Les Chroniques de Neto : La Symphonie de la Nouvelle Lune de Marnoct

«Était-ce vraiment nécessaire de la tuer ? »

Les mots de Marek Noct résonnèrent froidement dans la pièce. La mission avait été un succès malgré tout, mais le général trouvait encore quelque chose à redire sur les méthodes de son subordonné. Quel ingrat.
Son commandant lui avait gracieusement ramené une cargaison entière d'abras, mais il cherchait à discuter sur la mort bien méritée d'une gêneuse.

« -Ça l'était. Je n'allais pas m'encombrer d'un prisonnier, général. La symphonie aura lieu dans trois jours, vous pensez vraiment que quelqu'un va découvrir son corps et remonter jusqu'à nous entre temps ? Les insectes auront dévoré le cadavre bien avant.
-Certes, certes. »

Caché derrière son masque d'un blanc immaculé, Noct sembla réfléchir un instant, partagé, avant de revenir à l'assaut.

« -Mais j'ose espérer que vous vous rendez tout de même compte, commandant, que si je me tiens devant vous aujourd'hui, ce n'est pas en ayant laissé le déroulement des choses au hasard comme vous semblez le faire actuellement ?
-Je m'en rends compte mon général, mais je maintiens néanmoins que c'était la meilleure décision à prendre. »

Ce fut une des rares fois où Nathan vit Marek abandonner. Sûrement trop las pour continuer à débattre aussi tard dans la soirée, il se contenta de conclure sur une touche plus encourageante.

« -Si on oublie ce sujet fâcheux, je reconnais que vous avez réalisé un excellent travail commandant.
Aegon examine actuellement les pokémons que vous avez capturés, ils seront prêts dés demain.
Votre lieutenant attitré sera d'ailleurs chargé de leur répartition au sein des nouvelles recrues.
-Mon lieutenant ? »

Le général de Pénumbra enleva son masque, dévoilant un visage fatigué sur lequel tombaient nonchalamment ses cheveux blonds. Il redressa le regard, fixant Nathan tout en lui adressant son habituel sourire.

« -Tu as mon entière confiance Nathan. Il est donc normal que je t'attribue un lieutenant. D'autres viendront se placer sous tes ordres avec le temps, mais la priorité est à l'élaboration d'un plan d'attaque viable sur Sidéra. Le lieutenant Romstal t'y aidera donc. Ce sera tout pour ce soir, rejoins-le demain à huit heures dans la salle de réunion 3.
-Très bien, je vous remercie de la confiance que vous m'accordez Marek. »

Nathan quitta la pièce, tombant nez à nez avec Ned qui écoutait la conversation avec toute l'indiscrétion du monde. Il ne s'en cacha même pas, entamant la discussion aussitôt que l'épaisse porte d'acier se refermait derrière eux.

« -Romstal hein ? Tu en as de la chance.
-Pourquoi donc ?
-Elle est… hum… elle n'a pas besoin de bouées pour se maintenir hors de l'eau quand elle va à la piscine.
-Tu veux dire qu'elle sait nager ? En quoi c'est supposé être informatif ?
-Non… je veux dire par là que… tu vois, elle a de gros attributs.
-Elle est qualifiée ? Je n'en attendais pas moins d'un lieutenant à vrai dire.
-Non, mais non ! »

Ned s'énerva, se frustrant toujours plus alors qu'il tentait de faire comprendre quelque chose d'essentiel à son ami. En désespoir de cause, il redescendît en pression après quelques secondes de réflexion intenses.

« -Bon, retiens juste le négatif alors : elle est barjo.
-Tu es assez mal placé pour dire ça Ned.
-Justement Nathan, justement. Crois-le, et je te le dis en personne, cette fille, c'est rien à côté de moi. C'est genre le grand chef suprême des barjos. Ouais, Le général de Barjonumbra. Le Marek Noct des barjos quoi, tu comprends ?
-... »

C'était difficilement compréhensible, mais Nathan avait réussi à assimiler l'idée qu'il s'exposait potentiellement à une version féminine de Ned. Un vrai cauchemar, en perspective.

« -Mon dieu.
-Ah, tu as compris ! C'est bien, plus qu'à te faire réaliser de quel genre d'attributs je parlais tout à l'heure et j'aurais terminé la séance information.
-Je m'en passerais si ce n'est pas vital.
-Oh voyons Nathou, tu as vingt-et-un an, et n'as jamais aperçu l'ombre d'une femme dans ton lit. C'est triste, je devrai te donner des leçons. Dans mon ancienne région, on me surnommait Mackogneur, et c'était pas que pour les muscles !
-Va au diable Ned, et ne me surnomme plus jamais Nathou.»

L'étoile montante tenta de fuir sous les simagrées croissantes de son harceleur qui ne le laissa tranquille qu'après avoir croisé Ike dans les couloirs. Le pauvre garçon s'était plongé dans un mutisme profond depuis les événements de la veille, et se contentait de se barricader dans sa chambre lorsqu'il en avait terminé avec ses devoirs de commandant. Visiblement, il avait choisi le mauvais jour pour sortir de sa tanière, mais ce n'était plus le problème de Nathan.

« Salut Commandant E ! »

Nathan sursauta, s’apprêtant à dégainer ses pokéballs avant d’apercevoir Mercure sur l'écran de la télévision. Aegon n'avait pas menti, le Porygon-Z pouvait se rendre virtuellement partout.

« -Mercure, le concept d'intimité t'est-il étranger ?
-Les robots n'ont pas d'intimité. Allé a+.
-Tu es venu ici uniquement pour me dire ça ?
-Non, Ivan m'a envoyé te livrer un message.
-Qui est ?
-Le mot de passe est nécessaire pour accéder à cette information.»

Le jeune homme commença à s'énerver. Il débrancherait la moindre installation électrique de la pièce une fois l'échange terminé, oubliant définitivement les absurdité du robot.

« -Le mot de passe est «Pokéchan ».
-Bonne réponse !
-Qu'est ce que c'est censé vouloir dire ?
-Aucune idée, je n'ai jamais terminé le projet M-D-R.
-Bon passons, le message.»

Mercure tourna autour du pot un bon moment durant, mais s’exécuta finalement après de longues minutes de négociation.

« -Ivan te dit de faire attention à Romstal. Elle est dangereuse d'après lui.
-On m'a déjà prévenu une fois, je vais être prudent. C'est tout ?
-Non. Quelqu'un t'espionne.
-Comment ?! »

Le dresseur se tourna instinctivement vers la porte, prêt à relâcher ses pokémons. Cela ne fit qu'enclencher le gloussement numérique extrêmement agaçant de Mercure.

« -Ce n'est pas un espionnage physique. C'est ton dossier, il a été consulté un nombre alarmant de fois ces derniers jours.
-Mon dossier ? Que contient-il, et qui peut le consulter ?»

Une certaine frayeur s'empara de l'esprit de Nathan. Il était désagréable de savoir que quelqu'un se renseignait secrètement sur lui.

« -Ton dossier contient des informations sur ton identité et tes capacités. Il est uniquement consultable par les commandants en théorie, c'est pour ça que je n'ai pas pensé à prioriser sa protection. Mais cela semble anormal qu'il ait été consulté trente deux fois en si peu de temps.
-Trente deux fois ?! »

Le jeune homme tenta vainement de se calmer. Peut-être était-ce dû aux investigations de Ike ?

« -Le dossier a-t-il été consulté dans la journée ?
-Affirmatif.
-Alors ce n'est pas Ike, cela m'étonnerait qu'il continue ses inquisitions.
-J'ai déjà dit tout ce que je sais.
-Merci Mercure. Puis-je te demander un dernier service ?
-J'obtiens quelque chose en échange ?
-Bien entendu. »

Le robot était peut-être imprévisible, mais il possédait des capacités non négligeables s'il devenait nécessaire d'éloigner les fouineurs.

« -J'ai besoin que tu continues de vérifier le dossier, mais surtout que tu surveilles ma chambre.
On m'a saccagé la précédente, j'aimerai donc éviter que cela arrive de nouveau. En échange, je te donnerai des photos de mes repas.
-De la vraie nourriture ?
-Oui, et tu pourras même envoyer les photos à qui veut bien l'entendre en prétendant que tu as vraiment mangé des pâtes à midi.
-Super ! Marché conclu. »

En un instant, le porygon Z avait disparu de l'écran. Avec du recul, il valait mieux laisser les appareils électroniques branchés pour permettre à Mercure d'être le plus efficace possible, une mesure de sécurité relativement bienvenue. Nathan se coucha donc l'esprit apaisé après avoir pris une douche méritée.
Il lui restait deux jours pour préparer son attaque sur Sidéra tout en se débarrassant en parallèle des petits curieux, un programme plutôt chargé.

Les premières heures de la nuit furent longues et reposantes. L'esprit du dresseur vagabondait dans des limbes inconnues, loin des tracas qui constituaient son quotidien depuis qu'il avait débarqué à Neto.
Mais contre toute attente, un appel aux échos exotiques brisa le silence, extirpant soudainement le jeune homme de son sommeil réparateur.

« Nathan, réveille-toi, intrusion détectée ! »

Il ouvrit les yeux, apercevant une silhouette à quelques centimètres seulement de son lit. Il la repoussa d'un violent coup de pied dans le bassin tout en libérant Tartard qui se précipitait déjà sur l'intrus.

«-Qui êtes-vous ?
-Mauvais choix Commandant E. »

L'intrus libéra un alakazam qui contra sans grandes difficultés les attaques répétées de l'imposant pokémon Têtard. Le jeune homme eut cependant le temps de distinguer l'adversaire, qu'il connaissait bien malgré son masque.

« -Victoria, de quel droit t'introduis-tu dans ma chambre ?
-Je souhaitais simplement m'assurer par moi-même de certains points troubles sur ta personne.
-En utilisant ton alakazam pour pénétrer mon esprit ?
-Tout juste. Je m'étais montrée claire. Je ne t'apprécie pas.
-C'est réciproque, et je vais bien te le faire comprendre. »

Incrédule, Mercure regardait les deux commandants se faire face depuis son écran de télévision.
Les dresseurs, immobiles, se jaugeaient du regard avec toute l'animosité du monde. Chacun était prêt à frapper, bien que Nathan était conscient de son désavantage : les capacités d'Alakazam allaient se montrer dévastatrices sur Tartard, et il n'avait malheureusement pas le luxe de changer de pokémon.
Victoria ne le laisserait jamais faire…

« -Tu réalises ta situation Nathan ? Si tu résistes, je balaierai ton pokémon, et j'en effacerai le souvenir de ton esprit après m'être assurée une bonne fois pour toutes que tu n'es pas un traître.
-Tu n'as donc aucune confiance en Marek ?
-J'ai une totale confiance en lui, et c'est justement pour cela que je dois m'assurer de compléter chacune de ses actions au-delà de la perfection.
-En consultant mon dossier trente fois par jour ?
-Trêve de plaisanteries, je te le demande une dernière fois, abandonne !
-Très bien. Mais toi qui t'intéresse tant à moi, j'aimerai te fournir deux informations capitales sur ma personne. »

Le jeune homme leva les mains en signe de docilité, tout en adressant un regard insistant à Mercure.

« Premièrement, je n'abandonne jamais.»

Sans aucune raison apparente, les extincteurs à incendie accrochés au plafond s'activèrent, couvrant la pièce d'une fine couche d'eau.

« Secondement, sortir Tartard, et non pas un autre pokémon, cela faisait partie de mon plan. »

L'imposante créature aquatique abattit alors son poing au sol, glaçant en un instant la presque totalité de la chambre. Alakazam ne mit qu'une seconde à se débarrasser de la fine couche de glace qui le recouvrait, mais une seconde de trop : Nathan avait libéré son propre alakazam qui venait d’asséner à l'adversaire une puissante ball'ombre. Ce dernier tomba hors de combat alors que sa dresseuse, impuissante, assistait à la scène.

« -Je te déconseille de tenter quoi que ce soit Victoria. Tu n'en auras pas le temps. D'ailleurs, mon alakazam va te retirer ton masque et tes pokéballs, et tu vas gentiment obtempérer.
-C'est simplement un coup de chance, j'aurais gagné en combat légitime.
-Je ne crois pas, et de toute façon, tu es bien mal placée pour parler de légitimité vue ta situation. »

Nathan s'autorisa à ricaner en voyant Victoria le jauger d'un air de défis, mais cela ne l’empêcha pas de reprendre son discours.

« C'est jouissif, surtout en sachant que j'ai récupéré mon alakazam en prévision de ce moment précis. Ma victoire sur la femme masquée, enfin. Quelque chose à rajouter très chère ? »

Dans un acte de bravade, elle lui cracha dessus. Le sourire du dresseur ne s'estompa pas pour autant, et il le garda jusqu'à ce qu'il ne se retrouve qu'à quelques centimètres du visage de sa prisonnière.

« -Est-ce que tu te rends au moins compte de la situation dans laquelle tu-es ? Je peux faire ce que je veux de toi.
-Tu n'oseras jamais gamin. Tu as trop peur de Marek pour cela.
-Vraiment ? Alakazam, plaque là au sol. »

Une pression psychique l'obligea à se coucher. Elle tenta de se relever, mais rien n'y faisait. Victoria était vaincue. Des larmes de rage commencèrent à perler sur son visage tandis que Nathan la regardait d'un air narquois.

«-Alors, qu'est ce que je devrai faire de toi ?
-Rien du tout. »

Ces quelques mots interrompirent Nathan dans sa démonstration de puissance. Il leva les yeux, apercevant Ned qui le dévisageait depuis l'embrasure de la porte qui venait de s'ouvrir.

« -Tu en fais un peu trop Nathan.
-Elle s'est introduite dans ma chambre, elle m'espionne !
-Et je peux t'assurer que j'en parlerai à Marek. Mais nul besoin d'aller plus loin.
-C'est injuste, elle le mérite !
-Vraiment ? Tu le penses vraiment ? Tu es vraiment tombé assez bas pour le penser ? Certes, vu notre appartenance à Penumbra, nous sommes peut-être légitimement des ordures, des raclures, ou ce que tu veux, mais nous restons cependant des humains. Tâche de ne pas l'oublier. »

Frustré, Nathan s'empressa de saisir violemment son collègue par le col. Le regard inquisiteur, glacial de l'homme, ne s’arrêta pas pour autant.

« -Que vas-tu faire ? Me tuer ?
-De quel droit tu me parles sur ce ton moralisateur ? Où sont passées tes pitreries habituelles, Ned Kischine ?»

Ned ne bougea pas. Il ne répondit pas non plus, se contentant d'afficher un air attristé qui perturba Nathan plus encore.

« -Tu vas me répondre ?
-Je pense que tu as sincèrement besoin d'un lourd travail d'introspection jeune homme, parce que la personne que je fixe actuellement a le cœur aussi noir que du charbon. »

Le dresseur lâcha son emprise. Il avait en effet besoin de réfléchir. Oui, une énorme nécessité d'oublier un moment tout ces problèmes, même si cela signifiait s'éloigner quelques heures de Penumbra.

« Alakazam, téléport ! »

En un instant, Nathanaël Norell avait disparu.



- - -



Huit heures venait de sonner. La troisième salle de réunion de Penumbra était baignée d'une douce lueur blanchâtre, accompagnée d'une chaleur reposante. Attablés autour d'un large meuble aux allures modernes, différents membres de l'organisation discutaient. Le sergent Obew, alerté par le retard de son commandant, s'autorisa à émettre quelques doutes.

« -Vous pensez qu'il va venir ?
-Évidemment, c'est un homme de confiance. Je l'ai vu de mes propres yeux. Il ne nous abandonnera pas. »

Sofina, l'air aussi assuré qu'à l'habitude, venait de répondre avec toute la certitude du monde. L'affirmation tira un sourire à la jeune femme aux cheveux auburn qui, assise en bout de table, scrutait la porte avec impatience. Elle se dépêcha d'exprimer elle-aussi son avis.

« -Obew, j'ai moi même une confiance absolue en notre commandant. Notre attaque sur Sidéra sera un franc succès.
-Avec tout le respect que je vous dois Romstal, il me semble que vous n'avez encore jamais vu le commandant.
-Et avec tout le respect que je ne vous dois pas Obew, il me semble que je ne vous ai pas invité à me donner votre opinion. Dernier avertissement. »

Le sergent sembla soudainement parcouru d'un frisson de peur, transformé en sursaut lorsque les portes de la salle s'ouvrirent derrière lui pour permettre au Commandant E d'entrer. Soudainement emplie de joie, le lieutenant Romstal ordonna un garde à vous.

« -Repos soldats. Lieutenant Romstal, je suis ravi de vous rencontrer enfin. J'ai souvent entendu parler de vous ces derniers jours.
-Il en va de même Commandant. C'est un honneur d'être à votre service. »

L'homme masqué balaya la salle d'un regard vif. Il ne connaissait pas la plupart des personnes présentes, mais ces membres avaient définitivement dû se montrer dignes de confiance pour réussir à monter en grade au sein de Penumbra. En croisant le regard de Sofina, il vit l'homme à la peau mate lui adresser un sourire bienveillant. Dans d'autres circonstances, ils auraient pu être amis, mais dans le cas présent, il était son supérieur et ne pouvait lui retourner le geste de sympathie.

« -Romstal, je suppose que vous avez déjà songé à un plan d'attaque. Pourriez-vous me l'exposer ?
-Bien évidemment commandant. Nous disposons en tout de dix sergents, qui dirigeront chacun dix soldats. En ne nous incluant pas, nous disposons donc d'un effectif de cent personnes pour prendre Sidéra.
Je propose que nous divisions équitablement les effectifs en cinq groupes. Quatre seront positionnés aux points cardinaux, bloquant toute éventuelle sortie de la ville, tandis que le dernier groupe dont nous prendrons la tête se chargera de neutraliser discrètement les dresseurs les plus dangereux, principalement le champion d'arène et les membres de son clan. Une fois cette menace éliminée, nous enverrons un signal au reste des troupes qui avanceront jusqu'au centre de la ville en collectant l'énergie des citoyens endormis, rejoignant nos troupes.
-Cela me semble être un plan des plus ingénieux et réfléchis. Nous allons l'affiner durant les deux jours qu'il nous reste. »

Romstal sembla soulagée, et les deux jours furent ainsi dédiés à la finalisation de l'attaque.
Les sergents faisaient preuve d'un détachement rare vis à vis du facteur humain, ce qui permit une avancée des plus rapides. Cependant, Nathan ne pouvait se sortir de la tête la véritable raison de leur présence à Sidéra. Avant d'être là pour collecter de l'énergie, ils étaient avant tout présents pour empêcher une contre-attaque des dragonniers. En soit, son détachement ne participait donc pas vraiment à la Symphonie de la Nouvelle Lune, il s'assurait juste de son exécution… un sacré gâchis de capacités.

«Tu regrettes encore de ne pas avoir une place plus centrale dans mes plans Nathan ? »

Marek scrutait son subordonné d'un regard interrogatif. Il l'avait fait venir pour le féliciter de son implication, mais percevait toujours une certaine déception dans la voix du commandant .

« -Et bien, pour être tout à fait franc, je n'ai pas à me plaindre de mon équipe. Ils sont tous extrêmement compétents et professionnels. Mais il est vrai que j'aurais aimé m'occuper d'une ville un peu plus imposante.
-Et je le comprends. Je peux t'assurer que je prends en compte tes désirs, et qu'il te sera accordé une place de choix dans le monde que nous allons diriger. Néanmoins, il est trop tard pour changer l'exécution de nos plans, car demain, une fois la nuit tombée, nous lancerons enfin la Symphonie de la Nouvelle Lune.
Rien ne pourra interférer avec la puissance que nous allons accumuler Nathan, nous allons enfin récupérer ce qui nous est dû.»

Le jeune homme fut congédié, sans même avoir la possibilité de se renseigner sur le nexus ou la pokéball noire. A l'aube du grand jour, il n'avait toujours aucune information sur ces deux éléments, et ce n'était pas faute d'avoir essayé. Aegon, le seul commandant qu'il fréquentait ces derniers temps, avait catégoriquement refusé d'aborder le sujet, prétendant qu'il n'était pas nécessaire de connaître les détails de la symphonie pour y participer. Il s'avérait tentant de fouiller ses souvenirs avec Alakazam, mais la recrudescence des activités de surveillance de Mercure au sein de la base chassait toute opportunité de le faire. De plus, il était dangereux d'enquêter sur un camarade : la rumeur voulait qu'Ike et Victoria s'étaient vu sévèrement réprimandés lorsque Marek avait pris connaissance du tort qu'ils avaient infligé à Nathan.
Regagnant sa chambre, le jeune homme s'enferma à double tour et se jeta dans son lit, pensif.
Le moment tant attendu allait enfin arriver. La raison même de sa présence à Neto était sur le point de prendre forme. La nuit passa d'un trait et à l'aube, le Commandant E rejoignit le reste de l'organisation pour assister à l'ultime discours du général. La journée était simple : les différentes équipes allaient emprunter les aéronefs en direction de leurs destinations respectives, et attendre tranquillement que la nuit tombe pour la suite des opérations.

« Penumbra, le jour est venu de réclamer au monde ce qui nous reviens de droit : la suprématie sur nos pairs. Vous tous, vous vous tenez devant moi aujourd'hui car vous m'avez prouvé votre talent inné, votre appartenance légitime à l'élite. Ensemble, nous gouvernerons cette planète, balayant toute opposition, car c'est notre droit naturel. Ensemble, nous sommes invincibles, car nous sommes Penumbra. »

D'un revers théâtral, le général ordonna à ses troupes de rejoindre leurs unités respectives.
Celle de Nathan se voyait attribuer cinq aéronefs, qui mirent quelques heures à se rendre jusqu'aux alentours de Sidéra. Ils étaient peut-être moins rapides que ceux que le dresseur avait emprunté l'autre jour, mais tout aussi discrets : une fois cachés dans les montagnes, les technologies sophistiquées dont ils détenaient le secret les firent complètement disparaître de la carte. Un autre titan tout aussi imposant était sur le point de disparaître : le soleil. L'éclipse était en effet annoncée comme une des plus importantes du siècle et venait précéder la nouvelle lune durant laquelle les plans de Noct prendraient vie.
Des centaines de personnes allaient probablement périr ce soir, des centaines de personnes qui regardaient l'astre en ce moment même en toute ignorance du sort qui les attendait.

« -Faites attention commandant, il est dangereux de regarder directement l'éclipse.
-Ne vous en faites pas Romstal, mon masque est pourvu d'une protection. »

La jeune femme, deux paires de lunettes à la main, sembla déçue. Elle était tyrannique envers ses troupes mais fondait étrangement en présence de Nathan. Il la soupçonnait de lui vouer une attirance malsaine, d'autant plus que cela coïncidait plutôt bien avec les nombreuses consultations de son dossier privé.
Le plus terrifiant dans tout cela était que si le dresseur voyait juste, sa subordonnée était en totale connaissance de son identité. Une information qu'il tentait de préserver tant bien que mal depuis qu'il avait rejoint une organisation secrète vouée à la domination mondiale.

« Regardez commandant, ça commence ! »

Le jeune homme leva les yeux vers l'éclipse.
Il était déjà trop tard.
Dans quelques heures, la Symphonie de la Nouvelle Lune allait commencer.

« Plus rien ne peut nous arrêter à présent. »

L'étoile montante acquiesça, avant de partir se reposer pour le reste de la journée. Les heures passèrent lentement jusqu'à ce que la nuit tombe, et l'excitation prit le dessus sur la paresse lorsque minuit sonna. La symphonie démarrant à une heure du matin, le commandant s'empressa de contacter ses subordonnés.

« Comme convenu, mon équipe se rendra directement à la résidence du champion d'arène pour le neutraliser, lui ainsi que les membres de son clan : une fois cette menace écartée, rien ne devrait nous empêcher de prendre la ville. Il est cependant probable que certaines personnes soient encore réveillées, agissez donc avec rapidité et logique : je ne punirai pas les mesures extrêmes si elles sont nécessaires à la bonne continuation du plan. Inutile de préciser que j'attends de vous un sang-froid exemplaire. Bref, fin de la transmission, déplacez les aéronefs aux emplacements prévus, je suis sur le point de pénétrer la ville. »

Alors qu'il coupait la radio, s’apprêtant à rejoindre son groupe, le commandant E fut retenu par son lieutenant, qui le regardait d'un air dérangé.

« -Qu'y a-t-il Romstal ? Je n'ai pas le temps.
-Tu n'as plus besoin de jouer la comédie avec moi Nathan. Je te connais tu sais ? Je sais que tu es fragile au fond, mais ne t'en fait pas, je suis là pour toi, et tu es à moi, rien qu'à moi.
-Quoi ? Comment est ce que…
-J'ai suivi tous les articles sur l'étoile montante. Je savais que tu finirais par nous rejoindre tôt ou tard. Bien sûr, j'ai dû fouiller dans les dossiers pour m'assurer que c'était bien toi le nouveau commandant, mais à présent que nous sommes réunis, je suis tellement heureuse. »

L'ambiance devenait malsaine. La jeune femme avait saisi les mains de son supérieur, qu'elle serrait fermement.

« -Nous formons un si jolie couple. Ensemble, on va pouvoir tous les écraser. Personne ne s’opposera à nous. Évidemment, on va devoir rester à Penumbra quelques temps encore, mais je te connais Nathan, je sais que tu finiras par t'en lasser.
-Mon dieu, tu es…
-Oui ? »

Nathan hésita. Elle était visiblement atteinte, mais ce n'était pas le moment de se la mettre à dos.

« -Tu es parfaite, je n'aurais pas pu rêver d'un meilleur lieutenant.
-Oh, Nathan, je t'aime tellement. Retire ton masque je t'en prie. »

Il fut obligé de s’exécuter bien que l'idée était repoussante, d'autant plus que Romstal l'embrassa de force.

«-J'ai hâte de faire plus ample connaissance avec toi, mais on devrait se dépêcher de rejoindre nos troupes. On aura tout le temps de discuter une fois la symphonie terminée.
-Oui, tu as raison Nathan. »

Elle le libéra enfin et ils rejoignirent les vingt personnes qui constituaient le groupe d'élite censé s'introduire dans la demeure des dragonniers. Leurs déplacements furent vifs et précis, et ils réussirent avec aisance à pénétrer à l'intérieur du lotissement où habitait le champion. Le Commandant E stoppa ses troupes d'un geste, s'adressant directement à son lieutenant.

« Lieutenant, j'aimerai que vous m'attendiez ici avec les soldats. Il serait trop risqué de pénétrer ensemble la maison, je préfère donc m'en charger seul. Une heure du matin étant sur le point de sonner, nous lancerons l'attaque une fois Sébastien éliminé. »

Il libéra Alakazam, se téléportant directement dans la maison. Quelques longues minutes passèrent durant lesquelles Romstal se rongea les doigts jusqu'au sang, puis soudainement, le commandant apparut, accompagné de la totalité de ses pokémons ainsi que de ceux de Sébastien qui se tenait nonchalamment à ses côtés. Profitant de la surprise générale, Alakazam cloua la totalité des sbires au sol avant même qu'ils n'aient le temps de saisir leurs pokéballs, tandis que son dresseur en profitait pour enlever son masque non sans un soupir de soulagement. Ceci fait, il s'adressa aux sbires qui jonchaient le sol d'une voix dédaigneuse.

« Vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de garder le silence. Dans le cas contraire, tout ce que... »

Confuse au plus haut point, Romstal chercha à comprendre la situation.

« -Nathan, qu'est ce qu'il se passe ? Pourquoi tu te tiens aux côtés de ce sous-homme ?
-Ce qu'il se passe, c'est que je suis un agent des forces de police internationales, qui s'était introduit en tant qu'agent double dans votre organisation. Ma chère, vous venez de vous faire trahir. Le plan de sabotage de la Symphonie de la Nouvelle Lune peut commencer. »