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» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 31/05/2016 à 14:21
» Dernière mise à jour le 20/06/2016 à 09:43

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-2 : In New Eden soil, shall I plant thee
"Lorsqu'une porte se ferme, il y en a une qui s'ouvre. Malheureusement, nous perdons tellement de temps à contempler la porte fermée, que nous ne voyons pas celle qui vient de s'ouvrir."
- Alexander Graham Bell -

Mai 1885, Poivressel, Hoenn.

La belle femme, blonde aux yeux émeraude et portant une robe d'un mauve pâle hypnotisant, déambulait dans les couloirs de son immense demeure, fatiguée de tous ces couloirs et de ces interminables escaliers. Elle soupira et porta une main à son visage, geste qu'elle reproduisait souvent pour vérifier que de nouvelles rides indésirables ne venaient pas s'ajouter à celles déjà présentes. Bien qu'elle ait quarante-deux ans, et donc qu'elle ne soit pas si âgée que cela, elle avait tendance à paniquer pour des broutilles telles que le nombre de rides sur son visage. Son époux ne cessait de lui dire que tout allait bien et qu'elle était toujours aussi jolie qu'au premier jour, rien n'y faisait, Lydian Dover n'écoutait pas et n'écouterait probablement jamais. Elle était bien trop fière pour s'abaisser à croire des inepties seulement proférées dans le but de ne plus l'inquiéter. Si elle voulait s'inquiéter, elle s'inquiétait, nul besoin de chercher plus loin.

Lorsqu'elle trouva enfin la double porte de bois ornée de poignées dorées, elle entra sans frapper dans le grand bureau de son époux. Celui-ci leva les yeux de son livre en entendant la lourde porte grincer sur ses gonds, et la gratifia d'un sourire poli. Le baron Dover était un homme d'apparence tout à fait banale. Des cheveux noirs coupés courts et soigneusement peignés s'accordaient très bien avec la pâleur de son teint et avec sa tenue noire. Ses yeux noisette luisaient d'un éclat paisible et bienveillant. Chose étrange, malgré ses quarante-trois ans, il en paraissait bien dix de moins. La riche épouse soupira, lasse.

"Finn, chéri, j'en ai bien assez d'attendre.
— Lydian... marmonna-t-il en fronçant les sourcils, posant son livre sur le bureau.
— Tu avais dit que ça ne prendrait que peu de temps, que tu parviendrais à convaincre ce jeunot inexpérimenté de te céder la gouvernance de Lavandia.
— Je l'ai dit. Mais Raymond St John est plus intelligent que ce que nous pensions au départ, ma chérie, et j'en suis désolé, tu dois me croire. Tout finira par se passer comme nous l'avons planifié, mais en attendant, il faut se montrer patient."

Lydian Dover détourna les yeux pour observer l'extérieur à travers la grande fenêtre ouverte qui laissait passer un air frais et apaisant. Dehors, les Nirondelle voletaient et les quelques Pokémon de compagnie du couple, des Caninos et des Medhyèna, ainsi que des Skitty, vagabondaient dans le jardin ou dormaient à l'ombre des arbres. Attendrie par cette vision, la femme blonde se détendit un peu, consciente que la situation finirait par s'arranger.

"Tu as raison. Nous finirons bien par avoir ce que nous désirons. Ce Raymond ne nous mettra pas des bâtons dans les roues indéfiniment, c'est certain.
— Avec ton machiavélisme et mon influence, c'est évident, approuva l'époux, l'air un peu mal à l'aise. Dis à un domestique de m'apporter mon traitement, veux-tu ?
— Ce sera fait."

Lydian quitta la pièce, un peu plus sereine, adressant un signe de la main à Finn qui reprenait sa lecture. Elle sourit. Si tout se passait comme prévu, elle aurait enfin ce qu'elle désirait.


***

Mal à l'aise dans sa robe d'époque, Rebecca suivait tant bien que mal Robert à travers les rues animées et chaleureuses de Lavandia. Ses pieds lui faisaient mal, car elle n'avait pas l'habitude de marcher avec ce genre de chaussures, mais elle se promit de ne pas se plaindre. Elle ne se montrerait pas faible. De temps à autre, des calèches tirées par des Galopa passaient, transportant des personnes influentes ou en ayant les moyens financiers. La jeune femme soupira de désarroi en constatant que les véritables voitures ne seraient inventées qu'une vingtaine d'années plus tard.

Le scientifique des années soixante choisit de se rendre dans la rue principale de la ville, une gigantesque artère commerciale remplie de monde. L'infirmière n'objecta pas. Elle fut très surprise par l'ambiance chaleureuse qui régnait. On s'échangeait gaiement des politesses entre voisins, on conversait volontiers avec les marchands, on ne tarissait pas d'éloges sur la production à grande échelle facilitée par la révolution industrielle... Rebecca put déduire, en voyant les tenues vestimentaires de la plupart des personnes présentes, que les classes moyennes en majorité se rendaient au marché dans la grand-rue. Les riches n'y venaient que peu, voire pas du tout, préférant laisser à leurs majordomes et autres membres du personnel le soin de faire des emplettes.

"C'est vraiment très animé... je suis surprise.
— Vous avez raison. Rien à voir avec 1964, c'est bien plus chaleureux et agréable... je vivrais volontiers toute ma vie ici ! ricana Robert.
— Nous ne sommes là que pour empêcher une catastrophe d'arriver, c'est bien cela ?"

L'homme se tut un moment et observa aux alentours pour trouver un groupe de personnes à qui il pourrait s'adresser pour en apprendre plus sur les lieux.

"Je vous parle, là... grommela Rebecca, lasse.
— Une seconde. Je suis tout à vous.
— Je disais... nous sommes là pour empêcher une catastrophe quelconque d'arriver, et c'est tout ?
— Oui, je croyais avoir été assez clair là-dessus. Néanmoins, pour en apprendre plus sur la situation des lieux et sur les éventuels problèmes qui secouent la région, nous sommes dans l'obligation de demander à des âmes charitables de nous donner quelques informations, expliqua-t-il.
— Eh bien qu'attendons-nous ?"

Sitôt un couple accompagné de leur fille repéré, ils se dirigèrent vers eux pour engager la conversation. L'enfant devait avoir environ dix ou onze ans et portait une robe plus ou moins semblable à celle de l'infirmière. Probablement une famille bourgeoise, l'idéal pour se renseigner sur les derniers potins mondains. Le père de famille plissa les yeux et lissa sa moustache avec orgueil.

"Je ne vous ai jamais vu par ici, et Arceus sait que je connais toute la bonne société lavandienne. Qui êtes-vous donc ?
— Le... comte Steiner, et voici m... ma sœur, Rebecca, répondit-il, contraint d'inventer un pieux mensonge.
— Un étranger, peut-être ? Votre nom a une consonance germanique... de Sinnoh peut-être ? J'ai entendu dire qu'ils étaient une colonie allemande avant la Grande Rébellion, ajouta la mère.
— C'est exact, je suis de Sinnoh. Nous sommes en vacances, tous les deux.
— Cette jeune femme n'a pas l'air d'être votre sœur... vous ne vous ressemblez absolument pas !" intervint la gamine en robe bleue.

Robert et Rebecca se consultèrent du regard, et d'un commun accord, acquiescèrent. Elle se pencha pour se mettre à la hauteur de la jeune fille et sourit.

"Peut-être, mais c'est mon frère quand même. Parfois, ça arrive qu'il n'y ait aucune ressemblance !
— ...vous êtes belle."

Le visage de l'infirmière devint rouge pivoine. Le scientifique rit de sa gêne et lui donna une tape amicale dans le dos. Le père de famille plissa les yeux.

"Y a-t-il quelque chose que vous voulez savoir ? Il y a bien une raison pour laquelle vous avez engagé la discussion...
— En effet, répondit-il, satisfait de pouvoir enfin en venir au fait. Je me demandais... j'ai entendu quelques rumeurs qui ne me sont pas tellement restées en mémoire, et je voudrais savoir... est-ce que la situation est tendue en ce moment dans les environs ? Y a-t-il des problèmes d'ordre politique ?"

L'homme à la moustache regarda sa femme, qui semblait s'y connaître davantage que lui sur le sujet, et lui laissa volontiers la parole.

"Eh bien, ces derniers temps... nous avons bien eu quelques problèmes avec le comté de Poivressel, juste au sud d'ici. Je n'en connais pas la nature exacte, mais le baron St John attend apparemment sa visite d'un jour à l'autre.
— Le baron St John ? répéta Rebecca. Qui est-ce ?
— Oh ! Le baron Raymond St John est l'homme qui gouverne le comté de Lavandia. A trente-et-un ou trente-deux ans, c'est une première dans l'histoire de notre région, parait-il. Il prône la modernité et est contre le pouvoir aux plus âgés. Je peux le comprendre, attendre d'avoir la cinquantaine pour avoir un poste important a de quoi frustrer... grâce à lui, l'économie est florissante."

Robert plissa les yeux et croisa les bras, en proie à une réfléxion intense.

"Vous dites qu'il y a de l'eau dans le gaz entre St John et le comté de Poivressel ? Qui en est le dirigeant ?
— Je ne le connais pas trop, admit la femme. Finn Dover, il doit avoir une quarantaine d'années. Je ne saurais même pas le reconnaître si je le voyais, en vérité.
— Bien... et savez-vous où vit le baron St John ?
— Tout le monde ici le sait, intervint l'époux. En bordure de la ville, direction l'est, c'est l'immense maison avec un jardin impressionnant. Vous comptez lui rendre visite ?"

Robert ne répondit pas et se contenta de les remercier d'un geste de la main et d'un sourire poli. Il se dirigea vers le bout de la rue, où l'on pouvait louer des Galopa, suivi de près par l'infirmière qui en avait assez de courir à droite à gauche comme ça. Ils empruntèrent deux montures, une chacun, et se mirent en selle. Ni l'un ni l'autre n'avait jamais pratiqué l'équitation, mais ce serait l'occasion pour eux de découvrir.

"J'ose espérer qu'on ne peut pas tomber trop facilement... geignit Rebecca.
— Normalement, non, mais faites tout de même attention, chère sœur.
— Ne prenez pas votre rôle trop à cœur non plus..."

Les Pokémon de type feu s'élancèrent à travers la rue, à une allure modérée pour ne pas mettre en danger les passants. Certains enfants regardaient les chevaux à la crinière de feu avec admiration, et exhortaient leurs parents à les laisser faire un tour à dos de Galopa. Une fois les portes à l'est de la ville franchies, ils purent accélérer. Les cavaliers sentaient le vent leur fouetter le visage, et leur cœur battait à cent à l'heure à cause de ces nouvelles sensations indescriptibles.

Contre toute attente, les montures ne furent pas difficiles à diriger. Robert savait pertinemment que les Pokémon comprenaient le langage humain, aussi n'en fut-il pas étonné. Il appréciait davantage de monter à cheval en 1885 plutôt que de conduire sa voiture de 1964, aussi confortable fut-elle. Rebecca, elle, craignait un peu de tomber, et serrait de toute ses forces la bride de cuir entre ses doigts rougis. Une fois que la demeure imposante fut en vue, ils ralentirent la cadence pour apprécier quelques instants le paysage alentour. Des collines verdoyantes s'étendaient sous le ciel sans nuages, et en observant bien, au loin, on pouvait apercevoir la mer.

"Je ne dirais pas non à une promenade sur la plage... marmonna l'infirmière pour elle-même.
— Malheureusement, nous avons d'autres priorités, et je suis certain que le mauvais pressentiment que j'ai eu tout à l'heure est lié à ce conflit entre St John et Dover. Reste à savoir qui est le méchant de l'histoire...
— Je parierais sur St John. Les jeunes politiciens ont toujours trop d'ambition, tellement qu'ils finissent par succomber à leur soif de pouvoir et à prendre des mesures extrêmes.
— Je n'en suis pas si certain... admit Robert. Qui sait, nous verrons bien à quoi nous serons confrontés une fois au manoir de St John."

Rebecca ne put qu'acquiescer, n'ayant plus d'argument à faire valoir, et tous deux pénétrèrent à l'intérieur du domaine. La grille n'était pas fermée, étrangement, mais ils n'y prêtèrent pas beaucoup d'attention. Une fois qu'ils furent arrivés devant la grande porte, Robert descendit de sa monture, et en bon prétendu gentleman lavandien, aida sa camarade à faire de même. Elle fut soulagée de retrouver le contact entre ses pieds et le sol, peu à l'aise à dos de Galopa, bien que ces montures apprivoisées soient extrêmement dociles. A l'instant même où l'homme roux frappa à la porte, des employés de maison en smoking rappliquèrent, épée au poing, et un individu qui en imposait par sa présence arriva par l'aile ouest du jardin.

Jeune, il devait avoir une petite trentaine d'années. Contrairement à beaucoup d'hommes de l'époque, il n'arborait pas de moustache sur son visage aux traits légèrement tirés par la fatigue. Son chapeau haut de forme et son costume de bonne qualité témoignaient de son rang social élevé, de même que les multiples bagues à ses doigts. Il retira son couvre-chef, dévoilant ses cheveux courts bruns, le tendit à un employé de maison, et vint tout près de ses visiteurs inattendus. Rebecca déglutit, mal à l'aise, en voyant ses yeux gris inquisiteurs se poser sur elle.

"Puis-je savoir ce que vous venez faire sur ma propriété sans y avoir été invités ?"

Sa voix résonna dans le calme ambiant. Robert comprit qu'ils avaient affaire au maître de maison, le baron Raymond St John, dirigeant du comté de Lavandia. Rebecca ne put s'empêcher de lancer un regard à son compagnon. Un regard qui signifiait plus ou moins "Je vous l'avais bien dit, que c'était lui, le méchant de l'histoire." Le scientifique sentit son cœur s'emballer, mais ne montra rien à l'homme brun qui le toisait.

"Longue, longue histoire... peut-être trop loufoque pour que vous y croyiez, d'ailleurs..."

Raymond l'observa un moment, puis se tourna vers son majordome, le chef des employés de maison.

"Faites-les monter dans le salon du troisième, Marvin. Je vais m'en occuper.
— Bien, monsieur."

Seule résonnait à présent dans la tête des deux infortunés la voix calme du majordome, alors qu'on les faisait entrer dans l'immense manoir coupé du monde.