Pleinement satisfait, Walter quitta le salon de coiffure, ayant retrouvé sa couleur de cheveux habituelle. Sa couleur brune lui avait manqué, et désormais, il n'attirerait plus l'attention. Les seules traces de changement qui demeuraient chez lui étaient ses yeux d'un bleu vif et sa peau très pâle, mais ça restait déjà mieux que des cheveux blancs qui contraignaient la moitié des passants à le regarder bizarrement.
Il était tellement ravi de pouvoir se faire à nouveau discret qu'il s'autorisa un grand sourire, tout en poursuivant son chemin à pied jusqu'à son immeuble. La visite à l'hôpital effectuée juste avant l'avait requinqué un peu, et il serait bientôt prêt à se rendre aux environs de Janusia pour trouver cette fameuse clinique clandestine. Nul doute qu'il devrait en passer par des intermédiaires, mais avec sa fidèle arme, pour le moment bien à l'abri dans son coffre fort chez lui, il n'avait rien à craindre. Il soupira en songeant qu'Oniglali l'engueulerait à nouveau une fois qu'il le sortirait de sa Pokéball, en rentrant. Mais il n'avait pas voulu l'emmener à l'hôpital avec lui. Sans raison particulière. Il ne voulait simplement pas de compagnie.
Ce jour-là, il faisait beau. Les rayons du soleil tapaient durement sur les façades et les vitres, et une température un peu plus élevée que ces derniers jours encourageait les plus réticents à sortir un peu de chez eux. Walter soupira. Il aimerait bien, lui aussi, pouvoir apprécier cet air qui depuis sa "transformation" lui semblait plus vicié que jamais. Il ne pouvait pas rester dehors plus d'une heure sans ressentir un profond malaise et parfois même des vertiges. C'était tout simplement insupportable, et il donnerait cher pour remédier à cela. Peut-être bien que ces médecins clandestins de Janusia connaissaient des remèdes découverts de façon peu orthodoxe - en effectuant des expériences sur des cadavres, par exemple. Tout serait bon à prendre pour lui, au point où il en était.
En arrivant au bas de son immeuble, il remarqua une camionnette noire suspecte, garée juste devant, qui n'était pas là auparavant. De marque coûteuse et parfaitement propre, sans la moindre trace de poussière, elle ressemblait à celles que les forces spéciales ou encore les services de sécurité des institutions politiques de la région utilisaient. Mais ce ne pouvait pas être une de leurs voitures. Ce genre de personnes n'interféraient pas dans les quartiers résidentiels ordinaires.
"Bizarre, ça..."
Les vitres étant teintées, il dut s'en approcher pour espérer voir quoi que ce soit à l'intérieur. Cependant, alors qu'il inspectait les portes à l'arrière de la camionnette, elles s'ouvrirent à la volée et on le tira à l'intérieur. Il se souvint brièvement de l'enveloppe mauve reçue un peu plus tôt dans la journée, et se maudit de ne pas avoir pris plus de précautions. Les ténèbres l'enveloppèrent complètement, et il crut discerner une voix de femme avant de sombrer dans l'inconscience.
x x x
Danganronpa Original Soundtrack - Investigation Theme"On l'a raté... je suis vraiment dégoûtée !" geignit Linda.
En effet, Liz, Will, Ethan et elle s'étaient rendus à l'hôpital général de la ville, ayant interrogé des passants qui, apparemment, avaient aperçu Walter non loin du complexe de soins principal de Volucité. La blonde ruminait clairement son échec, les bras croisés, faisant la moue et les yeux brillants, signe qu'elle ne tarderait pas à pleurer.
"Ressaisis-toi, ma vieille. C'est bien toi qui m'as dit qu'on allait le retrouver à coup sûr, non ? Alors accroche-toi bien et si tu oses chialer, je t'en colle une bonne ! grommela l'autre femme du groupe.
- Je persiste à croire qu'il est inutile d'en venir aux mains, mesdemoiselles..." soupira Ethan, son éternelle cigarette entre les lèvres.
La jeune femme aux cheveux d'une couleur fantaisiste lui lança un regard qui le dissuada clairement d'ajouter quoi que ce soit. Il ne tenait pas non plus à se retrouver dans le collimateur de Liz, qu'il savait déjà impulsive et, assurément, très forte. Elle saisit Linda par le col de sa veste, au grand dam de Will qui leva les yeux au ciel, exaspéré par ces querelles entre filles.
"Tu vas bien m'écouter, ma belle, parce que j'ai horreur de me répéter. On va retrouver Walter, parce qu'on en a envie, et qu'aucun criminel, qu'il fasse partie des Quatre cons ou je ne sais quoi, ne se dresse sur ma route quand il est question d'un ami. Tu m'entends ?"
Elle relâcha la blonde, qui n'avait pas l'air d'humeur à répliquer quoi que ce soit.
"Je te fais confiance, j'imagine... souffla-t-elle, à court d'autres arguments.
- Maintenant que toutes ces histoires sont réglées, intervint Will, j'aimerais que notre médecin attitré nous parle un peu plus d'un certain groupe d'assassins psychopathes à la botte d'un mégalomane qui cherche à s'emparer des formules de Walter."
Tout le monde regardait désormais le médecin, qui ne s'habituait pas à être le centre d'attention. Il recracha de la fumée et haussa les épaules.
"Vous n'avez qu'à me poser des questions, et j'y répondrai. Je n'ai rien à cacher à leur sujet, je n'ai aucune raison de les protéger. Toutefois, ne me blâmez pas si mes réponses vous semblent trop vagues. Je ne fais pas partie de la mafia, après tout.
- Détends-toi un peu, mon grand, tu parles comme un homme d'affaires coincé ! soupira Liz, plus encline à utiliser un langage moins poli.
- Je m'en tiendrai au phrasé d'homme d'affaires coincé, répondit le brun. Réfléchissez bien à vos questions, car j'imagine que nous n'avons pas toute la journée, si on veut retrouver Walter avant qu'il quitte la ville..."
Linda hocha vigoureusement la tête, convaincue. Pour l'heure, il fallait qu'elle mette de côté ses différends avec le médecin en partie responsable de la fuite de son bien-aimé. Elle jeta un coup d'œil discret à sa rivale en amour, et choisit de poser sa question la première.
"Déjà... je trouve ça bizarre que la police n'enquête pas sur eux. Ils sont plutôt connus, pourtant, si j'en crois ce que vous nous avez raconté, et à moins que Riley Black soit un pseudonyme, j'imagine qu'ils ont les moyens de faire des recherches sur elle et même de l'inculper."
Ethan écrasa son mégot et secoua légèrement la tête.
"Ce n'est pas aussi simple, il y a de nombreux facteurs à prendre en compte. Premièrement, étant donné qu'ils sont certainement basés à Port Yoneuve et que la mafia contrôle en partie la police de la ville, vous comprendrez qu'il peut être compliqué pour les quelques flics honnêtes d'obtenir de quelconques preuves de leur culpabilité. De plus, j'ai entendu dire que l'un des Quatre travaillait dans le milieu juridique, et que par conséquent, il pouvait s'occuper de les blanchir sans crainte. J'ignore en revanche s'il s'agit du Juge ou non. Au vu de son surnom, il pourrait l'être, mais ces assassins sont trop ingénieux pour qu'on puisse être sûr de quelque chose à leur sujet...
- Mais, dans ce cas, ils sont entièrement protégés par la loi ? s'étonna Liz. C'est inadmissible...
- Une criminelle qui dit ça..." marmonna Linda.
La pirate informatique leva ostensiblement les yeux au ciel, excédée.
"Le monde juridique est un monde de magouilles, de pots-de-vin et de fausses preuves, de toute façon, alors il n'est pas difficile pour un bon avocat pourri de trouver les mots justes pour disculper ses clients, expliqua Will, qui s'y connaissait un peu plus que les autres en la matière.
- C'est exact, approuva Ethan. Ils peuvent presque agir impunément tant qu'ils restent à Unys. Dans d'autres régions, le taux de criminalité est bien moins élevé, donc le nombre d'inspecteurs corrompus aussi. J'imagine que c'est pour ça qu'ils n'ont pas encore étendu leur business partout. Interpol finira par les traquer, de toute façon, mais ils ont fort à faire à Sinnoh en ce moment, à cause d'une certaine Team Galaxie... enfin, ce n'est pas le sujet."
Les autres hochèrent la tête. Liz, bien qu'étant une criminelle, était révoltée de savoir que des assassins couraient en liberté et que des flics ou des avocats les défendaient. Elle en faisait maintenant une affaire toute personnelle, et si ces Quatre se mettaient sur sa route, elle se ferait une joie de les écrabouiller un par un en prenant tout son temps pour bien entendre leurs cris d'agonie. Et elle terminerait par leur patron, l'enfoiré à cause de qui tout cela a commencé. Elle commença d'ores et déjà à réfléchir au moyen le plus cruel de lui arracher sa vie.
"J'imagine que c'est beaucoup espérer de poser une telle question, mais... est-ce que vous avez le moindre indice sur l'identité de ces Quatre ? Je pense que ça nous aiderait énormément pour nos recherches, supposa Will."
Le visage d'Ethan se fendit d'un très léger sourire poli.
"Vous auriez dû poser la question plus tôt, vous auriez été agréablement surpris. Je n'ai pas songé à aborder le sujet la dernière fois étant donné que j'étais extrêmement fatigué, il est vrai... quoi qu'il en soit, j'ai des informations sur chaque membre des Quatre. Plus pour certains que pour d'autres.
- Tout est bon à prendre, au point où nous en sommes ! admit Linda.
- Vous devez avoir raison. Commençons par celle que je connais le mieux, et que vous connaissez aussi."
Les jumeaux se regardèrent, sourcils froncés.
"Vous voulez dire...
- Esther ?! Cette malade fait partie des Quatre ? s'étonna le blond.
- En effet... soupira Ethan. Si elle était à mes côtés au labo, je suppose que c'était pour garder un œil sur moi au cas où l'idée de les trahir me soit venue à l'esprit... dans tous les cas, vous en savez à peu près autant que moi sur elle. Cette femme est un démon, et la mort de Freddy - certes pas tout blanc dans cette histoire, mais tout de même - le prouve bien. Si elle tue, c'est pour le plaisir, et rien d'autre. J'espère ne plus jamais avoir affaire à elle, mais hélas, le destin ne semble pas m'apprécier beaucoup..."
Linda songea en son for intérieur qu'il avait ce qu'il méritait. Après tout, il avait fait du mal à Walter, et pas seulement à lui. Il pouvait avoir de bonnes raisons, cela ne changerait rien. C'était un acte égoïste, et le voleur n'avait rien demandé pour mériter ça.
"Ensuite vient Riley Black, vous l'avez rencontrée hier. Trente-six ans si je ne me trompe pas. Elle a apparemment démarré sa carrière en tant que voleuse, comme Walter, et je ne serais pas étonné d'apprendre qu'ils se sont déjà rencontrés. Comme je vous l'ai dit, elle est l'amante du Juge, le leader de la mafia de la région et donc le patron des Quatre. Elle a toujours un sabre japonais sur elle, comme vous l'avez constaté, et elle sait s'en servir. Elle dispose en outre d'une connaissance des points vitaux parfaite, alors si vous tenez à rester en vie, restez loin de son arme.
- Je crois bien qu'elle est conforme à ce que je m'étais imaginé... une femme forte sans pitié, soupira Liz. Elle doit aussi avoir des réflexes impressionnants, comme Walt.
- J'ai pas trop envie de savoir ce qu'elle sait faire..." ajouta Will, se rappelant de l'aura de puissance que Riley dégageait.
Au moins, ils étaient tous d'accord sur ce point-là. La tueuse leur faisaient peur, et à juste titre, car elle semblait très expérimentée dans son domaine.
"La troisième et dernière femme des Quatre, je ne la connais que de réputation, et je n'ai que son surnom. On l'appelle l'Empoisonneuse, je suppose que vous savez ce que ça implique...
- Ses ongles sont des dards, ouais, je vois le genre, souffla Liz.
- Je n'aimerais pas me trouver face à elle... geignit Linda, effrayée à la seule idée de se retrouver empoisonnée par une malade.
- Je comprends ce que tu ressens, ma vieille."
Ethan jeta un bref coup d'œil à sa montre hors de prix et poursuivit.
"Enfin, le seul homme du groupe est un individu que je n'ai jamais rencontré non plus. De ce que j'en sais, il doit avoir une trentaine d'années et est quelqu'un de très prudent et méthodique qui ne laisse jamais rien traîner derrière lui après un meurtre.
- T'as son nom ?
- Il se fait appeler le Joker, à cause de sa supposée tendance à plaisanter au mauvais moment, je n'en sais pas plus."
x x xWalter se réveilla peu après avoir été emmené dans la camionnette noire qu'il avait aperçue juste devant son immeuble. Il faisait noir et il ne voyait absolument rien, mais il comprit rapidement qu'il se trouvait assis dans un fauteuil ou un canapé, les mains menottées. Il tenta de se lever, mais au même moment, on alluma la lumière, ce qui l'aveugla et le fit sursauter, si bien qu'il se retrouva par terre.
"Voyons, reste bien sage, mon mignon, ne m'oblige pas à te donner une correction", susurra une voix de femme qu'il ne connaissait pas.
Le voleur cligna des yeux jusqu'à être capable de voir clairement ce qui l'entourait. A savoir un salon plutôt spacieux et décoré sobrement. En face d'elle, une jeune femme aux cheveux violets et aux yeux de la même couleur le scrutait. Elle semblait sereine, mais il lut une étincelle de folie dans son regard. Sûrement une folle qui passait dans le coin.
"T'es qui, toi ? Détache-moi, j'aime pas avoir les mains prises.
- Malheureusement, je ne peux pas te laisser t'enfuir. Le patron attend quelque chose de toi.
- Quoi, encore un complot pour avoir ma formule ? Vous me faites chier, à la longue !" grommela-t-il.
La jeune femme s'approcha de lui et s'apprêtait à le gifler pour son manque de politesse, mais on l'interpella.
"Si tu le touches, il te poursuivra en justice, et crois-moi, je n'hésiterai pas à l'aider pour que tu finisses condamnée, intervint une voix d'homme.
- Je sais que tu me hais, c'est un secret pour personne... souffla la femme à l'adresse de l'importun. Bref, Freezie, je m'appelle Esther, mon chou, et j'espère qu'on passera un moment chouette ensemble !"
Walter ignora délibérément cette femme sans doute un peu folle pour voir arriver un type a l'air plus mesuré. Cheveux courts bien peignés d'une couleur mi-brune, mi-rousse, yeux bleus très clairs et visage pâle, il portait un costume-cravate bleu sous un long manteau noir. Plutôt élégant.
"J'ose espérer que vous vous montrerez plus raisonnable que votre copine...
- N'ayez crainte, je ne vous tuerai pas à petit feu comme cette maniaque comptait le faire, ce sera rapide et tout à fait indolore."
Le sang du voleur ne fit qu'un tour. La peur, la véritable peur qu'il n'avait pas souvent connue, s'empara de lui.
"Vous allez me...
- Eh là, je plaisantais, soupira l'homme en levant ses mains. Je ne vous ferai pas de mal, si vous ne m'y contraignez pas.
- Qui diable êtes-vous ?" questionna Walter, perplexe.
Le type brun-roux s'approcha de lui et s'accroupit pour le regarder droit dans les yeux, avec un sourire des plus bienveillants. Très étrange.
"On m'appelle... le Joker."
Le voleur perdit connaissance, sans savoir si c'était dû à la chaleur ambiante où à ce type qui lui faisait vraiment peur. Sûrement un mélange des deux.