Partie 3 : Le Don Féerique.
Brazoro
— Yaah !
— Huhu, trop lent !
— Qu... !
Avant même que je ne pusse me retourner, la baguette de Morflam se fracassa dans mon dos. La douleur fut si intense que je m'écroulai sur le coup, grimaçant terriblement.
— O-Oups ! sursauta brusquement la Roussil. T-Tu vas bien ?!
— Gnnn..., ça va... crachai-je.
— Ha..haha, désolée...
Humpf, je ne supportais décidément pas son espèce de modestie dégoulinante de gentillesse. Qu'est-ce que je pouvais répondre à cela ? J'avais la rage de ne pas avoir pu prendre le dessus une seule fois pendant le combat, et je ne pouvais pas trop me plaindre ouvertement tant elle faisait la gentille ! J'aurais presque préféré qu'elle ne fût qu'un concentré de prétention et d'arrogance, là au moins, j'aurais une bonne excuse pour exprimer mon amertume !
Cependant, je n'allais pas dire mon dernier mot ! Réunissant mes dernières forces, j'ignorais ma douleur et ordonnais mon corps de se relever.
— Tu en veux encore ? me lança Affienns qui observait mes combats. Je ne veux pas te dire ce que tu dois faire, mais c'est ta sixième défaites d'affilées et tu tiens à peine debout. Il ne serait pas stupide de demander à Patch de te rafistoler.
— Je peux encore le faire ! grognai-je. Je continuerai tant que mon ratio de victoire ne sera pas plus important que mes défaites !
— Au moins tu as de l'espoir...
Alors là, si ce singe pensait que j'allais m'écraser comme ça, il se mettait les queues dans l’œil ! Quant à cette Roussil, elle n'allait pas comprendre sa douleur !
***
— Idiot.
— …
Dépité, je ne pouvais que rester bêtement allongé pendant que Patch soignait mes blessures dans sa hutte. Inutile de faire un dessin, Morflam m'avait littéralement défoncé. Comment pouvait-elle être aussi forte ?! En plus, j'avais appris qu'elle avait perdu contre Affienns, qui devait par conséquent être plus puissant qu'elle. Et qu'est-ce que ça faisait de moi ? Le petit faiblard de l'équipe ?!
— Si tu continues de froncer autant les sourcils, ils vont rester bloqués, soupira Patch.
— Laisse-moi ruminer en paix...
— Tu peux déprimer tant que tu veux, mais pas chez moi !
— Hé bien pas de chance, je ne peux pas partir de là dans mon état. Alors supporte-moi.
— … j't'en ficherais des « supporte-moi »..., maugréa le Pachirisu.
— AOUTCH !
— Quoi encore ? sourit Patch.
— T-Tu l'as fait exprès ! criai-je. Tu as appuyé exprès sur ma blessure !
— Quoiiii ? Mais non, qu'est-ce qu'y te fait dire çaaa ?
Cet enflure, il comptait jouer les innocents jusqu'au bout ! Et le pire dans tout ça, c'était que j'étais totalement à sa merci ! C'était donc ça, le pouvoir des médecins...
— Doonc, insista Patch avec une expression faussement angélique, si tu ne veux pas perdre « accidentellement » une ou deux jambes, je te conseille vivement de me sortir ton plus beau sourire et d'arrêter de faire la tronche, compris ?
Je frissonnais, étrangement, une part de moi me hurlait que ce petit Pokémon d'apparence inoffensif ne l'était pas du tout...
— T-Tu nous avais caché cette facette de toi..., bafouillai-je.
— Oh, éluda Patch. Le passé qui remonte, de temps en temps.
— Le passé ?
— Ah oui, tu ne le sais peut-être pas, mais j'étais participer à des guerres, avant de m'installer à Herz.
Tiens, voilà qui était étonnant. En y repensant, je connaissais pas grand chose sur Patch. Pour moi, il avait toujours été un médecin habile mais froussard et accro aux bais, rien de plus.
— Enfin, c'était temporaire, surtout que je n'étais pas vraiment un médecin classique.
— … ah ? fis-je d'une petite voix en craignant au pire.
— Oui, j'ai toujours eu un don. Celui de comprendre et de manier les baies à la perfection, avec elles, je peux littéralement tout faire. Une simple baie Oran peut largement me servir à panser une blessure sanglante ! Mais ce n'est pas tout. Il suffit d'une simple mesure de plus, et le meilleur remède devient le pire des poisons. C'était là mon ancien rôle, où je n'étais pas connu comme Patch le gentil médecin, mais Patch l'impitoyable alchimiste ! Grâce à mes toxines, même le plus terrible des Pokémon pliait. Je ne compte même plus les villes que j'ai exterminé...
S-Sérieusement ?! Pendant son récit, Patch avait une telle lueur de folie dans les yeux que je ne pouvais m'empêcher de frémir. I-Il me faisait marcher, n'est-ce pas ? C'était impossible que ce petit Pokémon était le monstre qu'il décrivait !
— Dooonc, conclut-il. Si tu ne veux pas que ma facette ténébreuse ne prenne le dessus, tiens-toi tranquille.
— S-Sans problème !
____________________
Morflam
J'observais d'un œil perplexe Brazoro tituber, livide, grimaçant de douleur, et se tenant le dos. J’espérai que ce n'était pas de ma faute ! Il ne manquerait plus que ça, que je blessais gravement un membre de l'équipe. Si ça s'apprenait, à coup sûr on me priverait de repas... brrr...
Dans l'inquiétude de retrouver mon assiette vide, je me précipitais vers mon ancien adversaire.
— Brazoro !! Tu vas bien, hein ? Tu ne vas pas dire à Cassis que je t'es blessé, hein ? Elle ne va pas me priver de miam-miam, hein ?!
— … toi, t'as vraiment un problème ! plissa t-il des yeux. J'ai l'impression de n'être entouré que de gens bizarre ! Entre toi, et ce Patch qui serait un maître empoisonneur...
— Un empoisonneur ?! sursautai-je. Où ça ?! C'est terrible ! Il faut protéger la nourriture, vite !
— Calme toi ! Il a certainement dit tout ça pour me faire peur... probablement.
— … alors le miam-miam ne craint rien ? geignis-je.
— Non, il ne craint rien...
— YOUPIII !
Aaaah ! Quel soulagement ! J'étais si heureuse que j'avais l'impression qu'une foule de gâteau en chocolat tournait autour de moi pendant que je sautillais sur place !
— Foldingue..., crus-je entendre prononcer Brazoro.
— Ah ! percutai-je. Mais si Patch est vraiment un empoisonneur, il va falloir être très prudent... il n'y a rien de pire que d'empoisonner de la nourriture, ça lui donne un goût infect !
— Ça lui donne surtout un goût mortel, soupira le Chimpenfeu.
— Peut-être, mais ce n'est pas grave ça ! Si encore le poison était délicieux, je le mangerais avec plaisir, mais malheureusement, ce n'est pas le cas...
— … mais pourquoi est-ce que je continue de parler avec toi ? siffla désespérément Brazoro.
Je hochai la tête, résolue. Oui, je devais ouvrir l’œil et surveiller ce Pachirisu, il en valait de l'honneur gastronomique ! Si jamais je le voyais lorgner du côté des réserves...
— C'est décidé ! Viens, on va l'espionner !
— Qu..., s'étonna Brazoro. Mais j'ai rien à voir avec ça moi ! Et j'ai autre chose à faire !
— Voyons tu le sais bien, la suprématie de la nourriture prime sur tout ! Allez, ne discute pas !
Je pris l'air dubitatif du Chimpenfeu pour un acquiescement inconditionnel à ma juste cause, je l'empoignai donc précipitamment par le bras et nous fonçâmes vers d'un commun accord – du moins pour ma part – vers la hutte de Patch. Nous nous installâmes derrière une petite ouverture mural servant de fenêtre, le coin idéal pour les yeux et oreilles indiscrètes !
— Je n'arrive pas à croire que j'me sois laissé embarquer là-dedans..., grommela Brazoro.
Je ne prêtais désormais plus attention à l’extérieur pour me concentrer uniquement que sûr l'intérieur. Patch était bien là, au beau milieu de ses baies. Je n'avais strictement aucune idée de ce qu'il faisait mais c'était assez spectaculaire. Il mélangeait énormément de fruits de toutes sortes dans plusieurs récipients à la fois avec dextérité et parfois, il en résultait des espèces d'explosions très colorése, presque mystique !
— C'est beau en tout cas, commentais-je.
— Yep, acquiesça Brazoro. Je ne savais pas qu'on pouvait faire autant avec de simples baies. Il connaît bien son affaire celui-là.
— Mais tu penses que ces mixtures sont... toxiques ? Je veux dire, elles sont quand même super étranges ! …. et étrangement appétissante ! Dis, tu crois qu'il me laissera les goûter si je le lui demande gentiment ?
— Oui vas-y, soupira Brazoro. Et pendant que tu te régaleras, je prierai pour que ce soit réellement du poison...
Brusquement, une rapide et détonante explosion détourna notre attention. Je serrais les dents. Si je trouvais précédemment les manipulations alchimistes de Patch merveilleuse, j'avais vite changé d'avis. Sans qu'aucun de nous ne comprit exactement comment, une épaisse volute de fumée noire de chez noire avait envahit la hutte, ce qui était étrange, c'était que la volute restait mystérieusement suspendu au plafond sans même s'échapper par la fenêtre.
Le doux sourire de Patch avait totalement laissé sa place à un rictus sardonique, tandis que dans ses yeux, une folie d'un âge perdu refaisait surface. Même sa petite apparence chétive me semblait désormais menaçante, presque diabolique.
— Q-Qu'est-ce qu'il nous fait là ? bafouillai-je.
— J-Je ne l'ai jamais vu comme ça..., se crispa Brazoro tout aussi perdu que moi.
— Q-Qu'importe comment on le regarde, il fait pas de la confiture ! Vite, c'est le moment d'intervenir !
Je n'attendis pas la réponse de mon partenaire et toujours en le tirant par le bras, je m'introduisis violemment dans dans l'antre du sorcier.
— PATCH ! Au nom du foie gras, je t'arrête !
— … euh ?
Sans doute surpris que ces plans machiavéliques avaient été habilement déjoués par notre brillante intervention, Patch se tourna naïvement vers nous. Mais je n'allais pas me laisser berner par une façade aussi évidente !
— Inutile de jouer l'innocent ! proclamai-je. Dis-nous tout ! Que faisais-tu dans les dernières 24 heures ? Tu as le droit de garder le silence, tout ce que tu diras seras retenu contre toi devant le tribunal ! Tu as le droit à un avocat, mais dans ce cas tu devras le partager avec moi et fournir le sucre !
— U-Un instant ! objecta l'accusé. Je ne suis pas sûr de tout comprendre... et qu'est-ce vous faîtes là ? Tu as encore mal Brazoro ?
— Euh non, merci... répondit poliment le Chimpenfeu.
— Ne te laisse pas pas avoir par sa gentillesse ! rappelai-je à l'ordre mon partenaire. N'oublie pas que c'est un sorcier maléfique adepte des toxines !
— Un Sorc....
Patch soupira longuement.
— … je vois, je commence à comprendre. Brazoro a dû te parler de mon ancien titre d'empoisonneur, tu commence à te méfier de moi. Mais rassurez-vous, j'ai vraiment fait une croix sur mon passé pas très glorieux ! Je ne veux plus rien avoir à faire avec mon ancien moi, désormais je ne suis qu'un simple docteur. Si vous voulez, je peux vous donner plus de détail sur mon passé, je suis sûr que cela calmera vos peurs.
— Humpf ! soufflai-je. Tu comptes nous amadouer par des bobards c'est ça ?! Ça ne marchera pas !
— Même si je te promets mes baies les plus délicieuses en échange de m'écouter ?
Haha ! La question ne se posait même pas !
— Bon alors, frissonnai-je, elle vient cette histoire ?!
____________________
Patch
Le cadre n'était pas tout à fait idéal pour commencer un récit mais qu'importe, on fera abstraction de la fumée envahissant les lieux. D'autant que mon auditoire semblait ne pas y prêter attention, Brazoro me fixait avec intérêt tandis que Morflam trépignait sur place. Je suspectais néanmoins cette dernière d'avoir plus d’excitation pour son futur festin plutôt que pour mon histoire.
— H-Hm, hésitai-je. Ce que je m'apprête à vous raconter pourra sembler difficile à croire, mais il s'agit de toute la vérité. En y repensant, je devrais peut-être m'abstenir cependant... je pense que vous méritez de le savoir, nous sommes une équipe après tout...
Je jaugeai mon petit public d'un œil craintif et voyant qu'aucun d'entre eux ne voulait m'interrompre, je pris une grande inspiration.
— Comme je l'ai dis un peu plus tôt à Brazoro, j'ai autrefois participer à une guerre. Comment ? Pourquoi ? Hé bien c'est une histoire assez tumultueuse....
***
Tout avait commencé 10 ans plus tôt. A l'époque, je vivais encore à Émeror, un village de la région de Mercantide. J'y menais une vie paisible, mon métier d’apothicaire faisait ma joie et ma renommée. Mes capacités à exalter le pouvoir des baies avait vite fait le tour de la région et de nombreux clients faisaient des centaines de kilomètre rien que pour faire appel à mes services.
— Vous êtes un sorcier, plaisanta un jour l'un de mes clients. Nombreux étaient les médecins décrétant mon cas comme désespéré, et vous, d'un revers de pattes, vous me remettez en forme !
A l'époque, je ne le savais pas encore, mais je possédais un don que j'usais sans même m'en rendre compte. Vous voyez le Don Naturel ? Hé bien le mien, celui que j'utilisais et que j'utilise toujours aujourd'hui, en est une version améliorée. Le Don Féerique. Grâce à lui, je jouais avec les limites même de la nature, rendant la moindre baie capable de devenir un élixir très puissant.
J'étais pourtant bien loin de me douter des convoitises tournant autour de ce don. Un jour, alors que je m’apprêtait à ouvrir boutique comme à l'accoutumé, la Trésorerie fit irruption chez moi. Ah, peut-être n'êtes vous pas familier avec ce terme. La Trésorerie est la garde rapprochée de Goldengeld, le Président de Mercantide, et constitue l'autorité suprême après ce dernier.
Lorsque la Trésorerie m'avait convié à les accompagner, je savais que ce n'était pas qu'une simple demande courtoise, mais bien un ordre implacable. Ce fut ainsi que mon cauchemar commença. Je fus obligé d'abandonner mon village natal et à m'installer à la Maison d'Or, le siège du Président.
— Vous verrez professeur Patch, m'avait lancé le Chaffreux occupant le titre de Vice-Président . Vous vous plairez bien ici. Vous voulez des ingrédients rares ? Nous en avons à foison. Du luxe ? Vous vous trouvez dans la plus belle demeure de tout Iræ. Des femelles peut-être ? Vous n'aurez qu'à claquer des doigts. Tous vos désirs seront exaucés. En échange, nous vous demandons seulement de nous émerveiller de votre don.
La proposition était tentante. Certes Émeror me manquait, cependant, j'étais jeune et ambitieux. Une place à la Maison d'Or était tout simplement inespéré pour un roturier de mon espèce. J'avais donc travaillé nuit et jour pour mon nouvel employeur, je remplissais tous les objectifs que l'on m'imposait et bien vite, mon nom devint un incontournable à la Maison d'Or. Ma réputation d'empoisonneur était faite.
Je n'étais pas dupe, parmi les « objectifs » que je devais attendre, il y avait principalement la concoction de toxines. D'après ce que j'avais compris, le Président Goldengeld convoitait plusieurs villages périphériques à sa région. Cependant, ces derniers étaient naturellement très protégés par le relief et une forêt dense. Qu'importe ses efforts, ces troupes peinaient à avancer.
Cependant, les campagnes guerrières demandaient de l'argent, beaucoup d'argent. Et il est de culture générale que le Président Goldengeld est un Pokémon extrêmement cupide et avare, rechignant à dépenser le moindre sou. L'idée de fondre sa fortune dans la conquête des simples villages lui était insupportable, il fallait trouver une alternative.
J'étais cette alternative. Grâce à mes toxines, ni les montagnes et encore moins les forêts ne pourraient stopper les troupes de Goldengeld. Bien sûr, il n'y aurait aucun intérêt à planter son drapeau sur une terre désolée. C'était pourquoi l'on m'avait demandé de créer une toxine bien spécifique, quelque chose qui ne polluait pas le sol, mais qui serait pourtant fulgurant contre les Pokémon.
Un défi irréalisable à première vue ; tout ce qu'il me fallait pour attiser ma flamme d'ambition. Et au bout de plusieurs mois acharnés, le miracle tant convoiter illumina mon plan de travail. Le Zitronis. Une exotoxine surpuissante causant la mort immédiate au simple contact.
Je me souviens encore de ce jour maudit où j'ai conçu cette abomination. J'avais immédiatement demandé à la tester en condition réel. On m'emmena rapidement un prisonnier de guerre. Je tremblai d'excitation, j'étais comme fou. Sans doute qu'au moment où le cobaye convulsa terriblement et s'éteint dans un cri sourd, un sourire sardonique devait orner mes lèvres.
— Prodigieux ! s'était exclamé le Chaffreux tout aussi enchanté que moi. Absolument prodigieux ! Et vous dites que cette merveille est de plus peu onéreuse à produire ?
— Exactement, avais-je répondu. Les ingrédients sont d'un commun ahurissant, cependant, le secret du Zitronis repose dans un dosage minutieux et impitoyable. Un seul nanogramme de plus ou de moins et la toxine devient inutilisable, inoffensif. Mais ce n'est pas encore fini. Ce n'était qu'un premier essai. Donnez moi encore quelques jours que j'améliore ma formule, je suis sûr que je peux y arriver. Ma création, mon Zitronis... j'en suis sûr, il sera bientôt capable d'annihiler des villages, des villes entières, tout en gardant la nature intacte ! Non, c'est encore trop petit... ha...hahaha... oui voilà ! Des régions... il sera capable de conquérir des régions entière !
Mon ambitions n'avait désormais plus aucune limite. Le monde était dans ma main. Personne ne pouvait combattre le Zitronis. Je n'avais plus qu'un objectif, le rendre le plus puissant possible. Qu'importe les vies que je sacrifiais pendant sa conception, ce n'était que des cobayes, des données supplémentaires. J'étais devenu froid et sans pitié. Seul le Zitronis avait une place dans ma vie. Je ne m'importunais même plus de mon propre confort, négligeant ma santé. Cependant, je ne regrettais rien ; et encore moins lorsque entre mes pattes tremblantes, je tins la version finale de mon trésor.
Mon Zitronis était l'arme de conquête parfaite. Sans aucun effet contre la nature, fatal face au Pokémon, et il s'autodétruisait complètement au bout d'une journée une fois dispersé. J'avais tellement poussé la formule qu'une seul fiole de Zitronis concentrait suffisamment de puissance afin de supprimer la population d'une petite ville.
L'armée du Président Goldengeld ne se fit pas prier. A peine leur avais-je remis ma création ultime que tous les villages récalcitrant furent exterminés. Pour me féliciter de mes efforts, je fus convier à observer le résultat en avant-première. J'avais bien évidement accepté c'était là presque deux ans de travail acharné, l'objectif de ma vie qui était enfin atteint !
Je m'attendais à assister à un spectacle incroyable. Vraiment. L’excitation m'envahissait tellement que malgré ma faible constitution, je dépassais mon escorte militaire afin d'admirer le résultat de mon labeur le plus tôt possible. Mon désenchantement fut rude.
Ce fut comme si je me réveillais d'un rêve. Des visages figés dans l'horreur, au sol, hurlant des plaintes muettes. Il n'y avait plus que cela. Des corps, des corps, et encore des corps. Tous. Ils avaient tous cette même expression mêlant terreur et incompréhension. Le pire était leur yeux. Des yeux vides et révulsés, qui semblaient pourtant me fixer, accusateurs, haineux. Je ne pouvais pas faire un seul pas sans sentir l'énorme poids de la culpabilité, j'avais beau fuir, leur regard vengeur me transperçait de part en part.
— Félicitation, me sourit le vice-président. Grâce à votre aide, Mercantide s'est étendu sur plusieurs hectare ! Ce fut long, mais le résultat est là. Il va sans dire que le Président est très satisfait et vous accorde même le statut de Héros Régional. Vous faîtes parti de l'élite de l'élite à présent ! Encore une fois, félicitation, professeur Patch !
— ….
Non, il n'y avait rien, absolument rien ici qui justifiait ces félicitations. Un monstre. J'étais devenu un monstre. Je les avais tous tuer. Tous. Tous. Des centaines de vies. Exterminées. Par ma faute. Je me dégouttait. Je me sentais sale. Si sale que j'avais envie de m'arracher la peau.
Une fois rentré à la Maison d'Or, je pris une grande résolution. Plus jamais je ne créerai des toxines. Plus jamais. Un soir, je détruisis mon laboratoire, brûla la formule du Zitronis et m'enfuis. Je savais que c'était insuffisant afin d'expier mon péché colossal. Cependant, je me devais au moins de limiter les dégâts ; je savais que Goldengeld comptait utiliser le Zitronis pour étendre encore plus son territoire. Plus jamais, plus jamais je ne laisserais une pareil catastrophe se reproduire.
Évidemment, ma fuite fut vue d'un très mauvais œil. La Trésorerie se mit rapidement à ma poursuite pendant de long mois, et j'ignore encore aujourd'hui comment j'avais fait pour ne pas me faire attraper.
Mercantide n'avait plus rien à m'offrir désormais. Ce fut pourquoi j'avais décidé de quitter la région et de errer en quête d'un nouveau foyer, au bout de longues semaines de marche, j'ai fini par atteindre Herz, un petit village reculé où je serais définitivement en sécurité.
Cependant, l'histoire ne s'arrête pas là. J'avais beau être hors de danger, la culpabilité ne cessait de me ronger. Alors, j'ai pris une autre décision. J'allais réparer mes fautes. J'avais créé le Zitronis, la Mort matérialisée. Je pouvais donc très certainement créer son inverse, un élixir de vie. Oui, c'est sans doute un projet dément, mais c'est mon dernier espoir de rédemption. Toutes les vies que j'avais prise, j'allais les rendre. Je ne sais pas encore comment mais je vais le faire.
***
— C'est pour cela que j'ai choisi de suivre Cassis. En voyageant à travers le monde, je découvrirais certainement de quoi avancer dans mes recherches folles. Vous comprenez maintenant, pourquoi vous n'avez plus rien à craindre de moi ? Désormais, sauver la vie est mon obsession. J'ai définitivement.fais une croix sur les poisons.
Ah ! Si Brazoro et Morflam voyaient leur tête ! Tous deux me regardaient comme si je venais de sortir la plus grosse imbécillité depuis la création. Pourtant, je ne faisais que dire la vérité, l'effroyable vérité de ma vie.
— … wouaah, souffla enfin Brazoro. J-J'ignorais que...
— Je comprendrais que vous ne voudrez plus avoir affaire avec moi, baissai-je les yeux. Après tous, je suis un criminel de la pire espèce. Rien ne pourra changer ce fait.
— …
Brazoro était décidément mal à l'aise. Il détournait les yeux, incapable de me regarder. Quoiqu'il en soit, je me sentais... un peu plus léger maintenant que je leur avais tout avoué. Je ne pouvais plus supporter le fait de cacher mon histoire à mes compagnons. Un jour ou l'autre, ils devaient bien connaître la vérité.
— Bon, l'histoire est finie ? intervint brusquement Morflam. J'peux avoir mes baies maintenant ?
— … euh... oui ? m'étonnai-je. Mais euh... tu as écouté mon récit au moins ?!
— Oui oui, tu as fait un super-poison et tout et tout... bah c'est triste, mais bon. Dans ce monde, y a plein de gens qui ont du sang sur les mains. C'est un peu le principe de la Loi d'Or, qui encourage les guerres en tout genre... même Cassis ne fera pas exception, si elle compte réellement conquérir Iræ. Est-ce que ça changera ma vision d'elle ? Certainement pas ! Alors, c'est pas tout ça, mais elles sont où mes baies ?
Je restais pétrifié face à l'explication pour le moins... étrange de cette Roussil. Le pire dans tous ça, c'était qu'elle disait vrai. Avec le principe de la Loi d'Or, la loi du plus fort, les massacres étaient légions. Certes, théoriquement, il suffisait de vaincre un Maire pour prendre sa place, sauf que dans les fait, avant de combattre le Maire, il fallait se frotter à toute son armée, et aux sanglantes conséquence qui en découlaient.
Mais était-ce une raison pour banaliser les meurtres ? Morflam semblait penser que oui mais... je ne pouvais m'y résoudre. J'espérais réellement que Cassis parvînt à ériger son utopie. Un monde sans la Loi d'Or, un monde uni où le crime ne serait pas normal.
Je désignai d'un geste de patte la caisse où je réunissais mes meilleurs baies à Morflam qui se fit un plaisir de l'emporter avec elle. Brazoro la suivit fébrilement, sans doute presser de ne plus me voir. Une fois mes deux invité partis, je soupirai longuement.
Je me hâtais ensuite vers la concoction que je préparais avant leur intrusion. Rapidement, j'ingurgitai toute la mixture. Je me tins le cœur, crissant les dents. Malgré toute ma volonté, je n'avais pas pu leur faire part de ce petit détail...
***
Fou, je mélangeai frénétiquement plusieurs extrait de baies. J'étais proche du but, j'allais créer ce fameux poison que l'on me réclamait tant. Comment vais-je l'appeler ? Bah, était-ce vraiment nécessaire de s'en préoccuper ? Plus que quelques dosages et ...
— … !!
Épuisé par le manque de sommeil, je trébuchais bêtement. Toutes les fioles que je tenais explosèrent en un fracas de verre. Quel idiot ! Aussitôt, un nuage de vapeur toxique envahit mon laboratoire. Ah, c'était donc pour cela qu'il fallait porter un masque...
Mais ce n'était pas le moment de se remémorer les règles de sécurité. Je pouvais sentir le poison se répandre dans mon organisme. C'était stupide, mais la première chose à laquelle j'avais pensé était mon échec. Je devais créer un poison fulgurant. Et vu que je n'étais pas mort sur le coup, cela ne signifiait qu'une chose : ma formule n'était pas encore au point.
Cependant, il ne me restait sans doute plus longtemps à vivre. Précipitamment, je préparais un palliatif d'urgence. Haha, j'étais si absorbé par la création du poison que je n'avais même pas penser à en faire un antidote.
Mon rapide remède avait néanmoins réussi à me calmer. Mais pour combien de temps... ?