Un amour de champion de M@xime1086

Ce fut lors d'un doux matin de printemps qu'Alizée reçut une invitation.

« Bonjour champion d'arène !
Nous avons le plaisir de vous inviter à la convention des champions d'arènes d'Hoenn comme chaque année pour préparer la rentrée.
Au programme : deux nouveaux collègues arrivent sur nos terres ! Le très respecté Norman ainsi que la combattante Adriane !
Rendez-vous au centre Pokémon de Rosyères le 3 Mars à 18h00.
Cordialement, le Conseil 4 d'Hoenn. »

Ce n'était pas explicite mais Alizée savait que cette invitation était une obligation dans ses devoirs de champion. Elle prépara son sac le lendemain, pas du tout emballée par l'idée de passer une soirée avec ses collègues. Elle se rappelait la convention de l'année dernière et de l'année d'avant : elles étaient identiques.

Roxanne de Mérouville (son ancienne professeur) et les jumeaux Tatia&Lévy étaient les seuls avec qui elle s'entendait bien. Bastien de Myokara ne parlait que d'entraînement. Voltère de Lavandia déblatérait des blagues qui ne faisaient rire personne. Marc était prétentieux et se vantait d'avoir les meilleurs Pokémon du monde. Les champions de Vermilava et de Clémenti-Ville, elle ne s'en souvenait presque pas. Ils étaient vieux. Un peu comme des fossiles. Il était temps que le Conseil les remplace !

Donc, parmi les champions d'Hoenn, il y avait deux petits nouveaux : « le très respecté Norman » et « la combattante Adriane ». Curieuse, elle fit ses petites recherches.

En effet, Norman était connu dans deux régions. Il avait notamment remplacé Blanche à Doublonville quand celle-ci était partit en formation. Il a également effectué un remplacement à Pavonnay quand Tcheren tomba malade.
Norman n'était donc qu'un simple champion de remplacement. Il n'avait pas sa propre arène. Or, Clémenti-Ville serait son bastion définitif.
Pourtant, en visionnant le Pokémon World Tournament (auquel elle n'avait pas participé) sur Internet, Alizée eut le souffle coupé. Ce champion d'arène était très fort ! Il n'avait perdu aucun combat ! Et lors des interviews il était très humble et revendiquait un élevage assidu de ses Pokémon. Certains devraient en prendre de la graine...

Alizée ne trouva aucune information concernant Adriane. Ce devait être une débutante. Après tout, les champions commencent leurs carrières comme novices.

Plus la date de la convention approchait, plus Alizée se renseignait sur Norman. Elle connaissait déjà les grandes ligne de sa vie : originaire d'Oliville, diplômé de l'école des dresseurs de Féli-Cité, diplômé du concours de champion d'arène inter-régional avec une mention "excellent" très dure à obtenir.

Quand Alizée n'était pas dans son arène ou en train de s'entraîner, elle passait des heures sur les forums pour connaître tout de ce champion. Elle lisait les messages de dresseurs l'ayant affronté : tous disaient qu'il était généreux, travailleur et surtout qu'il "vivait pour les Pokémon". C'était sa devise. Alizée la prononçait parfois de ses entraînements comme pour se motiver.
Elle tombait souvent sur des messages de gamines qui s'exclamaient : "il é top sexy!!!<3" ou "j'aimerai trop ê un de c pomons pour kil me kline<333". Il était mignon, c'est vrai. Il faisait plus jeune que son âge : trente et un ans. Ses cheveux bruns ainsi que ses mèches rebelles tombant sur son front lui donnaient un air de voyou. Mais ce qu'Alizée aimait beaucoup chez lui c'était la façon dont il fronçait les sourcils. Cela lui donnait un air sérieux et terrible alors que c'était tout le contraire ! Ses yeux bleus nuits plongeaient la jeune championne dans les vagues de la tendresse et de l'admiration.

Pourquoi était-elle autant concentrée sur cet homme ?
Elle se rassurait en se disant que ce n'était que de la documentation et de la curiosité bienvenue. Mais pourquoi alors tremblait-elle à l'idée de le rencontrer ? L'admiration ne lui avait jamais fait ressentir ça. Elle avait déjà perçu du respect pour des champions d'arène comme Roxanne ou Carolina. Rarement pour un homme. Il y avait bien Albert de Mauville... mais ce n'était pas la même chose. Là, c'était un enthousiasme démesuré, presque une exaltation pour cet homme qu'elle ne connaissait pas vraiment, finalement. Ou plutôt si, elle le connaissait, mais à travers ses grandes lignes, lues dans des articles ou sur Internet.

Elle était honteuse de se l'avouer mais quand elle regardait avec ardeur les combats de Norman sur son ordinateur, elle tentait de lire sur ses lèvres son prénom ou bien un mot tendre. Elle avait même cru entendre "je t'aime" en plein milieu d'un combat !

Heureusement le jour de la convention arriva. Elle pourrait se détacher de son image pendant une soirée et voir des têtes qui lui étaient rarement familières. Mais pendant qu'Alizée s'envolait sur le dos de son Hélédelle, elle eut envie de tout arrêter. Elle se souvint qu'elle allait le rencontrer. Lui ! En chair et en os ! Elle qui n'avait jamais le mal de l'air, elle crut sentir son cœur lâcher au dessus des nuages. L'air, qui d'habitude, la transportait de grâce ne l'apaisait plus du tout. Elle n'avait qu'une envie : descendre et se cacher sous les feuilles des arbres. Elle avait intimé l'ordre à son Pokémon de rebrousser chemin mais les mots s'étaient évaporés à l'orée de sa bouche.

Soudain, elle contempla ses mains gantées. Elle avait oublié que les champions d'arène, en allant à ce genre de convention, devait se vêtir de leur uniforme. En regardant ses bras, ses jambes et son visage dans un miroir de poche, elle eut l'impression d'être déguisé pour aller à une fête costumée. Cette tenue, pourtant, c'était elle qui l'avait créé de ses mains. Elle lui correspondait jusque là. Mais à présent, elle aurait voulu l'arracher, la jeter au sol pour ne pas être ridicule. Norman, lui, allait venir en tenue simple : blouson carmin et jogging noir. Son uniforme à elle lui parut superficielle et sophistiqué.

A travers son reflet dans le miroir, elle contempla ses cheveux au vent. Les mèches se baladaient tantôt calmement suivant les brises tantôt vigoureusement sur son visage inquiet. Ses yeux se fermèrent pour écouter la voix mélodieuse du vent qui la transportait. Mais le son de son cœur étouffait et brouillait les bruits délicats de l'air. Hélédelle voyait bien que sa dresseuse n'était pas comme d'habitude et tenta de la distraire ,en virevoltant gracieusement, sans y parvenir.

La jeune femme n'osait regarder sous elle pour voir où son Pokémon l'avait mené jusque là. Elle reconnut la piste cyclable. Déjà. Dans une heure elle serait à Rosyères.

Le soleil descendait à mesure qu'Alizée s'approchait. Les rayons s'éteignaient en arrosant les portraits nuageux de Norman qu'elle observait. Une idée lui vint. L'envie de partir tout de suite à la poursuite du soleil, de le suivre, de s'éteindre avec lui, pour toujours. Ou du moins pour une nuit entière. Mais Hélédelle ne se laissa pas distraire par les ordres de sa dresseuse et continua sa route. Ils venaient de traverser Vergazon. Il ne restait qu'une vingtaine de minutes. Pour s'occuper, Alizée se mit à compter les Pokémon qu'elle voyait planer au dessus des nuages, non loin d'Hélédelle. Un, deux, trois... elle se rendit compte qu'elle ne comptait pas seulement les Pokémon mais aussi les battements de son cœur qui s'affolait dans sa poitrine. Elle se sentit soudain fiévreuse et crut défaillir. Elle lâcha le harnais qui l'attachait à son Pokémon et bascula dans le vide. Elle ouvrit les yeux et les referma, juste le temps de voir s'effacer Hélédelle parmi les nuages.

Emmanuel Moire – Sans dire un mot
La jeune femme ouvrit légèrement la bouche pour haleter et écarta les bras pour accélérer sa chute. La sensation de voler l'envahit soudain, éclipsant tous les autres sentiments qui l'accablaient. Elle voulait que cette sensation demeure en elle, imprimée à vie. Que cet instant dure éternellement. Elle ouvrit grand les yeux et ressentit une légère caresse contre sa bouche. Comme un baiser déposé là, avant la fin. Elle distingua au milieu des rafales de vent le visage de Norman, les lèvres appuyés contre les siennes. Le baiser ne dura qu'une seconde mais Alizée savait qu'elle en garderait le souvenir à vie. Aussitôt, elle entendit un cri retentir à travers les nuages qu'elle avait laissé devant elle. Une silhouette bleutée se précipita et se déplaça derrière son dos. Sa chute était terminée. Elle savait qu'Hélédelle ne la laisserait pas s'écraser. Elle en avait des regrets mais se félicitait aussi d'avoir avec elle un Pokémon dévoué et aussi bien entraîné que lui. L'oiseau arborait une allure fière, compensant le manque d'assurance de la championne.

Ils arrivèrent à Rosyères à 17h50. Elle rappela son fidèle Pokémon en le remerciant de l'avoir sauvée, pour faire bonne figure. Elle se contempla une dernière fois dans le miroir portatif, rajusta des mèches de cheveux décoiffées et entra, la gorge serrée, dans le centre Pokémon.