Chapitre 13 : Dangereuse alliance
C’est amusant comme je repense à ce passé que j’ai quasiment détruit de mes mains. Sulin vous dira que j’ai toujours été nostalgique, et il n’a pas tort. Mais si je regrette le « bon vieux temps », je ne regrette pas ce que j’ai fait. Sinon, ça n’aurait servi rien.
*****
Lucian avait beaucoup voyagé dans sa vie, mais il n’était encore jamais allé à Bakan. Grave erreur ; c’était l’une des régions les plus intéressantes, tant sa capitale Fubrica - au demeurant la plus grande ville du monde - recelait des merveilles et des trésors technologiques en tout genre. Au moins, la mission pourrie de Venamia lui aura permis de combler cette tare. Mais il aurait préféré visiter la gigalopole en touriste, et pas accompagné de Bornet, ce damné ex-Agent 006, qui le faisait carrément flipper.
Lucian n’avait pas beaucoup travaillé avec Bornet avant, mais il se souvenait, lors des réunions des Agents Spéciaux autour de Giovanni, d’un type chiant, morne et sérieux, à l’allure d’un cadavre pas frais. Peut-être était-ce le changement de régime de Venamia qui l’avait fait changer, en tout cas, il était maintenant enthousiaste, vif, et il se mettait à parler par énigme avec parfois sur son visage un sourire inquiétant qui pouvait signifier tout et son contraire. Bon, d’un autre coté, ce gars était le chef des Services de Renseignements de la Team Rocket ; il pouvait sans doute revêtir bien des visages.
À l’époque où il y avait encore neuf Agents Spéciaux aux ordres du Boss Giovanni, 006 était celui qui avait à son actif le plus d’années passées à la Team Rocket. Un vieux de la vieille, très proche de Giovanni. Lucian avait toujours pensé qu’il se rangerait derrière Estelle, la fille aînée de Giovanni et l’ex-005, mais finalement, Bornet semblait tout à fait se contenter du régime dictatorial mis en place par Venamia. Un faux jeton, en somme. Bah, Lucian ne pouvait pas lui en vouloir pour ça. Il était pareil, après tout. Lucian n’aimait guère Venamia et aurait dix fois préféré Estelle à elle, mais il s’était quand même rangé derrière Cœur de Glace et sa GSR, parce qu’il avait jugé qu’elle était la plus forte et la plus à même de l’emporter. Lucian n’était clairement pas un homme d’idéologie. Il pensait à sa propre peau avant celle des autres, et ça lui convenait parfaitement.
C’était l’ancien Agent 007 avant lui qui lui avait enseigné tout ça. Storc, qu'elle se faisait appeler à l'époque, bien que son vrai nom soit Saki. Elle avait été l’amante de Giovanni, et c’était elle qui avait recruté Lucian, alors un tout jeune Modeleur à peine capable de contrôler ses pouvoirs. Une femme flippante, Storc, et avec l’esprit tordu, mais elle avait beaucoup appris à Lucian. Elle avait quitté les Agents Spéciaux pour refonder les Crocs de la Team Rocket, une unité spéciale ne répondant qu'au Boss, et Lucian avait du coup pris sa place en tant qu'Agent 007. Les Crocs n'avaient pas duré longtemps, et il s'est avéré que Storc avait trahi la Team Rocket après avoir fomenté ses propres projets… A moins qu'elle n'ait jamais réellement fait partie de la Team Rocket ? Lucian se demandait parfois où elle se trouvait, et quel complot malsain elle était en train de préparer.
- Eh bien eh bien, regardez-moi ça ! S’exclama Bornet quand ils furent arrivés au centre-ville de Fubrica en taxi. C’est ce qu’on appelle une ville ! Il y aurait ici plus de cinquante-six millions d’habitants ! Rendez-vous compte ?!
- Ouais, délire… marmonna Lucian en baillant.
Lucian ne comprenait toujours pas pourquoi ils ne s’étaient pas rendus directement au Glacier Infini au lieu de passer par la capitale. Mais Bornet avait insisté. C’était lui qui était en charge de l’infiltration. De Kanto, ils étaient allés à Kalos, puis seulement alors ils avaient pris un avion pour Bakan. Un sacré détour, mais Johkan avait instauré un blocus autour de Bakan en prévision de la guerre, et plus aucun appareil ne s’y rendait. Lucian et Bornet s’étaient fait passer pour des touristes. Pour Bornet, c’était facile, mais pour Lucian un peu moins, car son visage de star et ses cheveux blancs ne s’oubliaient pas facilement.
Les Agents Spéciaux étaient censés se faire discrets, mais Lucian avait toujours été la coqueluche de la Team Rocket. Il s’était donc teint les cheveux en roux et s’était ajouté quelque fausses rides pour paraître plus vieux. À ses cotés, Bornet regardait de droite à gauche avec un air si enjoué qu’il ressemblait à un enfant de la campagne qui découvrait une ville pour la première fois. Il semblait surtout fasciné par tous les gens autour d’eux, qui vaquaient à leurs occupations habituelles. Il semblait n’avoir jamais vu d’humains de sa vie avant ce jour.
- Tous ces gens… Tous ces humains qui s’agglutinent, chacun vivant leur petite vie quotidienne sans se douter de leur futilité… C’est si marrant ! Ils vivent, mais ils n’ont aucun but, et ils s’en fichent ! J’adore… J’ADORE LES HUMAINS !
Lucian se demandait ce qui clochait chez Bornet. Et il n’était pas le seul. En l’entendant crier, nombre de passants s’étaient écartés, et le regardaient discrètement en murmurant entre eux.
- Tu tiens vraiment à nous faire repérer toi… marmonna Lucian en lui tirant le bras. Nous sommes censés être en mission secrète, je te rappelle.
Bornet cligna des yeux, et sembla revenir à la réalité.
- Une mission… oui… une mission pour Lady Venamia. Lui ramener un de ces Akyr…
- Parfaitement, acquiesça Lucian. Et, je sais pas si tu as étudié la carte de Bakan avant de venir ici, mais nous ne sommes pas vraiment au bon endroit. Le Glacier Infini, c’est tout blanc, il fait froid, et on y trouve moins de gens et moins d’immeubles.
- Nous n’avons pas besoin d’aller au Glacier Infini pour trouver un Akyr, répliqua Bornet. J’en sens un dans cette ville même.
Momentanément prit de court, Lucian cligna stupidement les yeux.
- Comment ça dans cette ville ? Tu veux parler de celui qu’Igeus a attrapé ?
- Non. Il y en a un autre. Plus en bas. Peut-être qu’il y a des sous-sols ici, comme à Doublonville. Je peux le pister. Suivez-moi.
- Wow wow wow ! Protesta Lucian. Et on peut savoir comment tu peux sentir ces bestioles-là à distance toi ?
Bornet lui ressortit son sourire flippant.
- Allez savoir ? Peut-être que c’est un cousin éloigné à moi…
Bornet partit à travers la ville, et Lucian, après un juron bien senti, le suivit. Fubrica était une telle gigalopole, où les immeubles étaient bâtis sur d’autres immeubles, qu’on avait du mal à en percevoir le sol. Le plus bas niveau du centre-ville avait un aspect presque antique, et bien qu’on soit en plein jour, il y faisait quasiment nuit, du fait que la lumière du soleil atteignait difficilement le bas tellement il était enfoui sous cette forêt de gratte-ciel. Un coup d’œil suffit à Lucian pour comprendre que, de toute évidence, ces lieux n’étaient pas les faits pour les touristes. On y retrouvait les habituels vauriens qu’on pouvait trouver dans toutes les zones d’ombres des grandes villes.
Mais personne ne chercha trop les deux envoyés de Venamia, surtout après que Lucian eut congelé sur place le pauvre idiot qui tentait de les détrousser armé d’un seul couteau. Il y avait aussi quelque groupes de Pokemon qui jouaient aux caïds, dont un gang de Machopeur, qui fila bien vite après que leur chef eut frappé Bornet en plein visage et ne réussit qu’à se blesser au poing, tandis que Bornet n’avait rien du tout. Cette étonnante immunité attira l’attention de Lucian. De ce qu’il se souvenait, Bornet se battait avec des armes miniaturisées intégrées dans ses mains.
- Comment t’as fait ça ?
- Fait quoi ? Demanda distraitement Bornet en suivant une piste connue que de lui seul.
- Ce Machopeur s’est brisé tous les os de la main, et toi tu saignes même pas du nez !
- Oh, ça ? J’ai juste les os solides, je suppose.
Lucian commença à en avoir assez. Il ne pouvait pas bosser avec un type dont il ignorait tout et qui était par moment relativement flippant. Il l’attrapa par l’épaule et le poussa contre un mur.
- Ecoute mec, j’en ai ras le cul de tes secrets et de tes réponses à la noix. Cette mission ne me plaisait déjà pas pour qu’en plus Venamia me colle un type comme toi. Alors soit tu t’expliques sérieusement, sois je te considère comme un espion ennemi et je te transforme en statue de glace !
Lucian fut d’autant plus énervé - et inquiet - que Bornet ne semblait aucunement effrayé par la menace. Il se contenta de sourire, et, chose étonnante qui fit lâcher prise à Lucian, ses yeux prirent une teinte rougeoyante.
- Ne me provoque pas, humain, lui conseilla Bornet. J’aime bien ta compagnie, car j’aime les humains spéciaux comme toi. Mais tout spécial que tu sois, tu n’es qu’une fourmi pour moi. Contente-toi de mener à bien la mission de ta maîtresse, et de profiter du fait que je sois ton allié en ce moment.
Il reprit sa route, et Lucian resta un moment derrière pour retrouver ses esprits. Merde, dans quoi s’était-il embarqué ? Ce type… ce n’était clairement pas Bornet. Ou alors, Lucian n’avait jamais vraiment connu Bornet. En tout cas, il lui filait les jetons. Valait mieux ne pas le chercher et s’en tenir à la mission, comme il a dit. C’était un vieux réflexe de Lucian qui faisait toujours passer la survie avant la fierté ou la curiosité. Au bout d’un moment de marche à travers ces réseaux souterrains lugubres et oubliés, Bornet s’engouffra dans une habitation, du moins faute d’un meilleur terme. On aurait dit une maison encastrée dans le béton, et son mur d’enceinte était partiellement détruit, comme si quelque chose s’y était aventuré en omettant de passer par la porte. Sur le seuil de l’entrée, Bornet hésita pour la première fois.
- Il était ici, déclara-t-il.
- Suis-je en droit de demander qui ?
- L’Akyr. Il y a un de ces robots que nous cherchons à l’intérieur depuis peu. Je sens son Sombracier. Reste sur tes gardes, humains, mais n’attaque pas le premier. Je veux d’abord lui parler.
Lucian haussa les épaules. Bah, que Bornet se charge donc des opérations. Ce serait lui qui aurait ensuite à faire avec Venamia si ça se passait mal. Et Lucian, dès qu’il entra, sut que ça ne pourrait pas se passer autrement.
- Nom de…
Il y avait des cadavres partout dans le couloir, puis dans la pièce à coté. Des hommes, habillés comme des mafieux et portant des armes, qui pour la plupart étaient difficilement identifiables tant leurs corps avaient été lacérés et découpés. Bornet ne fut pas plus ému que ça. Il suivit la piste des cadavres jusqu’à un bureau. Celui qui semblait être le chef de cette bande, un individu coiffé d’un chapeau et d’une écharpe, gisait sur son propre fauteuil, la tête scindée en deux. Et à coté, il y avait… une chose. Un humanoïde à la carapace gris sombre, des yeux jaunes synthétiques, et une tête semblable à un bec de rapace. Ses bras fins dégoulinaient de sang, et il tenait entre ses griffes une espèce de grosse perle de couleur noire. L’Akyr les regarda entrer sans bouger. Lucian se tint prêt à utiliser sa glace à tout moment, mais Bornet s’avança avec un air assuré et presque curieux.
- Enchanté de te rencontrer, ami de métal, commença-t-il. Nous ne sommes pas tes ennemis. Nous voulons juste parler.
L’Akyr snoba totalement Lucian pour dévisager intensément Bornet.
- Tu pues le Sombracier, et mon image de toi est trouble. Tu utilises un artifice pour dissimuler ta véritable nature, mais ça ne prend pas avec moi. Montre-toi réellement ou prépare toi à être détruit.
- Oh ? Impressionnant. Je tirai pourtant grande fierté que mes illusions fonctionnent sur tout le monde.
Bornet se brouilla, jusqu’à que son image disparaisse. À la place maintenant, Lucian vit une créature mécanique sombre, avec une crinière rouge acérée, une gueule garnie de crocs de métal qui s’étirait en un sourire sadique, et des yeux bleus artificiels entourés de rouges. Une parfaite réplique du Pokemon Zoroark, mais en métal. Lucian recula et trébucha sous cette vision d’horreur.
- Q…q…qu’est-ce que… c’est… q-que ce b-bordel ? Balbutia-t-il.
- Silence humain, lui intima le Zoroark mécanique. Nous discutons.
Lucian ne chercha même pas à se relever. Voir un de ses collègues se transformer en robot Pokemon était assez dérangeant. Lucian avait déjà lu des rapports sur ces fameux Pokemon Méchas que la X-Squad avait affronté. Même Lady Venamia les avait combattus. Pourquoi l’un d’entre eux était-il dans la Team Rocket ? Venamia était-elle au courant ?
- Je me présente, dit le robot Pokemon à l’Akyr. D-Zoroark, membre des Pokemon Méchas. Je suis majoritairement constitué de Sombracier.
L’Akyr lui tapota le corps comme pour jauger son acier, puis hocha la tête.
- Effectivement. Tu en as plus que moi, mais aucun signe chez toi de Vifacier ou de Lunacier. Et le fait que tu arrives à avoir une conscience sans Vifacier est curieux. Que sont ces Pokemon Méchas, au juste ?
- Chaque chose en son temps, mon ami. De toute façon, je n’en fais plus partie. Je suis à mon compte à présent, si j’ose dire. Et toi ? Qui es-tu et que fais-tu en ce lieu ?
- Je suis l’Akyr de Plomb, de Seconde Classe, un fidèle servant du Grand Forgeron. Je suis venu dans cette ville infecte humaine en suivant la piste de ceci.
Il désigna la perle noire qu’il tenait.
- Le Solerios des Ténèbres. Mon maître recherche ces objets, et nous autres Akyr pouvons les sentir de loin. Il était apparemment la possession de ces humains autour de nous, qui en ignoraient l’utilité.
- Solerios tu dis ? Fit D-Zoroark. Je sens une énorme énergie qui se dégage de ce truc. C’est fort intéressant. Moi, je suis ici pour trouver un des tiens. L’humaine que je sers actuellement tient beaucoup à vous rencontrer.
L’Akyr de Plomb produisit un son qui n’était apparemment guère flatteur.
- Si tu sers les humains, tu n’es pas digne de mon intérêt. Es-tu un de leurs esclaves, comme les Pokemon de cette époque semblent être devenus ?
- Je suis mon propre maître, répliqua D-Zoroark. Je suis beaucoup plus puissant que les humains ou les Pokemon, et je ne reçois d’ordres de personne. Disons seulement que j’aide une humaine en particulier de ma propre volonté, pour des raisons qui me regardent. Je pense que vous autres Akyr devriez la rencontrer.
- Et pourquoi donc ? Qu’aurai-je à dire à une humaine ? Ils ne sont que de la matière première pour le Grand Forgeron.
- On m’a dit que l’un d’entre vous a été vaincu par un humain, au nord d’ici. Vous êtes apparemment anciens, mais les humains ne sont plus ce qu’ils étaient. Ils sont devenus dangereux et puissants. Quelque soient vos objectifs dans ce monde, vous aurez besoin d’alliés. Lady Venamia dispose du contrôle total d’un pays entier. Elle pourrait vous renseigner, vous éclairer, et même vous aider, notamment pour trouver ces fameux Solerios.
Ce dernier point sembla faire mouche pour l’Akyr de Plomb.
- Un de mes frères a déjà trouvé le Solerios de l’Eau, et le Grand Forgeron en a déjà deux en sa possession. Avec celui-ci, il ne lui en manquera plus qu’un. Mais j’ignore pourquoi, je n’arrive pas à le sentir…
D-Zoroark hocha la tête.
- Viens avec moi rencontrer Lady Venamia. Elle est une ennemie de ceux qui ont vaincu ton ami Akyr dans le grand nord. Une ennemie des Mélénis. Et l’ennemi de mon ennemi est mon ami, non ?
L’Akyr de Plomb sembla réfléchir un moment, puis hocha la tête.
- Soit. J’écouterai ce qu’elle a à dire. Mène-moi à ton humaine, Pokemon Méchas.
Le sourire mécanique de D-Zoroark s’élargit. Les deux robots passèrent devant un Lucian toujours assis par terre, les bras et les jambes tremblants.
***
De l’avis de Lucian, Venamia fut bien plus surprise du fait que Bornet soit un robot Pokemon que de l’invité qu’il lui avait ramené. D-Zoroark s’était présenté à elle sans illusion, sous sa forme véritable. Quand il entra dans son bureau au Palais Suprême, les yeux de Venamia se plissèrent, mais de toute évidence, elle le connaissait déjà.
- D-Zoroark… Vous aimez bien vous payer ma tête, n’est-ce pas ?
- Ne le prenez pas pour vous, Dirigeante Suprême, fit le Pokemon Méchas avec son affreux sourire mécanique. J’aime me payer la tête de tous les humains.
Lucian se sentait plus en sécurité maintenant qu’ils étaient rentrés et qu’ils avaient Venamia devant eux. Il s’avança donc en quête de réponses.
- Lady Venamia, vous connaissez ce… cette chose ? Vous saviez ce que Bornet était en réalité ?!
- Non, je ne suspectais pas Bornet en particulier, répondit Venamia. Mais je savais que D-Zoroark était infiltré chez nous sous une fausse identité. Il me l’avait lui-même fait savoir, après tout.
Lucian avait du mal à supporter le ton calme de Venamia, comme si la présence de D-Zoroark parmi ses proches était somme de toute une petite farce.
- Et euh… ça ne vous inquiète pas, ça ? Ce Pokemon Méchas a eu accès à tous nos dossiers, il connait nos plans, la sécurité de Veframia, et pleins d’autres trucs. Pourtant autant que je m’en souvienne, ces types-là n’étaient pas vraiment de notre coté non ?!
Venamia balaya la remarque de la main.
- D-Zoroark n’est pas notre ennemi. C’est lui qui, sous les traits du sénateur Treymar, nous a permis de nous débarrasser de Giovanni, puis plus tard, en tant que Chef d’Etat, m’a permis à moi de prendre les pleins pouvoirs.
Lucian n’était pas sûr d’avoir bien entendu. Cette horreur mécanique avait été Treymar ? Le dirigeant du pays ?! D-Zoroark parut s’amuser de l’incrédulité du Modeleur.
- Je vous l’ai dit, mon cher Agent 007, susurra-t-il. Je n’ai plus rien à voir avec mes frères et mon créateur. Je les ai quittés. Vous autres humains êtes bien plus marrants qu’eux. J’ai envie de voir le monde tel que nous le prépare Lady Venamia, et pour cela je vais l’aider comme je peux. Et ça passe donc par la présence de notre ami Akyr.
L’Akyr de Plomb s’avança, et Venamia s’intéressa enfin à lui.
- Je vous avais demandé de m’en capturer un pour que je puisse l’étudier, pas de me le ramener comme on ramène un ambassadeur étranger.
- Vous gagnerez plus, je pense, à négocier avec eux qu’à étudier leurs composants, se justifia D-Zoroark. Ils peuvent vous apporter beaucoup.
- Humaine, l’interrompit l’Akyr de Plomb en dévisageant Venamia. Ainsi, tu avais l’audace de prétendre me capturer pour m’étudier ?
Venamia ne chercha même pas à se justifier.
- Bien entendu, dit-elle simplement. Mon ennemi Erend Igeus a bien réussi à capturer celui que vous nommez Akyr Récolteur. Tout ce qu’il peut faire, je peux aussi le faire, et en mieux.
- L’Akyr Récolteur n’était qu’un balourd idiot, répliqua l’Akyr de Plomb. On a beau être de la même classe, lui et moi, je ne me ferai pas aussi facilement maîtriser par de vulgaires humains !
D’un mouvement si rapide qu’il parut presque indiscernable à l’œil nu, il fondit sur Venamia, sa main en avant, dans l’intention très claire de la transpercer. Il agit si vite que ni Lucian ni D-Zoroark ne purent intervenir. Mais Venamia était une autre paire de manche. Son œil rouge qui voyait l’avenir immédiat ne pouvait pas laisser passer ça. Comme si elle s’attendait parfaitement à l’attaque, elle la bloqua d’un geste aussi précis que millimétré avec l’éclair d’Ecleus, qu’elle avait fait surgir de derrière elle à l’aide de son gantelet magnétique. Pour la première fois depuis qu’il l’avait rencontré, Lucian vit que l’Akyr était pris de court.
- Ecleus… murmura-t-il. Le Dieu Guerrier de la Foudre. Il appartient au Seigneur Memnark ! Comment est-il parvenu jusqu’à toi, humaine ?!
Venamia repoussa l’Akyr avec une décharge.
- Votre Grand Forgeron a peut-être créé Ecleus, mais il ne lui appartient plus désormais, fit-elle tranquillement. Il est à moi, et n’obéit qu’à moi. Je l’ai dominé dans les règles.
- Mensonge ! Aucun humain ne pourrait user d’un Dieu Guerrier sans l’autorisation du Grand Forgeron !
- Ah ouais ? Allez dire ça à Erend Igeus et à Triseïdon.
La gestuelle du robot indiquait qu’il n’avait aucune idée de qui était Igeus. D-Zoroark tenta de calmer le jeu.
- Allons. Discutons calmement, voulez-vous ? Je suis sûr que nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres. Akyr de Plomb ; Lady Venamia est en guerre contre un humain nommé Erend Igeus, qui contrôle la région d’où vous venez. Le Mélénis qui a vaincu votre ami Akyr était sous ses ordres. Igeus possède Triseïdon, le Dieu Guerrier des Eaux, et c’est également lui qui a vaincu Castel Haldar, celui qui possédait Hafodes il y a sept ans. Selon ce qu’on sait, ce Castel Haldar avait passé un marché avec votre Grand Forgeron. En échange d’Hafodes et de la maîtrise du Vifacier, il s’était engagé à purifier ce monde et à le remettre à votre maître.
Venamia fronça les sourcils à cet exposé.
- Je n’ai jamais été informé de telles suppositions. D’où vous savez cela ?
D-Zoroark s’autorisa un sourire faussement modeste.
- Les informations des Pokemon Méchas s’étendent très loin, Dirigeante Suprême. Le fait est que Castel a été défait et a disparu, Hafodes avec lui. Il a échoué à satisfaire le Grand Forgeron. Peut-être que vous, Lady Venamia, vous pourrez le remplacer. Une collaboration avec Memnark vous serait extrêmement profitable.
- Profitable ? Répéta Venamia. Ce Grand Forgeron veut dominer le monde et transformer tous les humains en ces horreurs mécaniques ! En quoi cela me serait-il profitable ?!
- Il pourrait concéder à quelques compensations. Du genre, ne pas toucher à la région Johkan et vous la laisser.
L’Akyr de Plomb, en dépit de son animosité apparente pour Venamia, médita les paroles de D-Zoroark.
- Je vois. J’ignorais tout cela, sur ce Castel Haldar et sur les autres Dieux Guerriers. Nous sommes restés trop longtemps endormis sur Atlantis, sans savoir ce qu’il se tramait. Quand il arrivera, le Grand Forgeron pourra nous confirmer tout cela. Si c’est vrai, je lui parlerai de cette humaine qui possède Ecleus. Si elle désire nous servir, effectivement, le Grand Forgeron pourrait faire preuve de générosité.
De toute évidence, Venamia n’aimait pas ce terme de « servir », car dans son ordre d’idée, c’étaient les autres qui devaient la servir. Elle s’apprêtait à répliquer vertement quand D-Zoroark l’interrompit prudemment.
- Peut-être pourrions nous trouver un arrangement sur le court terme. Vos ennemis, Akyr, ce sont Igeus et sa bande. Ce sont aussi ceux de Lady Venamia. Il serait juste souhaitable que nous ne nous dérangions pas entre nous le temps que nous les exterminions. Cela pourrait par la suite découler sur de bonnes relations avec le Grand Forgeron. Par exemple, ce Solerios que vous cherchez, nous pourrions vous aider à le trouver.
L’Akyr de Plomb acquiesça.
- Cela ferait effectivement plaisir au Grand Forgeron. Trouvez le Solerios des Plantes, et mon maître pourrait récompenser votre Lady Venamia en débloquant pour elle le mode Revêtarme d’Ecleus. Mais sachez une chose…
Il regarda fermement Lady Venamia de ses yeux jaunes.
- Le Grand Forgeron va reconquérir ce monde dès qu’il reviendra, et ce grâce à l’aide de personne. Il a sous ses ordres une armée entière d’Akyr et une science aux capacités infinies. Ce sont là les faits. Il n’appartient qu’à vous de lui faire allégeance le moment venu, ou vous serez traités comme tous les autres êtres humains : comme du bétail !
Venamia soutint son regard. Elle décida qu’elle n’aimait pas ces Akyr, et qu’elle aimerait encore moins ce Grand Forgeron. Mais pour vaincre Erend et acquérir plus de pouvoirs, elle était prête à traiter avec eux… du moins pour le moment.