Chapitre 43 : Le siège de Jartobylon ( 3ème partie )
Astrun
J’étais le chef d’une insurrection, mais je n’étais pas un guerrier. Je ne l’ai jamais été, et je ne le serai jamais. Un guerrier, c’était quelqu’un qui avait fait du combat un métier, quelqu’un qui pouvait se battre par lui-même. Ce n’était pas mon cas. J’étais un penseur, un érudit, peut-être même un stratège, mais je ne savais pas me battre. Enfin, je savais bien sûr tenir un bâton Desgen et le planter dans le corps d’un ennemi, mais je ne saurai jamais m’en servir comme l’avait fait Braev Chen, ou comme le faisait Ludmila. Eux étaient même capables de tuer un Pokemon à main nue. Moi je n’étais pas même certain de gagner même si mon adversaire était un Chenipan.
J’étais plutôt faible physiquement, mais c’était surtout que je n’aimais pas me battre, et encore moins tuer. Mais j’étais aussi le chef des Paxen, et actuellement, une armée impériale était en train de prendre d’assaut ma base et de tuer mes hommes. Alors, je mettais de coté mon dégoût et ma faiblesse, et je me battais. Parce que c’était mon devoir. Parce que je l’avais choisi. Et parce que je savais fort bien qu’on ne gagnerait pas cette guerre qu’avec des mots et de la propagande.
- Unité ennemie à trois heures. Ils arrivent sur nous ! Criai-je à mon partenaire Cernerable qui me transportait sur son dos.
Grâce à son talent spécial Intimidation Aggravée, qui effrayait tous les Pokemon qui avaient le malheur de regarder dans sa direction, Cernerable était un joker inestimable pour nous. Parce qu’il était l’un des Fondateurs des Paxen, et du fait de sa célébrité notoire, il attirait vite l’attention des impériaux, qui étaient alors paralysés malgré eux de terreur et se faisaient ensuite déborder par nos forces. Mais au bout d’un moment, les impériaux allaient réagir. Ils n’étaient pas totalement stupide. C’est pour cela que ce groupe d’une dizaine de Pokemon qui fonçaient sur lui sans paraître inquiétés était bizarre. J’analysai vite le groupe en question. Il était composé d’un Kadabra, d’un Tygnon, de deux Oniglali, d’un Karaclée, de deux Scalproie et de trois Girafarig. Pas de point commun visible sur le moment, mais comme je l’ai dit, j’étais un érudit, pas un guerrier. Et en tant qu’érudit, j’en savais beaucoup sur les Pokemon. Donc, je vis très vite le danger que représentait ce groupe hétéroclite pour nous. Je le dis à Cernerable.
- Prenez garde ! Ce sont tous des Pokemon qui peuvent posséder le talent Attention ! Ils ne seront probablement pas apeurés par Intimidation Aggravée !
- Je ne fais pas seulement peur, je rends aussi dingue. Tu me le dis assez souvent d’ailleurs.
En réponse à sa propre blague, Cernerable sauta au dessus de nos assaillants, et plusieurs boules lumineuses sortirent de ses larges cornes pour aller entourer le groupe d’impériaux. Cernerable était le seul Pokemon ici capable de lancer une attaque Onde Folie de cette ampleur, qui pouvait toucher plusieurs ennemis à la fois. Très vite, les Pokemon impériaux se mirent à tituber, à viser n’importe quoi et à se blesser entre eux. C’était là tout le talent du Sixième Fondateur : ce n’était pas de la force pure, mais une capacité inégalé à troubler ses adversaires par des changements de statut.
Ceci dit, Cernerable n’était pas non plus incapable d’aller au contact. Ses attaques Psykoud’Boul, Ecrasement ou Pied Sauté faisaient du dégât. Il suffisait que nous nous montrions à un endroit pour que très vite les Paxen prennent l’avantage. Nos hommes nous acclamaient et, une fois les ennemis paralysés par la présence de Cernerable, ils se relançaient dans la bataille avec une ferveur renouvelée. Le problème, c’est qu’on ne pouvait pas être partout à la fois. L’armée impériale semblait sans fin, et les coins où elle menaçait de déborder s’accumulaient.
- Les nôtres doivent commencer à souffrir aux pattes de Jartobylon, dis-je à Cernerable. C’est à ces quatre points que l’assaut doit se faire le plus important. On devrait y aller.
- J’escomptais plutôt attaquer à la source, répondit mon partenaire Pokemon.
- La source ?
Cernerable désigna d’un coup de tête tous les arbres qui se trouvaient devant Jartobylon et d’où des centaines de Pokemon Impériaux arrivaient.
- Ils doivent avoir un poste avancé là-bas, d’où ils débarquent leurs troupes. Ils n’iront pas imaginer que nous pourrions aller les attaquer alors que nous sommes débordés en défense.
- Et c’est le cas, ripostai-je. Et d’ailleurs, vous êtes à ce point sûr de vous pour aller tout seul attaquer les impériaux sur leur zone ?
- Juste un passage éclair pour en rendre le plus possible confus et apeurés. À ce rythme, nous ne tiendront pas, Astrun. Il nous faut les ralentir.
Je n’avais rien à redire à ça, mais foncer dans le camps impérial où des milliers de Pokemon devaient se trouver me paraissait une mauvaise idée. Cernerable avait beau avoir l’Intimidation Aggravé et être capable de lancer des Onde Folie à la chaîne, il y avait des limites mathématiques que…
- Ne commence pas à raisonner en terme de statistique, me prévint Cernerable. Si ce n’était qu’une question de chiffre, l’Empire aurait dû écraser la rébellion Paxen dès sa création.
Je soupirai. J’avais beau faire équipe avec lui depuis trois ans maintenant, je ne m’étais pas encore fait à son agaçante capacité à lire dans l’esprit des humains. Cernerable sauta sur un Grotadmorv qui s’en prenait à un Paxen et son partenaire, et je l’achevai d’un coup de bâton Desgen. Cernerable se lança ensuite vers le nord à toute vitesse, et je dus m’accrocher à ses ramures pour ne pas tomber. Le Sixième Fondateur avait beau être vieux, les Pokemon qui auraient pu le dépasser à la course ne devaient pas être bien nombreux.
Nous remontions la file de Pokemon impériaux qui se lançaient à l’assaut de Jartobylon. Cernerable en effraya la grande majorité avec son pouvoir, tandis qu’il chargeait aussi ceux dont la taille et le poids lui permettait de les envoyer valser. Moi, je frappais au hasard et à l’aveuglette d’une seule main, tandis que je me tenais désespérément à Cernerable de l’autre. Ah ça non, je n’étais pas fait pour les batailles. Ou alors, seulement devant une carte, à élaborer des stratégies. J’aurai bien aimé rester dans la salle de contrôle avec Anthroxin, mais les soldats avaient besoin de savoir et de voir leurs leaders à leurs cotés. C’était une chose qu’avait toujours fait Braev Chen. Bien que chef, dans une bataille, il était toujours le premier arrivé et le dernier parti.
Soudain, nous entendîmes un bruit sourd venant de dernière nous. En dépit des arbres, des flammes et de la bataille, je vis clairement que l’un des skippers ennemis s’était écrasé sur le bouclier de la cité. Le skipper avait explosé, mais notre bouclier avait du prendre cher. Le vaisseau s’était-il crashé par notre faute, ou bien s’était-il délibérément immolé pour nous attaquer ? Quoi qu’il en soit, ça laissa notre bouclier fait d’attaques Protection et Mur Lumière endommagé, alors que les tirs des skippers sur notre base se poursuivait.
- On repart en arrière ! Criai-je à Cernerable. Priorité à la défense de la cité !
- Je ne pourrai pas me mouvoir à l’intérieur comme je le fais ici, me prévint Cernerable. Et si Tranchodon compte nous envoyer d’autre vaisseaux à la figure, autant te prévenir : Intimidation Aggravée ne fonctionne pas sur les skippers.
- Je doute qu’ils veulent détruire la cité en jouant les kamikazes, dis-je. Elle contient des secrets dont-ils veulent s’emparer. Leur but est sans doute de créer une brèche dans les boucliers pour l’envahir.
- Nos hommes et Pokemon à l’intérieur pourront mieux se défendre qu’ici, et contre bien moins d’ennemis, argumenta mon partenaire. Il faut leur faire confiance, Astrun. Nous sommes indispensables à la bataille ici.
Cernerable avait raison, bien sûr. Protéger l’intérieur de la base était important, mais c’était au dehors qu’on avait le plus à faire. Cette envie soudaine de rentrer n’avait rien à voir avec une possible lâcheté de ma part. Je me rendis compte que c’était juste parce que j’étais inquiet. Ludmila était à l’intérieur.
- À elle aussi, tu dois lui faire confiance, continua Cernerable en lisant mes pensées. Cette fille est trop têtue pour mourir, et même Giratina n'aurait pas la patience de la supporter.
***
Ludmila
Anthroxin avait eu raison. Encore une fois. Comme il s’en était douté, le premier endroit de la base que les impériaux avaient tenté de prendre d’assaut était le laboratoire, où l’on construisait et entreposait nos bâtons Desgen. Les impériaux avaient envoyé plusieurs Pokemon capables de s’infiltrer entre les murs sans tout détruire devant eux ; principalement des Pokemon Spectre, et plus particulièrement ceux de la famille de Fantominus, qui en plus d’être Spectre étaient Poison, et pouvait donc sentir le gène Desgen qui anéantissait l’ADN Pokemon.
Face aux Pokemon Spectre, les bâtons Desgen étaient inefficaces, car ces Pokemon n’avaient pas de corps solide. Mais ce n’était pas un problème. Les sept Pokemon qui composaient l’Escouade Zéro - dont Penombrice - se chargèrent d’eux sans que nous autres, leurs partenaires humains, n’eûmes à faire quoi que ce soit. Car si les humains de mon Escouade Zéro étaient surentraînés au combat, il en était de même des Pokemon. Tous les Pokemon impériaux furent éliminés avant qu’ils n’aient pu causer le moindre souci au laboratoire. Sachant que d’autres allaient sûrement venir, la logique aurait été que je monte la garde ici avec mon escouade, comme Anthroxin l’aurait voulu, mais monter la garde alors qu’on était en pleine bataille, ça ne me chauffait pas. Je me tournai vers l’un de mes hommes, Theodore Vugos, qui fut autrefois un homme de confiance de mon père.
- Je te laisse ici, Theodore. Zoroark et toi, vous saurez bien défendre ce coin à vous tout seul non ?
Theodore, du haut de ses cinquante ans, était celui qui avait le plus d’expérience dans l’Escouade Zéro, et il avait l’avantage d’avoir pour partenaire un Zoroark, un Pokemon très pratique expert dans les illusions, qui était aussi de type Ténèbres, donc parfait pour venir à bout d’éventuels Spectre.
- À vos ordres, commandante.
Pas d’explication, pas d’excuse, pas de doute. Je parlais, et tous ceux de l’Escouade Zéro obéissaient. Ils se fichaient pas mal que j’aille à l’encontre des ordres d’Anthroxin, car ils ne prenaient mes ordres que de moi. Si jamais je leur ordonnai d’aller tuer Astrun, Cernerable et tous les leaders Paxen sur le champs pour que je prenne leur place, ils le feraient aussi sans doute sans discuter. C’était un pouvoir que moi seul avait parmi les Paxen, à cause de mon nom, et c’était donc l’objet de crainte pour certains. Certaines voix s’étaient faites entendre pour réclamer que l’Escouade Zéro n’obéisse plus exclusivement à l’héritier Chen, mais aussi aux dirigeants Paxen. Ils avaient peur que j’utilise l’Escouade pour mes propres intérêts, en contradiction avec ceux de nos dirigeants. Pauvres idiots… Ils pouvaient penser ce qu’ils voulaient de moi, mais moi aussi, je me battais pour la liberté !
- Les autres, avec moi, dis-je à mon escouade. On va effectuer une sortie. Formation serrée autour de moi. Je veux une couverture de tous les cotés. Penombrice, tu deviens mon ombre, et…
Je m’arrêtai quand j’entendis - et je ressentis - une violent choc qui parcourut tous les murs et le sol de la base, et manqua de me faire perdre l’équilibre.
- Nom de… Ils ont réussi à percer notre bouclier ? Déjà ?!
- Je ne pense pas, commandante, me répondit Sucreine, la partenaire Pokemon de mon amie et subordonnée Astrid. Ce choc n’est pas celui d’un tir ou d’une attaque, et j’ai perçu la résonance contre nos protections tout autour de la base.
- Quoi que ce soit, ça venait de plus bas, et de l’autre coté de la base, dit Theodore.
C’est à ce moment que les alarmes retentirent et que la voix d’un de nos techniciens de contrôle annonça :
- Alerte, il y a une brèche dans nos défenses ! Un skipper impérial s’est écrasé dans le secteur D du second niveau ! Alerte, il y a…
- Changement de plan, dis-je alors. On ne sort plus. Direction la brèche. Et Theodore, tu viens. Inutile de protéger cet endroit maintenant si les impériaux nous assiègent.
Nous nous mîmes à courir, passant au travers d’un flux continu de civils effrayés qui fuyaient dans l’autre sens. Et plus nous nous approchions du lieu de l’impact, plus nous croisons d’ennemis qui s’adonnaient à tout saccager. Ces lâches d’impériaux s’en prenaient plus aux Paxen désarmés qu’aux soldats, et ça ça me dégoutait. Si un jour les Paxen parvenaient à prendre d’assaut la capitale impérial Axendria, je pouvais assurer qu’entrer dans les maisons pour assassiner des Pokemon civils serait la dernière chose que je ferai, et malgré tout le mépris que j’avais pour les habitants d’Axendria. Un Donphan impérial était en train de charger une pauvre vieille femme qui s’enfuyait désespérément. Penombrice s’avança, près à le geler sur place, mais je n’attendis pas. Je me mis sur son chemin, et l’arrêta d’un coup en lui enfonçant mon Chendesgen juste en dessous de sa trompe. J’étais satisfaite. Arrêter un Donphan en pleine course m’aurait été impossible avec un bâton Desgen classique. Ce Chendesgen était redoutable.
- Commandante ! S’écria l’un des gars de mon escouade. Veuillez ne pas prendre de risque inutile je vous prie !
- La ferme, Banjuki. Le vrai risque aurait été que je ne sache pas de quoi mon arme était capable.
J’examinai la situation tout autour de moi. Les impériaux avaient déjà investi une bonne partie de ce niveau et le grand jardin au centre était en feu.
- Dispersez-vous et éliminez les ennemis, ordonnai-je. Astrid, Sucreine, Erniol et Gallame, avec moi.
Je pris la tête en direction de la brèche, et décapita d’un coup de mon Chendesgen l’abruti de Tauros impérial qui regardait ailleurs. Il y avait d’autre impériaux plus loin, occupés à démolir un pan du mur d’enceinte du second niveau. Tous des gros Pokemon, costauds, capables de couper un humain en deux ou d’en faire de la purée. Peu m’importait. Les Pokemon costauds mourraient de la même façon que des petits face à un bâton Desgen. Je m’élançai sans vérifier que les autres me suivaient. Ça faisait longtemps que je n’avais pas participé à une bataille grandeur nature. J’en étais comme enivrée.
La dernière à laquelle j’avais pris part, c’était le siège de Dafenbul, dans le nord. Un vrai enfer. J’avais dû rester planquée deux foutus jours dans un fourré, à pisser sur place par peur d’être découverte si je bougeais. J’avais rampé de quelque centimètres chaque heures, parfois tombant sur des parties du corps de mes camarades morts. Là, je pouvais bouger, je pouvais tuer ; une partie de plaisir comparé à Dafenbul, même si dans le cas présent, l’échec signifiait la fin des Paxen.
Ce n’est pas que j’aimais tellement la guerre , c’est que j’étais faite pour ça. Me battre, me battre et me battre. Je ne savais rien faire d’autre. Aussi je me demandais parfois qu’est-ce que je ferai si, un jour, les Paxen triomphaient et que la paix revenait ? Enfin, c’était une question très hypothétique. Je doute de voir la fin de l’Empire de mon vivant. Et même si par miracle ça arrivait dans quelque années, j’avais quand même toutes les chances de mourir. J’aurai dû périr face à Xanthos. Arceus n’allait pas me sauver deux fois de la mort, surtout quand je faisais tout pour la rencontrer rapidement.
À l’endroit de la brèche de notre bouclier, déjà plusieurs groupes de Paxen se battaient pour contenir les Pokemon qui cherchait à entrer. Et parmi eux, il y avait Tannis. Je lançai un juron coloré. Ce crétin n’était pas censé se battre. Si jamais il crevait, tout notre voyage avec Sol aura été fait en vain. J’avançai vers lui, prête à lui servir un savon dont il se rappellerait longtemps, quand je remarquai avec qui il était. Un Pandarbare qui se battait à ses cotés. Et comme il n’y avait aucun Pandarbare parmi les Paxen, je savais très bien d’où il sortait. Tannis me remarqua, et son visage s’illumina.
- Ludmila ! Tu vas bien ? J’en suis ravi ! Justement, on aurait besoin d’un peu d’aide…
- Pauvre abruti ! Qu’est-ce que tu fous là, et avec cet impérial en plus ?!
- En fait je…
- C’est toi qui l’a sorti de prison ?!
- Eh bien je…
Je n’écoutai déjà plus les excuses que balbutia Tannis. L’heure n’était pas aux engueulades. Pandarbare était clairement en train de se battre contre les impériaux. Ça aurait pu être une tactique tordu pour gagner notre confiance et nous trahir ensuite, mais j’y croyais pas trop. Ce Pandarbare m’avait l’air d’être le parfait pétri d’honneur et d’arrogance qui ne mentait jamais. Tant qu’il pouvait servir, je me retiendrai donc de le tuer.
- Attention ! Nous hurla Penombrice.
Je me retournai juste à temps pour voir une attaque Ultralaser nous foncer dessus. N’ayant pas le temps d’esquiver, j’appuyai sur le bouton de mon Chendesgen pour activer le petit bouclier personnel qu’Anthroxin avait fait installer dessus, en priant pour qu’il soit si efficace qu’il le disait. Le choc manqua de me faire défaillir, mais la barrière tint bon. Je n’eus pas le temps de voir qui avait tiré. Plusieurs impériaux passaient déjà par la brèche, et, avec mon partenaire et mes quatre garde du corps de l’Escouade Zéro, j’allais à leur rencontre. Quand un camarade Paxen tombait à coté de moi, je me baissais pour ramasser son propre bâton. Bouger, éviter les attaques, porter un coup, planter, découper… Ces actions étaient inscrites dans mon corps sans même que mon cerveau n’ai à intervenir.
Tannis n’avait pas de bâton Desgen, et se servait de l’imposant Pandarbare comme d’un bouclier. Il intervenait de temps à autres pour porter des coups au corps à corps afin de perturber l’adversaire le temps que Pandarbare s’en charge. Lui aussi se battait exclusivement au corps à corps, et le bougre avait une force prodigieuse. Il était capable d’envoyer voler des Pokemon pourtant bien plus lourd que lui. Soudain, comme mus par un ordre mental commun, les Pokemon impériaux s’arrêtèrent de se battre, alors même qu’ils avaient l’avantage et commençaient à nous acculer. Ils se mirent tous au garde à vous, en rangées, pour accueillir un autre Pokemon. Mes poings se serrèrent d’eux-mêmes quand je reconnus la silhouette sombre aux yeux rouges et au sourire mauvais du colonel Tranchodon.
- Eh bien, quelle rencontre appropriée ! Ludmila Chen en personne pour m’accueillir.
Je me retins à grand peine de lui sauter dessus avec mon Chendesgen. Ce type n’était pas comme les autres Pokemon Impériaux. Je l’avais déjà affronté autrefois, et j’avais eu beaucoup de chance de m’en tirer qu’avec une douloureuse cicatrice. Ce Pokemon, il était sacrément balèze et dangereux. C’était un artiste de la guerre et du combat. Quand bien même je le haïssais, je respectais sa force.
- Je ne pensais pas que tu viendrais en personne en première ligne, dis-je en reculant et en me mettant sur mes gardes.
- Allons donc, je ne suis pas du genre à rester en arrière à regarder une bataille sans y prendre part. Ta présence ici m’indique que toi non plus.
Je ne pouvais qu’être d’accord.
- J’ai dû écraser mon skipper contre votre bouclier pour être là, continua le colonel chromatique. Ce fut assez douloureux, mais je suis ravi de pouvoir te faire face en premier ! Me proposeras-tu un combat digne de celui qu’a mené Solaris ? Elle est morte en brave.
De rage, j’enfonçai mes ongles dans les paumes de mes mains.
- Ordure ! Je t’interdit de prononcer son nom !
- Pourquoi m’en priverai-je ? Ce fut un beau combat. Tout comme fut celui contre Cresselia de la Vallée des Brumes avant. Tu as peut-être vu ce que j’ai fais à ce village pour vous avoir hébergé, toi et tes amis ?
Tranchodon parut s’amuser de la haine sur mon visage.
- Oh que oui, tu l’as vu… Il y avait un petit Pokemon aussi. Il t’a nommé, et avait aussi ton médaillon des Chen. C’était quoi déjà ? Ah oui, je me souviens. Un Flabébé. Il a bien défendu la cause Paxen, jusqu’à ce que je l’écrabouille entre mes mains. Le petit bruit pathétique qu’il a fait quand je l’ai écrasé… J’y ressonge encore, c’était si beau…
En hurlant de toutes mes forces, j’oubliai toute prudence et me lançai contre le colonel. Tranchodon tint ses griffes prêtes, mais alors Penombrice couvrit alors mon avancée en tirant un Laser-Glace sur le Pokemon Dragon.
- Inutile ! Cria celui-ci.
Il contra l’attaque glace avec sa propre attaque Dracochoc, et d’une main, bloqua mon Chendesgen avec ses Dracogriffes. Je pus esquiver son autre main quand il tenta de me trancher en deux, mais je ne fus pas assez rapide pour éviter sa queue qui m’envoya en arrière m’écraser contre le mur. Mes membres de l’Escouade Zéro se mirent devant moi pour me protéger, et alors Pandarbare intervint :
- Colonel ! Veuillez faire cesser ce bain de sang, je vous prie !
Tranchodon fut assez surpris par la présence de son ancien subordonné pour qu’il se désintéresse momentanément de mon sort.
- Commandant Pandarbare ? Vous ici ! De quelle trahison s’agit-il là ?!
- S’il y a trahison, elle vient de vous, mon colonel ! Vous avez trahi la volonté du Seigneur Xanthos, de même que Sa Majesté l’Empereur. C’est elle qui a fait en sorte que le Seigneur Xanthos tombe face aux Paxen. Ils me l’ont dit !
- Et quand bien même ? Comment osez-vous juger les actes de Sa Majesté ? Xanthos était un humain ! Si Sa Majesté a jugé qu’il devait mourir, de quel droit oserions-nous nous y opposer ?
- Le Seigneur Xanthos fut celui qui nous accorda intelligence et vitalité, riposta Pandarbare. Il était un humain oui, mais il nous a choisi nous, la race des Pokemon ! Et pour le remercier, l’Empereur profitait des Paxen pour se débarrasser de lui et gouverner seul ? Est-ce là l’honneur de l’Empire Pokemonis ? Tout comme vous avez anéanti ce village d’innocents et de civils juste pour l’exemple ? Si tel est le cas, alors je me suis fourvoyé depuis le début. Je ne soutiens pas l’anarchie que préconisent les Paxen, mais plus jamais je ne servirai l’Empire !
Tranchodon examina Pandarbare un moment puis soupira.
- Quel dommage, commandant… Vous étiez un officier valable. Mais Sa Majesté n’a nul besoin de Pokemon qui remettent ses décisions en cause. Vous serez enterré ici à tout jamais avec ces traîtres de Paxen, et promis à l’oubli éternel.
Tranchodon activa une nouvelle fois ses Dracogriffes, à chaque main, et ses yeux rouges nous promettaient à tous une mort douloureuse. Ignorant mon mal de chien au dos, je me relevai et empoignai fermement mon Chendesgen. Les probabilités face à Tranchodon étaient contre nous, mais je m’en fichais. Ce combat avait été décidé dès le début. Il était inévitable. Il fallait qu’au terme de cette journée, l’un de nous - que ce soit Tranchodon ou moi - meure. C’est ce qu’on appelait le destin. En temps normal, j’y croyais pas trop, mais cette fois ci ça m’allait. Car je savais que si ce pourri restait en vie, la bataille pour les Paxen était perdue. Ce fut donc en songeant à Cresselia, à Flabébé et à tous ceux du Village des Brumes, à Dame Solaris et même aux parents de Cielali que je fis face au plus terrible des officiers de l’Empire.