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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 12/05/2016 à 21:34
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:51

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -36 : Anastasia
Will émergea de ses songes déformés par l'alcool en grommelant. Il avait la bouche pâteuse et la maigre lumière qui filtrait par le store lui donnait déjà mal au crâne.

Il s'assit sur son lit simple et essaya de se rappeler comment il était arrivé là. Fenrir l'avait probablement traîné, et il avait dû se hisser avec son aide sur le matelas crasseux, plus ou moins conscient, avant de s'effondrer encore habillé.

Maudissant déjà la gueule de bois qui s'annonçait, le détective se redressa en grimaçant et se passa une main sur le visage. Il avait besoin d'une bonne douche. Mais d'abord, il allait faire chauffer la cafetière.

Une douleur sourde en provenance des phalanges lui rappela à quel point il avait été pitoyable la veille. Will grogna en voyant le sang séché sur sa main droite, puis haussa les épaules. Il devait avoir de quoi rafistoler ça dans le coin.

Il traîna des pieds jusqu'à son bureau, où se trouvait la cafetière. Fenrir, fidèle à lui-même, somnolait dans un coin. L'Arcanin ouvrit un œil inquisiteur et l'étudia, avant de retourner à sa sieste. Une bouffée de gratitude envahit Will, qui sourit.

Sans le Pokémon, il ne serait plus rien, et il le savait. Parfois, il s'en voulait d'être un Dresseur aussi pitoyable. Fenrir méritait mieux.

Il mit son café insipide à chauffer et se traîna jusqu'à une armoire de métal accrochée au mur. Il l'ouvrit, et son contenu mal rangé tomba à ses pieds : bandages, désinfectants, kits de premiers soins. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été blessé en mission, mais il gardait toujours le nécessaire à portée de main. Il était souvent difficile pour un détective privé d'expliquer au personnel de l'hôpital où il s'était blessé, étant donné le caractère illégal de la plupart de ses missions, aussi Will préférait-il souvent se soigner lui-même – dans la mesure du possible.

Il attrapa une compresse, l'humidifia de désinfectant et entreprit de nettoyer ses phalanges. En faisant jouer ses doigts, l'ex-Elitien constata avec soulagement que rien ne semblait cassé. Une fois le sang nettoyé, il jeta le tissu, appliqua un ou deux pansements élastiques sur ses articulations les plus abîmées, et referma l'armoire.

Avec un timing bienvenu, la machine à café finit son office, et Will attrapa sa tasse en soufflant légèrement dessus. Il en but une gorgée, puis attrapa la bouteille de whisky vide sur laquelle il avait trébuché la veille pour la jeter dans la corbeille.

Avec un soupir, il réalisa que son bureau était dans un désordre total. Peu motivé à l'idée de ranger, il préféra s'avachir dans son fauteuil et siroter son café, pensif.

C'est à cet instant qu'on frappa à la porte.

Maudissant l'importun qui osait le déranger alors qu'il venait à peine de s'asseoir, Will se leva en grommelant, son café à la main.

Il jeta un coup d'oeil à travers le judas -une prudence nécessaire, dans son métier- et vit un crâne tatoué qu'il connaissait bien.

« Salut, Edge. » fit-il en ouvrant la porte.

Le tueur à gages lui tendit une enveloppe kraft, que le détective soupesa d'un air appréciateur.

« Il ne risque pas d'avoir d'autre travail pour vous avant un certain temps.
- C'est lui qui vous envoie me dire ça, ou vous êtes soudain devenu incroyablement prévenant ? »

Silence. Edge ne répondait jamais aux piques de Will. Les deux hommes se vouaient une haine froide, mais le détective n'avait jamais réussi à obtenir autre chose de la part du chauve qu'une animosité silencieuse.

« Bonne journée, Stelmar. » lâcha le tueur avant de disparaître dans la cage d'escalier.

Perplexe, Will le regarda s'en aller en soupirant. Il but une nouvelle gorgée de son café insipide et rentra en fermant la porte derrière lui. Il ouvrit l'enveloppe et en sortit ses honoraires. Le détective les compta rapidement, puis grimaça. C'était bien ce que le Rex lui avait promis, mais c'était à peine assez pour subvenir à ses besoins pendant deux semaines.

La réalité se rappela désagréablement à lui. Il avait besoin d'argent.

L'ex-Elitien finit son café d'une traite, puis se dirigea vers l'étroite pièce qui lui servait de salle de bains. Ses finances pouvaient attendre. Pour l'heure, il avait besoin de faire passer cette gueule de bois, et ça passait par une bonne douche froide.

~*~
Lorsque Lina quitta le Windhall suite à son rendez-vous avec le Rex, la journée était déjà bien avancée. Il était probablement dans les environs de midi. Difficile à dire, avec les immeubles titanesques qui masquaient le soleil.

Le centre-ville était constamment plongé dans la pénombre. Les immenses blocs de béton noirâtres, salis par la pollution, se dressaient au-dessus des piétons d'un air menaçant, les écrasant presque. La jeune fille soupira et leva les yeux vers le obstrué par les nuages gris que les immeubles empêchaient de circuler. Au moins, il ne pleuvait pas, ce jour-là.


Jakub Serge Malec sur ArtStation

Rajustant la lanière de son sac à main, Lina se laissa happer par la foule et maudit une fois de plus cette ville. Ou plutôt maudit-elle les privilégiés qui se prélassaient là-haut, derrière la mer de nuages. Elle détestait ce qu'ils représentaient ; l'aisance, le conservatisme de parvenus qui n'avaient jamais travaillé pour mériter leur position. Elle détestait tout autant la ville basse ; remplie de malfrats insignifiants, de cafards qui grouillaient dans l'ombre du Rex, préférant se plaindre du système vérolé plutôt que d'agir réellement. Il était tellement plus simple de critiquer la corruption des politiques et d'ignorer sa propre part de responsabilité dans le merdier fumant qu'était Omnia, et Algosya en général.

Lina se dirigea vers la bouche d'égout la plus proche, serrant son sac à main et évitant de croiser le regard de quiconque. Les vols à la tire et les remarques déplacées étaient fréquents, même dans le centre-ville, et elle avait sûrement l'air d'une proie facile. Car pour son plus grand malheur, Lina était jolie, et c'était probablement ce qu'elle aimait le moins chez elle.

Si elle avait été un laideron, il aurait été bien plus facile d'éviter le harcèlement dans la rue, d'éconduire les clients pervers qui écumaient les salles du Windhall. Hélas, elle avait cruellement besoin d'argent, et un boulot restait un boulot, même s'il était le plus vieux du monde.

La rame arriva enfin, et Lina monta en direction de l'ouest. L'horloge du métro indiquait 13h30. L'après-midi était à peine entamé, mais la rame était déjà bondée. La jeune fille saisit fermement l'une des barres métalliques pour garder son équilibre et endura le trajet, coincée entre la paroi et un quarantenaire gras qui la reluquait sans vergogne. Elle crispa les mâchoires et prit son mal en patience.

Quand, enfin, la rame parvint à son arrêt, Lina dut jouer des coudes pour sortir. Quelques volées de marches plus tard et elle se retrouva enfin à l'air libre.

Elle se retrouva dans une rue presque déserte, à la bordure extérieure de la ville – l'un des nombreux quartiers délabrés qui pullulaient autour du centre. La route, dont le bitume fatigué craquelait par endroits, était poussiéreuse et peu fréquentée. De nombreux bâtiments de brique rouge bordaient la rue, la plupart étant abandonnées, leurs fenêtres placardées et leur porte d'entrée condamnée.

Au loin, quelques usines crachaient une fumée noirâtre. Machinalement, Lina se retourna et jeta un coup d'oeil en direction du centre-ville. Elle était trop loin pour être plongée dans la pénombre des gratte-ciels, mais elle ne parvenait toujours pas à distinguer la ville haute. Même loin du centre, le ciel était obstrué par des nuages grisâtres qui bloquaient le soleil.

En soupirant, la jeune fille se dirigea vers l'une des nombreuses bâtisses cramoisies ; l'une des rares dont la porte n'était pas emmurée ou placardée de planches.

Elle gravit le perron et se retrouva dans un hall sordide et poussiéreux. Le Rex payait leur logement, mais ça ne voulait certainement pas dire qu'elles vivaient dans le luxe.

Après être montée de deux étages, Lina sortit une clé de son sac et ouvrit une porte abîmée. Elle se composa un visage enjoué et rentra. Elle refusait de contaminer Stasie avec sa morosité. Lina était en bonne santé, elle ; elle devait se montrer forte devant sa sœur.

« Je suis rentrée ! » s'exclama-t-elle en jetant son sac sur un fauteuil près de l'entrée.

Leur appartement n'avait rien de sensationnel ; composé d'une cuisine, d'un petit salon, d'une salle de bains et d'une unique chambre, il était mal éclairé et dans un désordre permanent. Stasie ne pouvant pas se déplacer et Lina étant accaparée par son travail la plupart des soirs, il n'y avait personne pour s'occuper du ménage.

« Stasie ? Où est-ce que t'es passée ?
- Dans le salon ! » lui répondit une voix faible.

Lina fronça les sourcils et s'avança vers la pièce de vie, en face des chambres. C'était l'une des rares pièces qui disposaient d'une fenêtre, et même d'un petit balcon à peine assez large pour une personne. Meublée d'un canapé rapiécé et d'une télévision cathodique -une aberration technologique, pour l'époque-, elle était suffisamment spacieuse pour elles deux, mais guère plus.

La jeune fille fut surprise de trouver sa sœur sur le canapé. Lorsqu'elle l'avait quittée ce matin, Anastasia dormait encore, et elle n'était d'ordinaire pas capable de se déplacer seule. Avec un soupir, Lina contempla sa sœur.

Anastasia et elle se ressemblaient comme deux gouttes d'eau ; et pour cause. Elles étaient en effet jumelles ; elles partageaient toutes les deux les mêmes cheveux auburn, la même silhouette fine et les mêmes yeux bleu-gris.

Mais les ressemblances s'arrêtaient là. Là où Lina avait quelques formes, Anastasia était dangereusement maigre ; là où les cheveux de Lina étaient lisses, ceux de sa sœur étaient abîmés, revêches, et tombaient par mèches entières. Là où le teint de la première était légèrement hâlé, celui de Stasie était d'un blanc fantomatique. Et là où Lina, quoiqu'un peu grossière et guère féminine, était presque une jeune femme dans la fleur de l'âge, Anastasia pensait et se comportait comme une enfant de sept ans – l'un des innombrables effets de sa maladie.

« T'aurais au moins pu enfiler autre chose que ta chemise de nuit, la taquina Lina en l'embrassant sur le front.
- Coucou Lina. T'étais partie voir Papa ? lui demanda Stasie.
- Tout juste. T'as réussi à te lever toute seule ?
- Voui. Je me sens super bien, ce matin. »

Lina se força à sourire, mais savait très bien que ce soudain regain de forme était passager. Le Vortex qu'elle avait donné à sa sœur la veille devait encore faire effet, mais bientôt, ses muscles redeviendraient aussi mous et faibles que d'habitude.

Elle remarqua la poupée de chiffons avec laquelle jouait sa sœur. C'était une marionnette rembourrée de facture grossière, mais Stasie y tenait énormément – son doudou, comme elle l'appelait. C'était une peluche de Lockpin, que Lina avait jadis trouvé dans la rue. Anastasia en était immédiatement tombée amoureuse, et passait la majeure partie de son temps à détacher puis rattacher le ruban noir enroulé autour de l'une des oreilles pelucheuses du Pokémon.

Il était étrange de voir une jeune fille de plus de dix-huit ans jouer avec une poupée d'un air admiratif, tout comme il était étrange de la voir passer sa journée devant des dessins animés. Mais Lina s'y était habituée ; tout comme elle s'était habituée à ce que les cris de douleur d'Anastasia la réveillent en pleine nuit, à ce qu'il faille l'amener chez un médecin toutes les semaines, et à toutes les autres corvées imposées par sa maladie.

Depuis aussi longtemps que Lina s'en souvenait, Stasie avait été malade. Lorsqu'elles avaient été recueillies par le Rex, on les avait d'abord confiées à une nourrice, qui avait rapidement compris que les crises de douleur de la deuxième jumelle étaient tout sauf normales.

Aucun des médecins qu'ils avaient consulté à l'époque n'avait su dire de quoi il s'agissait. Stasie présentait de multiples allergies, son cœur fonctionnait mal, de nombreux muscles étaient atrophiés et divers organes de son corps remplissaient mal leur rôle. Son cerveau n'était pas en reste ; on s'était rapidement rendu compte que l'âge mental de la jeune fille était trop bas.

On avait tenté bien des traitements, proposé des opérations, des médicaments expérimentaux. Le Rex avait lui-même déboursé une somme conséquente pour essayer de trouver un remède à l'étrange maladie de sa fille adoptive. Rien. Certains traitements assourdissaient la douleur, diminuaient la fréquence des crises, mais rien n'y faisait. Anastasia se réveillait régulièrement en pleine nuit, criant que sa tête lui faisait mal.

Les nourrices, épuisées par le fardeau de la maladie de l'enfant, s'étaient succédées. Et dès que Lina avait été en âge de s'occuper seule de sa sœur, le Rex leur avait acheté ce logement et les avaient laissées seules. Depuis, Lina vivait avec sa jumelle, qui donnait parfois plus l'impression d'être sa fille que sa sœur.

« Tu t'es levée il y a longtemps ?
- Je sais pas trop, réfléchit Stasie, l'air pensive.
- Tu as déjeuné ?
- Non.
- Je fais à manger et on regarde un épisode de Lyrian, ça te dit ?
- OUAIS ! » s'exclama sa sœur.

Lina sourit et ôta sa veste, qu'elle laissa sur le canapé. Elle se dirigea ensuite vers la cuisine et ouvrit le frigo, convenablement rempli. Elles ne roulaient pas sur l'or, mais le Rex payait pour toutes leurs dépenses essentielles – et le reste, c'était le maigre salaire de Lina qui le couvrait.

Cela dit, la majeure partie de ce que la jeune fille gagnait, elle le gardait de côté. Elle rêvait de quitter celle ville un jour ; d'emmener Stasie ailleurs, peut-être dans les îles Sogulen, au nord d'Algosya. L'air maritime ferait le plus grand bien à sa sœur, elle le savait.

Mais pour quitter Omnia, il fallait de l'argent, de l'argent que le Rex ne lui céderait jamais. Aussi Lina serrait-elle les dents et continuait de supporter sa vie quotidienne, se contentant de mettre ses économies de côté.

Quelques minutes plus tard, Lina s'asseyait à côté de sa sœur sur le canapé et lui tendit une assiette de steak hachée et de pâtes. L'estomac de Stasie peinait à digérer les aliments trop compacts, aussi avait-elle pris soin de bien hacher la viande.

« On en était à quel épisode ? demanda Lina en attrapant la télécommande.
- Il s'était perdu dans Salmyre. » répondit Stasie, incollable lorsqu'il s'agissait des aventures de Lyrian.

Lina sourit. Lyrian le maladroit était un vieux dessin animé qu'elles regardaient toutes les deux lorsqu'elles avaient cinq ou six ans. Il racontait les mésaventures d'un jeune garçon brun doté de deux mains gauches, à qui il arrivait toutes sortes de crasses. Il s'agissait d'un programme pour enfant, auquel Lina avait cessé de s'intéresser depuis longtemps, mais Stasie, elle, en était restée une grande adoratrice.

Lina alluma donc l'écran et navigua quelques instants dans les menus avant de lancer l'épisode. Elle sentit Anastasia se blottir contre elle et passa un bras autour des épaules de sa jumelle en souriant.

Alors que le narrateur résumait les mésaventures des épisodes précédents, elle sentit soudain sa sœur qui tirait sur ses cheveux.

« Qu'est-ce que tu fabriques ? Regarde l'épisode ! »

Sa jumelle s'évertuait à attacher le ruban noir de sa poupée Lockpin dans les longs cheveux de Lina. Cette dernière la regarda faire sans broncher, malgré qu'elle tire parfois un peu trop fort. Le ruban était abîmé et s'effilochait près des bords, mais Stasie semblait l'affectionner tout autant que la peluche en elle-même.

« Ça te va bien, commenta sa sœur en admirant son œuvre. Ils sont beaux tes cheveux.
- Mais les tiens aussi, Stasie, sourit Lina.
- Bof. » fit l'intéressée avec une moue boudeuse.

Lina passa une main affectueuse dans la chevelure abîmée de sa sœur. Cette dernière s'allongea en travers du canapé et posa sa tête sur les genoux de sa jumelle, et toutes deux levèrent la tête vers la télévision. Stasie fut bientôt absorbée par les péripéties du petit Lyrian, mais Lina, elle, ne regardait l'écran que d'un œil distrait.

Elle aimait ce genre de moments. Bien sûr, la maladie lourde de sa sœur rendait la vie de tous les jours péniblement difficile ; mais ces rares instants de complicité et de calme en valaient la peine. Elle caressa les cheveux de sa sœur, qui suçait son pouce en regardant l'écran d'un air concentré – un comportement définitivement étrange pour une jeune fille de dix-huit ans.

Les paroles du Rex se rappelèrent à l'esprit de Lina. Pourvu qu'il trouve un moyen de faire admettre Anastasia chez un médecin de la ville haute. Elle ignorait comment ça se passait là-haut, mais il devait forcément y avoir un moyen. Après tous, les informations ne racontaient-elles pas que la Résistance parvenait à falsifier les archives d'embarquement pour faire monter des gens clandestinement ?

Refusant de se ronger les sangs inutilement, Lina chassa ces pensées de son esprit et reporta son attention sur l'écran. Elle tenait à profiter de son après-midi avec sa sœur avant de devoir partir bosser.

Ce fut alors que la fusillade dans la rue éclata.