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Echos Infinis de Icej



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» Auteur : Icej - Voir le profil
» Créé le 19/04/2016 à 15:55
» Dernière mise à jour le 05/12/2017 à 17:20

» Mots-clés :   Action   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de shippings

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Épisode 26 : Commettre l'irréparable.
Salut, désolée, j'ai du retard... Beaucoup de retard. Voici donc "le chapitre du mois de mars". Ce qui veut dire que je vous dois encore deux chapitres pour avril, le "normal" et le "bonus des vacances". Mais je ne suis pas du tout sûre que j'aurais le temps des les écrire, malheureusement.
Bref, je vais faire de mon mieux. Pour vous faire patienter en attendant, je vous donne le titre des prochains chapitres :

Épisode 27 : Retour à la civilisation
Épisode 28 : O___ A____ (ceux qui ont vu Avatar: The Last Airbender ou Legend of Korra pourront peut-être deviner)
Épisode 29 : Le temps des bêtises
Épisode 30 : S'accrocher au paradis
Épisode 31 : Histoire Reliées (où se trouvent toutes les réponses à toutes les questions que vous vous posez, dundun dundunnn)
Épisode 32 : La Vie d'une Autruche
Épisode 33 : Trop tard.
Et après c'est la Season Finale, en trois parties ! Puis fini la saison 2 ! FINIE ! Yoohoo ! Mais... Il y a encore du travail.

L'épisode que je vous poste aujourd'hui révèle beaucoup de choses D: Je déteste révéler des choses D:

(Mais bonne lecture quand même)


(Le jour de son suicide)
— Il y a d’autres personnes à côté du Château.

Le ton morne de Syd frappa le groupe d’un frisson. Élin trébucha légèrement sur du vide. Elsa resserra la main qu’elle gardait toujours posée sur ses Pokéball. Et Mélis se tendit, fronçant les sourcils, scrutant l’horizon. À travers les ondes lasses de la chaleur, il distinguait deux silhouettes aux contours charbonneux ; l’une tirait l’autre vers une roulotte violette. Ce ne pouvait pas être…?

L’adulte leva une main pour arrêter les enfants et prit les devants, méfiant. Il y a un mois encore, il aurait approché les étrangers avec insouciance, citoyen d’une région en paix. Mais aujourd’hui, la prudence tirait sur ses pas, mêlée du dégoût d’en être arrivé à douter de tout. Unys replongeait dans les affres de la guerre.

La tension ne quitta pas le groupe jusqu’à ce qu’ils purent clairement identifier les silhouettes : une scientifique et son assistante. Elsa semblait être la seule à les reconnaître des quatre, et une exclamation ébahie s’échappa de ses lèvres.

— C’est Oryse, la grande spécialiste du monde des rêves !

Vivement, la brune entraîna Élin et Syd vers la concernée, qui semblait plongée au beau milieu d’une dispute avec une jeune femme blonde. La scientifique ne les vit que lorsqu’Elsa se planta droit sous son nez, accaparant un champ de vision déjà troublé par le glissement de ses lunettes.

— Madame ! Je suis tellement ravie de vous rencontrer ! J’ai lu tous vos articles ! s’exclama Elsa en contenant avec peine son envie de hurler de joie.
— Bonjour… grommela Oryse.

Le baragouin mi-froid, mi-résigné de l’adulte ne doucha cependant pas l’enthousiasme d’Elsa, toujours perdue au pays de l’amour et de la béatitude.

— Waouh, commenta Élin, bluffée par la transformation de son amie.

Le regard de la blonde fut attiré par un éclat métallique : à quelques mètres du groupe, une grosse dizaine de Mascaïman se prélassaient dans une cage gigantesque, dorant lentement au soleil. De leurs corps semblaient presque émaner des vagues de contentement, pulsant indolemment jusqu'à une Élin étonnée...

— Ces Pokémon sont les vôtres ? demanda-t-elle innocemment, indiquant l’enclos. La question arracha un sourire heureux à Oryse, qui joignit ses mains, entraînée par un élan de passion.
— Oui, nous les testons pour... malheureusement la scientifique se rappela brutalement à qui elle s’adressait, et fronça les sourcils. Bon, écoutez les enfants, vous ne pouvez pas être là, le site est fermé au public.
— Ah oui ? rétorqua Élin, fronçant les sourcils. Mais les Ruines Enfouies sont classées au patrimoine national.
— Exact, c’est donc le gouvernement qui a accepté de les fermer tant que nous faisons des recherches, souffla Oryse. Vous allez devoir revenir dans deux semaines pour l’explorer, comme tous les dresseurs.
— Quoi ? se rebiffa à nouveau la blonde. Mais ce n'est indiqué nul part !
— Vraiment ! Vous n'avez pas vu passer l'information au Centre Pokémon ?
— Non !
— On ne vous a pas contrôlé sur la Route 4, à l'entrée du désert ?
— C'est toujours non !
— Élin—
Ouuuuf !

Le groupe sursauta. Les humains se retournèrent, d’un seul mouvement, vers le dresseur en état pitoyable qui avait poussé ce gémissement : plié en deux, enfoncé dans le sable jusqu’aux genoux, aussi rouge qu’un Gruikui. Le jeune homme respirait par sifflements douloureux, ses yeux bleus veinés, exorbités. Il était moche.

— Waouh, marmonna Élin.
Mélis Grey ? s’étonna Oryse, se penchant vers le curieux spécimen.

Syd, agacé par la surprise, par la peur qui l’avait traversé à l’entente du cri, ferma les yeux. Mal lui en pris—la voix d'Anto lui revint... « Quelqu’un t’attendra là-bas, et vous ferez équipe. » Aussitôt, son estomac se contracta et son cœur se lança dans un tempo maladif. Plus les minutes passaient, plus il avait du mal à se concentrer sur le monde autour de lui—il suait à grosses gouttes, poursuivit par sa traîtrise. Qui l'attendait ? Qui l'attendait ? Ça ne pouvait certainement pas être la scientifique—alors…

Il ouvrit les yeux. Une jeune femme le regardait. Celle qui se disputait avec Oryse à leur arrivée. Ses prunelles bleutées, sombres, ne semblaient pas plus sûres que les siennes… dès qu’il les rencontra elles fuirent vers un coin de dune, revinrent discrètement, n’osèrent pas s’attarder. Il fit un pas en avant, anxieux, incertain. Elle releva le menton et les lignes de son visage se durcirent, sa bouche se tordant. Elle hocha de la tête. Mais son autorité semblait étrange, venue d’ailleurs.

Puis Mélis se redressa.
Et le moment passa.

— Euh… madame… bafouilla le dresseur légendaire, clairement surpris que cette femme le reconnaisse.
— Mais enfin ! s’offusqua la chercheuse. Tu ne te rappelles pas de moi ? À Ogoesse ? White nous a présenté !

Un éclair de compréhension passa dans les yeux de Mélis. Il tenta de répondre mais fut submergé par un flot de paroles, Oryse enchaînant déjà, se penchant encore un peu plus et rosissant autour d’un sourire maladroit.

— Qu’est-ce qui t’amène ici, au beau milieu du désert...?
— Bah… les Ruines Enfouies, répondit platement Mélis, la fixant d’un air troublé.

Oryse se redressa lentement, calmée, longue chevelure violette échappant brutalement à sa prison, un chignon cauchemardesque. Elle remonta les strictes lunettes qui avaient glissé le long de son nez fin, emportées par son enthousiasme.

— Oui… en fait, je suis avec ces trois adolescents, là… continua Mélis, désignant vaguement Élin, Elsa et Syd.
— Ils sont mal-élevés, affirma Oryse.

Son timbre était glacial.
Cette douche froide eut au moins le don de réveiller Elsa. La brune se tendit visiblement, électrisée—venait-on de la traiter de malpolie ? Ça ne lui était jamais arrivé auparavant—elle avait toujours coché toutes les cases des gentilles filles, des filles bien élevées !

— Ah oui. Euh. Carrément, répondit Mélis d’un ton sérieux, cernant rapidement la scientifique. Ils ont dû vous importuner…
— Exactement !
— … parce qu’ils veulent explorer les Ruines, n’est-ce pas ?

Lesdits adolescents étaient très loin de cette conversation. Élin baignait dans le bonheur des Mascaimans, Syd tremblait et l'esprit d'Elsa avait déraillé. La jeune fille se préoccupait plus des fissures dans son image de jeune fille polie que de son idole, à présent. Ce voyage l'avait changée ! Elle était maintenant une rebelle, une impolie, une gamine qui ne se douchait plus qu'une fois tous les deux jours car Amaryllis était épuisée et tous ses vêtements étaient sales ! Quelle horreur ! Mais—si ce voyage l'avait changée... ne lui avait-il pas aussi apporté de grandes connaissances ?

Soudain, la jeune fille sourit d'un air démoniaque. Personne ne le remarqua, mais elle se para d'une auréole noirâtre. Oui, ce voyage l'avait changée, et elle se sentait maintenant prête à utiliser toutes les sales méthodes qu’elle connaissait pour parvenir à ses fins ! Aussi troqua-t-elle soudain son expression menaçante avec moue ravissante, se penchant vers les adultes pour se mettre au fait de la conversation avant de poser un regard béat sur Mélis, battant des cils.

— Vous oubliez de mentionner que nous sommes venus pour rencontrer Madame Oryse… susurra-t-elle, avant de se tourner vers la chercheuse en question, qui rougissait malgré ses dix ans de plus. Il n’a pas osé vous l’avouer, mais Monsieur Grey n’a cessé de nous répéter que vous êtes la plus grande scientifique d’Unys !

Cette appellation arracha un hoquet à Syd. Mais le soubresaut fut englouti, englouti par le silence du désert. Seule l'assistante le remarqua.
Mélis lança un regard noir à Elsa. Il la ferait payer, c’était sûr.
La jeune fille ne lui répondit que d’un sourire ahuri.
Élin s'étira, les fixa d’un air blasé et soupira. « Waouh. »

— Vraiment ? inspira Oryse, revigorée. Ah… ah c’est trop d’éloge…
— Oh la la, pas du tout… insista Elsa. D’ailleurs nous avons accouru dès que nous vous avons aperçue…! Nous espérions que vous nous guideriez à travers les Ruines !
— A-Ah BON ! balbutia la trentenaire, jetant un regard surpris à Mélis, qui acquiesça d’un air crispé.

Elle balaya le groupe d’un œil incertain, les imaginant à l’intérieur du château, brisant le charme antique qui habitait les lieux avec leur jeunesse, leur enthousiasme. Le brisant, mais aussi le renouvelant… Peut-être même apporterait-il un regard neuf sur ses recherches ? … Non, quand même pas, ce n’était que des adolescents et… un très beau jeune homme—très beau, huhu—mais uniquement un dresseur.

Cependant, son égo lui donnait bien envie d’accepter l’offre—cela ne lui déplairait pas de les voir s’émerveiller devant l’étendue de ses connaissances pendant des heures, des jours peut-être... Surtout si c’était Mélis Grey qui s’émerveillait… et si…

— C’est décidé, j’accepte ! annonça-t-elle fortement.

C’est à cet instant que la jeune femme blonde intervint, parlant pour la première fois depuis leur arrivée. Les enfants l’étudièrent curieusement, Élin en fronçant les sourcils, brusquement saisie de méfiance. Se fiant à son instinct, elle recula de quelques pas tandis que la voix de l’adulte retentissait…

— Mais madame ! Aujourd’hui nous devions tester les Mascaïman !
Oryse lui jeta un regard digne d’une grande aristocrate.
— Enfin Maëlle, un peu de bon sens. Nous avons des invités de marque.

L’assistante serra les dents, puis sembla se résigner, troublant quelques peu sa patronne—d’habitude, la jeune femme lui opposait bien plus de résistance ! Cependant, trop satisfaite d’avoir imposé ses choix, elle ne s’attarda pas longtemps sur la question.

— Débranchons les appareils des sujets, et allons-y ! s’écria-t-elle en levant le poing.

Elle se lança vers la cage des Mascaïman, faisant signe au groupe de rester en place. Mais Élin, trop curieuse, presque attirée par le bonheur des Pokémon, suivie les pas de la scientifique. Elle se pencha à côté des bestioles, qui l’étudièrent paresseusement, le plus gros d’entre elles lâchant un « Maass » à peine menaçant.

À quelques pas d’Élin, Oryse grommelait quelques mots méchants. « Appareils de merde… pourquoi c’est maintenant qu’ils détectent un Pokémon des Rêves si proche, hein ? Pourquoi maintenant ? ». Élin lui jeta un regard vaguement intrigué, puis l’assistante lui demanda de s’écarter des Pokémon, les machines remarchèrent correctement, et les crocodiles furent rappelés.

Pendant ce temps là, Elsa vivait un moment de pur bonheur. Elle ne pouvait pas croire sa chance. Elle allait visiter le château enfoui avec son idole Oryse ! Elle allait pouvoir lui montrer tout ce qu'elle savait ! Non—elle avait la nausée—si, si, elle devait le faire ! Elle le ferait parce que... parce qu'elle avait ses amis à ses côtés. Et que Mélis, malgré tous ces défauts, était là. Aujourd'hui, elle pouvait oublier combien Élin et Syd l'avait exclue, elle pouvait oublier ses doutes et la confiance aveugle d'Élin, car elle allait visiter le château enfoui avec son idole Oryse !

Quelques minutes s'écoulèrent. Puis Oryse leur ordonna de la suivre très prudemment, de ne surtout pas explorer les ruines seuls, car ils pouvaient se perdre et aucun Medium ne serait là pour les sauver. Par précaution, elle leur distribua chacun une Corde Sortie—Syd blanchit en attrapant l’objet—tout en leur lançant un regard sévère. Le groupe s’approcha de l’entrée du Château, dissimulée par des monceaux de sable brûlant. Autour de l’escalier en marbre poli par les siècles patientaient des statues rutilantes, plus vives que le ciel, aux courbes étranges et inquiétantes.

— Voilà d’anciens Darumacho plongés dans leur mode Transe, leur expliqua Oryse. Les recherches ont montré qu’ils étaient probablement les gardiens de cet escalier central. Il est interdit de les réveiller sous peine de plusieurs années de prison.

Elsa et Élin s’approchèrent, fascinées, n’osant pas toucher les Pokémon endormis. Leurs prunelles vides et fixes semblaient observer d’autres dimensions ; des mondes qu’elles ne voyaient pas.

— Allons-y, ordonna de nouveau Oryse, insensible, elle qui les avait déjà scruté cent fois.

Mélis arracha ses propres yeux aux statues et acquiesça, poussant légèrement sur le dos des adolescentes pour qu’elles avancent. Docilement, elles emboîtèrent le pas à la scientifique, qui indiqua à son assistante de fermer la marche d’un geste rapide. En haut de l’escalier, un vertige soudain les saisit, un frisson glacé secouant leur échine. Les ombres des ruines léchaient déjà leurs pieds, les marbrant de zébrures acérées. Et des entrailles du château remontait un air froid, sec, fané par le temps…

Mélis poussa encore, et Elsa descendit, béate.
Cependant Élin se braqua, soudain frappée d’effroi.

— Mais—avance ! souffla Mélis, ne comprenant pas son brusque refus, agacé.

Une migraine brutale fouetta ses tempes, et les muscles de ses bras se contractèrent contre sa volonté, arrachés à son contrôle comme ceux d’un pantin. La blonde retint un sifflement douloureux, ses yeux hypnotisés par les ténèbres des ruines où Oryse et Elsa avaient déjà disparu.

— Avance, Élin ! répéta Mélis, la poussant un peu plus brutalement.

Le refus qu’elle voulut articuler fut remplacé par un cri de terreur quand elle plongea dans les escaliers la tête la première, à peine retenue par un geste catastrophé de son gardien.

— Pas comme ça enfin !

Ne restèrent plus que Syd et Maëlle. L’aube lavait encore le désert.
L’adolescent fit un pas en avant, et, silencieusement, sa complice glissa un galet dans sa paume.
Une pierre lisse et blanche, simple et pure, reposant avec une douceur indicible sur sa peau écorchée par le soleil.
L’assistante lui fit signe de pénétrer dans les ruines avant elle, et il lui obéit silencieusement, les épaules courbées par la traîtrise.
Il se fondait avec naturel dans l’obscurité.
À l’autre bout du ciel, une tempête se levait.


(Le jour de sa chance)
Aux côtés des ruines patientait une roulotte aux reflets fatigués, son violet métallisé détonnant avec le sable et les cactus. Ses rouages compactes et modernes écrasaient ce qui restait de mystère et d’aura au château de pierre rouge, à ces tours sculptées qui émergeaient à peine des dunes.

Rixi s’approcha de la caravane avec méfiance, ne s’attendant pas à trouver d’installation si complète au milieu du désert. Tout au plus avait-il anticipé la présence de médiums, ces fous qui collectionnaient les Cryptéro et Tutafeh, qui passaient leur temps à « hanter » le Château pour effrayer les jeunes dresseurs. Vraiment, cette roulotte le dérangeait… en l’étudiant de plus prêt, à travers ses vitres, il aperçut des appareils de haute technologie, bardés de capteurs et d’écrans, comiquement semblables à ceux utilisés par les scientifiques dans les séries télé de mauvaise qualité. Logique que des chercheurs s’intéressent aux Ruines Enfouies, que l’on disait receler une puissance indicible, héritée d’une antique civilisation… Et pourtant…

Respirant un grand coup, Rixi manqua de s’étrangler. Une odeur nauséabonde émanait de la caravane, ressemblant fortement à de la vaisselle putride ou… à un cadavre ?

Alarmé, le dresseur tira vivement sur la porte de la caravane, qui céda brutalement à sa poigne et coulissa d’un grand coup. Mais il n’eut pas une chance de mettre un pas à l’intérieur—car aussitôt la voiture ouverte son corps fut comme cloué sur place, immobilisé par une force inconnue. Paniqué, Rixi lutta pour respirer, ses poumons entièrement gelés !

Lentement, un Mushana se dressa sur le toit de la roulotte, de toute évidence en pleine exécution de Psyko. Le temps se figea.

Puis tout s’accéléra. Chichi le Chinchidou fusa hors de sa Pokéball et asséna une Plumo Queue en règle à l’ennemi, piaillant agressivement—Rixi avala une goulée brûlante d’oxygène, manquant de s’écrouler à terre, englouti par le ciel azur—puis un Munna vint épauler son ami et les envoya vers d’autres cieux d’un Choc Mental bien placé. Rixi et Chichi s’écrasèrent—douloureusement—à une vingtaine de mètres de la caravane, manquant de carrément tomber dans l’entrée du Château.

Le dresseur se releva avec une lenteur terrible, se frottant faiblement le bas du dos et gémissant. À sa droite, son compagnon grogna avec amertume, puis plongea vers sa Pokéball en lançant un regard noir à la roulotte lointaine.

— Décidemment, mon pauvre… maugréa Rixi, dardant lui aussi un regard sulfureux vers le Munna et le Mushana, qu’il distinguait encore depuis son lieu d’atterrissage. Ce n’est vraiment pas de chance.

La vie est faite de coïncidences et de hasards. Si Rixi Moro n’était pas arrivé ce 11 juillet précisément au Château Enfoui, il n’aurait pas trouvé la caravane vide, et il n’aurait pas été si brutalement éjecté par les Pokémon vigilants. Mais c’est ainsi que son périple l’avait mené aux ruines, et il avait effectivement été éjecté jusqu’à l’escalier central, et c’est justement cette position qui lui permit d’entendre, aussi clairement, le cri de désespoir qui fut poussé à sept heures tapantes.

Il sursauta.

Le hurlement semblait émaner des entrailles mêmes de la terre—un instant l’image des médiums effrayants s’imposa à son esprit—. Aussitôt après il sentit des vibrations, comme si quelqu’un tapait des poings sur de la pierre… pour, par exemple, s’échapper. En plus, le cri était distinctivement féminin. Lentement, Rixi se pencha par-dessus l’escalier, commençant à comprendre la situation… et voyant ses peurs se confirmer.

Une coulée épaisse de sable avait submergé l’escalier, empêchant quiconque s’était aventuré dans les ruines d’en ressortir.

— Il y a quelqu’un ? s’époumona-t-il, se sentant relativement idiot.

Un « oui ! » étouffé lui parvint—le faisant de nouveau sursauter, soit dit en passant—. Il jura, puis se ressaisit, les deux mains à sa ceinture. C'était un réflexe que tous les dresseurs acquéraient au fil du temps. Et cette voix l'inquiétait.

— Avez-vous des Pokémon sur vous ? Madame ?

Une question qui découlait de ce premier réflexe de tout dresseur, de tout habitant de ce monde : les Pokémon.
La réponse mit longtemps à venir. Il se répéta plusieurs fois dans le silence, criant de plus en plus fort, se doutant qu’il était difficile pour la prisonnière de comprendre des phrases longues. De la sueur suintait lentement entre ses omoplates, portée par son inquiétude… Rixi était désemparé, face au sable lisse.

— Non ! Aidez-moi ! lui répondit-on finalement d’une voix tremblante.
Arceus.
— Comment ? hurla-t-il de nouveau.
Arceus, il n’avait pas la moindre idée de comment sauver cette femme. Attaquer le sol avec ses Pokémon ? Risquer que le reste de l’escalier s’effondre ? Et s’il la tuait ?
— Passez… la porte…
— Répétez, s’il-vous-plaît ! Ré-pé-tez !
— Ouest !

Et le mot lui revint, crissant sur les tonnes de sable brûlant. Le cri, déformé, frappa ses oreilles avec urgence. Il porta son regard dans cette direction où une tour brisée se dégageait avec peine de l’horizon.
Ses yeux s’écarquillèrent, et il en oublia même de s’enquérir du nom de la femme.
Un ouragan noircissait déjà le pourtour des cieux.


(Lente catastrophe)
Les ombres millénaires du château engloutirent leurs silhouettes hésitantes. Une inspiration brutale. L’air écorchait leurs trachées, leurs poumons, aussi sec que le vent du désert. Car les boyaux des ruines ne sentaient pas le moisi comme on pourrait le croire ; au contraire, une curieuse absence d’odeur les frappait à chaque fois qu’ils inhalaient. Comme si les lieux avaient été aseptisés.

Il fallu quelques secondes aux yeux de Syd pour s’habituer aux ténèbres. Oryse n’avait allumé aucune lumière, semblant parfaitement connaître son chemin—l’adolescent supposait que cette précaution servait à ne pas endommager les fresques. Aloé lui avait montré de rares photographies des peintures du château enfoui, et lui avait expliqué qu’elles se rouillaient à la lumière.

— Suivez-moi, ordonna Oryse d’une voix forte. Et ne vous perdez surtout pas ! Ce château est un vrai labyrinthe, il a été construit exprès pour protéger des artefacts sacrés…

Sacrés… Syd déglutit, saisi de vertige, les instructions d’Anto défilant dans son esprit. Elles perdaient un peu plus de sens à chaque répétition, les mots s’étiolant jusqu’à devenir insignifiants… Mais il en restait les échos dans son esprit. Il connaissait les instructions par cœur... Il allait les appliquer. Ses choix le menaient lentement à la catastrophe...

— Si jamais vous êtes séparés du groupe—mais je le répète, ne tentez pas le hors-piste—utilisez votre Corde Sortie. Elle vous amènera quelque part dans le désert, préférablement à côté de notre campement, mais on ne peut pas en être sûr, car une force étrange brouille leur efficacité depuis les ruines. Donc, encore une fois, ne vous perdez pas.

Une fois cet avertissement prononcé, a scientifique décolla. Elsa, première du groupe, fut la seule à suivre le mouvement—Syd, Élin et Mélis n’avancèrent qu’après une tape de l’assistante… La gamine tremblait, un détail que Syd ne discerna pas—car le monde s’effaçait, s’effaçait derrière la peur qui le brûlait.

Mélis voulut attraper le bras, la taille, de la blonde fiévreuse pour la soutenir. Mais elle le repoussa d’un geste impatient, retenant une quinte de toux de son autre poing, et le foudroya d’un regard si noir qu’il perçait les ténèbres.

— Ça va, je peux marcher toute seule, j’ai pas six ans ! siffla-t-elle, la voix rauque.

Sans attendre de réponse, elle accéléra le pas, appelant faiblement Elsa. Syd ne remarqua son absence que par le vide froid qu’elle laissa, néant qui prêtait une longueur démesurée et effrayante au couloir… Il se figea inconsciemment, et Maëlle dut le pousser une nouvelle fois, sans un mot, sans émotion. Le dresseur entra en collision avec Mélis. Celui-ci lâcha un juron fatigué. Maëlle poussa encore.

Ils avancèrent.

Le passage ne s’étendait pas infiniment. Au contraire, les murs se rejoignirent rapidement jusqu’à les étouffer, le plafond déclinant jusqu’à frôler la tête des plus grands, Mélis et Oryse. À chaque faux mouvement, à chaque tape contre les parois, le groupe se voyait enterré sous des nuages de poussière aux embruns fanés, qui arrachaient de nouvelles quintes de toux à Élin.

Syd sentait sa gorge se comprimer. Il luttait contre l’air sec des ruines. Son cœur battait un tempo faible et maladif. Leur marche le fatiguait plus que de raison, chaque pas lui semblait plus insupportable que le précédent, comme si son corps refusait de trahir. Mais toujours, Maëlle le poussait. Il ressentait une rancœur bouillonnante à son égard… Oui, il voudrait bien se retourner, la plaquer contre le mur et hurler, mais dès qu’il se l’imaginait pour tenir bon, encore un peu plus, Maëlle se transformait en Sbire Plasma et il revoyait la danseuse, celle de la Mélodie du Dépit… et sa Léopardus, Riyah. Et la Pokéball, qu’il avait perdu au fond de l’océan…

— Nous allons bientôt amorcer une série de tournants, annonça Oryse avec énergie, surprenant tout le groupe, brisant leurs noires pensées, le silence quasi-religieux. Le plafond va être particulièrement bas. Pliez-vous en deux !

Chacun obéit comme il put, Mélis grommelant sous sa barbe. Se penchant dans les ténèbres, c’était se confronter à un affreux vertige, car dans le noir sans fin et sans nuance, rien ne distinguait le haut du bas, la gauche de la droite…

— Gauche, ordonna leur guide avec fermeté.

Syd ne vit pas réellement le tournant. Il n’aurait jamais deviné, seul, que le couloir se tournait brusquement à cet endroit précis… Mais la présence de Mélis disparut brusquement ; il sentit le froid résiduel.

— Droite.

La pierre effritée du plafond raclait douloureusement son front nu.
Une panique sourde le saisit, comprimant sa poitrine après avoir attaqué sa gorge…

— Encore à droite.

Encore ? Encore ? Mais elle ne voyait pas qu’il n’en pouvait plus ? Quelle idée de les emmener par cette route infâme ! Oryse n’aurait-elle pas pu trouver meilleur chemin ?

— Gauche, et…

Syd serra les dents, se rabrouant intérieurement, avec férocité. Il avait renoncé à tout droit de se plaindre quand il avait décidé de sauver Otis. Son propre confort était chose triviale. Et il faisait perdre du temps.

— Nous y sommes.

Un soupir de soulagement s’échappa de leurs gorges serrées… Syd rampa jusqu’au dernier tournant d’un cœur plus léger, ne retenant pas un petit sourire de satisfaction. Il n’anticipa pas l’afflux soudain de lumière, écorchant ses rétines avec autant de violence.
Se redressant avec difficulté, le groupe lâcha un gémissement de douleur… puis une exclamation émerveillée.

Une chute de lumière, de lumière crue sur la fresque. Et la pièce, ensablée, entièrement dominée par la peinture démesurée, effrayante, sacrée.
Ils s’approchèrent, lentement, lançant des coups d’yeux hésitants à Oryse.

Reshiram affrontait Zekrom. La Légende furieuse déversait une rivière de magma sur son ennemi, tout comme le soleil se déversait sur la fresque, ses rayons frappant la tête de Reshiram d’un halo sculptural, veiné par les sillons creusés dans la pierre ocre. Zekrom avait été dépeint comme saisit d’une faiblesse, se protégeant mal avec ses ailes d’ébène, sa queue émettant à peine d’électricité ; électricité bleue comme un charbon de ciel, reflétant les pupilles furieuses de l’agresseur, du superbe dieu d’Unys. Dragons, dieux d’Unys.

— Les ruines comportent plus de mille fresques de ce genre, commenta Oryse. Celle-ci est une des nombreuses qui dépeint la guerre mythique entre Reshiram et Zekrom, mais c’est la plus grande. Elle fait face à l’est pour que le soleil la frappe…

Et les figures détaillées, effrayantes des dieux se dissipaient en motifs géométriques, abstraits…
On tapota doucement son épaule, et il se crispa. L’assistante. Elle tendit son doigt vers la sortie nord de la salle, un des nombreux couloirs sombres qui menaient à la fresque. Il serra la mâchoire, reporta son regard sur le groupe ; Elsa écoutait Oryse, émerveillée—Mélis s’endormait et Élin tremblait légèrement, le teint fiévreux… Personne ne faisait attention à lui.

Syd repoussa la main de Maëlle, et s’éclipsa sans un bruit. Nord, Nord. Est, Sud, Sud, Est.


(Délitement)
— Reshiram était associé à la lumière crue du soleil car il était réputé pour percer à jour tous les mensonges, n’est-ce pas ?

La voix d’Elsa résonna fortement à travers la chambre millénaire, et Élin fut frappée par l’humour de son amie. Lumière du soleil ? Percer à jour ? Haha… Mais quand la blonde se retourna pour trouver quelqu’un avec qui partager un sourire malicieux, elle ne rencontra que du vide. Mélis fixait un point distant de la fresque avec un air renfermé. L’assistante et Syd semblaient avoir disparu, sans doute cachés derrière un tas de sable. Oryse avait pris Elsa au sérieux. Cette dernière ne semblait pas se rendre compte qu’elle avait réalisé un jeu de mot.

Ha… Un pic de déception la traversa, et brusquement, Oscar lui manqua terriblement. Il ne savait peut-être pas faire de blagues, mais au moins il les reconnaissait et en riait, lui.

— Effectivement. D’ailleurs, toutes les fresques des Ruines Enfouies le dépeignent inondé par de la lumière, et ses contours sont souvent réalisés avec des enluminures dorées. Ici, vous pouvez observer…
— Un sceau réalisé à partir de Lumi-Éclat, compléta adroitement Elsa.
Oryse haussa les sourcils, impressionnée.
— J’ai beaucoup lu, expliqua l’élève hâtivement, ne se départant pas de son air confiant. Notamment sur les civilisations antiques. Je sais que Lumi-Éclat et Reflet Magik étaient des Attaques des utilisées par les anciens pour enjoliver leurs peintures… Reflet Magik est présent sur toutes les formes géométriques de cette fresque, c’est ce qui donne leurs nuances irisées.

Il était entendu qu’Oryse avait déjà repéré les sceaux avec précision—aussi la dernière phrase d’Elsa était plutôt destinée à Mélis et Élin, qui n’avaient pas les connaissances pour distinguer les marques des Capacités. Les néophytes s’étonnèrent d’autant plus de l’œil d’Elsa, Mélis en oubliant de bougonner, Élin s’approchant inconsciemment de la fresque, fascinée. Elsa ne fit que se rengorger, fière qu'on l'admire ainsi.

— Si tu sais tout cela, tu dois aussi avoir lu sur les autres sceaux utilisés dans ces ruines… lança Oryse, amusée.
— Mur Lumière, Protection Voile Miroir ou Possessif servent à préserver et défendre les artefacts, voire à bloquer des passages, répliqua Elsa sans hésiter une seule seconde. Ils sont inoffensifs dans l’ensemble… mais il faut se méfier de Gravité, qui peut servir à créer des pièges mortels, ou de Distorsion et Zone Magique, qui ont des effets néfastes sur l’organisme. Et puis il y a Préscience, que les anciens ont réussi à faire durer pour des millénaires.

En réponse, la scientifique hocha de la tête, satisfaite. Non loin, Élin portait ses doigts à la fresque, partagée entre méfiance et envie de la toucher, intimidée par les siècles gravés dans la roche… Elle sentait presque la présence de l’antique civilisation, à travers sa migraine. Une chanson flottait, oscillant entre les éclats de la peinture et le murmure du sable. La mélopée se paraît aussi de grincements métalliques, menaçants…

— Mais en fait, pourquoi on appelle ça des sceaux ? demanda-t-elle brusquement, avec un faux sourire, se détournant de la fresque infernale.
— C’est une dénomination scientifique. On considère que la technique utilisée rentre dans la catégorie « Capacité », soit tout ce qui se rapporte aux pouvoirs détenus exclusivement par les Pokémon, mais ne se rapporte par à une « Attaque » telle qu’employée dans un combat… un « Sceau » se rapporte à un lieu ou artefact précis, et pas à un cible.

Ils sursautèrent. C’était Maëlle qui avait répondu, d’une voix neutre, émergeant depuis une pile de sable fin. Oryse lui sourit, l’invitant à rejoindre le groupe—mais fronça les sourcils quand elle constata que son assistante était seule.

— Où est le dernier adolescent ?
— Il n’est pas avec vous ? renvoya la jeune femme, semblant étonnée.
— Non… rah, je savais que c’était une mauvaise idée de faire rentrer des gamins ici ! rugit Oryse, tirant une grosse mèche de sa chevelure violette. Les enfants, je vous jure !

Elsa se mordit la lèvre. Au début elle s'étonna et le chercha des yeux, pensant le trouver dans la salle. Il ne pouvait pas être parti. Non, c'était... c'était un des plus beaux jours de ce voyage, un des plus beaux jours de la vie d'Elsa—Syd était son amie, il ne pouvait pas être parti ! Mais elle ne trouva pas. Seul un constat amer resta devant ses prunelles écarquillées : Syd disparaissait encore… ne laissant qu'un sentiment de trahison derrière lui.

— À toi Cryptéro, murmura la brune, lançant sa nouvelle Pokéball.

En un éclair jaillit l’oiseau majestueux, ses couleurs éclatantes faisant pâlir les fresques. Oryse haussa de nouveau les sourcils, mais cette fois, avec plus de sincérité… Et elle reporta un regard pensif sur Elsa, scrutant la frêle étudiante d’un œil acéré.

— Est-ce que tu peux trouver Syd ? demandait la jeune fille, serrant les poings, les sourcils froncés.

Le Pokémon les avait bien guidés jusqu’au Château Enfoui pendant deux longues journées—il saurait certainement traquer Syd, un compagnon de voyage ! Cependant, détruisant tous ses espoirs, l’oiseau ne fit que s’affoler et voleter de fresque en fresque, coassant.

— L’énergie antique contenu par les lieux le désoriente, expliqua gentiment Oryse. Ne t’inquiète pas, ton ami utilisera sans doute ça Corde Sortie… Une fois dehors, ton Cryptéro le localisera.

Elsa hocha de la tête, et rappela le Pokémon. Mais son acquiescement n'était que de façade. Elle refusait simplement de laisser filtrer son énervement, refusa de regarder Élin, bloqua complètement led départ de Syd de son esprit. Les ruines lui avaient offert une opportunité sans précédent de montrer son savoir. Il fallait. Se concentrer. Là-dessus.

— Puisque tu es intéressée, je peux te montrer une autre fresque, déclara Oryse après un instant. Viens par ici…

Mélis chouina qu’il n’avait plus envie de marcher, mais il dut bien se résoudre quand le groupe entier suivit le mouvement. Lui n’avait pas envie de se perdre, et puis se faire téléporter en plein milieu du désert par une Corde Sortie, non merci.

Ils s’enfoncèrent dans un passage au sud-ouest de la pièce, arche courte et obscure. Une chute de sable fin les accueillit une fois leur destination atteinte, les grains doux et chauds s’infiltrant par le col de leurs vêtements, coulant le long de leurs colonnes vertébrales, attirant des jurons. Mais les gros mots s’évanouirent bien vite sous le murmure de la cascade, tant la pièce était qui les accueillait était... belle...

Le plafond s’était écroulé à une dizaine de points différents, transpercé par le ciel vivide, bleu surnaturel. Et le sable du désert s’écoulait lentement par ces plaies béantes tel un ichor doré, à peine tâché d’ambre. Des nuages de poussière s’élevaient autour des cascades, pâles comme de la craie, tourbillonnant autour des pierres effondrées… brouillant les silhouettes des humains, qui s’effaçaient derrière des quintes de toux, agitant de soubresauts les nuées fanées...

— Par ici, ordonna Oryse d’une voix rauque.

Elle fila autour des cascades granuleuses, veinées ; glissa parmi les vestiges du plafond, suivie de prêt par Elsa et Maëlle ; puis Élin, puis Mélis. Au fond de la pièce patientait une peinture ronde, à peine large d’un mètre ; si détaillée et nuancée qu’elle aurait pu passer pour un art moderne, d’une rare harmonie. Victini couronnait un homme agenouillé, barbu, au regard d’un vermeil perçant.

— Que repères-tu comme détail ? demanda Oryse, mais elle fut tout de suite interrompue par Elsa qui commentait, troublée :
— Reshiram est toujours dépeint avec les yeux bleus. Si cet homme est l’élu de Reshiram, pourquoi a-t-il les yeux rouges comme Zekrom ?

Élin posa elle-aussi, ses yeux sur la fresque, curieuse… mais dès qu’elle rencontra les yeux millénaires du héro, un pique de douleur traversa son système digestif et elle dû fermer les yeux. Qu’est-ce qui lui arrivait aujourd’hui… ? Il lui semblait pourtant qu’elle allait mieux dans la première salle… Et elle avait toujours, toujours eu une santé de fer…
Nauséeuse, elle ouvrit ses yeux et jeta un coup d’œil au groupe—personne ne lui prêtait attention. Tant mieux. Elle n’aurait qu’à aller trouver un tas de pierres où s’asseoir, pour se reposer afin de ne déranger personne. L’adolescente n’avait pas envie que Mélis la colle, elle n’avait besoin ni d’aide, ni de pitié…

Titubant légèrement, elle se glissa derrière une cascade de sable, disparaissant dans la poussière. Cependant, il n’y avait nulle part où s’asseoir dans la salle—tous les sièges potentiels étaient recouverts de monceaux de sable.

Soupirant, Élin avisa un passage. La blonde savait qu’il ne fallait pas trop s’éloigner, mais… Juste un couloir… elle saurait retrouver son chemin…

Ce n’est qu’après trois tournants obscurs qu’elle commença à s’inquiéter, et décida de rebrousser chemin. Cependant, il était déjà trop tard.
Élin était perdue.


(Les Vestiges de San)
La tour était faite de pierres ocres. Leurs angles carrés accrochaient les rayons de soleil, de sorte que sous chaque corniche—il y en avait huit en tout—s’étendait une écaille d’ombre. On aurait dit que le donjon était tressé de bronze.

Rixi hésita aux abords de la construction, étudiant sa base, engloutie par le sable. Il mourrait de chaleur. Elle l’écorchait, le léchait de feu, le grattait même, jusque dans les replis les plus humides de sa peau ; il souffrait terriblement. Et la clarté impitoyable du jour lançait ses rétines, s’enfonçait comme des lames de rasoir dans sa cervelle, provoquant une migraine atroce. Cependant il hésitait aux abords de la construction.

— Si ça s’effondre sur moi… ça va être coton… Soupirant, le dresseur glissa ses doigts le long de sa ceinture de Pokéball, une cordelière aux attaches colorées. Dire que je n’ai même pas de Corde Sortie…

Seulement, il n’avait pas le choix. Il ne pouvait pas laisser cette femme mourir de faim et de soif—cela pouvait encore être des jours avant qu’un autre humain ne s’aventure aussi loin dans le désert, à cause de la guerre des gangs qui faisait rage sur la Route 4.

L’air sombre, mais déterminé, le jeune homme tendit la main vers sa troisième Pokéball, qui pendait d’un ruban bleu ciel.
Il devait aussi à San de faire tout en son pouvoir pour la retrouver. Qui sait si elle n’avait pas été enlevée, ou pire ?
Un Archéapti à l’expression gentillette sortit de la Pokéball en un éclair aveuglant, piaillant doucement. Rixi s’accroupit à son niveau, lui offrant une caresse, et indiqua la tour.

— Kiops, est-ce que tu as une affinité avec ces roches… est-ce que tu peux les sentir ? questionna-t-il le Pokémon.
L’Archéapti acquiesça avec confiance.
— Alors… tu pourras me guider à travers les ruines ?
Nouvel hochement de tête.

Silencieusement, Rixi pénétra les ombres de la tour.

La structure souterraine ressemblait exactement à la partie émergée, pierres massives placées en octogone. Un escalier central s’enfonçait dans le sol poussiéreux en une spirale antique, gravée de figures mythiques. Le dresseur les ignora, effrayé à l’idée que les ruines puissent maudire un voyageur trop curieux… (Finalement, les médiums n’étaient pas si fous que ça, il avait eut tort de les mépriser, héhé—). Mais il ne pouvait manquer de voir les immenses fresques peintes tout le long des étages circulaires. Elles décrivaient des scènes telles qu’on les contait aux enfants pour les endormir : comment les dieux avaient choisi leurs héros, et comment ils s’étaient battus…

Rixi vit Zekrom triompher de Reshiram, le meurtrissant d’éclairs aussi vastes que des forêts, chaque étincelle un arbre aiguisé par l’hiver.

La fresque qui l’effraya ne survint qu’au tout dernier étage, masquée par la pénombre et la poussière. Deux prunelles à l’azur acéré avaient été peintes face à la dernière marche des escaliers, transperçant le voyageur innocent. Elles appartenaient, à une silhouette… qui aurait pu être décrite avec des dizaines de termes précis, de synonymes nuancés et d’exclamations poussées—mais qui n’avait qu’un seul sens pour Rixi. Cette figure semblait être l’exacte opposée de San.

Tout, dans les cheveux sombres, les iris électriques ; jusque dans la manière de se tenir, les pigments utilisés par l’artiste, lui rebroussait le poil. Cet homme dépeint… Il s’approcha, hypnotisé…

Kiops piailla.
Rixi sursauta.

De la poussière s’était déposé dans ses cheveux, sur ses épaules. Il avait dû rester bien trop longtemps à contempler la fresque—s’il voulait sauver cette femme, il fallait se dépêcher.

Il s'enfonça dans les entrailles de ruines, entre grains d’ombre et de lumière. Marcha longtemps. Et put se départir d’un malaise froid, gluant. Le Château Enfoui était lié à San de manière irrémédiable ; de ça, il en était maintenant absolument sûr. Était-elle cachée, ou retenue prisonnière dans ces vestiges ? Cela faisait des mois qu’il était sûr qu'elle possédait des pouvoirs… Peut-être l’avait-on enlevée pour en savoir plus ? Rixi l’imagina battue, torturée, et déglutit.

— PAR ICI !

Surpris, le dresseur glissa et s’effondra sur un tas de sable. Le hurlement semblait très proche—comme s’il venait de l’autre côté du mur gauche. Kiops se rua d’ailleurs immédiatement vers la pierre rouge, confirmant les soupçons de son compagnon.

— Je suis juste ici ! Je vais vous aider ! cria-t-il en retour, constatant avec une grimace que du sable s’était infiltré partout dans ses vêtements.

Son cœur battait irrégulièrement, moite. L’aider, oui, mais comment ? Percer le mur trop violemment pourrait le faire s’effondrer.
Rixi resta quelques minutes à se gratter la tête.

— VOUS ÊTES TOUJOURS LÀ ?
Un sursaut.
— Oui, oui ! répliqua-t-il, agacé.

Quelle raison aurait-il de rebrousser chemin juste après l’avoir trouvée ? Décidément, cette victime était bien exigeante.
Ceci dit, il fallait bien se décider. Aussi, inspirant un bon coup, le dresseur sortit tous ses Pokémon à la fois, espérant que les avoir sous les yeux pourrait l’inspirer. Ils apparurent aux côtés de Kiops, dans un feu d’artifice complètement silencieux, typique des Pokéball. Fragilady, Chinchidou, Sorbebe, Vilvadaim, et Polarhume.
Les Pokémon s’affairèrent instantanément à se dire bonjour, se caresser, et venir se frotter contre ses jambes. Mais il ne pouvait pas se laisser déconcentrer ! Sortant son Pokédex, fidèle allié bien abîmé depuis ses débuts de dresseurs, Rixi passa les Capacités de son équipe en revue.
Et il eut une idée.

— Vivi, utilise Vampigraine contre le mur, lui ordonna-t-il avec urgence. Coince-les entre chaque pierre !

La Pokémon, maligne de nature, s’exécuta parfaitement, et bientôt une dizaine de spores germaient dans les rainures des dalles. Rixi hocha de la tête, puis indiqua à Humé le Polarhume de s’avancer.

— À ton tour. Poudreuse sur les Vampigraines, jusqu’à ce qu’elles gèlent. Mais sois précis avec ton attaque, je ne veux pas toucher le bas du mur.

Il fallut du temps à la créature pour s'exécuter correctement, car le Pokémon était tout juste un bébé—même s’il était plus vieux que Sorbébé—. Mais le vent froid finit par entièrement geler les pierres, enrobant les graines pressées dans ses rainures, augmentant leur taille… et fissurant légèrement la roche ancienne. Quatre dalles montraient des signes de faiblesses, tandis que le reste soutenait toujours le plafond.
Rixi inspira.

— Chichi… Plumo Queue.

Un fracas. Un nuage de poussière antique. Une figure, s’élevant parmi les décombres, de longues mèches violacées…
Rixi se releva douloureusement, se dégageant d’une lourde chute de gravier. On lui tendit la main.

— Merci mille fois. Je m’appelle Oryse.


(Dévastée)
— Rah mais non ! Encore une de disparue ! C’est quoi ces ados qui ne tiennent pas en place !

Oryse se tira de nouveau les cheveux, tapant violemment du pied. Mélis serra les dents, plus discret mais également exaspéré. Il était le responsable légal de ces gamins, bon sang, Bianca lui avait fait signer un papier exprès ! S’il y avait des blessures ou des morts, c’est lui qui se ferait poursuivre en justice par les parents éplorés, c’est lui qui serait lynché en direct par Clara Chasal sur Unys 1 !

Il voyait déjà les gros titres : « LA FILLE DE BLACK ET LE NEVEU D’ALOÉ MEURENT SOUS LA GARDE DU CÉLÈBRE DRESSEUR, MÉLIS GRAY ».

Elsa ne réagit pas. Du moins, en apparence. Elle adopta un masque de pierre et de gel ; se força à regarder dans le vide. Mais sous la chape indifférente, elle enrageait. Ainsi donc, Élin disparaissait peu après Syd… et elle pensait la berner ? Eh bien elle se trompait ! Elsa n’était pas née de la dernière Team, elle voyait clair dans leur stratagème ! ils s'en fichaient d'elle, et n'avaient qu'une seule envie : se retrouver à deux...

L’étudiante retint un sanglot outré ou dévasté, elle ne sut pas distinguer l'émotion précise. Le pacte ne lui avait jamais semblé aussi lointain.


(L’Autruche)
Élin était pourtant sûre d’avoir tourné à droite, puis à gauche, puis à droite. Pourquoi ce chemin ne l’avait-il donc pas ramené aux autres ? Au lieu de ses amis, elle se retrouvait face à une salle entièrement vide, froide, aux fresques ternies par les siècles. Bon, au moins elle avait réalisé son vœu : explorer le temple pour entraîner ses Pokémon… le truc, c’est qu’aucun n’adversaire se présentait, elle n’avait décidément pas de bol.

La gamine retint une quinte de toux. L’arrière de ses yeux brûlait, sans doute dû à la migraine atroce qu’elle se coltinait depuis son entrée dans les ruines. Mais plus que ça, son corps entier tremblait d’inconfort, sujet à une douleur diffuse. Parfois une bile acide remontait le long de sa trachée, et elle avait un goût métallique, ressemblant de manière inquiétante à du sang.

Élin n’avait pas envie de cracher du sang. Du tout. Ou alors, devant Syd ou Mélis—autant faire flipper quelqu’un si elle était malade.

Titubant, elle s’approcha d’une des fresques, enduite avec un pigment carmin et un autre, presqu’effacé par le temps, aux nuances éthérées. Reshiram était peint dans toute sa splendeur, ailes griffues étendues avec menace, majesté. Un brasier féroce léchait sa silhouette d’or et de safran, se dissipant en figurés abstraits tels que les anciens semblaient apprécier. Devant le dieu était agenouillé… un humain aux traits fins, sa chevelure aussi blanche que la fourrure de son maître. Il regardait droit devant lui, les sourcils froncés sur des prunelles aux tons sanguins… il regardait droit sur… Élin.

Brusquement, sa migraine redoubla, et la blonde se détourna, cherchant un lieu où s’asseoir dans la pièce austère. Rien.

— Ils auraient pu faire un effort sur la déco… siffla-t-elle, portant une main à son front.

Le monde se floutait, et dès que son regard glissait trop brusquement, un éclair blanc dominait sa vision. Ça n’était pas normal, ça, non ? Pourtant… elle avait toujours eut une santé de fer.

Gémissant, la gamine se laissa retomber à même le sol, juste en dessous de la fresque. Il lui semblait entendre une chanson, la mélopée se fondant dans les pigments délavés des peintures, soupirant tristement à travers les corridors des ruines. Ha, elle délirait maintenant, c’était sûr… Et pourtant la mélodie était familière, on aurait dit qu’elle l’avait entendu, ou chanté, mille fois.

Sur le mur opposé avait été dessiné une autre figure, marque atemporelle des anciens. Frêle, engloutie, rongée par sa toison verte, elle séparait Reshiram et Zekrom alors qu’ils étaient sur le point de se battre. Élin fouilla dans ses souvenirs, à la quête du nom de cette déité mineure, mais chaque pensée semblait trop vague, et lui échappait comme un Bargantua rebelle, se fondant dans la masse grouillante de sa migraine avant d’avoir été déchiffrée…

Une vague de découragement l’envahit brutalement. Comment allait-elle retrouver ses amis, dans cet état ? Et puis elle ne voulait pas être vue aussi faible, aussi malade, elle ne voulait pas déranger… C’était pareil avec Black—non, son père—elle avait toujours eu peur de déranger, parce qu’elle brisait son silence… Mais il l’avait recueillie alors… il l’avait choisie… Et puis White n’avait jamais peur de déranger, et White était géniale.

Voilà qu’elle divaguait. Il fallait une première fois à tout—au moins, elle saurait ce que c’était, d’être malade—mais franchement, elle n’appréciait pas. C’était le moins qu’on… puisse dire…

— Allez, souffla-t-elle, déterminée.

Mais quand elle essaya de se relever, le monda tangua, les murs et le sol et le plafond fusionnant en une spirale infernale. Elle essaya de se rattraper sur une des parois, mais ne rencontra que du vide et s’écroula brutalement à terre, se tordant les doigts.

— Merde…

Soudain, sa silhouette affalée émit un doux halo rosé. Étonnée, Élin tenta vaguement de l’attraper avec un index, se demandant si elle délirait encore… mais la lueur n’avait aucune consistance, elle ne faisait qu’agiter un doigt chatoyant dans le vide… C’est alors que la gamine entendit un cri satisfait.

— Chov !

Elle n’eut pas la force de bouger de la tête. Ses paupières spasmaient sans qu’elle ne puisse les retenir ; ses lèvres et sa langue palpitaient, asséchées. Cependant elle n’eut pas à venir au Pokémon ; le Pokémon vint à elle. Sous la forme d’un… groin énorme, d’un rose éclatant, et… en forme de cœur.

— Évidemment, c’est toi qui viens à ma rescousse… ricana-t-elle faiblement. Comment tu t’appelles déjà… Trucmuche ?
— Chov ! sourit niaisement le Pokémon.

Élin déglutit douloureusement, essayant de lever une main pour caresser la boule de poile azurée. Un halo rosé l’entoura de nouveau, allégeant la pression accumulée contre son crâne, dissipant sa migraine. Les brûlures dans son corps semblèrent aussi s’apaiser.

— C’est quoi comme Attaque… ? C’est trop cool…

Heureux, le Pokémon réitéra son geste, et Élin pu enfin se relever sans voir trouble. Elle s’appuya contre un des murs, et jeta un regard méfiant à la ronde, soufflant longuement. Tout ce qu’elle avait envie de faire, maintenant, c’était de quitter ce maudit château.
Jetant un œil reconnaissant au Pokémon, elle le questionna :

— Trucmuche, tu connais ton chemin ?


(L’irréparable)
Nord.

Le Galet Blanc avait été déplacé au plus profond des Ruines Enfouies après la fusion de Reshiram et Kyurem. Syd le savait, car sa tante le lui avait raconté ; il connaissait l’existence du Galet, car sa tante la lui avait révélée. Il s’était lié à Élin, Elsa et Oscar, et ses amis avaient une haute opinion de lui alors qu’il était mêlé à une organisation sordide. Syd était un traitre.

Nord.

Son essence était salie à jamais, marquée par la violence et les mensonges. Mais… cela ne rendait pas son but, sa cause, moins brillante, moins pure. L’adolescent dissociait entièrement les deux, elles ne se touchaient jamais dans son esprit, ne se frôlaient même pas. Car il s’était destiné à la boue et aux chemins retords. Mais jamais « il » ne lui le lui avait demandé, imposé…

Est.

Otis avait été paralysé il y a des années ; il ne s’était pas compromis, il avait toujours été exemplaire. Courageux, et gentil malgré ses douleurs, il n’avait pas oublié sa famille et n’était pas devenu égoïste, alors que sa blessure était raison suffisante pour se renfermer. Il avait juste été… c’est la seule personne qui était Parfaite pour Syd. Otis méritait largement qu’on utilise tous moyens pour le guérir. Il valait mieux que… Et puis de toute façon, Syd ne méritait plus grand chose maintenant qu’il avait agressé une jeune femme, perdu un Pokémon, depuis qu’il était devenu Sbire Plasma.

Sud.

Tout ce qui restait à l’adolescent à présent, c’était son objectif. Plus personne n’aimerait Syd s’ils apprenaient ce qu’il avait fait. Donc autant poursuivre ce qu’il avait entamé. De toute façon, une action non-finie ne vaut jamais rien, sa mère le lui avait dit.

Sud.

Et puis ce qu’il faisait, c’était bien en un sens. Parce qu’aider la famille, c’était toujours bien ; la famille venait toujours en premier.

Est.

Il… il y était.
Face à des escaliers démesurément hauts et larges, taillés dans du marbre brutal, rutilant avec menace dans la pénombre. À chaque marche une raison supplémentaire de continuer s’imprima dans son esprit. Il serrait les dents. Il tremblait. Il suait beaucoup, aussi. Ce n’était pas glorieux. Cela requérait tellement d’efforts. C’était la vie qu’il avait choisie et qu’il choisissait encore.

Arrivé en haut des marches, Syd fut un instant saisi de panique. Rien. Les ténèbres les plus complets, et… l’artefact qu’il cherchait n’était nulle-part. Puis ses yeux… s’habituèrent à l’obscurité, il distingua… une fresque aux nuances ternes, dépeignant un homme à la barbe blanche, couronné de lauriers enflammés, aux yeux taillés dans de la pierre précieuse—deux rubis sanguinolents. Mais il n’était pas venu pour cela, il… pénétra, lentement dans l’ombre, avec méfiance. Une fine poussière s’agitait sous ses pas, particules de soie qui attendaient sans doute ici depuis des millénaires.

Son pied butta presque contre le trésor. Mais il s’arrêta à temps, frappé par la faible brillance du piédestal, sculpté dans une pierre rougeoyante. Sur l’autel reposait un Galet… lisse, absurdement commun. Syd se saisit du faux que Maëlle lui avait glissé : côte à côte, il n’y avait absolument aucune différence entre les deux pierres…

L’adolescent ne réfléchit pas à l’ampleur de la trahison. Il refusa d’admettre la vérité : il ne faisait pas que mentir à sa famille et ses amis, il mettait tout Unys en danger.

Unys… Otis.

Syd posa doucement le faux à côté du Galet Blanc. Il récupéra le véritable artefact, le glissant dans son sac, dans une poche cachée, cousue dans la doublure, qu’il avait filé la veille. Puis, il utilisa sa Corde Sortie.

[…]

Hors du temps, hors de l’espace, quatre paires d’yeux s’ouvrirent brutalement.

[…]



(Le doute éclot)
Ils apparurent, face à face, les yeux dans les yeux par la plus grande des coïncidences. Iris ambrés reflétés par ces prunelles noires et secrètes. Fixes, comme elles l’étaient rarement. Et elle tremblait, il le remarqua après les premières secondes, sa peur évaporée. Et il serrait les poings, elle le remarqua après les premières secondes, sa fièvre dissipée.

Aucun des deux ne dit mot. Syd car il voulait nier son amitié, car il avait peur de trop en révéler. Élin car elle tenait à peine debout, car elle refusait d’accepter ce qu'elle sentait comme une évidence.

Syd ne s’était pas innocemment perdu.

Le silence s’étira, et Élin commença à sourire ; d’abord faiblement, puis avec plus de vigueur, rayonnante de chaleur. Syd se crispa, gêné, énervé ; il leva les yeux au ciel, puis se détourna complètement de la blonde, serrant les dents. Mais elle ne tressaillit pas, ne défaillit pas : elle attrapa Chovsourir, qui volait à ses côtés depuis le début.

— Yosh… Yosh Syd, regarde… j’ai capturé un nouveau Pokémon, il s'appelle Trucmuche… Syd… !

Élin ne sut jamais s’il se serait retourné ou non. Car Oryse, Maëlle, Mélis et Elsa apparurent à leur côtés, guidés par un Cryptéro excité. Mélis leur donna chacun une tape derrière le crâne, assez violente pour qu’ils comprennent sa colère, et il marmonna des injures dans sa barbe de trois jours assez fort pour qu’ils les entendent. Oryse profita de leur position de faiblesse pour leur lancer un regard des plus noirs.

— Mélis, je t’apprécie peut-être beaucoup, siffla-t-elle d’un air méprisant, mais jamais plus tu ne me convaincras de laisser des adolescents rentrer dans le Château. Et certainement pas ceux là.
— Oh, ne vous inquiétez pas… répliqua jeune adulte. Nous reprenons la route ce soir, et allons déguerpir vite fait de ce désert…
— Cela va quand même vous prendre plus d’une semaine, intervint Maëlle, surprenant légèrement l’assemblée.
— Oui, malheureusement… Méanville est encore loin…

Élin sentit l’attention du groupe s’éloigner d’elle, et, elle se relâcha entièrement. Son corps lui brûlait : les muscles ne voulaient pas rester tranquilles, ils se convulsaient… Un instant, elle s’autorisa à ressentir la douleur, s’autorisa à pleurer, blessée par Syd. Un court sanglot s’échappa.
Puis elle se reprit.

Elsa ne vit pa ce geste qui aurait pourtant aidé à la rassurer. Elle fixait Syd. Elle revoyait le garçon rentrer d'une journée perdue dans les égouts de Volucité... elle l'entendait hurler, la traiter d'espionne... Elle sentait sa poigne autour de son bras. Elle sentait la déception de ne plus le voir. (Quelque part elle sentait aussi les côtes d'un Sbire se briser sous une barre métallique.)
La colère sourde qui l'avait minée toute la journée s’exaspéra. Elle s’élança vers le garçon et lui saisit brutalement l'épaule.

— Je sais que vous avez fait quelque chose ! Si tu crois t’en réchapper comme ça—

Il se dégagea violemment—
Elle se tendit avec fureur—

— Mais non voyons, c’est ridicule ! Prenez mon quatre-quatre, Maëlle sait le conduire et il est garé à seulement quinze minutes de marche, proposa soudain Oryse, résolue.
— Madame… intervint l’assistante. Vous seriez seule pendant huit jours au moins, le temps de l’aller-retour…
— Tant pis, insista la scientifique en réponse. De toute façon, tu dois porter les résultats des tests sur les Mascaïman à notre laboratoire de Méanville.

Et Syd se réfugia derrière Mélis sans que l’adulte ne semble remarquer, trop agréablement surpris. Elsa serra les dents, entendant à peine la réplique soulagée de leur gardien légal.

— Oh, ce serait très gentil de votre part de nous conduire…

Ne jamais proposer du repos à Mélis ; il était sûr de le saisir avec égoïsme.


(Nœud du destin)
— Oryse ?! La scientifique qui a permis l’accès au monde des rêves ?

L’exclamation retentit un temps dans la poussière, arrachant un sourire amusé à Oryse. Le jeune homme qui venait de la sauver ne dépassait pas la trentaine. Hmm, il avait un certain charme, si l’on faisait fi de son odeur peu ragoûtante et sa barbe mal-peignée… Ses yeux possédaient un éclat volontaire, sa peau mate brillait sainement. Il avait des petits airs d’Indiano Janes.

— Oui, enfin… susurra la scientifique en se penchant vers son sauveur. Seulement pour certains Pokémon, et seulement dans certaines circonstances…

Sa réplique n’eut pas l’effet escompté. Au contraire, le jeune homme pâlit, fit deux pas rapides en arrière, et déglutit de manière évidente. (Oryse fronça les sourcils : pourquoi reculait-il ? Elle ne pouvait décemment pas sentir aussi mauvais que lui, peu importe les heures passées enfermée et terrifiée !).

— Ah, euh… ok… souffla le dresseur, masquant son désaroi en rappelant son équipe de Pokémon. Héhé, et sinon, que faisiez-vous coincée dans ces Ruines ?

C’était maintenant sûr : son approche n’avait pas réussi. Eh bien, ce blanc-bec ne savait pas ce qu’il ratait. Agacée, Oryse ne se retint pas de laisser paraître son indignation.

— Je faisais des recherches, puisque je suis une scientifique. Malheureusement, l’escalier central s’est effondré derrière moi quand je suis rentrée.
— Mais vous n’avez pas de Pokémon ? répliqua-t-il, fronçant les sourcils.

Elle pensa à Muni et Mushi. Deux Pokémon, oui. Deux Pokémon qui ne s’inquiéteraient certainement pour elle qu’une fois à court de nourriture.

— … On va dire que non.
— Et pas d’assistante ? insista le jeune homme. Puis, pâlissant de nouveau : D’assistant ?
— Non, répliqua Oryse avec raideur. Je n’ai repris personne depuis que ma petite sœur, Boletta, est partie poursuivre ses études à Kanto…

Un silence.

— Et vous, pourquoi êtes-vous là ? soupira finalement la scientifique, surveillant les ruines dévastées, portant une main à son front brûlant. Je ne vous aurais pas laissé rentrer, en temps normal, vous savez. Ces ruines sont fermées au public le temps de mon travail…

Elle aurait aimé examiner les premières chambres des ruines, mais à présent, tout le savoir antique était détruit. Ce constat la minait, plus que tout.

— … Je cherche ma compagne, lâcha le jeune homme, en un faible murmure.
Oryse le dévisagea, tandis qu’il poursuivait, presque pour lui-même.
— Elle a disparu depuis six mois. et… écoutez, vous allez me prendre pour un fou, mais elle a un lien avec ces ruines, je le sais ! Les fresques du château lui ressemblent !

Oryse le dévisagea d’autant plus.
Un fou.
C’était sûr, elle avait affaire à un fou.
Elle était coincée au milieu de ses ruines, prisonnière avec fou.

— … Vous n’avez pas un cas très convainquant, s’étrangla-t-elle, rouge, après un effort pour se calmer.

Grosse erreur, on lui avait pourtant dit qu’il fallait toujours brosser les détraqués dans le sens du poil !
Mais le jeune homme ne s’énerva pas. Il continuait de parler, absent.

— Elle n’avait pas de Pokémon. Elle n’apparaît pas sur les registres de la police. Je l’ai rencontré en haut d’une cascade, au bois des Illusions, elle a sauté et a disparu dans le vide—sous mes yeux !

Oryse resta interdite—elle étudia de nouveau le dresseur, et remarqua sa fatigue, ses cernes. Il avait certes des airs d’Indiano Janes, mais ressemblait surtout à ces parents que l’on voyait défiler à la télévision, quand leur proche était enlevé… ou retrouvé mort. Et, si la vie lui avaient appris une chose… c’est qu’elle se révélait bien souvent être au-delà de notre compréhension, et qu’avec les Pokémon, rien n’était impossible.

— … Écoutez, ce n’est pas à moi de juger de votre cas, murmura-t-elle à son tour. Mais vous ne la trouverez pas ici. Cela fait des semaines que j’explore les ruines, et je n’ai croisé absolument personne.

Le masque déterminé que portait son sauveur se fissura.

— E-Essayez la tour Dragospire ! se reprit-elle. C’est un lieu…
— … Merci, la coupa-t-il, se détournant. Elle entendit, comme une arrière-pensée : Je m’appelle Rixi.


(Leur monde)
Élin s’enfonça à l’arrière du quatre-quatre, pâle, cernée, ses cheveux en bataille cooptés par un certain Trucmuche. Avec un Chovsourir béat sur le crâne, la blonde avait un air encore plus gamin, naïf que ne lui était coutume. Mais elle semblait aujourd’hui si frêle, si malade, que cela devenait rassurant de voir un Pokémon veiller sur elle…
Dès que les fesses de l’adolescente atterrirent sur le siège moelleux, elle s’endormit.

Mélis l’imita sans même un sermon envers les adolescents, repoussant la gamine vers le milieu de la banquette, et s’appropriant la fenêtre de droite. La chaleur du désert ne pouvait plus atteindre leurs silhouettes éreintées : non, la climatisation de la grosse voiture sifflait autour de leur gorges enflées, de leurs joues rouges…

Elsa s’assit à la gauche du dresseur légendaire, rigide, méfiante. Ses doigts serraient compulsivement les plis violacés de sa jupe, son pouce perçant presque un trou dans le coton. La disparition d'Élin et Syd avait dissipé toute la joie qu’elle avait ressenti… joie d’avoir impressionné Oryse, d’avoir enfin visité le Château Enfoui… Et pour cela, elle leur en voudrait toujours.

Syd se plaça à l’avant, aux côtés de Maëlle.
Elle le scruta du coin de l’œil.
Il acquiesça.


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Les commentaires c'est encore mieux que les tartelettes au citron.
Et puis celui qui a la meilleure théorie aura le droit de poser une question, n'importe laquelle, sur l'histoire :D (attention j'ai bien dit, le droit de la POSER, maintenant quant à ma réponse...)