclair traversa la surface de l'eau et s'enfonça sur plusieurs mètres, jusqu'à l'atteindre. Le Titan poussa un cri déchirant.

Sa douleur le rendit fou et il donna un coup de nageoire puissant dans son élément, avant de sombrer vers les abysses, vaincu. Son mouvement provoqua un gigantesque raz-de-marée, qui convergea vers la déesse. Celle-ci changea sa direction avec désinvolture pour asperger Groudon, debout sur la rive d'Atlantide.

Le liquide s'insinua dans son corps rocailleux et le paralysa en s'immisçant dans son organisme, le paralysant à son tour. Avec un sourire mauvais, elle contemplait le nombre de ses ennemis qui diminuait progressivement. Elle devait d'abord les vaincre, après quoi elle les châtierait.

Lugia esquiva le Spatio-Rift de Palkia et le Hurle-Temps de Dialga qui atteignirent respectivement le dragon opposé. La réussite de cette prouesse, toutefois, nécessita de lui qu'il encaisse le Vibrobscur lâché par Darkrai. Les ténèbres étaient néfastes pour son type psy et cela lui causa de douloureux dégâts, mais toujours moins que s'il lui avait fallu subir l'assaut des frères de Giratina.

Des pierres convergèrent dans sa direction, envoyées par Hadès depuis la rive. Les attaques se multipliaient sans cesse et il ignorait par quel miracle il parvenait à être si peu touché. Il ne possédait pas les même pouvoirs que Némésis. Face à des adversaires si nombreux, il ne résisterait pas aussi longtemps qu'elle.

Il lui fallait tenir le plus longtemps possible, afin qu'elle ne soit pas submergée par la coalition d'Arceus. Elle avait déjà abattu les deux Titans, d'après ce qu'il avait pu voir sans se déconcentrer de son combat, mais il restait encore beaucoup trop d'adversaires.

Il rassembla son énergie afin d'asséner à Palkia un Aéroblast. Le dragon en fut ébranlé et, esquivant les Griffes Aciers de Dialga, Lugia le chargea. Il savait que le moment était idéal pour utiliser sa Dracocharge. Il le frappa de toutes ses forces, de façon à le projeter vers le sol de l'île sous eux, où il s'écrasa. Il heurta Hadès dans sa chute, le blessant sévèrement.

Malgré cet exploit, la victoire n'était pas encore acquise. Il lui restait à combattre le maître du temps, ainsi que Darkrai. Il se méfiait surtout de ce dernier, car il connaissait la malice qui était la sienne, de même que l'étendu de ses pouvoirs. Tout cela le désignait comme étant un redoutable adversaire.

Némésis dressa un champ de force autour d'elle pour contrer les attaques simultanées d'Héra, Poséïdon et Kukulkan. Elle électrisa ensuite sa protection pour la repousser dans leur direction et les atteindre de plein fouet. Le dieu des océans disparut dans les profondeurs sous-marine pour lui échapper, cependant les deux autres furent électrocutés. La femme de Zeus perdit connaissance sur le coup, mais le second légendaire résista davantage.

La déesse de la justice se rapprocha de la surface de l'eau afin d'échapper au Jugement qu'Arceus venait de tirer, puis exécuta une vrille latérale, anticipant la foudre de Zeus qui l'aurait transpercée à une seconde près. Ils avaient beau être forts, elle l'était davantage. Même seule face à une troupe aussi coordonnée, elle vaincrait.

Comme elle savait que Poséïdon était toujours là, tapi quelque part sous l'eau, et qu'elle redoutait une attaque surprise à tout instant, elle se rapprocha du rivage. Elle avait plus à craindre de lui qu'Hadès, puisqu'elle savait que Lugia l'avait défait. Son esprit était en communion avec celui de pokémon, ce qui lui permettait d'y puiser les informations dont elle avait besoin.

L'Atlantide commençait à souffrir des conséquences de la bataille. Son rivage était malmené au gré des attaques et les humains qui vivaient sur l'île assistaient sans rien comprendre à un combat de légendaire. Elle se demandait quel sort Arceus réserverait à ces pauvres mortels qui avaient le malheur de les observer d'un peu trop près ?

Les tuerai-il tous jusqu'au dernier ? Ils étaient déjà plus ou moins au courant de leur existence grâce à l'oeuvre de Giratina qui leur avait transmis ces connaissances, mais l'Alpha accepterait-il que de simples créatures comme eux soient témoins de la plus grande trahison de l'histoire ?

La question ne se posait pas, de toute manière. Elle avait l'intention de remporter la victoire, d'autant plus qu'elle la méritait, et elle n'acceptait pas que le moindre mal soit fait à ses innocents. Elle cessa donc de penser à cela pour se focaliser sur Chronos, qui l'attaquait à son tour.

Dialga s'effondra le long de la plage, déracinant plusieurs arbres qui poussaient sur le rivage. Sa tête heurta celle de son frère Palkia, déjà inconscient. Cette victoire serait néanmoins la dernière de Lugia, car il venait d'être grièvement blessé par un Hurle-Temps et il était déjà affaibli par la dureté du combat.

Darkrai rassembla l'énergie qu'il puisait dans les ténèbres pour lui asséner un Vibrobscur si puissant qu'il balaya tout sur son passage. L'oiseau blanc le subit et, incapable de se maintenir en vol, il s'effondra sur les corps des deux dragons, où il s'évanouit. Sa queue balaya un maisonnette au passage, qu'il détruisit par inadvertance.

Némésis secoua la tête. Elle venait d'être touchée par Seth au terme d'une habile ruse de celui-ci, mais elle s'était vengée en emprisonnant Raikou au coeur d'une tempête de sable. Son bras la faisait souffrir le martyr, à l'endroit où sa magie noire l'avait pénétré, pareil à du poison, toutefois ce n'était pas sa principal préoccupation. Elle songeait surtout avec effroi aux dégâts qu'ils étaient en train de causer.

Elle aurait pu se rendre afin de limiter les conséquences désastreuses du combat sur l'environnement, et en particulier sur cette île d'Atlantide, dont le rivage était sérieusement touché et l'intérieur des terres commençaient à subir le même sort. Elle ne pouvait se résoudre à capituler, pourtant. Elle était la seule à pouvoir et à devoir tenir tête à Arceus. C'était son rôle.

Elle réussit à atteindre Poséïdon à travers la surface de l'océan, mais cela lui coûta un sortilège de Kukulkan, qui l'avait pris en traître. Quelques secondes plus tard, elle le propulsait contre un palmier. Le tronc se sectionna sur le coup pour s'abattre sur lui. Déjà blessé par une précédente attaque, il ne se releva pas.

Elle aurait également mis Seth hors d'état de nuire si Arceus et Zeus n'avaient pas planifié une action bilatérale au même moment. Elle s'éleva dans les airs afin de les éviter, ce qui l'emmena à manquer son attaque.

Sa douleur s'estompait peu à peu grâce à ses facultés de régénération qui la guérissaient progressivement. Avant d'être totalement remise, elle fut toutefois foudroyée à l'épaule par le père d'Athéna. Sa peau souffrait d'une grave brûlure et une étincelle électrique parcourut son corps, la paralysant à demi.

Il en fallait bien plus pour la vaincre et ils le savaient toute. Battre Lugia était une chose, mais parvenir à remporter la victoire face à elle était impossible. Malgré toutes les blessures qu'ils lui infligeraient, elle gagnerait. Elle en était certaine.

Le vent se leva pour se mettre à souffler violemment sur ses ennemis. Le tonnerre résonna, d'une façon encore plus assourdissante que lorsque Zeus l'invoquait. L'eau, déjà impétueuse, se déchaîna en vagues démesurées. Elle était en train de rassembler sa puissance, afin de porter l'estocade finale à ses adversaires encore debout.

***
- Plus vite, Rayquaza ! Plus vite !

Athéna se cramponnait à l'encolure du serpent d'émeraude, rendue glissante par la pluie torrentielle qui s'abattait sur eux. Les bourrasques lui fouettaient le visage et elle pouvait déjà percevoir, en dépit de la distance qui lui restait encore à parcourir, les bruits tonitruants du combat.

Elle ignorait ce qu'elle ferait, une fois sur place. Elle arrivait trop tard, de toute manière. Arceus et ses partisans avaient été condamnés à l'instant même où ils avaient osé se dresser devant Némésis. Celle-ci, en plus de les vaincre, se ferait une joie de leur infliger une éternité de tourments, en punition de leur crime.

- Oh...

Cette exclamation lui échappa lorsqu'elle arriva enfin sur les lieux. C'était encore pire que tout ce qu'elle avait imaginé. Arceus et ses partisans étaient en train de se faire littéralement massacrer par une Némésis déchaînée. Dialga et Palkia gisaient sur le rivage détruit de l'Atlantide. Groudon était inconscient, un peu plus loin, avec Hadès. Quant à Seth, il se tordait de douleur contre le flanc d'un Raikou évanoui.

Héra, Manaphy, Poséïdon, Kyogre, Kukulkan et Chronos n'étaient nulle par en vue, ce qui signifiait qu'ils avaient été certainement vaincus, eux aussi. Seuls l'Alpha, Zeus et Darkrai résistaient toujours, mais péniblement. Comme elle concentrait désormais toute son énergie sur eux, ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne les envoie au fond de l'océan.

- Arrêtez ! s'écria Athéna.

Le bruit du tonnerre provoqué par son père couvrit ses cris. N'ayant pas d'autre choix, elle décida de s'interposer entre eux. Elle aurait reçu une attaque de Némésis si elle n'avait pas dressé un bouclier protecteur devant Rayquaza et elle.

- Tiens, tiens... Il ne manquait plus que la fille prodige, pour que toute la petite famille soit au complet. C'est donc cela que vous m'aviez dissimulé, Athéna ? Une coalition contre moi ? Pathétique.
- Je n'étais pas au courant, je vous le jure. Je...
- Silence ! tonna Némésis. Croyez-vous que je vous accorde la moindre confiance ? Vous allez subir mon courroux, comme tous les autres. Je vais faire régner la justice et vous serez la première à être châtiée en conséquence, parce que vous êtes celle qui vous êtes le plus jouée de moi.
- Je n'ai jamais voulu que cela se produise. Tout ce que je cherchais, c'était à ramener l'équilibre.
- Non, tout ce qui se passe, vous l'avez provoquée. La seule qui est habilitée à décider de quelle façon il convient d'agir ou de sévir, c'est moi. Je vous l'ai dit, récemment. Je vous ai mise en garde sur ce qu'il vous en couterait de vous prendre pour moi, mais vous avez fait fi de mes avertissements. Vous êtes exactement comme eux : vous agissez comme vous le voulez, et non pas comme vous le devez.

Une bourrasque de vent, plus puissante encore que celles qui avaient malmené Rayquaza au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient, la fit glisser de son encolure. Darkrai la réceptionna entre ses bras avant qu'elle ne touche la surface de l'eau, ce dont elle le remercia d'un sourire crispé.

- Athéna, arrête-la ! ordonna Arceus tandis que le pokémon noirtotal la ramenait à sa hauteur.
- Es-tu devenu fou ? Je n'ai pas l'intention de me battre contre elle. Comment as-tu pu faire cela, d'ailleurs ? Tu es complètement stupide ! Tu n'aurais jamais dû...
- Elle soupçonnait quelque chose, tu l'as dit toi-même. Je ne pouvais pas lui permettre de découvrir la vérité, or d'après ce que tu m'as révélé, elle y serait parvenue tôt ou tard.
- Nous avons eu tort d'agir dans son dos. J'ai eu tort. Nous pouvons encore l'admettre et implorer sa clémence. Ce serait préférable.
- Absolument pas. Athéna... Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour elle.

Arceus lui lança un regard entendu. Bien que Darkrai et Zeus écoutent leur conversation, elle seule pouvait comprendre qu'il faisait référence à Pandore. Elle secoua néanmoins la tête. Elle ne voulait pas s'opposer plus à Némésis qu'elle ne l'avait déjà fait.

- Athéna, souffla-t-il moins fort pour que cette fois-ci, les deux autres n'entendent rien. Elle la tuera, rien que pour me faire souffrir. Pour elle, ce sera le châtiment parfait après ce que je viens de tenter contre elle.
- Je suis persuadée que non. Elle ne s'en prendrait pas à une humaine, pas même à celle que tu aimes.
- Elle me hait, elle serait capable de tout. Qui plus est, Pandore a ouvert la boîte, c'est une faute. J'aurais dû la détruire, mais je ne l'ai pas fait. Elle est obsédé par l'équilibre, or le moyen de le ramener, c'est de réparer ces erreurs. Comment y parviendra-t-elle mieux qu'en assassinant la mortelle qui est à l'origine de tout cela ?
- Je...

Athéna hésitait. Zeus et Darkrai venaient de repartir affronter Némésis, car celle-ci n'avait pas cessé une seule seconde de les attaquer. Elle devait prendre une décision rapidement. Elle était tentée de croire la déesse lorsque celle-ci affirmait avoir les solutions, mais d'un autre, si Arceus disait la vérité, elle pourrait condamner Pandore.

Elle ne supporterait pas que la jeune femme paye à cause d'elle. C'était elle qui avait accepté le marché de l'Alpha, elle qui l'avait choisie, elle qui lui avait confié le coffret de Cronos. Elle l'avait mêlée à toute cette histoire alors qu'elle ne demandait rien à personne. Si Arceus l'aimait, l'affection qu'Athéna lui portait était presque tout aussi importante. Elle s'était jurée de la protéger coûte que coûte et elle tiendrait au moins cette parole.

- Promets-moi que tu seras bon et juste, exigea-t-elle. Promets-moi que plus jamais tu n'altéreras l'équilibre et que tu ne laisseras ni ta colère, ni ta vanité, ni aucun de tes sentiments personnels prendre le pas sur ta raison à l'avenir.
- Je te le promets.

La fille de Zeus inspira profondément. Elle allait affronter la Justice. Elle était sur le point de combattre la plus puissante des légendaires, la seule personne de l'univers à même de se prétendre au-dessus des dieux. Tout cela pour une humaine. Ce n'était pas n'importe quelle humaine, cependant. Il s'agissait de Pandore.

Athéna se retourna lentement. Darkrai venait d'être vaincu à son tour et Zeus le serait d'ici une fraction de seconde. Avant même qu'elle n'ait eu le temps d'esquisser le moindre geste, son père disparaissait dans un nuage de fumée, conséquence d'une violente explosion.

Némésis n'eut pas l'occasion de savourer son triomphe. Une balle de lumière la heurta de plein fouet pour s'évaporer en une myriade d'étincelles multicolores. Les pouvoirs d'Athéna, tirés de la magie blanche, contrastaient avec les ténèbres de la nuit alentour. Ils se reflétaient sur la surface de l'océan, dans une teinte aussi ravissante que le pâle reflet de la lune.

Alors que la déesse suprême s'apprêtait à répliquer, elle éleva un gigantesque tourbillon d'eau dans lequel elle l'emprisonna. Pour l'instant, elle se contrôlait, mais cela durerait-il jusqu'à ce qu'elle ait vaincu la Justice ? Il faudrait d'avantage qu'un maelström et une pluie scintillante pour la défaire, elle le savait.

Comme elle s'y attendait, une lame d'énergie traversa la structure aquatique pour permettre à Némésis de s'en échapper. Elle répliqua avec fureur, les traits déformés par la colère, en inondant Athéna d'attaques. Celle-ci érigea un bouclier autour d'elle, qui se brisa au bout de quelques minutes.

Elle dressa alors un champ de force iridescent qu'elle propulsa vers sa rivale, qui le reçut de plein fouet. Comme elles étaient toutes les deux en lévitation, l'humaine de Lugia fut déstabilisée quelques secondes, assez pour permettre à la fille de Zeus de rassembler ses pouvoirs dans un nouvel assaut.

C'était désormais un véritable ouragan qui s'était élevé sur l'île d'Atlantide. Athéna, sans s'en rendre compte, était en train de déchaîner les forces de la nature. Arceus lui-même, qui observait le combat sans intervenir, était malmené par la puissance inouïe de la tempête. Seule celle qui était liée à Jirachi paraissait ne pas en souffrir, grâce à la protection que lui assuraient ses pouvoirs.

Némésis était à la fois impressionnée et inquiète. Elle avait toujours rêvé de découvrir l'étendue des dons que son adversaire actuelle renfermait, mais à présent qu'elle leur faisait face, elle aurait préféré qu'ils soient moindre. Athéna était parfaitement apte à remporter ce duel, or elle ne pouvait pas se le permettre.

Elle n'était pas mauvaise, toutefois elle manquait cruellement de clairvoyance. Elle se fiait trop à Arceus, ainsi qu'en la bonté du monde qui l'entourait, or elle devrait se contenter de s'appuyer sur les faits, de même que sur la vérité. Les sentiments étaient trop irréels, trop instables et trop chimériques pour baser une réflexion ou un jugement quelconque dessus, pourtant c'était précisément ce qu'elle faisait.

Némésis voulut contrer une attaque, mais son entreprise échoua. L'un des sortilèges d'Athéna l'atteignit au flanc. Elle éprouva de sévères picotements, pareils à un couteau qu'on lui enfoncerait dans la chair à un rythme régulier. Elle répliqua, furieuse, en tentant d'abattre la foudre sur elle, cependant sa rivale la détourna de justesse sur elle.

L'éclair la toucha à l'épaule. L'une comme l'autre, elles avaient pratiquement un potentiel illimité et des ressources dont les autres légendaires n'avaient même pas idée. Némésis venait néanmoins de mener un long affrontement contre la coalition de l'Alpha, alors que la fille de Zeus rentrait tout juste dans l'arène. Elle était désavantagée par rapport à elle.

Athéna n'avait pas vraiment conscience de ce qu'elle faisait. C'était comme si ses pouvoirs agissaient d'eux-mêmes, comme s'ils savaient exactement ce qu'il convenait de faire. Pour cela, elle avait simplement besoin de leur laisser libre cours, au lieu de les brider ainsi qu'elle s'y efforçait constamment.

Elle ne doutait pas que ses facultés pourraient venir à bout de Némésis. Celle-ci était de plus en plus menacée par ses assauts. Arceus, dans son dos, ne soufflait mot. Il contemplait la scène avec délectation, alors que son humain était venu s'asseoir sur son dos.

Némésis avait cessé d'attaquer son adversaire pour axer sa stratégie sur la défense, car Athéna s'était entourée instinctivement d'un nouveau bouclier qu'elle ne parvenait même pas à détruire. Elle était désormais régie par son instinct, or rien ne semblait pouvoir venir à bout de celui-ci.

Hélas, son plan ne fonctionna pas. Les assauts répétés de la déesse liée à Jirachi lui causèrent d'autres dégâts et elle commençait à présent à s'affaiblir dangereusement. La défaite était cependant une fin à laquelle elle n'avait pas le droit de se résoudre. Elle vaincue, tout ne serait plus que chaos et désolation.

Zeus fronça les sourcils. Sa fille était en train de provoquer une véritable catastrophe. Focalisée sur le combat, elle ne s'apercevait pas de l'énergie qu'elle déployait autour d'elle. Lui, en revanche, voyait les vagues qui s'élevaient de plus en plus haut, le tonnerre qui grondait de plus en plus fort, le vent qui soufflait de plus en plus puissamment.

- Arceus, tu ne peux pas la laisser continuer. Elle est en train de risquer sa vie, en cet instant.
- Némésis ne la battra pas.
- Ce n'est pas cela qui m'inquiète, mais plutôt ce qu'elle s'inflige à elle-même. Elle n'a pas l'habitude d'utiliser ses pouvoirs, surtout pas de la sorte. Une telle magie peut la tuer.
- Aie confiance en elle, elle va réussir.

Le maître de la foudre voulut insister. Sa loyauté avait beau être orientée vers l'Alpha avant tout, il ne supporterait pas qu'il arrive malheur à celle qu'il avait chérie et élevée depuis sa création. Il n'eut pas le temps de protester, cependant. Une vague lumineuse s'échappa du corps d'Athéna pour s'éparpiller autour d'elle. Elle heurta non seulement Némésis, mais eux aussi.

Arceus poussa un rugissement de douleur lorsque l'attaque brûla sa fourrure, tandis que son humain secouait la tête. C'était précisément ce qu'il craignait. Sa fille était effectivement capable de détruire Némésis, il n'en doutait pas une seconde, mais également tout autre forme de vie alentours.

- Tu dois intervenir ! Elle va tout ravager si tu ne l'arrêtes pas, nous compris.
- Elle y est presque.
- Arceus !

Zeus n'osait jamais s'opposer à lui, puisqu'il jugeait qu'en tant qu'être suprême, personne n'avait le droit de le contredire, mais en cet instant, il ne pouvait s'en empêcher. Voir Athéna ainsi lui causer les plus vifs tourments. Il aurait souhaité faire quelque chose pour lui venir en aide. Il redoutait toutefois le sort qui serait le sien s'il osait s'interposer dans ce combat titanesque. Bien qu'il compte parmi les plus puissants légendaires, lui-même n'était pas de taille face à elle deux.

L'humaine de Jirachi ferma les yeux. Elle sentait son énergie parcourir l'ensemble de son corps, elle ressentait ses pouvoirs en train de se mouvoir sous sa peau. Elle ne parvenait plus à réfléchir, uniquement à agir. Son esprit était rentré en sommeil afin de permettre à ses dons de s'exprimer.

Némésis, en face d'elle, l'avait bien compris. Tout comme elle commençait à comprendre que ses espoirs de sortir victorieuse de ce duel s'amenuisaient. Le destin du monde était entre ses mains, or elle allait le livrer malgré elle à une ère sombre et difficile, elle le savait. Sans elle, Arceus deviendrait littéralement le maître absolu pour lequel il se prenait déjà.

Personne ne se dresserait en travers de sa route. Ils le laisseraient tous agir à sa guise. Pire que cela, ils continueraient à le servir et à se prosterner devant lui, en cédant à la moindre de ses volontés. Elle était furieuse. Furieuse de voir qu'en dépit de ses avertissements, Athéna s'était placée de son plein gré dans cette catégorie.

Elle reçut un sortilège qui lui coupa le souffle et la plia en deux. La fin se rapprochait irrémédiablement. Elle avait commis une grave erreur en choisissant de combattre la fille de Zeus, mais elle ne le regrettait pas véritablement. Tel avait été son devoir. Qui plus est, en combat singulier et non après avoir affronté la coalition due à la lâcheté d'Arceus, elle l'aurait certainement vaincu.

Alors qu'elle était sur le point d'achever son adversaire, Athéna revint brutalement à elle. L'attaque qu'elle s'apprêtait à jeter se figea dans les airs, pendant qu'elle observait Némésis. Celle-ci, endolorie et affaiblie, conservait malgré tout la dignité qui était la sienne.

- Vous le regretterez... lâcha-t-elle à son intention.

Ce n'était pas une menace, juste la vérité. La déesse faisait confiance à Arceus, or la Justice savait qu'elle avait tort. Il était indigne de confiance, à cause de son narcissisme, de sa mégalomanie et de sa volonté d'être tout puissant.

- Je sais, murmura Athéna. J'en ai conscience.
- Pourquoi le faites-vous, dans ce cas ?
- J'ai promis, et parce que j'ai promis, je dois aller jusqu'au bout. Vous aviez raison : c'est moi qui suis coupable. Coupable de tout. J'ai provoqué cette situation dans laquelle nous nous trouvons en cet instant. Si c'était à refaire, cependant, je le referai.
- Tout cela pour Arceus... Quel gâchis.
- Vous vous trompez si vous croyez que j'agis dans son intérêt. Pas cette fois, en tout cas. Si je le fais, c'est avant tout pour moi. L'enjeu de ce combat... Il est insignifiant, et pourtant il signifie tout. C'est pour cette raison que je n'ai pas le choix. Je suis désolée.

Une lumière vive apparut dans la paume d'Athéna, pendant que Némésis rassemblait également ses forces dans une dernière tentative, qu'elle savait déjà vouée à l'échec. Les sortilèges qu'elles venaient de lancer atteignirent leur cible en même temps. Elles avaient toutes les deux fermé les yeux, par réflexe.

La Justice sentit une onde de souffrance se répandre à l'intérieur, ce qui lui arracha un cri avant qu'elle ne bascule en direction des flots. La fille de Zeus, elle, sentit une vive douleur s'insinuer dans son esprit. Elle eut juste le temps de de porter ses mains à son crâne meurtri, puis perdit connaissance.

***
Athéna souffrait d'un violent mal de tête lorsqu'elle commença à reprendre conscience. Les légendaires, d'ordinaire, n'étaient pas sujet à ce genre de maux, mais c'était un cas à part. Elle devait cette blessure mentale à Némésis et celle-ci mettrait fort longtemps avant de disparaître, à condition qu'elle y parvienne.

Elle n'avait pas encore retrouvé la vue, ce qui l'empêchait de voir le lieu dans lequel elle se trouvait. Elle n'était plus au large de Hoenn, car elle n'entendait plus le bruit des vagues, ni du vent, à moins qu'elle ne soit victime de surdité, en plus de cécité. Elle était cependant convaincue d'être toujours dans le monde d'en-bas. Elle percevait le temps et l'espace, or ceux-ci étaient différents dans la Salle Originelle.

- Athéna ?

Une voix douce et délicate l'appela. Elle connaissait bien ce timbre. En plus d'être familier, il avait une intonation rassurante. Rien qu'à sa seule écoute, elle eut déjà l'impression de se sentir vaguement mieux. Elle souffrait toujours, mais au moins, elle ne se sentait plus seule, comme cela était encore le cas quelques instants auparavant.

- Ma dame, est-ce que vous sentez ma présence ?

Elle voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle n'était pas dans la réalité, contrairement à ce qu'elle avait cru, mais prisonnière d'un songe. Ce n'était pas les ténèbres qu'elle percevait autour d'elle. Il s'agissait de l'univers sur lequel Darkrai régnait en maître. Sa silhouette se matérialisa devant elle, d'abord floue, avant de gagner progressivement en netteté.

- L'espace d'une seconde, j'ai craint que le sortilège de Némésis n'ait détruit votre esprit. Je n'ai senti aucune trace de votre conscience.
- Je...

Elle constata avec surprise qu'elle pouvait à nouveau s'exprimer librement. La dimension psychique dans laquelle le pokémon noirtotal n'était sans doute pas encore finalisée lors de son précédent essai. C'était désormais le cas.

- Je vais bien. Du moins, je le crois. Je serais plus rassurée si je me réveillais.
- C'est pour vous aider que je suis ici. Je peux vous guider jusque-là, si vous me le permettez.

Athéna acquiesça d'un hochement de tête et Darkrai se décala sur sa gauche pour lui permettre de distinguer, très loin derrière lui, une lueur scintillante. Elle l'observa, indiquée. Son instinct lui soufflait qu'elle devait la suivre. Sans un mot, elle passa devant le légendaire. Lorsqu'elle voulut se retourner pour le remercier de son assistance, il avait déjà disparu.

***
La fille de Zeus se réveilla en sursaut. Son premier réflexe fut d'inspirer une longue bouffée d'air frais, car elle avait eu l'impression d'être restée en apnée durant tout le temps qu'avait duré son évanouissement. Elle se redressa ensuite d'un mouvement sec afin de s'asseoir sur son séant.

Elle se trouvait sur un sol dur et froid, constitué de pierre. Des murs identiques l'encerclaient. Cet endroit lui était totalement inconnu, mais ces éléments suffirent à lui laisser supposer qu'elle était dans un temple. Elle sursauta en sentant trois pairs d'yeux rivées sur elle.

Darkrai, Zeus et Arceus étaient présents. Ils la fixaient tous les trois avec insistance et elle put déceler sur les traits de son père un profond soulagement, contrairement aux deux autres qui s'efforçaient de conserver une expression impassible. Sans hésiter, elle sauta sur ses pieds pour aller se jeter dans les bras du maître de la foudre.

- Athéna, ma chérie... J'ai eu si peur, murmura-t-il en l'étreignant.
- Je vais bien, Père. Grâce à Darkrai. C'est lui qui m'a ramenée.

Elle inclina la tête en direction du pokémon noirtotal, en signe de gratitude. Celui-ci lui répondit par un geste, afin de lui indiquer qu'il jugeait son intervention parfaitement naturelle. Il prononça ensuite quelques paroles amicales à son encontre. L'Alpha, pour sa part, restait muet.

- Comment te sens-tu ? finit-il par demander, au terme de plusieurs minutes.
- Beaucoup mieux. Le sortilège que Némésis m'a lancé était très puissant, mais je m'en remettrai.
- Parfait, car il faut que tu termines ce que tu as commencé.

D'un geste, il désigna des escaliers qui s'enfonçaient au-dessous du sol et qu'Athéna n'avait pas remarqué jusqu'à présent. La salle dans laquelle ils se tenaient était immense, comme si elle avait été expressément taillée pour accueillir des légendaires. Alors que Zeus protestait contre les exigences d'Arceus, qui ne laissait même pas le temps à sa fille de se remettre de ses émotions, elle l'interrogea :

- Où sommes-nous ?
- Dans le temple Sinjoh. Giratina l'a bâti, autrefois, lors de l'un de ses nombreux voyages dans le monde d'en-bas.
- Etait-il bien prudent de venir ici ?
- Cet endroit ne lui appartient plus. Il a tout perdu le jour où je l'ai banni dans le Monde Inversé. Il ne reviendra jamais dans notre univers, et par conséquent jamais ici.

Athéna fusilla le Créateur du regard, néanmoins celui-ci feignit de ne pas remarquer son courroux, comme à chaque fois que le sujet était abordé. Elle n'insista pas, car elle savait que cela n'aurait servi à rien, encore moins en présence de témoins tels que Darkrai et son père.

- Qu'attends-tu de moi, à présent ?
- Némésis est au sous-sol, avec Lugia. Elle n'a pas encore repris conscience, mais cela risque de se produire d'un instant à l'autre. Nous craignions que tu ne reviennes pas à toi suffisamment vite pour l'en empêcher. Il faut que tu la places sous scellés avant qu'elle n'essaye de s'échapper.

La déesse acquiesça. Enfermer Némésis ne l'inspirait pas, mais puisqu'elle en était arrivée là, elle ne pouvait plus faire marche arrière, désormais. Elle devait aller jusqu'au bout, car elle savait que c'était le seul moyen qu'elle possédait d'épargner la vie de Pandore, à présent qu'ils avaient tous déchaîné la colère de la Justice.

- Athéna, si tu ne t'en sens pas capable, tu... commença Zeus.
- Tout va très bien se passer. Je contrôle de mieux en mieux mes pouvoirs, grâce à l'aide précieuse de Rayquaza. Si tel n'était pas le cas, je n'aurais sans doute pas réussi à la vaincre.

Son père s'apprêtait à dire quelque chose, mais Arceus l'en dissuada d'un grognement. A contrecoeur, il referma la bouche. La déesse se dirigea vers l'escalier d'un pas prudent. Elle redoutait, à l'instar de ceux qui l'entouraient, que Némésis ait repris conscience. Parvenue au bas des marches, toutefois, elle la découvrit inerte, abandonnée au coeur d'une salle souterraine avec son pokémon.

Athéna s'agenouilla sur le sol et y plaqua ses paumes. Les yeux clos, elle laissa sa magie se diffuser dans son corps. Un halo lumineux l'entoura, pour se répandre progressivement autour d'elle. Il glissait par terre, ainsi que le long des murs, jusqu'à recouvrir l'ensemble du temple. Elle psalmodia ensuite une incantation en Ancien Langage.

- Par mes pouvoirs, moi, Athéna, humaine légendaire de Jirachi, je place Némésis et Lugia sous scellés. Tant qu'aucune magie noire ne parviendra à briser ce sort, ils demeureront prisonniers de cette salle.

Elle se redressa, sans rompre le lien qui la connectait au temple, et recula jusqu'à l'arche qui la ramènerait dans l'antichambre où se trouvaient les escaliers. D'un geste, elle érigea une paroi en pierre qui condamnerait la sorte. Grâce à son enchantement, même si la Justice et son pokémon choisissait de combiner leurs forces dessus, ils ne parviendraient pas à la briser.

Le sortilège avait nécessité beaucoup d'énergie et Athéna se sentit très faible, d'autant qu'elle n'avait pas encore totalement récupéré de son combat avec Némésis. Darkrai se matérialisa à côté d'elle au moment où elle commençait à chanceler. Il la soutint pour l'aider à monter les marches jusqu'au rez-de-chaussée, où Arceus et Zeus attendaient patiemment.

- Es-tu certain que personne ne s'aventurera ici ?
- Aucun de nous ne tentera de la libérer, affirma l'Alpha. Il faudrait être fou pour cela.
- Et les humains ? Si jamais l'un d'eux s'aventure jusqu'ici ?
- Que voudras-tu qu'il fasse ? Seule une magie noire très puissante peut contrer tes enchantements, tu le sais. Si cela peut te rassurer, je demanderai à Poséïdon de lever une tempête perpétuelle autour de l'ilot et à Njörd d'y faire régner un blizzard constant, mais je doute que cela soit d'une quelconque utilité. Elle ne s'échappera jamais.

Arceus paraissait convaincu de ses propos et Athéna accepta de le croire. Effectivement, seuls les légendaires, et uniquement une infime partie d'entre eux, pourraient lever les scellés, or aucun n'oserait. La défaite de Némésis soulageait tout le monde d'un lourd fardeau.

- Partons, à présent. Nous avons délaissé la Salle Originelle suffisamment longtemps.

Le Créateur commençait déjà à s'éloigner vers la sortie du temple, lorsque Zeus l'interrompit. Quelque chose semblait visiblement le tarauder. Athéna s'en était aperçue et elle se demandait ce qui pouvait bien le préoccuper de la sorte. Sa fille avait accompli la volonté de son pokémon. Il aurait dû être satisfait, voire même fier.

- Arceus... murmura-t-il. Laisse-moi l'emmener là-bas. S'il te plaît.
- Nous en avons déjà discuté en chemin. Il est préférable que...
- Elle le saura, de toute façon. Les Zarbi le lui diront. Je crois qu'il vaut mieux pour tout le monde que je m'en charge.
- Savoir quoi ? interrogea Athéna. Père, de quoi parles-tu ? Y a-t-il quelque chose que j'ignore ?

Il demeura silencieux, les yeux rivés sur Arceus. Celui-ci conserva une expression stoïque durant de longues minutes, avant de faire un pas en avant. Sans prendre la peine de les regarder, il lâcha :

- Je vais appeler Rayquaza pour qu'il vous ramène là-bas. Pendant ce temps, je rentre avec Darkrai à la Salle Originelle. Je dois aller voir comment les autres se remettent de leur face à face avec Némésis.
- Nous ramener où ? insista Athéna.
- Tu le comprendras bien assez tôt.

Zeus prit sa main dans la sienne et la pressa de toutes ses forces. Son visage paraissait décomposé, ce qui ne laissait rien présager de bon. Malgré ses interrogations répétées, toutefois, sa fille ne parvint pas à lui soutirer la moindre information supplémentaire. Il lui faudrait patienter jusqu'au moment où il serait décidé à lui révéler ce que tous semblaient lui cacher.

***
- Où sommes-nous ? interrogea Athéna.

Ils survolaient la mer depuis un long moment, désormais. Il n'y avait rien d'autre que l'eau bleutée à perte de vue, sur lequel le soleil levant miroitait. Rayquaza progressait à un rythme lent, se laissant porter par la brise. Quant à Zeus, il paraissait toujours aussi contrarié qu'au temple Sinjoh.

- Que vois-tu, là-bas ? lâcha-t-il soudain en pointant l'horizon du doigt.

Elle plissa les yeux pour distinguer le fin liseré de terre que la distance rendait pratiquement invisible. Malgré cela, elle parvint à l'identifier. Elle avait suffisamment observé le monde d'en-bas depuis le ciel pour reconnaître ses diverses régions.

- Hoenn, répondit-elle.
- Et là ?

Zeus la tourna dans une autre direction. Cette fois, elle eut beau se montrer aussi attentive que possible, elle ne remarqua rien. Il n'y avait que la mer, le ciel et l'infini. Pas d'autre détail susceptible d'attirer son attention.

- Il n'y a rien. Que suis-je censée remarquer ?
- Réfléchis.

Athéna fronça les sourcils. Elle ne comprenait pas du tout où son père voulait en venir, en dépit de sa grande intelligence. A part deux étendues, respectivement cyan et indigo, il n'y avait rien à voir aux alentours. Il...

- Il n'y a rien... souffla-t-elle, alors que l'explication s'insinuait brutalement dans son esprit. Il n'y a rien. Rien du tout. Où est l'île d'Atlantide ?
- Elle a été engloutie par les flots.

Zeus regretta immédiatement d'avoir prononcé cette phrase de façon si directe, lui qui ne désirait que protéger sa fille. La respiration d'Athéna s'accéléra, tandis que la panique la gagnait. Il y avait des habitants, sur cette terre disparue. Des centaines, peut-être même des milliers d'êtres humains.

- Ils sont... morts ? bredouilla-t-elle.
- Il n'y avait aucun moyen de les sauver.

Le maître de la foudre essaya de prendre un ton compatissant, qu'il feignit bien mal. Pour lui, il ne s'agissait que de mortels insignifiants. Leur trépas ne représentait rien à ses yeux et il se moquait totalement du sort qu'ils avaient subi. Ce qui l'inquiétait, en revanche, c'était sa fille.

- Que s'est-il passé ? C'est le combat, n'est-ce pas ? Evidemment... Tous ces légendaires, rassemblés là, à se jeter au visage des attaques plus puissantes les unes que les autres... Cela a eu des répercussions.
- Non. Athéna, nous ne sommes pas responsables de ce qui s'est produit cette nuit, pas plus que Némésis. Quand tu l'as combattu, tu as... Tes pouvoirs t'ont possédée. Tu étais concentrée sur elle, au point d'en oublier tout ce qui existait autour de toi. Tu as déchaîné toutes tes forces et tu as fini par perdre connaissance, avant d'avoir pu constater les dégâts que tu avais causés.
- Tu veux dire que... c'est moi qui ai fait cela ?

Un gémissement aiguë s'échappa de la bouche de la déesse tandis qu'elle s'effondrait à genoux sur l'encolure de Rayquaza. C'était impossible. Elle ne pouvait pas avoir détruit une cité entière, ainsi que les vies innocentes qui la peuplaient. Elle aimait les humains, ainsi que le monde d'en-bas. Elle ne pouvait avoir commis un tel crime.

- Tu mens ! s'égosilla-t-elle, hystérique. Dis-moi que tu mens ! Que c'est... Je ne sais pas pour quelle raison tu ferais cela, mais dis-moi qu'il s'agit d'un mensonge !

Elle se mit à marteler les écailles du dragon vert de ses poings. Malgré la force qu'elle mettait dans ses coups, il ne sentait rien, raison pour laquelle il ne tenta pas de l'arrêter. Elle était si mal, en cet instant, qu'il valait mieux la laisser se défouler si cela lui permettait de garder le contrôle de ses nerfs.

- Athéna, je...
- Non ! Tais-toi ! S'il te plaît, père, je t'en conjure... Je ne peux pas, je...

Elle s'interrompit, car les mots devenaient trop pénibles à prononcer. Elle refusait de le croire. Elle avait déjà réprouvé l'idée de combattre Némésis, même s'il lui avait fallu s'y résoudre, mais à présent, ses actes pesaient d'un poids insupportable sur ses épaules. Un crime n'avait pas suffi : elle en avait commis un second sans même s'en rendre compte.

- Je hais mes pouvoirs ! Je les hais ! Jirachi... Jirachi, pourquoi m'avoir affublée d'un tel fardeau ? Comme tu as de la chance de ne pas être là pour voir le désastre que ton voeu à causer. Le désastre que je suis.
- Athéna, tu ne dois pas dire cela. Tu...
- Si ! Némésis savait utiliser sa puissance. Elle savait s'en servir convenablement, et de manière juste. J'a sollicité la mienne pour la vaincre, et j'ai emporté avec elle des milliers de vies humaines. Comment puis-je tolérer cela, père ? Comment ?

Athéna s'égosillait, à présent. Zeus s'était accroupi dans son dos pour enserrer ses épaules de ses bras. Comme Rayquaza était parfaitement silencieux sous eux, il se mit à fredonner sa berceuse à son oreille, mais elle l'interrompit d'un cri furieux. Elle n'avait aucune envie de se calmer.

- Je suis un monstre... bafouilla-t-elle. Je suis... C'est moi qui devrais être au fond de cet océan. C'est moi, pas eux. Je...

La déesse n'arrivait plus à respirer. Elle tremblait de rage et la pression que le maître de la foudre s'efforçait à appliquer sur son corps ne suffisait pas à l'en empêcher. L'hystérie prenait possession de son être, à l'instar de la culpabilité. Bien qu'elle soit légendaire, elle semblait pratiquement sur le point de sombrer dans la folie.

Une bourrasque de vent s'abattit sur eux, si puissante qu'elle alla jusqu'a déstabiliser le vol de Rayquaza. Athéna hoqueta bruyamment en comprenant qu'elle était à l'origine de cette perturbation atmosphérique.

- Je suis trop dangereuse, murmura-t-elle, effondrée.
- C'est pour cette raison que tu dois d'abord te calmer. Tu risques de provoquer une nouvelle catastrophe si tu restes dans cet état.
- Je ne pourrais pas faire plus de mal que je n'en ai déjà causé.
- C'était un accident, ma chérie. Tout se passait très bien, lors de tes entraînements. Tu ne pouvais pas penser que...
- Si ! Si, je le pouvais ! J'ai toujours été instable et, à la Salle Originelle, je n'utilisais jamais plus du quart de ma puissance. Je sais ce dont je suis capable, je l'ai toujours su.

Athéna s'apprêtait à en dire plus, mais elle se ravisa. C'aurait été trop en révéler, or son père n'était pas au courant de l'existence de Cronos. Elle ne devait pas évoquer son combat avec lui, au cours duquel elle avait eu l'occasion de prendre conscience de l'étendue presque infinie de ses pouvoirs.

- Je n'ai pas le droit de recommencer, souffla-t-elle, hagarde.
- Que veux-tu dire ?
- J'ai cru que j'étais capable d'y arriver, mais c'est faux. Je contrôle la magie blanche, pourtant je ne suis que destruction. La tâche est trop lourde à porter, et je suis toute seule. J'ai besoin de Jirachi. Il me faut Jirachi. Il m'a créé, il doit savoir quoi faire.
- Athéna... Nous ignorons quand il va se réveiller. Cela peut se produire demain, comme dans un siècle ou un millénaire. En attendant, tu ne peux pas rester dans cet état.
- Non, mais je n'utiliserai plus mes pouvoirs. Pas tant qu'il y aura le moindre risque que ce qui s'est passé aujourd'hui se reproduise. Je préfère encore vivre comme une mortelle plutôt qu'être à nouveau l'ange de la mort.
- Oserais-tu vraiment renoncer à une telle puissance ? s'enquit Zeus, surpris.
- Si cela peut protéger le monde de moi-même... Oui, j'ose. Sans la moindre hésitation. Tant que je ne me contrôlerai pas, tant que je ne serai pas maîtresse de mes émotions et de mes pulsions, je m'interdirai toute manifestation de mes dons. Dusse ma vie en dépendre.

L'humain d'Arceus secoua la tête, mais ne releva pas tandis qu'Athéna fixait l'horizon, désormais désert. Elle aurait voulu être comme Némésis, ne jamais commettre d'erreurs. Au lieu de cela, le nombre de celles dont elle était responsable s'accroissait de jour en jour. Il était trop tard pour faire marche arrière, désormais, mais elle avait la conviction qu'elle n'était pas au bout de ses peines.