Chapitre 19 : La Source de l'Infini
Je me suis emparé de l’Eternité par altruisme, mais je m’en suis servi avec orgueil. Mes amis et ma famille ne comprirent pas mes raisons. Ils me tournèrent le dos, un à un, voyant en moi le mal, la folie ou l’ambition. Mon mentor fut le premier à me dire que je faisais fausse route, lui qui pourtant s’était mis le monde entier à dos dans sa quête d’endiguer la corruption.
*****
- Tu peux répéter ça ?
L’Akyr Galvaniseur, de Première Classe, était celui dont l’armure métallique était la plus épaisse. De fait, il était assez impressionnant, avec sa lourde carapace rouge acier, et sa tête à visière qui ressemblait à un heaume de chevalier. L’Akyr de Plomb, qui venait de parler, recula légèrement devant son supérieur.
- Vas-y, répète, ordonna une nouvelle fois l’Akyr Galvaniseur.
- Atlantis est tombée, s’exécuta l’Akyr de Seconde Classe. Tous les Akyr qui restaient dans la cité ont été détruit par l’armée des humains. Il ne restait plus que l’Akyr Propagateur, qui a préféré rester. Il nous a ordonné, à l’Akyr Argousier, l’Akyr Cerebro et moi-même de fuir et de rejoindre le Grand Forgeron. Il a probablement péri en défendant la cité, et Atlantis doit appartenir aux humains à présent.
Avec son naturel au sang chaud tout droit inspiré des humains, l’Akyr Galvaniseur écrasa une console du vaisseau sous son poing. L’Akyr Alpha, son frère de Première Classe, soupira.
- Casser le matériel ne changera rien. Tu es vraiment si illogique parfois…
Illogique, pour un Akyr, était la pire des insultes.
- Et toi, tu es si insouciant, Akyr Alpha ! Gronda l’Akyr Galvaniseur. Notre Première Cité, le fief du Grand Forgeron, est entre les mains des humains sur Terre, et l’un des quatre Akyr de Première Classe a été éliminé ! C’est une insulte ! Une honte !
À coté d’eux, l’Akyr Irradié, le dernier Akyr de Première Classe, commenta avec son calme et sa philosophie habituelle :
- C’est le destin qui nous a apporté cette épreuve supplémentaire. Nous nous y plierons, pour la gloire du Seigneur Memnark.
L’Akyr Irradié était fait d’un métal qui changeait de couleur selon l’éclairage, et son corps n’était qu’une succession de piques ou de côtes effilées et tranchantes. Il contrastait fortement avec le blindage dont été pourvu l’Akyr Galvaniseur.
- La perte d’Atlantis est un contretemps, fit l’Akyr Alpha. Nous la reprendrons facilement. Les humains sont incapables de se servir des technologies Primordiales. Quant à l’Akyr Propagateur… à ce que j’ai compris, on pourra le remplacer, en mieux.
L’Akyr Cerebro hocha frénétiquement la tête.
- Oui, Akyr Alpha. L’Akyr Doré que j’ai conçu se révèlera être immensément supérieur à vous, sauf votre respect. Quant Atlantis a coulé à la fin de la guerre contre l’Empire Infini, je venais de mettre au point une nouvelle formule pour créer des Akyr qui surpasseraient ceux de Première Classe. Je n’ai pas eu le temps de la mettre en application, et c’est naturellement la première chose que j’ai faite quand Atlantis est sortie de son long sommeil. L’Akyr Doré est le fruit des dernières avancées technologiques du Grand Forgeron, et d’un tout nouvel alliage des Trois Métaux Légendaires. De plus, son matériel d’origine était tout à fait fascinant, d’une volonté incroyable.
Le matériel d’origine… C’était ainsi que le Grand Forgeron et l’Akyr Cerebro qualifiaient le système neuronal des humains qu’ils transformaient en Akyr. Même si l’Akyr Alpha avait été conçu de la même façon, il trouvait ce procédé écœurant. Savoir qu’il avait jadis été un de ces faibles et insignifiants humains… Enfin, pas si insignifiants que ça aujourd’hui, si réellement ils avaient vaincu les Akyr restés à Atlantis et pris la cité.
Ils se trouvaient dans le vaisseau du Grand Forgeron en route vers la Terre. À mi-distance, ils avaient repéré ce petit vaisseau de transport au design typiquement atlante. Et ils y avaient donc trouvé dedans trois Akyr de Seconde Classe, un Akyr prototype pas encore totalement achevé, et… deux Solerios, ces artefacts tout puissant que recherchaient le Grand Forgeron. Même s’il avait perdu Atlantis, l’Akyr Propagateur avait fait du bon travail en dénichant ces deux-là. Le Grand Forgeron avait été ravi, et la perte d’Atlantis et d’un de ses Akyr de Quatrième Classe ne l’avait pas bouleversé plus que ça. Il ne lui restait plus qu’un seul Solerios à obtenir pour les lier au Proto-solerios qu’il avait conçu, et ainsi acquérir une puissance sans limite.
L’Akyr Alpha avait été présent quand l’Akyr de Plomb avait fait son rapport au Grand Forgeron. Apparemment, d’après ce qu’il avait dit, les humains auraient énormément évolué depuis tout ce temps. Il y aurait même des Mélénis dans le lot, ainsi qu’un Pokemon surpuissant. Si l’Akyr Galvaniseur s’en agaçait et l’Akyr Irradié acceptait cela avec philosophie, l’Akyr Alpha y trouvait un vague intérêt. Combattre des humains dociles et les conquérir n’aurait guère été amusant. En ayant cette pensée, il se traita d’idiot. Il n’avait pas été conçu pour éprouver de l’amusement, mais pour servir le Seigneur Memnark. Parfois, il se disait qu’il avait peut-être des résurgences de ses anciennes émotions humaines.
- Nous atteindrons la Terre d’ici quatre jours, les informa l’Akyr Irradié. Cette humaine avec qui tu as passé un contrat trouvera-t-elle le dernier Solerios d’ici là, Akyr de Plomb ?
- Ce n’était pas vraiment un contrat, Akyr Irradié, se défendit l’Akyr de Seconde Classe. Je ne m’abaisserais pas à passer des contrats avec ces humains primitifs. Je lui ai juste laissé entendre que le Grand Forgeron pourrait se montrer clément avec elle quand il prendra possession de cette planète. D’après ce que son ami mécanique, ce Pokemon Méchas, m’a raconté, le Seigneur Memnark avait déjà conclu une espèce de… partenariat avec un autre humain, un dénommé Castel Haldar.
- Il lui a prêté Hafodes en échange de sa promesse de purger ce monde, acquiesça l’Akyr Alpha. Mais de toute évidence, il a échoué. Cette Lady Venamia possèderait déjà Ecleus, selon tes dires. Elle pourrait donc être intéressée par le mode Revêtarme que le Seigneur Memnark pourrait lui débloquer.
- C’est en effet ce que je lui ai sous-entendu. Apparemment, cette humaine est la chef d’un grand pays de la Terre. Peut-être pourrait-elle nous être utile.
- Nous verrons cela quand nous arriverons. En attendant, Akyr Cerebro, va donc terminer ton œuvre. Cet Akyr Doré sera sans nul doute très utile au Grand Forgeron contre les défenseurs de la Terre.
Le scientifique en chef des Akyr s’inclina, ravi.
- J’y accours, Akyr Alpha. Une fois que je l’aurai terminé, je vous le promets, il sera capable de conquérir la Terre à lui seul !
***
Lady Venamia avait écouté le long rapport que Velca lui avait fait de la bataille d’Atlantis et de la réunion avec cet alien, Nuelfa. La situation devenait problématique : Igeus avait donc maintenant à sa disposition une cité légendaire volante sans doute armée jusqu’aux moindres recoins, et un alien domestiqué capable de la piloter. Selon Velca, cette Nuelfa voulait qu’Atlantis serve uniquement à combattre le Grand Forgeron et ses Akyr. Elle n’aiderait pas Erend à s’en servir pour ses propres intérêts. Mais Venamia ne pouvait pas se satisfaire de la seule parole de cette Primordiale. Comment pouvait-elle être sûre qu’Igeus n’allait pas débarquer à Johkan avec sa cité spatiale pour pulvériser son Palais Suprême d’un coup ?
De rage, elle jeta de son bureau un bibelot représentant un éclair, son propre symbole, et il alla se briser contre le mur juste au moment où Vilius entra. Il regarda les morceaux du bibelot puis sa collègue codirigeante de la Team Rocket avec hésitation et crainte. Après tout, Vilius l’avait déjà vu perdre totalement les pédales en pleine bataille et électrocuter jusqu’à immolation une officier loyale et compétente. Lady Venamia n’avait plus rien à voir avec la jeune militaire ambitieuse et froide aux idées révolutionnaires, cette Siena Crust, qui avait tant plu à Vilius jadis, et dont il avait pensé qu’elle aurait pu lui servir pour sa propre prise de pouvoir. Au final, c’était lui qui lui avait été utile pour la sienne.
- Je vous dérange peut-être ? Demanda-t-il.
Venamia aurait bien aimé répondre oui, car c’était le cas. Elle n’avait pas besoin de Vilius pour réfléchir ; elle pouvait le faire toute seul, ou alors avec Horrorscor, qui était toujours de bon conseil. Hélas, elle ne pouvait pas se débarrasser de Vilius. Pas encore. Son pouvoir était encore trop récent et trop fragile pour se passer du soutien de Vilius, qui était encore un nom imminent dans la Team Rocket. Mais bientôt…
- Non, Vilius, répondit Venamia. J’ai tendance à perdre mon sang froid pour pas grand-chose ces temps-ci. Le pouvoir pèse lourd sur les épaules. Des nouvelles du Solerios de Plante ?
- Beaucoup de dresseurs de par le monde ont répondu à votre appel. Mais on vient d’apprendre que récemment, Erend Igeus a doublé votre offre pour qu’on le lui donne à lui si jamais on le trouvait.
Venamia était au courant de ça aussi, bien sûr. Velca le lui avait dit.
- Eh bien, triplez-la alors.
- Nous n’avons pas attendu. Ceci dit, si nous nous livrons à une guerre de Pokedollars avec Igeus, nous allons finir par perdre. Notre économie a été plombée par la guerre et par le coût faramineux de votre Mégador, et Igeus, lui, a le soutien financier de la région Bakan, l’une des plus riches du monde.
Venamia soupira. Ce n’était pas faux. Elle avait beau avoir plus de pouvoir qu’Erend et être relativement plus effrayante que lui aux yeux des gens, elle n’était pas aussi riche.
- Il faut alors offrir aux dresseurs quelque chose qu’ils ne pourraient pas obtenir même avec plein d’argent, proposa-t-elle. Du genre un Pokemon Légendaire.
- C’est une idée, mais encore nous en faudrait-il un. Ces Pokemon là, on les croise rarement dans les hautes herbes…
- Le Marquis des Ombres en a sept sous ses ordres.
Vilius hésita, ses yeux s’agrandirent sous l’effet de la stupéfaction.
- Vous voulez parler de ces monstres qui sont en train de ravager joyeusement Hoenn ? Vous croyez que c’est le genre de Pokemon à se tenir tranquillement dans une Pokeball et à obéir à un dresseur ?
- Bien sûr que non. Ils tueront leur dresseur au premier ordre de leur part. Mais ce n’est pas notre problème. Nous promettons un Pokemon, pas son obéissance. C’est la faute du dresseur s’il se fait tuer.
Le fils de Giovanni regarda Venamia en plissant les yeux. La Dirigeante Suprême n’aurait su dire ce qu’il devait ressentir. Du dégout, ou de l’admiration. Ou peut-être les deux.
- Vous êtes une belle pourriture, commenta-t-il. On vous l’a déjà dit ?
- Vous êtes l’un des rares capables de le dire sans encourir la peine capitale, donc non. Mais je me fiche d’être une pourriture. L’Histoire me jugera à mes réussites, pas selon les moyens que j’ai employés.
- Oui, admit Vilius. Mais seulement si vous gagnez. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire. Que comptez-vous faire pour Igeus ? Maintenant qu’il détient cette cité alien, il dispose d’un avantage considérable. Je crois qu’en l’état, la négociation…
- Il n’y aura pas de négociation, le coupa Venamia.
- Vous pourrez trouver un terrain d’entente ! Insista Vilius. Vous allier à la Confédération pour vaincre ce Grand Forgeron, et signer un traité de paix à la fin !
- De paix ? Ricana Venamia. Vous croyez qu’Erend Igeus recherche la paix ? Il a bâti son pouvoir sur la guerre, tout comme moi. Une coexistence entre nous est impossible. Encore moins maintenant qu’il dispose de la cité légendaire d’Atlantis. Je vais plutôt suivre les conseils de Bornet.
- À savoir ?
- À savoir nous allier avec le Grand Forgeron pour écraser Igeus et sa Confédération. C’est pour cela que je veux ce Solerios avant qu’il n’arrive, que j’ai quelque chose à négocier.
- Selon le rapport de votre espionne, si vous lui donnez le Solerios qui lui manque, il deviendra inarrêtable. Et je pense que vous aurez encore moins de possibilité de coexister avec lui qu’avec Erend.
- Je ne vais pas devenir son laquais, si c’est ce qui vous inquiète. Je veux juste me servir de lui le temps qu’Igeus soit anéanti. Et ensuite… je m’assurerai que ce Grand Forgeron ne me gêne pas. D’après ce que la Primordiale a dit à Igeus, il n’est pas invincible. Un Pokemon en particulier serait en mesure de le vaincre. Un Pokemon dont je compte bien m’emparer. Et pour cela, j’aurai besoin des trois Dieux Guerriers. Ce qui me fait une autre raison pour éliminer Igeus : lui prendre Triseïdon.
Venamia empoigna l’éclair d’Ecleus dont elle ne se séparait jamais, et le força à revêtir sa forme normale. L’oiseau métallique jaune apparut avec force de cliquetis.
- Maîtresse ? Fit celui-ci. Que puis-je pour vous ?
- Je suis désolée, Ecleus, mais si mon plan fonctionne, je vais devoir te remplacer par un autre Dieu Guerrier, apparemment bien plus puissant que toi. Tu le connais bien, apparemment. Ton ancien empereur, Excalord.
Venamia se voyait déjà avec ce Pokemon fabuleux en main, ou mieux encore, sous sa forme Revêtarme. Elle serait alors en mesure d’écraser le Grand Forgeron, et tous ceux qui se mettraient en travers de sa route. Elle serait véritablement la dirigeante du monde !
***
Erend avait la cité d’Atlantis pour lui tout seul, ou presque. Et découvrir tous les trésors dont elle regorgeait équivalait pour lui à tout l’amusement d’un bambin qui ouvrait ses cadeaux à Noël. Déjà, Erend s’était vite rendu compte que son plan de secours visant à faire sauter la cité avec une tête nucléaire si jamais il était impossible de s’en emparer n’aurait pas marché. Atlantis était protégée par un formidable bouclier d’énergie alimenté par les parois en Lunacier de tous les bâtiments de la cité, qui aspiraient et redistribuaient l’énergie. En clair, plus on attaquait Atlantis, plus on la renforçait. Mais ça, ce n’était vrai qu’avec des armes à énergie ou des attaques spéciales de Pokemon. Atlantis ne savait pas se défendre contre les flingues et mitraillettes classiques. Sans doute que les Primordiaux n’auraient jamais pensé que les humains puissent un jour les attaquer quand ils ont conçu cette cité.
Atlantis avait ensuite toute une batterie d’armes tout à fait prodigieuses. Des canons à ion qui neutralisent les signaux électriques, des drones autoguidés d’énergie pure, des lasers destructeurs d’une matière encore inconnue aux humains, et son arme principale, le Lunaturion, un canon laser qui possédait plus ou moins la puissance d’un millier d’attaques Ultralaser simultanées. Atlantis possédait également une petite flotte de guerre, des petits vaisseaux à l’allure bizarre qui ressemblaient à des pots de yaourt.
Mais bien sûr, il fallait être un Primordial pour pouvoir les faire voler, donc ils étaient inutiles à Erend. Même chose pour pouvoir activer n’importe quoi dans cette cité, des canons en passant même par l’eau courante. Apparemment, selon les explications de Nuelfa, les Primordiaux possédaient un gène auquel répondaient les installations de la cité. Memnark avait su reproduire ce gène chez ces Akyr, ce qui expliquait qu’ils soient capables de contrôler Atlantis.
Erend était donc totalement soumis à la bonne volonté de Nuelfa, à moins qu’il ne lui vole par la force un échantillon de sang pour lui soustraire son gène et se l’implanter. Il y avait songé bien sûr - il songeait toujours à tout - mais il ne tenait pas à bidouiller son propre corps sans garantie, et surtout, il ne voulait pas se froisser avec Nuelfa, qui pouvait tout aussi bien aller voir du coté de Venamia pour combattre Memnark si Erend ne la satisfaisait plus. Alors qu’il s’était plongé dans la contemplation d’une magnifique carte 3D holographique de la galaxie, Ladytus s’approcha de lui par derrière comme elle le faisait toujours, c’est-à-dire sans un bruit. Ladytus était si légère et gracieuse qu’on ne l’entendait absolument pas se déplacer. Quand elle parla, Erend sursauta.
- Tu contemples ton futur domaine ?
- Ce serait sympa oui, mais je me concentre sur la Terre pour le moment. En tous cas, ces Primordiaux sont incroyables. Ils sont arrivés à cartographier à des centaines de millions d’années-lumière à la ronde. Pour cette seule carte, tous les astronomes du monde seraient prêts à tuer pour la posséder.
- Je me demande s’il y a des Pokemon aussi sur d’autres planètes, se demanda Ladytus.
- Eh bien, techniquement, les Pokemon sont appelés ainsi car la Terre s’appelait à l’origine Pok. Mais il est clair qu’il existe des créatures semblables ailleurs, oui. Les Ultra-Chimères en sont la preuve. Tu ne devais pas monter des groupes pour la recherche du Solerios de Plante ?
- Si. J’ai une liste de tous les dresseurs de Pokemon Plante dans nos rangs, et j’ai commencé à y travailler avec la reine Eryl. Quand ils seront tous sur une piste, nous partirons à notre tour. D’ailleurs, en plus d’Eryl et Leaf, je t’emprunterai Velca. Elle a un Feuiloutan.
- Très bien. Allez vous amuser et papoter entre filles alors, mais je veux ce truc à la fin. Venamia ne doit pas mettre la main dessus. Ça fait déjà assez flipper que n’importe qui jusque-là ait pu posséder une supernova miniature, comme ce Bertsbrand là. Qui sait ce qu’il aurait pu provoquer avec sans faire gaffe…
- Je suis venu te chercher, dit alors Ladytus. Nuelfa veut te montrer quelque chose apparemment.
- Je suis ouvert à tout savoir en plus, répondit Erend en se levant.
Le jeune homme suivit son amie Pokemon. Il pensait qu’elle le menait jusque dans la salle de contrôle, au sommet de la pyramide de métal, mais leur destination fut la salle qui ressemblait à l’intérieur d’une église, là où Erend avait affronté l’Akyr Propagateur. Cette salle était désormais gardée vingt-quatre heures sur vingt-quatre par deux soldats de la Confédération. Personne n’y avait le droit d’y pénétrer, sauf sur autorisation expresse de Nuelfa. La Primordiale avait tenu à cette mesure, sans expliquer son but. De toute évidence, cette pièce devait contenir quelque chose de puissant. Si Nuelfa tenait à le voir ici, c’était qu’elle était prête à lui expliquer.
Les deux soldats saluèrent Erend et ouvrirent la porte. Nuelfa était bien là, devant le symbole doré de l’Infini au bout de la salle, entre les colonnes ouvragées. L’alien observait ce signe avec une espèce de mélancolie, bien que ce soit difficile à voir à cause de son casque qui lui recouvrait le haut du visage. Erend s’avança avec solennité et respect. Il n’avait jamais été croyant, mais l’ambiance de cette pièce lui donnait l’impression d’évoluer dans le plus saint des lieux.
- Vous avez demandé à me voir, madame ?
- Oui, répondit la Primordiale sans se retourner. Je crois qu’il est temps de vous révéler ce qui se cache dans cette pièce. J’aurai préféré le faire devant un public officiel représentant toute la planète, mais c’est apparemment impossible pour le moment, et nous manquons de temps. Comprenez bien, Erend : notre discussion devra rester entre nous. Il s’agit là d’un des secrets les mieux gardés de mon peuple. De plus, je doute que vous vouliez que cette information arrive malencontreusement dans les oreilles de vos ennemis.
Erend, tout à fait attentif, hocha la tête. Ladytus demanda :
- Dois-je me retirer ?
- Si le jeune Igeus te fait confiance, tu peux rester, amie Pokemon, répondit Nuelfa. J’aime l’idée qu’un humain et un Pokemon soient au courant. La Terre est à vos deux races, après tout.
Nuelfa recula enfin pour englober le symbole doré de ses deux bras petits et fins.
- Ce signe est le symbole de la société des Primordiaux, quand nous avons commencé à coloniser des mondes. Il est devenu la marque de notre Empire. Comme chez vous, il symbolise l’Infini, ce qui n’a pas de fin. Mais il s’agit ici d’un mécanisme, crée par Memnark, à l’époque où nous étudions les humains.
Nuelfa marqua une pause, et poursuivit :
- Voyez-vous, nous autres Primordiaux, nous sommes capables de vivre indéfiniment, si nous ne sommes pas tués. Nos corps sont faibles, mais nos exosquelettes peuvent nous maintenir en vie des siècles. Et quand notre corps est réellement sur le point de cesser de fonctionner, il nous suffit de nous cloner et de transférer notre conscience dans ce corps plus jeune. Mais cela n’est pas possible pour vous autres, humains, comme nous l’avons découvert en vous étudiant. Vous n’avez pas des cerveaux suffisamment développées pour subir un transfert de conscience. Memnark a su l’imiter, en quelque sorte, pour créer ses Akyr, mais par des procédés vils et horribles, qui nécessitent l’asservissement de l’esprit et la destruction du corps d’origine. Bref, tout ça pour dire que les humains ne pourront jamais imiter notre méthode pour vivre indéfiniment. Mais à la place, nous avons trouvé autre chose. Ce que vous avez devant vous : la Source de l’Infini.
Elle désigna le symbole qui scintillait.
- Le corps des humains est bien plus solide et vigoureux que celui des Primordiaux, et surtout très simple à réparer. Même mort, il est tout à fait possible de le régénérer. Le problème est ce que vous pouvez appeler l’âme. Si vos corps meurent, vos âmes disparaissent. Si nous régénérions vos corps, ils pourraient continuer à vivre, mais ne seraient plus que des coquilles vides. Alors, nous avons trouvez le moyen de sceller vos âmes à vos corps.
- C’est-à-dire ? Voulu savoir Erend même s’il en avait une petite idée.
- C’est-à-dire que vous serez immortel. Rien ne pourrait vous tuer, même si votre corps est endommagé. Votre âme restera ancrée à l’intérieur, et votre corps pourra s’autorégénérer. La seule chose qui pourrait vous tuer serait la destruction complète et totale de votre corps. C’est cela, la Source de l’Infini. Un procédé scientifique fort complexe, utilisant toute la technologie des Primordiaux, qui permet à un humain de devenir immortel. Il ne craindrait rien : ni le temps, ni la maladie, ni la mort provoquée. Il lui suffit pour cela de toucher le symbole de l’Infini ici-même. Mais ça ne fonctionnera que pour une seule et unique personne. Nous l’avons créé uniquement pour de l’expérimentation, et ça nécessite une quantité phénoménale d’énergie. Quand nous avons découvert ce que nous avons créé, nos supérieurs de l’époque nous ont interdit de poursuivre davantage. Mais la Source de l’Infini était bien là, et ne pouvait être vidée que par une utilisation.
Erend eut du mal à détacher ses yeux de ce huit horizontal en or, qui était la représentation même de ce que quantité d’homme pouvait désirer : la vie éternelle.
- Pourquoi me dire tout ça à moi ? Voulu savoir Erend. Serait-ce pour m’inviter à m’approprier votre Source de l’Infini ?
- Qu’un des vôtres deviennent immortel serait un atout contre le Grand Forgeron quand il arrivera. Memnark n’a jamais pensé à vider la Source quand il avait Atlantis pour lui tout seul, car il n’aurait jamais pensé qu’un humain, fut-il immortel, puisse l’inquiéter. Il convient de profiter de son arrogance. Ceci dit, je ne forcerai jamais un humain à faire ça. Car l’immortalité est bien souvent un fardeau. Je parle d’expérience…
- Tant mieux, car je passe mon tour.
Si Nuelfa fut surprise, Ladytus sursauta presque.
- Erend ?! Tu es sérieux ? C’est la vie éternelle que tu as devant toi ? Si tu touches ce symbole, Venamia ne pourra jamais te vaincre, et tu seras libre de régner sur la Terre éternellement.
- Si j’avais vraiment voulu de l’immortalité, je l’aurai demandé à Arceus quand il m’a accordé un souhait pour l’avoir aidé contre Enysia, rétorqua Erend. Ce n’est pas ce que j’ai souhaité. Si les humains parviennent à vivre pleinement leur existence, à faire ou à espérer de grandes choses, c’est uniquement parce qu’ils savent que leur vie prendra fin tôt ou tard. De mon point de vue, un humain immortel ne pourra jamais rien accomplir de grand. Je souhaite laisser ma marque en ce monde, mais pas lui survivre. D’ailleurs, j’ai beaucoup de monde qui m’attend au Royaume de Giratina. Je compte bien les rejoindre un jour, quand j’aurai terminé ma quête ici. Alors non… je ne toucherai pas la Source de l’Infini.
Le petit discours d’Erend laissa Ladytus sans voix un moment, mais au final, ses yeux noirs brillèrent d’une fierté contenue. Nuelfa hocha la tête.
- C’est votre choix, Erend Igeus. Mais je maintiens qu’il faudrait que quelqu’un de votre camp touche la Source, pour mieux combattre Memnark.
- Non, décréta Erend. Je ne fais confiance à personne parmi mes connaissances humaines pour devenir immortel. La vie éternelle n’est pas chose naturelle : c’est une hérésie. Personne ne devrait avoir à toucher à ce truc !
- Mais…
- Je vous remercie de m’avoir parlé de ça, Nuelfa. Désormais, ce ne sera pas deux gardes, mais six qui garderont cette pièce continuellement. Si un humain touche à cela, on peut tout à fait s’attendre à ce qu’il devienne un tyran pour la planète entière, et ce donc indéfiniment. Et quand nous en aurons terminé avec le Grand Forgeron, puis avec Venamia, nous mettrons Atlantis hors de portée de n’importe quel humain. Ainsi, personne ne videra la Source de l’Infini.
- Cela parait fort noble Erend, mais…
- Ne vous inquiétez pas, Nuelfa, sourit Erend. Nous vaincrons le Grand Forgeron sans vie éternelle. Nous lui montrerons, à lui, un immortel notoire, qu’on peut accomplir beaucoup en sachant que notre vie est limitée.