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Informations

» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 22/05/2016 à 16:02
» Dernière mise à jour le 20/06/2016 à 09:43

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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2011-2 : Abandonner une vie, en commencer une autre
"Une tête bien faite et un bon cœur forment toujours une formidable combinaison."
- Nelson Mandela -

Avril 2011, Céladopole, Kanto.

Les yeux de Rebecca papillonèrent, puis s'ouvrirent complètement sur une pièce familière. Elle se trouvait toujours dans son bureau, c'était bon signe. Elle se souvenait à peu près de tout dans un ordre cohérent. Le décès de son patient, sa traversée de l'étage réservé aux employés sous les néons crépitants, sa rencontre avec ce type singulier dans la remise... tiens, d'ailleurs, était-il toujours là ? L'infirmière en chef espérait que non, mais évidemment, elle le vit, adossé à la porte de l'arrière-salle, une cigarette à la bouche. Une habitude qu'avaient tous les hommes et toutes les femmes, ou presque, des années soixante. Mais elle n'allait pas le croire pour autant. S'il était mort en 1964, soit quarante-sept ans auparavant, il ne pouvait pas se trouver là, bel et bien vivant, à l'observer de son regard inquisiteur. Rebecca avait toujours été raisonnable. Or, un type qui revient d'entre les morts, ça n'a rien de raisonnable.

"Sérieusement, qui vous êtes ? Et cette fois, je veux la vérité.
— Est-ce que cela vous arrive souvent, de vous évanouir sans raison ? Je ne vous ai tout de même pas fait peur ?
— Répondez à ma question, avant que je ne m'énerve", grommela la jeune femme aux cheveux noirs, irritée.

L'homme couvert de sang soupira, secoua légèrement la tête, marcha jusqu'au bureau de l'infirmière et saisit la petite peluche à l'effigie d'Arcko, qu'il fit tourner et retourner entre ses doigts fins ornés de plusieurs anneaux. Rebecca voulait la lui reprendre, mais elle n'avait pas la force de se relever ou de faire quoi que ce soit d'autre. Elle était tout bonnement exténuée, par son horrible journée, mais aussi et surtout à cause de cet individu singulier qui ne semblait pas enclin à parler si facilement - pour dire la vérité, tout du moins. Consciente qu'elle n'obtiendrait rien de lui si elle s'obstinait à refuser de croire à sa mort près d'un demi-siècle plus tôt, elle choisit de changer de stratégie.

"Admettons que vous soyez véritablement revenu d'entre les morts. De quoi vous souvenez-vous ?
— Ah, vous me croyez, maintenant ? Non, cela m'étonnerait, marmonna le type pour lui-même.
— Je suis disposée à vous croire si vous m'expliquez tout en détail, monsieur... comment vous avez dit que vous vous appelez ?
— Steiner. Robert Steiner.
— C'est ça. Bon, alors, racontez-moi. Vous vous rappelez de ce qui vous est arrivé avant votre mort ?"

Robert fouilla encore une fois dans sa mémoire, mais il ne lui revenait pas grand chose. Tout ce dont il se souvenait précédait son regrettable assassinat d'à peine quelques minutes. Il entreprit toutefois de le raconter à la jeune femme, qui le dévisageait avec un mélange de curiosité et d'incompréhension dans son regard noisette.

"Je me souviens de peu de choses, en vérité. Le froid ambiant, la buée à chaque expiration, la douleur dans mes jambes... j'étais poursuivi par trois types en costume noir, avec des chapeaux et des lunettes de soleil, probablement des hommes de main de la mafia locale. C'était à Voilaroc, dans la région de Sinnoh, en pleine nuit. Je sais que je me suis réfugié un moment dans une allée, il y avait des poubelles renversées, des ordures partout. Et des cadavres de Pokémon à moitié mangés. Je me suis caché derrière une grosse benne à ordure d'où coulait un peu de sang. L'odeur était insoutenable. Vraiment horrible. J'aurais bien voulu vomir, mais je ne l'ai pas fait. L'un des types est venu inspecter la ruelle, lampe de poche à la main, et a fini par me trouver. Il m'a saisi par le col et m'a amené à l'entrée de la ruelle, à genoux sur le sol, j'avais froid, et mal partout. Le chef des trois m'a promis que je souffrirais, et m'a tiré dessus six fois. Après, c'est le trou noir."

Après cela, l'homme remit sa cigarette entre ses lèvres et s'appuya contre le bureau, attendant la réaction de Rebecca, qui ne vint pas immédiatement. Elle était perplexe, son menton posé dans sa main, comme à chaque fois qu'elle réfléchissait à un problème particulièrement complexe. Robert comprenait plus ou moins, car en se réveillant après avoir été tué, il était passé par la même incompréhension. Il n'avait pas paniqué, non. En tant que scientifique, il savait qu'il y avait une explication logique à tout cela. Tout ce qui importait pour lui, maintenant, était de comprendre ce qui lui arrivait. Mourir, puis revenir à la vie. Tout cela semblait digne d'un roman de science-fiction.

"On vous a tiré dessus six fois, répéta l'infirmière en chef, écœurée. Le type qui vous a fait ça - elle désigna sa chemise blanche en sang et trouée - ne devait pas vous porter dans son cœur. Vous avez fait quoi, pour qu'il vous haïsse à ce point ?"

L'homme aux cheveux bruns-roux écrasa ce qu'il restait de sa cigarette sur le bureau en bois, ce qui laissa une marque, non sans arracher un soupir à Rebecca. Robert se tourna vers elle, l'air relativement peiné.

"Le problème, c'est que je ne me souviens pas de ce qui a précédé cette poursuite dans la rue. Je sais qui je suis, mais certains éléments restent flous, en particulier le lien que je pouvais avoir avec la mafia de Voilaroc...
— Vous êtes amnésique en plus d'être mort ? Décidément, quelle chance vous avez ! fit remarquer la jeune femme en prenant son Arcko qui ne tenait pas en place sur ses genoux.
— Moquez-vous, moquez-vous... ce n'est pas amusant de ne pas se souvenir de la raison de sa mort. J'aimerais bien savoir."

Le scientifique se mura dans un silence austère, en proie à une intense réfléxion. Rebecca aussi réfléchissait, mais pas aux mêmes choses. Un détail dans toute cette histoire - si elle était vraie, ce qui lui semblait encore très peu plausible - la chiffonnait, et elle mit un temps à mettre le doigt dessus. Robert était mort quarante-sept ans plus tôt. Or, il se trouvait là, à ses côtés, en 2011. Comment se faisait-il qu'il ne se soit pas éveillé de nouveau en 1964 ? Pour s'en assurer, elle décida de lui poser la question. Le trentenaire - elle supposait qu'il l'était - retrouva son sourire, comme s'il attendait depuis longtemps qu'elle le lui demande.

"Enfin, on en vient aux choses intéressantes ! Vous m'aviez l'air du genre intelligente et dégourdie, mais peut-être me suis-je trop emballé... soupira-t-il, légèrement amer.
— ...j'vous remercie, grommela-t-elle, agacée. Si vous en veniez au fait, plutôt ? Vous auriez pu tout raconter au lieu d'attendre que je me rende compte d'un truc bizarre."

Le bel homme couvert de sang haussa les épaules avec un rictus amusé.

"J'aime bien faire tourner les gens en bourrique, c'est plus fort que moi. Désolé. Vous pouvez prendre ça comme un test, si vous voulez.
— Crachez le morceau, s'il vous plaît...
— Oui, m'dame. Je crois que vous allez encore plus me prendre pour un fou, mais tant pis.
— ...ça pourrait pas être prie que maintenant", admit-elle.

L'homme hocha la tête. En effet, il savait bien, il le voyait dans son regard noisette, qu'elle ne croyait pas à ce qu'il racontait. Mais il avait compris qu'elle était mue par une curiosité insatiable et qu'elle ne le laisserait pas partir sans qu'il n'ait tout expliqué. Il prit une grande inspiration, et se lança, fébrile.

"Je crois bien qu'une faille spatio-temporelle s'est ouverte à proximité de l'endroit où je suis mort et m'a happé pour m'envoyer jusqu'ici, en 2011.
— Att... vous pourriez répéter ça moins vite ?" exigea Rebecca en fronçant les sourcils.

Robert s'exécuta, et elle ouvrit des yeux ronds comme des billes. Mais de quoi parlait-il, au juste ? Il avait eu raison, elle le prenait pour un fou, encore plus qu'avant. Il leva un doigt, comme le ferait un parent pour sermonner un enfant ayant fait une bêtise.

"Attention cependant, ce n'est qu'une supposition. Peut-être que ça s'est passé dans des circonstances différentes. Mais le fait est que je peux voyager dans le temps et l'espace à ma guise grâce à cette montre - il lui montra son poignet droit - que je porte.
— Vous vous foutez de ma gueule, hein ? C'est ça ? fit-elle, dubitative.
— Non, mais si c'est ce que vous voulez croire, faites donc. J'ai moi-même eu du mal à y croire au début, mais c'est bien réel. Si j'entreprends de régler l'heure en pensant très fort à une date et à un lieu précis, je me retrouve aspiré dans un flash de lumière, et je réapparais dans un endroit désert. Du moins était-ce le cas jusqu'à présent. Ce serait fâcheux d'apparaître subitement dans un centre commercial bondé..."

Rebecca s'enfonça un peu plus dans sa chaise à roulettes, son Arcko adoré sur ses genoux, très perplexe. Elle ne savait pas sur quel pied danser avec cet homme-là. Robert semblait capable de passer du rire aux larmes en un instant, d'une attitude désinvolte à un comportement très sérieux en une fraction de seconde. Dans le jargon médical, on appelait ça quelqu'un d'instable. Elle l'observa alors qu'il était en train de retrousser les manches de sa chemise et de rajuster les bretelles qui retenaient son pantalon. Il s'habillait, se coiffait, se comportait entièrement comme un homme des années soixante, et pourtant, elle ne parvenait pas à se faire à l'idée qu'il puisse être mort et venu du passé.

"Prouvez-moi que vous dites la vérité."

Le type aux cheveux bruns-roux la regarda droit dans les yeux, où brillait une lueur de détermination et de courage incroyable. Si lui était très intelligent, elle ne manquait pas de cran et pourrait lui être particulièrement utile dans sa quête pour comprendre le pourquoi du comment. Il sourit, songeant qu'il ne perdrait rien à l'emmener avec lui dans son périple spatio-temporel. Evidemment, elle ne serait sans doute pas d'accord au début, mais elle ne pourrait jamais rentrer chez elle sans son consentement, et puis de toute façon, elle s'en accomoderait. Robert avait toujours eu un certain charme et savait en user pour obtenir - la plupart du temps - ce qui l'intéressait.

"Pour cela, on va devoir faire un petit voyage dans le temps et l'espace. Vous vous sentez prête ? Il se peut que vous vomissiez la première fois.
— Charmant... mais j'ai besoin de savoir, alors au diable les vomissements, répliqua-t-elle, décidée.
— Le client est roi. Prenez mon bras, sinon ça ne fera pas effet."

Rebecca fit rentrer son Arcko à l'intérieur de sa Pokéball, puis s'aggrippa au bras du scientifique, qui s'affairait à régler sa montre. Une petite voix dans sa tête lui conseilla de choisir un lieu et une date bien précis. Se figurant que cette voix en question était sûrement son intuition, il la suivit, et tous deux disparurent du bureau dans un flash de lumière aveuglante.