Chapitre 18 : Les paroles de la Primordiale
J’ai vu ce qu’il y avait au plus profond du Puits des Abysses. J’ai vu le futur de ce monde si je n’intervenais pas : l’anéantissement de l’humanité, l’asservissement des Pokemon. Pour l’en empêcher, j’ai choisi l’asservissement de l’humanité, et la manipulation des Pokemon.
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Trois jours seulement après qu’Atlantis eut totalement été conquise, Erend organisa une réunion au sommet, dans la cité même, qui regroupaient tous les leaders de la Confédération, du président Kearney aux chefs d’état alliés en passant par le jeune roi Alroy, ainsi que Nuelfa. Erend avait toujours du mal à devoir compter un alien dans ses rangs, mais la Primordiale avait bien fait savoir qu’elle était de leur coté. Pourquoi Erend irait-il en douter, après qu’elle les eut sauvé en anéantissement l’Akyr Propagateur ?
En outre, grâce à Nuelfa, ils avaient pu amener Atlantis jusqu’à Fubrica. Personne dans la Confédération, ni même ses meilleurs ingénieux et chercheurs, n’avaient réussi à trouver comment piloter Atlantis. Ils n’avaient rien réussi à activer, d’ailleurs. Aucune commande ne répondait. Nuelfa avait expliqué cela en affirmant que seuls les Primordiaux pouvaient contrôler Atlantis, et également les Akyr bien sûr, que Memnark avait doté de cette fonction. C’était donc Nuelfa qui dirigeait totalement la cité, sur les directives d’Erend.
Atlantis flottait désormais en vol stationnaire au-dessus de la capitale Fubrica, pour la plus grande joie et stupéfaction de ses habitants. Erend n’ignorait rien du fait que tous les journalistes du monde devaient se trouver dans la capitale à présent, pour filmer cette merveille venue du passé. Et c’était tant mieux. Ainsi, Venamia ne perdrait pas une miette du spectacle, et pourrait enrager de tout son saoul parce que son ennemi s’était approprié quelque chose qui serait à même de rivaliser avec son Mégador.
La réunion se tenait dans la salle de commandement d’Atlantis, au sommet de la pyramide d’acier, qui avait été aménagé pour les humains normaux. Erend était fier de pouvoir accueillir ses confrères et subordonnés dans ce lieu de puissance et d’extraordinaire. La prise d’Atlantis avait été une victoire majeure pour la Confédération, et pour lui personnellement. Tout le monde devrait comprendre qu’Atlantis était désormais à lui, et à lui seul. Nuelfa avait décidé de servir la Confédération contre Memnark, et tenait donc désormais ses ordres d’Erend lui-même. Erend arriva le premier dans la salle, bien sûr, avec Ladytus et Velca à ses cotés. Nuelfa les accompagnait, mais ne s’assit pas après qu’Erend et ses assistantes eurent pris place. Elle avait beau avoir des milliers d’années et appartenir à l’une des races les plus évoluées de l’univers, elle était relativement timide.
- La réunion risque de durer un moment, lui dit Erend. Il vous serez incommodant de rester debout tout ce temps. Je vous en prie, prenez un siège. Vous êtes chez vous après tout ici…
Nuelfa hésita avant de tirer une chaise non loin d’Erend.
- Atlantis a été bâtie selon les plans du Grand Forgeron, mais par les Pokemon et les humains de ce monde, répondit-elle. Elle n’appartient ni à Memnark, ni à moi, mais à la planète Terre.
Elle regarda Erend un petit moment puis ajouta :
- À la planète Terre dans son ensemble.
Erend retint un sourire. La Primordiale n’était peut-être pas si effacée que ça. Il avait bien compris la pique qu’elle lui avait lancée, signifiant à demi-mot qu’Erend n’avait pas le droit de s’approprier Atlantis pour lui tout seul.
- Je suis d’accord, approuva le jeune dirigeant. Cette cité devra servir les intérêts de ce monde, et pour cela devra dépendre d’une organisation indépendante et multinationale qui ne subira aucune pression d’aucun pays que ce soit. Mais nous n’y sommes pas, pour le moment. Atlantis sera notre seule ligne de défense face au Grand Forgeron quand il arrivera.
- J’ai promis de vous aider contre lui. Si d’aventure nous triomphons, le reste vous regardera.
Bon, apparemment, Erend ne pourrait pas la recruter dans sa guerre contre Venamia. Tant pis. De toute façon, chaque chose en son temps. Les participants à la réunion commencèrent à arriver, un par un ou à plusieurs. Erend avait tenu à inviter le plus de monde possible, et pas seulement les leaders. C’est ainsi que les premiers arrivés furent la X-Squad au grand complet, menée par Estelle Chen et le général Tender. Peu de temps après, le président Kearney - qui avait la tête de quelqu’un qui n’avait pas dormi depuis des lustres - et le général Willis suivirent, avec ensuite un défilé de petits chefs d’état et de gouvernements des pays alliés de la Confédération. De Cinhol, il y avait le roi Alroy, le duc Isgon et le prince ambassadeur Deornas, ainsi que sa femme Leaf. Syal et un de ses capitaines représentaient Stormy Sky. Les huit champions d’arène de Kanto étaient là aussi, de même que Mewtwo. Les derniers arrivés furent les généraux Lance et Van Der Noob, et Sa Majesté la reine Eryl bien sûr. Tout le monde se leva à son arrivée, et ne se rassit que lorsqu’elle fut installée.
- Bien, commençons sans plus tarder, dit Erend. Tout d’abord, j’aimerai présenter à ceux qui ne la connaissent pas notre nouvelle amie, madame Nuelfa, de l’Empire Infini des Primordiaux.
Il indiqua d’un geste galant l’alien à l’assemblée, qui se leva pour s’incliner. Étant donné sa petite taille toute voutée, le geste ne se vit pas trop. En tous cas, elle attira longuement l’attention des personnes qui ne l’avaient pas encore vue, particulièrement le roi Alroy. Du haut de ses onze ans, il était encore particulièrement impressionnable, et ce n’était pas tous les jours qu’on voyait un extraterrestre.
- Nuelfa nous a aidés à vaincre le dernier Akyr qui gardait cette cité, et donc à nous en emparer, poursuivit Erend. En tant que Primordiale, elle est la seule à pouvoir faire fonctionner Atlantis. Et elle fut également la disciple du Grand Forgeron il y a fort longtemps, donc ses informations à son sujet seront précieuses.
Le duc Isgon leva son épaisse main pour poser une question. En sept ans, il avait appris les fondamentaux de la politesse et du savoir-vivre en société. Jadis, il se serait contenté de taper du poing sur la table en jurant.
- Oui, mon cher duc ? L’interrogea Erend.
- Sauf votre respect hein, commandant suprême, et dame Nuelfa, mais j’aimerai fichtrement bien savoir ce que sont ces Primordiaux, par la crinière d’Arceus !
Erend comprenait que le pauvre duc soit un peu déboussolé. En tant que guerrier de Cinhol, il comprenait à peine toutes les technologies du monde réel, et voilà qu’on lui mettait un alien devant les yeux.
- Pourriez-vous répondre à cette question légitime, Nuelfa ? Lui demanda Erend.
- Nous sommes des explorateurs de l’espace, messieurs les humains, répondit la Primordiale. Nous avons voyagé de planètes en planètes, d’étoiles en étoiles, jusqu’à fonder le plus grand empire de la galaxie : l’Empire Infini. Mais nous ne sommes pas des conquérants. Nous sommes en majorité des scientifiques, et nous sommes pacifistes. Memnark, celui que vous connaissez sous le nom de Grand Forgeron, est une exception. C’est un criminel et un traître à notre race.
- D’où venez-vous, au juste ? Demanda Syal. Je veux dire, vous avez un grand empire, mais votre race provient bien d’une planète ?
Nuelfa hésita avant de répondre.
- Notre race peut vivre des millénaires. Nous existons depuis tellement longtemps que l’on a oublié nos origines, je le crains. Mais pour beaucoup encore, Arceus symbolise le dieu suprême, et comme on sait qu’il a commencé son œuvre de vie dans l’univers ici même, sur Terre, certain pensent que nous sommes originaires d’ici, nous aussi. Après tout, nos corps ont certaines caractéristiques en commun avec les vôtres.
- Etes-vous la seule de votre race sur Terre, actuellement ? Questionna le général Lance.
- À ce que je sais, oui. Je suis ici depuis des milliers d’années, depuis l’arrivée de notre colonie qui a fondé par la suite Atlantis. Après la guerre, quand mon peuple chassa Memnark de la Terre et qu’Atlantis eut sombré, je suis restée seule ici. Ceci dit, il n’est pas impossible que cette planète fut visitée de temps à autre par les miens. Mon peuple aime actualiser ses informations sur les planètes qu’il connait.
- Donc, le mythe des petits hommes verts vient peut-être des Primordiaux, ricana Leaf. Euh, à ceci près que vous n’êtes pas verts…
- Vous ne pouvez pas contacter votre peuple, cet Empire Infini ? Demanda le président Kearney. S’ils savaient que Memnark s’apprête à nous attaquer, ils nous porteraient peut-être assistance ?
- L’Empire Infini est en guerre depuis des millénaires contre Memnark et ses Akyr, répondit Nuelfa. Malgré toute leur science et leur supériorité numérique, les Primordiaux ne sont pas parvenus à venir à bout de Memnark. Nous ne le vaincrons pas par le nombre et par les armées. Il nous faut l’éliminer, lui. Voilà pourquoi je suis ici, et pourquoi je vous ai apporté ceci.
Elle posa sur la table devant tout le monde l’épée qu’elle gardait toujours avec elle. Vu sa taille impressionnante et son épaisseur, on pouvait se demander comment une personne si petite et voutée que Nuelfa pouvait la soulever, mais son exosquelette ne devait pas y être étranger. Erend savait ce qu’était cette épée. Nuelfa l’avait déjà briefé à ce sujet, mais il voulait qu’elle l’explique à tout le monde.
- Ceci est un Pokemon, dit-elle. Un Pokemon artificiel, de mon invention. Il se nomme Excalord. Je me suis basée sur les travaux de Memnark sur les trois Dieux Guerriers pour en créer un quatrième, bien plus puissant. Memnark n’était pas au courant, ou du moins, il n’y a jamais accordé la moindre importance. Pourtant, ce Pokemon a le pouvoir de le détruire. Il est fait d’un alliage inédit des trois Métaux Légendaires, à l’inverse des autres Dieux Guerriers qui ne sont composés que de Vifacier. Certains d’entre vous m’ont vu détruire l’Akyr Propagateur d’un seul coup avec sa seule forme Arme. Imaginez ce qu’il pourrait sous sa forme normale, ou mieux encore, sous son Revêtarme.
Mercutio et Galatea regardaient l’épée d’Excalord avec une introspection qui devait signifier qu’ils sentaient quelque chose de vraiment balèze grâce à leur Flux.
- Cet Excalord peut donc aussi changer de forme, comme les autres ? Fit Deornas.
- Oui, confirma Nuelfa. À ceci près qu’il lui faudrait un maître, et qu’il n’en a jamais réellement eu. Excalord est doté d’une nature bien plus sauvage que les trois autres. Il a longtemps méprisé les humains. Sous sa forme Normale, il régna sur l’Empire de Texteel sur Terre, un large royaume composé uniquement de Pokemon Acier qui a longtemps fait la guerre aux Mélénis. Les trois Dieux Guerriers - Hafodes, Triseïdon et Ecleus - étaient ses sujets. Mais à la fin de la guerre, ceux qu’on nomme de nos jours les Trois Mélénis Légendaires ont vaincu les Dieux Guerriers et conquit leur allégeance, devenant leurs premiers maîtres, et les seuls à pouvoir se servir du Revêtarme. Grâce à eux, ils combattirent Excalord et mirent fin à la guerre. Depuis, Excalord est bloqué sous sa forme Arme que vous voyez là. Il ne reprendra sa forme normale que si les trois Dieux Guerriers sont réunis. Alors, il vous faudra l’affronter et le vaincre. Celui qui le forcera à reprendre sa forme Arme en deviendra son maître, débloquant par la même son Revêtarme que personne n’a encore jamais vu. J’ai bon espoir qu’un humain possédant le Revêtarme d’Excalord, avec à ses cotés les trois autres Dieux Guerriers, puissent venir à bout de Memnark.
Il fallut un certain temps pour que chacun n’intègrent les informations de Nuelfa. Ce fut la reine Eryl qui posa la première question.
- Vous avez dit que cet Excalord méprise les humains. Pourquoi en servirait-il un, même en étant vaincu ?
- Parce que c’est sa nature, répondit la Primordiale. Il a été conçu ainsi. Et même s’il n’est plus jamais repassé sous sa forme Normale depuis les Guerres de l’Acier, il a déjà eu un maître, ou du moins un possesseur, quelqu’un qui l’a longtemps manié sous sa forme Arme. Un roi humain légendaire, Arthur Pendragon. Excalord était son épée attitrée, et grâce à elle il parvint à se forger un nom qui traversa les âges.
- Oui, ça nous dit vaguement quelque chose, sourit Régis. Donc, il suffit de réunir devant lui Hafodes, Triseïdon et Ecleus, de le battre sous sa forme Normale, et il sera à nous alors ?
- C’est cela, confirma Nuelfa. Une fois vaincu, il repassera automatiquement sous sa forme Arme, et alors, le premier humain qui le prendra dans ses mains deviendra son maître. Cela étant, sachez qu’Excalord est un Pokemon surpuissant, probablement le plus fort de ce monde. Le battre ne sera pas facile.
- Le faire passer sous sa forme Normale non plus, si on doit réunir les trois autres avant, renchérit Mercutio. Vous ne le savez peut-être pas, mais nous n’en avons qu’un seul actuellement, celui d’Igeus. Je doute que Venamia veuille bien nous prêter le sien. Quant à Hafodes… aucune idée d’où il peut bien se trouver.
- En fait, on le sait, intervint Leaf. Hafodes est à Cinhol, entre les mains de… qui vous savez. Si nous avons vraiment besoin de lui, il faudrait…
- Hors de question, décréta Erend sans la laisser finir.
- Mais Erend…
- Je ne veux pas de lui dans cette histoire. Tu as oublié tout ce qu’il a fait ? Tout ce qu’il m’a fait ?! On ne peut pas lui faire confiance !
Erend avait haussé la voix. Ce n’était pas son genre, mais il ne voulait plus avoir à faire avec ce fou meurtrier qui lui avait pris sa mère, son frère Zayne et qui avait tant fait souffrir la région Bakan. Erend Igeus haïssait peu de monde. Même son ennemie jurée, Lady Venamia, il ne la haïssait pas. Il l’admirait un peu même. Mais Castel Haldar… jamais il ne pourrait pardonner à cet homme. Et il se fichait bien de savoir qu’il avait été manipulé par Enysia, ou qu’il ait pu changer en « fusionnant » avec la personnalité d’Adam Velgos. Depuis tout ce temps, Erend regrettait de n’avoir pas pu le tuer, même s’il l’avait aidé à sauver Arceus d’Enysia.
- Vous parlez de l’humain qui a fait un marché avec Memnark il y a cinq cent ans ? Demanda Nuelfa.
- Vous le connaissez ? S’étonna Deornas.
- Je ne l’ai jamais rencontré, mais j’ai toujours espionné les agissements de Memnark concernant ce monde. Je sais qu’il lui a remis Hafodes il y a cinq cent ans, et que tout récemment, il a envoyé sur Terre un Akyr de Seconde Classe pour le représenter.
- Oui… On en garde d’ailleurs un sacré souvenir, commenta Syal.
Le roi Alroy hocha tristement la tête. C’était cet Akyr en question, l’Akyr Ailé, qui avait provoqué la mort de sa mère Nirina au Grand Glacier.
- Le fait est que si c’est bien cet individu qui détient Hafodes, poursuivit Nuelfa, il s’avèrera indispensable pour réveiller Excalord.
- C’est d’Hafodes dont nous avons besoin, pas de Castel, grinça Erend. Où qu’il se cache à Cinhol, nous pouvons lui retrouver, se débarrasser de lui et lui prendre son Dieu Guerrier.
- Tu ne penses pas ce que tu dis, Erend… commença Leaf.
- Je le pense parfaitement ! Je me demande même pourquoi vous ne l’avez pas fait avant, vous autres de Bakan, ou même vous, les gens de Cinhol ! Les crimes contre l’humanité qu’a causés cet individu sont…
Solaris se racla la gorge pour intervenir.
- Si je peux me permettre, commandant suprême… Je ne connais pas ce Castel Haldar, mais question crimes contre l’humanité, je m’y connais assez en revanche. Malgré ce que j’ai fait quand j’étais à la tête de l’Empire de Vriff, on m’a offert une seconde chance de faire le bien, et me voici aujourd’hui, à vos cotés, pour combattre ces robots.
- Sur ce sujet, la discussion est close, décréta Erend, buté. De toute façon, sans Ecleus, Hafodes ne nous servira à rien. Et, si je ne m’abuse, il y a autre chose à rechercher avant de se soucier des Dieux Guerriers. Nuelfa… savez-vous ce que sont les Solerios ?
La Primordiale parut pris de court pendant un instant.
- Où avez-vous entendu ce nom ?
- Un certain Bertsbrand, un humain qui en possédait un, se l’est fait volé par un Akyr et m’a tout raconté. Apparement, le Grand Forgeron recherchait ces choses.
- Attendez voir… intervint Régis Chen. Vous avez dit Bertsbrand ?!
Il avait un air crispé sur son visage, comme s’il était sur le point de vomir.
- Qu’est-ce qu’il vient faire ici, celui-là ?!
- Bertsbrand a été attaqué par un Akyr ?! S’exclama Galatea, horrifié. Mais il va bien, hein, m’sieur Igeus ?!
- Oui oui. Il n’a pas compris grand-chose à ce qui s’est passé, mais assez pour savoir que la perle bleue qu’il portait était plus que ce qu’elle paraissait.
Nuelfa hocha la tête, l’air grave.
- Ce n’est pas un sujet que les humains devraient connaître, mais… En effet, Memnark recherche ces choses qui s’appellent Solerios. Ce sont des artefacts probablement conçus par les Façonneurs, la race la plus puissante et la plus ancienne du Multivers. Quand nous étions sur Terre, nous autres Primordiaux en avons trouvé deux. Et malgré toute notre science, nous étions incapables de percer leurs secrets. Ce que nous avons découvert, c’est que chacune de ces choses renferment la puissance d’une étoile en train d’exploser, ce qu’on appelle une nova. Les Solerios sont des petites boules, mais à l’intérieur, c’est un véritable espace en soi qu’il y a, quelque chose qui défie toutes les lois de la physique. Pris individuellement, ils dégagent une puissance élémentaire quasi-infinie : le feu, l’eau, la plante, la lumière et les ténèbres. Mais ensemble…
Nuelfa s’arrêta, comme si ce sujet était lui-même trop pour elle.
- Memnark a fait beaucoup de recherche dessus. Il savait que même lui ne pourrait jamais acquérir la puissance des cinq Solerios combinés sans que son corps ne soit détruit. Alors il a conçu ce qu’il a nommé un Proto-solerios, en un alliage parfait de Sombracier, de Vifacier et de Lunacier. Avec ce Proto-solerios, il serait capable de contrôler la puissance des Solerios a un niveau réduit, mais déjà immensément destructeur. Si jamais il met la main sur les trois autres, ce sera une catastrophe. Il aura assez de puissance pour vaincre l’Empire Infini et conquérir l’univers entier.
- Oui, et justement… reprit Erend. On vient de m’informer que Lady Venamia offrirait une somme conséquente à celui ou celle qui lui trouvera un objet nommé Solerios de Plante, que seuls les Pokemon de ce type pourrait repérer. Elle est donc elle aussi au courant, ce qui signifie qu’elle a sûrement dû avoir à faire aux Akyr, d’une façon ou d’une autre. Comme le Solerios de Bertsbrand a été volé, on peut supposer que Memnark en a déjà trois, ou peut-être même quatre. Ce qui fait que nous devons retrouver ce Solerios de Plante, et ce naturellement avant Venamia.
- Qu’est-ce qu’elle aurait à faire de ce Solerios ? Demanda Estelle, soucieuse. Je doute que ce soit à la portée de simples humains de pouvoir les contrôler.
- Venamia seule connait les projets de Venamia, fit Erend avec sagesse. Elle pourrait même avoir comme projet de le remettre au Grand Forgeron en échange de quelque chose. Nous ne pouvons tolérer cela. Donc, avec le temps qu’il nous reste avant que le Grand Forgeron ne débarque, il faut absolument dénicher cet objet. Faites passer le mot : j’offre le double de ce que Venamia compte offrir. Et naturellement, je veux tous les dresseurs de Pokemon Plante qui soutiennent la Confédération de se mettre tout de suite au boulot ! Ma Ladytus, en bonne Pokemon Plante qu’elle est, dirigera les recherches. Leaf, toi qui a un Florizarre, je compte sur toi pour l’assister et créer des groupes.
- Entendu, fit la jeune femme sans grand enthousiasme.
- De mon coté, avec Nuelfa, je vais préparer Atlantis pour qu’elle soit à même à recevoir les armées de Memnark. Vous autres, je veux que vous teniez vos propres forces prêtes. On a du boulot, alors ne perdons pas de temps.
Sur ces mots, tout le monde se leva et se prépara à la tâche qui lui a été attribuée. Eryl s’avança vers Erend.
- Je veux aider cette fois, Erend. J’ai moi aussi un Pokemon Plante, Ea, qui est très rare et qui sait en plus parler. Il pourra nous être très utile pour rechercher ce Solerios.
- Très bien, Majesté, lui concéda Erend. Je vous laisse avec Ladytus et Leaf. Voyez avec elles pour le déroulement des recherches. Nuelfa, si vous voulez bien me suivre… il me faut connaître avec précision toutes les caractéristiques d’Atlantis.
La Primordiale acquiesça et suivit Erend, qui passa devant le président Kearney qui venait juste de se lever. Vu de près, il paraissait vraiment mal en point, avec des cernes violets énormes sous les yeux. Erend lui mit une main sur l’épaule.
- Vous allez bien, Glen ?
- Hum ? Oh, oui, oui, Erend. La fatigue, c’est tout. Gérer des crises en interne, c’est assez épuisant, je vous avouerai. Tout le monde n’a pas votre fougue, fit-il avec un sourire d’excuse.
- Allez donc vous reposer un moment. Le général Willis peut se charger de la mise en place des troupes.
Et il le laissa là, quittant la salle de réunion avec Nuelfa. Son autre assistante, Velca, le suivit un moment avant de bifurquer. Erend l’ignorait, mais elle s’apprêtait évidement à rapporter à Lady Venamia tout ce qui avait été dit. Et elle n’était pas la seule à faire des rapports dans son dos. Le Président Glen Kearney se dit qu’il ne pourrait pas retarder plus longtemps sa rencontre avec Nightmare. Ça le terrifiait, mais s’il ne le faisait pas maintenant, le Maître des Cauchemars allait le tourmenter encore plus la prochaine fois. Il suivit donc le conseil d’Erend, et rentra dans son palais présidentiel à Fubrica pour aller dormir. Mais, comme à chaque fois qu’il s’endormait depuis quelque temps, ce n’était pas le repos qu’il trouvait, mais la peur.
Kearney était en train de rêver. Comme à chaque fois depuis deux mois, il se retrouvait dans une espèce de plaine plongée dans la pénombre. Elle était gigantesque, et Kearney n’y voyait pas le bout. Il y avait juste une petite colline, avec à son sommet un grand arbre mort. C’était ici que Nightmare l’attendait à chaque fois. Kearney dut donc grimper la colline, chacun de ses pas dans cette prison cauchemar lui faisant l’effet d’une piqure dans le dos. À chaque fois qu’il s’endormait, l’homme qui se faisait appeler Nightmare l’envoyait ici en rêve, pour le questionner à propos d’Igeus, de la guerre et de ce qu’il savait des projets de Venamia. Et Kearney était obligé de répondre, sinon Nightmare pouvait le garder emprisonné dans ce cauchemar, et le faire souffrir autant qu’il lui plaisait.
Voilà pourquoi le président de Bakan dormait si peu, ces temps derniers. Et bien sûr, il n’en avait parlé à personne, car comment expliquer qu’un cauchemar pouvait vous retenir et vous blesser ? Kearney avait tout essayé pour lutter contre ce phénomène, que ce soit en prenant des médicaments pour avoir un sommeil apaisé, ou en demandant à des Pokemon d’user d’attaques de soin et de statut quand il dormait, mais rien n’y faisait. À chaque fois il s’endormait, il revenait dans cette plaine, et Nightmare l’attendait pour lui soutirer des informations.
Qui était ce dénommé Nightmare, qui se faisait aussi appeler le Maître des Cauchemars ? Kearney n’en savait rien. Il avait cru au début qu’il s’agissait de l’un de ces Agents de la Corruption qui étaient alliés à Venamia, mais il avait bien vite renoncé à cette théorie. Car si Nightmare s’intéressait beaucoup à Venamia, il semblait lui vouer une haine profonde. Kearney arriva sous l’arbre mort, essoufflé, et la voix qu’il redoutait tant d’entendre résonna à ses oreilles.
- Monsieur le Président… Je me demandais quand vous reviendrez me voir. Ça fait quelques jours maintenant depuis la dernière fois. Résister au sommeil si longtemps n’est pas très bon pour la santé.
Kearney se força à soutenir le regard de son geôlier. Le visage de Nightmare le terrifiait, car on aurait dit justement la représentation d’un cauchemar. Une grande tâche sombre lui recouvrait une bonne partie du visage, comme une maladie qui se propageait. Son œil gauche, qui se trouvait dans la partie noire, était sans iris ni pupille, et d’une teinte bleue acier. Quant à ses cheveux, ceux recouvrant la partie normale du visage était noirs, mais à gauche, ils étaient totalement décolorés. Nightmare était toujours habillé d’un costume noir avec une cravate rouge, et sa main droite était recouverte d’un gantelet à l’aspect terrifiant qui dégageait une aura de ténèbres que même Kearney pouvait sentir.
- J’ai… j’ai des informations, balbutia le président.
- Naturellement, susurra le Maître des Cauchemars. Et si elles me semblent dignes d’intérêts, je saurai vous récompenser en vous offrant quelques jours de sommeil sans rêve.
Kearney avait envie de pleurer. Il savait qu’il était en train de donner des renseignements à l’ennemi. Car même s’il ne connaissait pas Nightmare ni son but, il était certain d’une chose : cet homme était le mal incarné, et donc un ennemi. Mais Kearney avait peur. Nightmare était un artiste de la peur. Il se nourrissait des peurs de ceux dont il parasitait les rêves, et était capable de leur faire prendre forme, provoquant une torture terrible chez ses victimes. De son propre aveu, Nightmare était même capable de tuer quelqu’un ici, dans son monde des cauchemars. Alors, même si Glen Kearney n’avait rien d’un traitre, il dit tout ce qui avait été dit lors de la réunion à Nightmare.