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Le destin des Primordiaux de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 29/05/2016 à 09:53
» Dernière mise à jour le 13/09/2019 à 23:24

» Mots-clés :   Action   Aventure   Cross over   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 20 : Trouver le roi déchu
Uriel a sacrifié son âme pour accomplir son devoir de Sauveur du Millénaire. Mon mentor a sacrifié sa réputation et son existence même. Moi, j’ai sacrifié toutes mes attaches en ce monde, dont la fille que j’aimais. Au final, il ne m’en resta plus que deux. Mon ami de toujours, et ma sœur. Aujourd’hui encore, ils sont à mes cotés. Je n’aurai pas eu la force de continuer si longtemps, sans eux…



*****



Leaf ne participa guère à l’organisation préliminaire des dresseurs de Pokemon Plante visant à trouver le Solerios. Elle avait autre chose en tête, et puis, la reine Eryl semblait se donner à cœur joie de tout diriger. Pour une fois qu’Erend la laissait faire autre chose que lire des discours déjà écrits ou des apparitions de gala, elle était motivée. Elle avait en permanence avec elle son étrange Pokemon, du nom de Ea, qui ressemblait à un écureuil croisé avec un haricot et qui savait baragouiner deux trois trucs en langage humain. Apparemment, c’était un Pokemon unique, quasi-légendaire pour avoir appartenu au tout premier dresseur de l’Histoire avec deux autres, que possédaient d’ailleurs Mercutio Crust et Zeff Feurning.

Eryl et Ladytus avaient réunis tous les dresseurs de Pokemon Plante que comprenaient les rangs de la Confédération, environ une centaine, dans les appartements royaux de Fubrica, transformés pour l’occasion en véritable poste avancé de recherche, avec des cartes, des écrans, des radars. Leaf, même si elle avait préféré faire autre chose, avait été obligée de venir, en tant que possesseur d’un Florizarre. Il y avait aussi Velca Seleis, l’assistante personnelle d’Erend, qui écoutait l’exposé de la reine et de Ladytus avec attention.

- Ainsi, disait la reine Eryl, nous avons contacté les gouvernements de nos pays alliés pour qu’ils lancent eux-mêmes des recherches sur leurs territoires. Bon nombre de dresseurs qui nous soutiennent vérifient la quasi-totalité des régions Sinnoh, Almia et Orre. Évidemment, notre marge de manœuvre à Johkan, Elebla et Hoenn est très réduite, vu que les forces de Venamia y sont présentes. Concernant les régions neutres, ce sera une course contre la montre entre nos dresseurs et ceux de Venamia. Nous avons eu connaissance, dans la région de Kalos, d’un collectif de dresseurs nouvellement crée qui passe la région au peigne fin. Ils ne nous sont pas affiliés, mais il semblerait qu’ils œuvrent clairement contre Venamia. Leur porte-parole serait un certain Bertsbrand, un individu assez célèbre.

La plupart des dresseurs féminins de la salle gloussèrent et soupirèrent comme des étudiantes au nom de Bertsbrand. Leaf aussi soupira, mais pas pour les même raisons. Elle ne se voyait pas explorer le monde entier en compagnie de son Florizarre pour trouver cette perle cosmique qui pouvait se trouver Arceus savait où. Par exemple, si elle était planquée dans la Forêt-Monde du Continent Perdu, une partie du globe quasiment inexplorée en raison de ses dangers, eh bien, bonne chance pour la trouver !

Évidemment, Leaf connaissait l’importance de ce Solerios et le besoin de le trouver avant Venamia. Mais selon elle, ça ne résoudrait rien du tout. Pour vaincre Memnark, Nuelfa avait été très claire : il fallait conquérir ce quatrième Dieu Guerrier, cet Excalord. Mais pour le conquérir, ils avaient besoin de réunir les trois autres. Pour Ecleus, ça serait évidemment pas facile, vu qu’il appartenait actuellement à Venamia. Mais Leaf savait très bien qui possédait Hafodes. Un homme qu’elle avait jadis aimé, puis qu’elle avait haï. Erend avait ses raisons de ne plus vouloir entendre parler de lui bien sûr, mais il allait falloir passer outre. La Confédération allait avoir besoin de Castel Haldar pour combattre le Grand Forgeron, et si Erend ne voulait pas le faire chercher, Leaf irait à sa place.

Castel devait se trouver quelque part à Cinhol. Or Leaf, en tant qu’ambassadrice de Fubrica au royaume, avait passé ses six dernières années en grande partie là-bas. Qui de mieux qu’elle pour essayer de le dénicher ? Enfin, c’était ce qu’elle se disait en essayant de trouver une logique. En réalité, c’était simplement parce qu’elle voulait le revoir. Pas par amour ; elle était mariée à un autre Haldar désormais. Peut-être par amitié ? Peut-être par mépris ? Peut-être parce qu’elle n’avait pas eu l’occasion de parler à ce nouveau personnage qui serait la fusion des personnalités de Castel et d’Adam Velgos ? Elle ne savait pas trop, mais elle voulait le faire. Le retrouver, à la fois pour le salut de la Terre, mais aussi pour elle-même.

Seul problème : Erend avait catégoriquement interdit d’essayer d’entrer en contact avec Castel. Il avait confié Leaf au groupe de recherche du Solerios, et si elle se rendait à Cinhol à la place pour chercher Castel, elle désobéirait à ses ordres. Erend avait beau être un ami, il était avant tout le Commandant Suprême de la Confédération Libre. Même le Président Kearney, le supérieur direct de Leaf, se couchait devant lui. Et Leaf savait d’expérience qu’il ne faisait pas bon de contrarier Erend Igeus. Elle avait eu vent de la façon dont avaient fini les anciens Dignitaires de Kanto, qui avaient voulu se montrer plus malin que lui. Erend savait se montrer impitoyable parfois. Même si Leaf doutait qu’il ne la supprime pour ça, elle ne tenait pas à expérimenter son mécontentement.

Mais Erend n’allait pas changer d’avis sur Castel, c’était clair. Cet homme avait tué sa mère en direct à la télévision, ravagé sa région natale, et enfin supprimé son frère Zayne de la façon la plus lâche qui soit. Leaf comprenait que ce ne soit pas le grand amour entre eux. Mais si elle ne pouvait convaincre Erend, elle allait devoir s’adresser à plus haut que lui. Et justement, il y avait la reine Eryl pas loin. Leaf n’était pas sans savoir que la Reine de l’Innocence, comme on l’appelait, n’était qu’un symbole, une marionnette qu’Erend usait selon son bon vouloir pour accroître son pouvoir. Mais officiellement, c’était bien Eryl la véritable chef de la Confédération. Si elle, elle donnait son accord à Leaf, cette dernière agirait dans la légalité. En apparence du moins. Bien sûr, Erend allait être furax, mais face à la reine Eryl dont il était visiblement sous le charme, il laisserait probablement couler.

Leaf attendit donc qu’Eryl et Ladytus eurent fini leur exposé et décidé des affectations de chacun. Elles avaient envoyé Leaf dans la région Alola, avec Erika, la champion d’arène Plante de Kanto. Eh bien, malgré le fait que Leaf aurait bien aimé gouter au soleil de cet archipel tropical, Erika allait devoir se rendre à Alola seule ou avec un nouveau partenaire. Leaf attendit toutefois que Ladytus parte pour parler à la reine. Si le but était de faire ça dans le dos d’Erend, autant que sa partenaire Pokemon ne soit pas au courant.

- Euh… Votre Majesté, commença Leaf quand elles furent seules dans la salle.

La jeune femme se tourna vers elle avec son regard aimable habituel. Il n’y avait jamais aucune duplicité dans les yeux noisette d’Eryl Sybel, aucune pensée additionnelle, aucun calcul. Voilà pourquoi elle était une interlocutrice bien plus abordable qu’Erend, lui qui pouvait dire quelque chose et penser tout son contraire.

- Oui, ambassadrice Haldar ?

- C’est à propos ce que qu’a dit Nuelfa lors de la réunion. Sur les Dieux Guerriers, et la nécessité qui est la nôtre de les réunir. En fait…

Leaf lui expliqua son projet, et pourquoi elle le demandait à elle et non à Erend. Leaf s’en voulait de faire porter cette responsabilité à Eryl, mais au final, la jeune reine hocha la tête.

- Je suis d’accord avec vous. Quoi que ce Castel Haldar ait pu faire, il semble évident que sa présence sera nécessaire contre le Grand Forgeron. Ceci dit, je ne peux pas m’opposer publiquement aux décisions d’Erend, vous le savez. C’est lui qui commande.

- Il n’est pas nécessaire de s’y opposer publiquement, insista Leaf. Il me faut juste votre accord. Si Erend vous en veut pour ça ensuite, j’endosserai la responsabilité qui est la mienne. Mais je ne pouvais pas partir pour Cinhol sans prévenir personne.

Eryl médita en silence un moment, puis :

- Très bien. Officiellement, vous serez à Alola avec Erika. Mais officieusement, et pour le bien de la Confédération, je vous envoie dans le Royaume de Cinhol, pour ramener ici l’ancien roi déchu Castel Haldar. Erend ne sera pas obligé de le savoir.

- Je vous remercie, Votre Majesté, dit Leaf en s’inclinant. Je suis désolée de me défiler pour la recherche du Solerios…

- Nous avons assez de personnel. Je me rendrai pour ma part à Kalos avec Ladytus pour rencontrer ce fameux Bertsbrand et son groupe pour le convaincre de nous aider.

- Prenez garde, sourit Leaf. Régis Chen ne m’a pas dit que du bien de ce bonhomme.

- J’ai eu affaire à pire. Et vous ? Vous comptez vous rendre seule à Cinhol ? Ça me parait risqué, étant donné que vous ne savez pas où se trouve Castel, ni même s’il voudra bien nous aider. Après tout, c’est le monde réel qui est menacé par Memnark, pas Cinhol.

- J’irai avec mon homme. Il a toujours vécu à Cinhol. Et ça nous fera un tête à tête romantique ; nous n’en avons pas eu vraiment l’occasion depuis longtemps.

Eryl sourit, mais son regard se voila, comme embué par le passé et les regrets.

- Oui… cultivez donc votre amour. C’est important. C’est une protection efficace contre la corruption.


***


Selon les ordres de Sire Igeus, Deornas était rentré à Cinhol pour mobiliser le plus de guerriers possibles en prévision de l’invasion du Grand Forgeron dans l’Ancien Monde. Il faisait ça de pair avec le duc Isgon dans la grande salle du palais royal, enchaînant entrevues sur entrevues avec les différents chefs de guerre que comprenait le royaume. C’était une affaire assez délicate, car nombre d’entre eux - en dépit de leur allégeance à Cinhol - n’étaient pas particulièrement enthousiastes à l’idée de partir en guerre pour défendre les intérêts de l’Ancien Monde. Surtout quand on savait que l’ennemi était un être millénaire et tout puissant qui venait de l’espace. Le peuple de Cinhol, encore très terre à terre et archaïque, avait du mal à concevoir une telle chose.

- Dis-moi fils, grommela le duc Isgon en se grattant la barbe, pourquoi fait-on tout ça au juste ? Qu’est-ce que vont bien pouvoir changer quelque épées en plus face à ce foutu Grand Forgeron et ses enculés de robots ? Même les armes à projectiles de l’Ancien Monde sont inefficaces face à eux.

Deornas pensait la même chose, mais il était impensable que Cinhol fasse faux bond à la Confédération Libre maintenant, après tout ce que l’Ancien Monde avait fait pour eux.

- Plus d’hommes signifie plus de défenses, même si nous sommes incapables de les tuer, répondit l’ambassadeur. Le but de nos armées sera de faire gagner du temps à Sire Erend et à ses proches pour qu’ils puissent vaincre le Grand Forgeron lui-même.

- Cela est-il réalisable ? Je veux dire, le plan de cette femme extraterrestre.

- Nous devons lui faire confiance. À elle, et à Sire Erend. Il est le Sauveur du Millénaire, celui qui nous a libérés du joug d’Enysia. Si nous ne croyons plus en lui, nous ne croirons en personne d’autre.

Isgon grommela, ce qui signifiait chez lui un accord. Tandis que Deornas finissait de lire toute la paperasse des engagements, le roi Alroy fit son entrée dans la pièce, accompagné de ses deux gardes royaux.

- Père, grand-père… Comment se déroule le recrutement ? Demanda le jeune garçon.

Malgré les presque sept années que Deornas avait passées à élever Alroy avec Leaf, ça lui faisait toujours très bizarre de s’entendre appeler « père ». Alroy était officiellement son petit-cousin, et officieusement son neveu. Son vrai père était Padreis, le fils aîné du duc Isgon… et donc le demi-frère de Deornas, qui lui-même était un fils caché du duc. Mais Padreis n’avait jamais reconnu l’enfant, et Alroy n’avait jamais su qui était son vrai père. Aussi pour lui, Deornas correspondait à cette figure paternelle qu’il n’avait jamais eue. Néanmoins, le garçon roi se souvenait encore de sa vraie mère, Nirina. Ça ne l’avait pas empêché de considérer Leaf comme sa nouvelle mère. Sa vie familiale était assez chaotique, mais il parvenait à la gérer.

- C’est OK pour les cités libres des steppes, répondit Isgon. Shagat de la Péninsule d’Or ne devrait pas non plus poser problème. En revanche, on devrait se passer des Hautes Marches de l’Est. Et la Tribu des Chevaux n’est pas trop chaude non plus, bien qu’elle ne nous a pas opposé un refus catégorique. Je pense qu’il va falloir que tu parles toi-même à ton cher pépé Lyaderix, fiston.

Le visage de l’enfant se crispa.

- Je n’aime pas beaucoup pépé Lyaderix…

- Ah ! Moi non plus, par les couilles d’Arceus ! Rigola Isgon. Mais pour le coup, ce serait dommage de se passer des canassons de cette canaille.

- Il parait qu’ils commenceraient à capturer et à monter des Ponyta maintenant ? Demanda Deornas.

- Bougre oui ! Depuis que l’Ancien Monde a réintroduit les Pokemon à Cinhol, la Tribu des Chevaux est celle qui y court le plus après. Lyaderix a un tout beau Galopa tout flamboyant maintenant, pour se bouger son gros cul. Mais ça n’a pas été sans quelque petites brûlures aux endroits sensibles !

Il éclata de rire. Alroy était toujours en train d’essayer de comprendre le sens de la phrase d’Isgon quand quelqu’un se matérialisa d’un coup au milieu de la grande salle, surprenant ses trois personnes présentes. Isgon avait à moitié dégainé sa hache, mais il se détendit quand il reconnut sa belle-fille.

- Par les dieux, jura le vieux duc. On s’était mis d’accord pour toujours utiliser ces foutus anneaux dehors ! Je suis un vieil homme, et mon cœur est fragile…

- Toutes mes excuses, duc, répondit Leaf. Je n’avais plus trop le temps de respecter les convenances.

- Mère ! S’exclama le roi. On ne vous attendait pas. Sire Erend a-t-il un message ?

- Euh, pas vraiment. Je suis venue de moi-même, et je dois vous emprunter Deornas pour un petit moment. Vous pourrez gérer tout seul, tous les deux ?

- Bien entendu mère, fit le jeune garçon, tout fier. J’ai ma couronne, et grand-père a sa hache. Il n’y a besoin de rien d’autre pour convaincre les seigneurs du royaume.

- T’as entendu chéri ? sourit Leaf à l’adresse de Deornas. Toi qui n’as ni couronne ni hache, tu es totalement inutile. À part pour la paperasse peut-être…

- C’est comme ça depuis ma naissance, j’y suis habitué, dit Deornas avec philosophie.

Une fois qu’ils furent dehors, le sourire de Leaf s’effaça et son visage prit un air grave. Deornas sentit immédiatement que sa femme allait les fourrer dans un mauvais coup. Ces années de vie commune lui avait appris à interpréter tous les changements de son visage.

- Valait mieux qu’Alroy et Isgon ne sachent rien de ce qu’on va faire, dit-elle.

- Parce que… ce sera dangereux ? Tenta Deornas.

- Sans doute, si on considère que désobéir aux ordres d’Erend est dangereux.

Deornas ne mit pas longtemps à comprendre ce que préparait Leaf.

- Je vois. Tu veux aller chercher mon cher ancêtre…

- Tu désapprouves ?

- Non. C’est sans doute quelque chose de désagréable, mais de nécessaire. Mais j’apprécie que tu ais pensé à moi pour t’accompagner. Je l’aurai mal pris de devoir te laisser seule avec ce type…

Leaf soupira de dépit.

- Ah, les mecs… Le sort du monde a beau être en jeu, ça ne les empêchent pas d’être jaloux. Y’a plus rien entre lui et moi. Y’a jamais rien eu, de toute façon…

- Je ne pensais pas qu’à ça. C’est de Castel dont nous parlons. Ce n’est pas spécialement un individu devant lequel on déborde de confiance.

- Ce ne serait pas le même Castel sadique que nous avons affronté. Plutôt un mix entre Adam et lui. Un bon et un mauvais côté, comme tout le monde.

- Mouais… Et si jamais il refuse de nous aider ? Es-tu prête à lui voler Hafodes ?

- Tu as ton Metali sur toi ?

- Bien sûr, fit Deornas en montrant sa Pokeball qu’il tenait du défunt Sire Astarias.

- J’ai aussi mes Pokemon. On pourra se battre au besoin.

Deornas eut l’air sceptique.

- Contre Hafodes ? Tu sais, être brûlé vif n’est pas la meilleure façon de mourir qui soit. De plus, il aura gardé l’œuf de Shinobourge avec lui.

- Si tu as une autre idée, ne te gène surtout pas.

- Hum… ouais, j’en ai une : on amène de l’Ancien Monde une petite armée, avec vos fusils snipers, bazookas, et bombes en tout genre. On retrouve Castel, on le tue, et on s’embarque Hafodes. Alroy étant un Haldar, il sera capable de le maîtriser au besoin pour activer la forme normale d’Excalord. Et en plus, ce plan aura l’avantage de faire plaisir à Sire Igeus.

- Mais il ne me fait pas plaisir à moi, répliqua Leaf. Quoi que Castel ait pu être, il nous a aidé à nous débarrasser d’Enysia. Il était une victime de cette femme, lui aussi. Et si Adam se trouve vraiment là, quelque part en lui, je saurai le convaincre. Fais-moi confiance.

Malgré ses réserves, Deornas souscrivit à son plan. Comme toujours. Comme à chaque fois. Depuis qu’il avait épousé Leaf, il n’y avait pas eu une seule fois où il avait eu gain de cause. Mais ça, il s’y était attendu en choisissant d’en faire sa femme, donc il n’avait pas de regrets.

- On va devoir écumer tous les royaumes, et Cinhol, c’est grand, la prévint toutefois Deornas. Ça pourrait prendre des mois à le trouver.

- Castel a Hafodes avec lui. On peut pister le Vifacier avec le Vifacier. Tu as toujours Sifulis, non ?

- Oui, bien que je ne la sorte que pour les grandes cérémonies…

- Eh bah ce sera l’occasion. Une si belle épée, ce serait dommage de la laisser pourrir dans son fourreau indéfiniment. Va la chercher, je vais préparer les chevaux.

- Les chevaux ? Grimaça Deornas. On y va pas en voiture ?

Grâce aux échanges commerciaux entre Cinhol et Bakan, le royaume avait désormais une belle réserve automobile, d’ordinaire réservée aux huiles de la cité royale. Le problème était qu’il y avait encore que très peu de routes à Cinhol, aussi Leaf secoua la tête.

- Non. Si Castel est venu ici pour y vivre en paix, ce n’est pas pour s’être installé dans une grande ville. On va devoir fouiller les petits villages limitrophes, et en voiture, ce sera mission impossible. Puis ne soit pas si superficiel, mon gars. Tu as toujours utilisé les canassons avant de venir vivre à Bakan. Et on est à Cinhol ici. À Rome, on fait comme les romains.

- C’est quoi, Rome ? Demanda Deornas, curieux.

- Laisse tomber, renchérit Leaf avec un sourire.

Pris d’une soudaine envie, elle l’embrassa avant qu’il ne tourne les talons.

- Ah, et encore une chose : quand tout ce bordel sera terminé, il va peut-être falloir s’atteler à une importante mission, toi et moi, lui murmura Leaf l’oreille.

- Encore une ? Quelque chose qui pourrait encore impliquer une catastrophe mondiale ou un tyran despotique à faire tomber ?

- Bien pire ! Il va falloir qu’on donne un petit-frère ou une petite-sœur à Sa Majesté le roi Alroy Haldar.

Deornas fit mine d’envisager la chose.

- Un Haldar avec ton caractère… Ça fait fichtrement peur, en effet ! Mais pour ce qui est de la mission en elle-même, ça me parait dans mes cordes. Et ce sera bien plus agréable que de combattre une invasion d’aliens robotiques.


***


Velgos posa sa fourche et admira son champ avec une certaine fierté. Des mois et des mois de travail, mais la moisson allait être bonne cette année, à en croire les vieux du village. Velgos était cultivateur de navets et de pommes de terre ; un métier certes peu reluisant en apparence, dur et exigeant, mais qui lui convenait parfaitement. Chaque ampoule gagnée en cultivant la terre était autant de preuves qu’il vivait pleinement désormais. Autrefois, Velgos avait un autre nom. Autrefois, il fut fondateur et roi de ce royaume. Autrefois, il était totalement fou et tyrannique aussi. Aujourd’hui, il n’était plus rien de tout cela. Aujourd’hui, il était simplement Velgos, un simple paysan de ce petit village en bordure du royaume, Surdov, avec sa quelque centaine d’habitants.

Velgos était encore un jeune homme, mais son visage prématurément vieilli et ses cheveux blancs le faisaient passer pour plus vieux qu’il ne l’était. Enfin, façon de parler. Son corps n’avait que vingt-six ans, mais son esprit, lui, avait plus de cinq cent ans. Velgos était habillé simplement, comme tous les gens du coin. Rien ne le distinguait, à part la partie droite de son visage, recouverte de cicatrices, souvenir du feu brûlant qui avait emporté, en même temps que son visage charmant, le fou qu’il avait été jadis. Mais son visage à moitié défiguré ne dérangeait pas Velgos. Ça synthétisait parfaitement l’être qu’il était : un homme à moitié sain, à moitié bon, un mélange de bien et de mal, de beauté et d’horreur.

Aujourd’hui, Velgos avait appris à parfaitement contrôler ses deux parties, à tel point qu’elles avaient presque disparu dans le nouvel individu qu’il était. Mais au début, ça avait été difficile. Velgos avait été tiraillé entre ses deux esprits, ses deux volontés propres : celle d’Adam Velgos, un garçon bon et innocent qui abhorrait le mal et l’injustice, et celle de Castel Haldar, un être vide et torturé rongé par la mélancolie. Ses troubles de la personnalité avaient ressurgit ci et là, au point d’inquiéter les villageois. Velgos s’était excusé en prétextant que la guerre et ses blessures l’avaient rendu un peu schizophrène. Mais après sept ans passés ici, en paix, ses deux aspects de sa personnalité avaient su trouver un terrain d’entente, s’étant progressivement unis et effacés. Désormais, il n’y avait plus d’Adam ni de Castel. Il n’y avait que Velgos, et ça suffisait amplement.

- Voilà du bon travail de fait, fit l’homme devant ses plantations. Cela donnera de bien beaux légumes. Qu’en penses-tu mon ami ?

Velgos semblait justement s’adresser à un légume sur pattes. Cloverte était un petit Pokemon plante à l’allure d’un croisement entre un canard et une courgette mutante. Il était sorti de l’œuf que Velgos avait ramené de l’Ancien Monde, l’œuf de son fidèle Pokemon Shinobourge, condamné à renaître sous forme d’œuf à chacune de ses morts. À l’image de son dresseur, Shinobourge avait été un Pokemon sournois et violent. Velgos espérait qu’il pourrait lui aussi trouver la paix et l’harmonie sous cette nouvelle existence. Il avait également pris Hafodes avec lui, qu’il avait caché dans une grotte en dehors du village.

Ses quatre autres Pokemon royaux servaient un autre maître désormais, le souverain en titre, Alroy Haldar, et c’en était que mieux. Mais Velgos n’avait pu envisager l’idée de venir vivre ici tout seul. Shinobourge avait été son tout premier Pokemon et ami, voilà pourquoi il l’avait pris. Quant à Hafodes… il avait jugé qu’il valait mieux qu’un Pokemon de sa puissance demeure caché. Velgos ne comptait pas se resservir de lui. Il avait commis bien des crimes et des horreurs en le tenant dans sa main sous sa forme Arme. Le petit Cloverte se dandina jusqu’à son dresseur, et grimpa maladroitement sur sa jambe. Velgos sourit, l’attrapa délicatement et le posa sur son épaule.

- Allez, viens, on rentre, décréta Velgos. Je dois me changer et me débarbouiller un peu avant d’aller retrouver Mierta.

Mierta était la fille de l’aubergiste du village, une jeune femme charmante, toujours aimable avec Velgos, et qui ne semblait pas s’émouvoir de son visage à demi-ravagé. Velgos n’escomptait pas essayer de la séduire ; il se plaisait juste de son amitié. Mais qui sait ? Peut-être un jour, Velgos pourrait-il fonder une famille ici ? Il ne le méritait pas vraiment, mais si ce droit lui était offert, il ne le refuserait certes pas. Pendant cinq cent ans, il avait vécu comme un zombie, incapable de mourir, son esprit volant en éclat au fil du temps. Aujourd’hui, il avait été libéré de la boucle temporelle du Vifacier, et donc il vieillissait comme tout le monde, et mourra un jour comme tout le monde. S’il pouvait achever sa vie normalement, avec le plus simple des bonheurs, ça compenserait tous ces siècles de noirceurs et de corruption. Oui, Velgos en avait fini avec le passé.