Alizée venait de terminer la lettre que Norman lui avait adressé il y a quelques heures.
Une valise ? L'aéroport ? Elle crut sentir son cœur exploser.
« Il m'emmène en voyage ! »
Depuis plusieurs semaines, leur relation s'était intensifiée. Ils avaient passé plusieurs heures dans le même lit. Elle n'arrivait pas à y croire.
La lettre fut lue, relue quatre fois. La jeune femme la rangea avec les autres, dans une petite boîte à chaussures, sous son lit.
« Nous sommes mercredi... Dans deux jours ! Dans deux jours je partirais en week-end avec... mon beau paresseux ! »
Décidément, le surnom qu'elle lui avait donné la faisait toujours autant rire.
La veille du jour J, elle s'endormit avec la peluche de Parecool que lui avait offert Norman lors d'un après-midi passés dans une fête foraine. La peluche laissait échapper une odeur d'eau de Cologne avec lequel le champion se parfumait pour les grandes occasions.
A Clémenti-ville, Norman organisait son départ. Il confia son arène à un ami Top-dresseur. Caroline ne se doutait de rien. Le champion avait prétexté une réunion entre champions à Vaguelone. Cette réunion durait trois jours : vendredi et tout le week-end. Il rentrerait lundi matin.
En faisant sa valise, il prit soin de plier correctement sa cravate noire.
La jour J vint. Sur le dos de son Hélédelle, Alizée atterrit devant l'entrée de l'aéroport avec un peu d'avance. Sa valise n'était pas lourde ; elle avait prit des jupes et des robes légères. Elle voulait partir dans une région paradisiaque ou sur une île. Cependant ils ne se fréquentaient que depuis quelques semaines. C'était trop prématuré d'imaginer un week-end parfait. Pour Alizée, il était déjà parfait puisqu'elle serait avec l'homme qu'elle aimait.
Elle s'assit sur un banc et attendit. Une brise légère vint lui caresser les joues. Le ciel était dégagé, aucun nuage à l'horizon. Des Poichigeon survolaient les lieux tandis que des Roucool se reposaient dans les arbres alentours. Le flot de voyageurs s'était atténué à mesure que les avions arrivaient à la queue-leu-leu. Les Poichigeon, si farouches envers les piétons, s'étaient approchés d'Alizée. Flattée d'être remarqué par ces Pokémon, elle leur offrit quelques fruits qu'elle avait emporté dans son sac à main. Les oiseaux semblaient ravis de cette délicieuse attention. Bientôt tous les Pokémon vol de l'aéroport vinrent encercler la jolie Alizée, réclamant un peu de nourriture. Quelques oiseaux s'étaient détournés de sa main tendue pour aller manger ailleurs. Une ombre devant elle les nourrissait également. Intriguée, elle mit sa main en visière pour chasser le soleil.
« Norman ? demanda-t-elle, incertaine. »
Pour toute réponse, elle entendit un petit rire étouffé. La jolie femme brisa le cercle que formaient les oiseaux pour s'approcher de cette silhouette encore floue. C'était un homme. Proche des Pokémon puisque ceux-ci venaient chercher la nourriture directement dans sa main. Chose très rare pour des oiseaux si méfiants. Elle-même, pourtant spécialiste de ce type de Pokémon, n'arrivait pas à un tel exploit.
« Ils doivent sentir l'amour que j'ai pour une belle hirondelle, lâcha l'homme dont Alizée s'était approchée. »
Elle sursauta. L'inconnu, à genoux, lui proposa de tenter l'expérience.
« Tendez la main avec douceur. Les oiseaux ne viendront que si ils sentent la sincérité dans votre mouvement. Ne bougez plus et attendez qu'il viennent à vous. »
Alizée, redevenue pour un temps une élève, suivit ces recommandations qui amenèrent à elle quelques Poichigeon. Les graines amassées dans sa main disparurent très vite. Les oiseaux s'envolèrent, repus. L'homme, derrière son dos il y a quelques secondes, avait déserté l'entrée de l'aéroport.
Quand la championne se leva, elle sentit derrière ses épaules deux mains qui la cueillirent délicatement. Elle appela Norman : il répondit par l'affirmative.
« Cet homme qui nourrissait les Poichigeon, c'était toi ?
- Peut-être. Qui sait. »
Josef Salvat – Paradise (Le paradis nous trouvera)Blottis l'un contre l'autre, les deux amants s’avancèrent dans l'aéroport. Ils embarquèrent pour Vaguelone, dans la région d'Unys. Alizée était émerveillée de quitter pour un temps la région d'Hoenn pour se rendre dans un endroit qu'elle ne connaissait que de nom.
« Tu as eu raison de ne prendre que des vêtements légers. Vaguelone est LA station balnéaire d'Unys, connue dans le monde entier pour son doux climat.
- Quelle folie de m'emmener là-bas ! Moi qui pensais rester à Hoenn...
- Je n'aurais pas supporter de t'emmener en voyage dans les montagnes et devoir me priver de te voir en robe ou en jupe. Ces habits te vont si bien. »
Le voyage se déroula sans encombres. Il dura quatre heures. Une fois à l'hôtel, Alizée pût profiter de la vue paradisiaque qu'offrait la station d'été. L'hôtel se situait en face de la mer. Le regard perdu entre les vagues qui nettoyaient la plage de sable fin, Alizée se prit à rêver au long week-end qui l'attendait. Pendant que Norman se douchait, elle examina le guide touristique déposé sur la table de chevet de leur lit.
« Tu savais que Cynthia avait une villa ici ? lui demanda-t-elle à travers la porte de la salle de bain.
- J'en ai entendu parler. Beaucoup de maîtres Pokémon ont leur propre résidence secondaire. »
Après sa douche, Norman fit une surprise à Alizée en l'emmenant au restaurant le plus réputé de Vaguelone. Les spécialités servies étaient basées sur les fruits de mer et les poissons. Krabby cuit à la broche, Poissirène et autres Kokiyas trônaient dans leurs assiettes.
Suite au repas festif, ils quittèrent le restaurant tard dans la nuit. Une fois enfermés dans leur chambre, celle-ci prit l'aspect d'un nid douillet. Alizée était loin des obligations de son arène et des préoccupations qui rendaient sa vie parfois morose. Cette distance avec la vie de tous les jours la rendait pétillante et surtout créative pour la plus grande joie de Norman. Celui-ci décompressait de son existence maussade aux côtés de Caroline qu'il avait complètement oublié. Aucun remord ne le torturait vis-à-vis de sa femme laissée à Clémenti-ville. Caroline ne représentait à ses yeux que la figure maternelle de leur fille, rien de plus. Ils avaient passés des années à s'aimer mais leurs corps n'étaient plus animés des mêmes envies. Il ne la désirait plus mais si il ressentait encore de l'affection pour la mère de sa fille. Il avait cette impression d'aimer Alizée comme il n'avait jamais aimé quelqu'un auparavant.
Ils firent l'amour tendrement, l'esprit libéré par le climat tiède de la station balnéaire.
Au réveil, Norman amena au lit un petit-déjeuner. Alizée, déjà épanouie par ce voyage, fut comblée de cette attention. Elle le remercia par un baiser. Tous deux partagèrent ce repas matinal entre les draps qui les avait enveloppés durant leur nuit d'amour.
Quand la jeune femme revint de sa douche, elle découvrit sur le lit deux billets pour une escale dans la baie de Vaguelone.
« Tu vas te ruiner... !
- L'argent est fait pour être dépensé. Mon arène est l'une des plus fréquentée de la région d'Hoenn et comme je ne perd pas facilement, les bénéfices sont pour moi. »
L'argument fit taire les dernières contestations de la jeune femme. Norman partit se doucher. Alizée défit la valise de son amant pour vérifier quel était la taille des hauts qu'il portait, voulant lui faire un cadeau. Elle extirpa un t-shirt parmi les vêtements empilés et découvrit l'étiquette L. En approchant de ses narines une veste, elle sentit un parfum délicat de femme. Ce n'était pas le sien, elle n'en mettait que très peu. Soupçonneuse, elle dénicha au fond de la valise un bout de papier qu'elle prit le temps de lire sur le balcon de leur chambre, à l'abri du regard de Norman.
"Passe un bon séjour à Vaguelone,
Je t'aime, Caroline." Alizée tomba des nues en lisant les trois derniers mots griffonnés. Son quotidien s'effondra en quelques secondes. Sa légèreté avait laissé place à l'incertitude. Une avalanche de questions auquel la jeune femme ne sût que répondre l’assomma. Qui était Caroline ? Le trompait-il avec une autre femme ? Quelle posture adoptée ? Devait-elle aborder le sujet avec lui ou attendre d'avoir d'autres indices plus probants ?
Il la surprit sur le balcon, lui demanda ce qu'elle faisait.
« On va rater le ferry ! s'exclama-t-il en attrapant les billets sur le lit.
- Qui est Caroline ? »
Norman pâlit en entendant le nom de son épouse. Alizée lui tendit le morceau de papier où figurait le mot qui bouleversait tant le couple. Il se mordit l'intérieur de la joue, colérique envers son épouse.
« C'est... ma sœur, répondit-il, la voix sonnant faux »
Le trentenaire doutait que cela tranquilliserait Alizée. Celle-ci le dévisagea, suspicieuse.
« Et le parfum de femme sur tes vêtements ? C'est aussi ta sœur ? Sois honnête avec moi, Norman. Je préfère savoir maintenant si tu vois une autre femme. Dis-moi ! »
Le cri fit sursauter le trentenaire.
« Pourquoi as-tu fouillé ma valise ? demanda-t-il pour détourner la conversation du sujet épineux qu'il ne voulait pas aborder.
- Pour connaître ta taille de vêtement. »
Il se sentit ridicule devant la bonne intention de sa maîtresse. Il voulait lui reprocher d'avoir inspecter sa valise sans raison mais cette réprimande s'évanouit immédiatement.
Alizée saisit sa valise bleue ciel dans l'étagère et l'ouvrit devant les yeux hagards de Norman.
« Je n'ai rien à cacher, moi. Vas-y, tu ne trouveras rien de compromettant. »
Les épaules lourdes, Norman s'assit sur le rebord du lit, prêt à passer aux aveux.
« Je comptais t'en parler un jour ou l'autre. Il vaut mieux que tu le saches par moi plutôt que tu ne le découvres par toi-même... »
Alizée, fébrile, faisait les cent pas. Les révélations qu'allait lui faire Norman furent interrompues par le sifflement d'un bateau au port.
« Le ferry ! s'écria Norman, les billets toujours dans les mains. »
Décidé qu'il était d'en reparler plus tard, dans de meilleurs dispositions, ils quittèrent la chambre, l'esprit tourmenté l'un comme l'autre. Heureusement le navire n'était pas encore partit. Mais peu importait pour Alizée, le séjour à Vaguelone était gâché par les soupçons qu'elle nourrissait à l'égard de l'homme qu'elle aimait. La jeune femme n'arrivait pas à faire comme si de rien n'était.
Les réponses qu'elle donnait aux propositions de Norman étaient laconiques et manquaient d'enthousiasme. Tout ce qu'elle voulait c'était rentrer. La station de vacances lui devenait insupportable, l’écœurait presque. Norman jouait la comédie, balayant les nuages qui ensevelissait leur couple.
Il n'aurait jamais pensé aborder ce sujet aussi rapidement avec Alizée. Caroline avait gâché ce week-end en amoureux. Il lui en voulait mais savait qu'il n'en serait pas là si il avait avoué tout de suite sa situation à sa maîtresse.
Il ne voulait pas la perdre et redoutait sa réaction quand elle apprendrait qu'il était marié et avait une fille. Il n'eut pas le courage d'honorer sa promesse de révéler la vérité à Alizée et s'enferma dans un silence suspicieux.
Le séjour que Norman voulait comme une union entre eux avait été le théâtre d'une séparation lente et irrévocable. Alizée crut jusqu'au bout qu'il lui avouerait qui était Caroline mais même dans l'avion qui les ramenait à Hoenn, il s'emmura dans un mutisme coupable.
Accablée par la tristesse, la jeune femme rentra à Cimetronelle sans rien attendre de la part de Norman. Quand elle s'informa des challengers qui avaient demandé à la voir pendant son absence, Alizée apprit qu'une gamine souhaitait l'affronter le lendemain de son retour. La fille avait laissé son nom au remplaçant de la championne. Elle s'appelait Flora.