012 : Science sans conscience n'est que ruine de l'âme
"La science est un danger public. Elle est aussi dangereuse qu'elle a été bienfaisante."
- Aldous Huxley
- Je croyais t'avoir dit que je ne voulais plus avoir affaire à toi, soupira Estelle Grey.
Elle vida sa tasse de thé et la reposa sur la table basse en verre, avant de faire face au colonel Waltz, tranquillement installé sur un fauteuil de l'autre côté du meuble. Il se contentait d'afficher un sourire niais, comme pour déstabiliser sa supérieure, qui ne se laisserait pas démonter pour autant. Avec les années, elle avait appris à supporter ce type et à comprendre comment il fonctionnait. Du moins, en partie ; il était bien trop difficile à cerner.
L'homme brun termina à son tour sa boisson, sans quitter la femme aux longs cheveux gris du regard. Elle commençait à le trouver rudement agaçant, celui-là. Il avait toujours eu tendance à mener la danse dans toutes les situations, et elle avait l'impression que même avec elle, il avait toujours une longueur d'avance, et ce même si elle le connaissait mieux que quiconque. Estelle haïssait cette impression.
- Certes. Mais je te rappelle qu'en tant que second chef ici, je fais ce que bon me semble. L'aurais-tu oublié ? souffla-t-il en coupant une part du gâteau posé dans une assiette.
La générale se crispa un moment, serrant les dents et les poings, puis se détendit de nouveau. Le couteau qui gisait à côté du gateau lui donnait des idées sordides, et ce n'étaient pas les envies de meurtres qui lui manquaient. Elle était chez elle, sur son nouveau territoire, et elle avait clairement l'avantage. Il suffisait qu'elle appelle les gardes qui patientaient juste derrière la porte de son bureau pour que cet imbécile de colonel finisse la tête sur un pieu dans la cour du quartier général. Cependant, elle se résolut à rester civilisée pour le moment. Un accident, ça arrive vite.
- Soit. Reste ici tant que tu veux, mais n'interfère pas dans mes plans. Je suppose que tu sais pourquoi les dirigeants m'ont envoyé ici, en remplacement du général Ferris ?
L'officier aux yeux verts fit mine de réfléchir, les yeux levés vers le plafond et sa main soutenant son menton. Estelle ne supportait pas de le voir se moquer d'elle ouvertement de la sorte, et dut se faire violence pour ne pas se lever et fracasser le crâne de ce connard contre le sol blanc carrelé. Non, ça laisserait trop de traces de sang, et puis ce genre de liquide était compliqué à nettoyer, surtout lorsqu'il s'incrustait entre les carreaux. Il en restait toujours une infime quantité qui pouvait à tout moment vous rappeler ce qu'il s'était passé à cet endroit précis. Or, ce n'était pas le genre de choses dont on aimait se souvenir.
- Oh, tu sais, moi, j'ai toujours cru que Roddy Finkton avait un faible pour toi. Cela se comprend, tu n'es pas désagréable à regarder. Si l'on fait abstraction de ton caractère martial, tu es même très jolie.
- Epargne-moi tes bêtises. Tu sais pourquoi je suis là.
Le regard du colonel s'assombrit un instant, comme s'il redoutait d'entendre ce qu'elle allait dire. Oh, il le savait, bien sûr. C'est juste qu'il n'aimait pas beaucoup se faire remonter les bretelles par ses supérieurs - ce qui arrivait rarement, puisque certains d'entre eux le craignaient. Il attendit que la belle femme aux cheveux d'argent et au regard froid comme la glace daigne lui mettre les yeux en face des trous.
- Tu n'as pas beaucoup œuvré à l'éradication des rebelles, alors que ça fait un moment qu'ils nous emmerdent. Je crois que cette situation d'après-guerre t'amuse beaucoup. Est-ce que je me trompe ?
- Non, répondit-il presque immédiatement. Non, tu as raison. Ce petit jeu de guerre me divertit. Comprends-moi, j'ai toujours été un fervent admirateur de la bêtise humaine.
- Et des meurtres sanguinaires, dois-je te le rappeler ?
Le colonel haussa les épaules, indifférent à tout ceci. Oui, il avait un goût prononcé pour la violence, mais voilà longtemps qu'il n'avait pas lui-même perpétré un meurtre. D'un côté, le frisson qu'il ressentait à ce moment-là lui manquait un peu, mais il se plaisait bien plus à regarder les autres commettre des crimes pour lui.
- J'ai commis un meurtre pour te sauver la vie, il y a quelques années. 1957, cela te rappelle des souvenirs ?
Estelle se raidit sur son fauteil. Elle s'en souvenait, oh que oui. A l'époque, il y avait eu une sorte de guerre civile entre le Nord et le Sud d'Unys. Alors que le Nord prônait la technologie, le Sud voulait éradiquer les armes et les barbaries de la guerre, quitte à les utiliser pour arriver à ses fins. Naturellement, ce fut le Nord qui l'emporta. Bon nombre de Pokémon et d'Hommes périrent. Ce fut peut-être même plus violent que le conflit entre Unys et Hoenn. Lors de cette guerre civile, Estelle était au front avec le colonel Waltz. Alors qu'elle était sur le point de se faire tuer par le Minotaupe d'un Sudiste, il l'avait sauvée en tuant le Pokémon de sang-froid. Elle détestait admettre qu'elle lui était redevable, et préférait oublier cet épisode de sa vie ; mais elle n'y parvenait jamais vraiment.
- Bien sûr que je m'en souviens. Notre région a connu énormément de troubles par le passé, tout comme Sinnoh et la guerre des ligués, tout comme Hoenn lors de la guerre contre nous... mais le fait que tu m'aies sauvé la vie il y a cinq ans ne change pas le fait que tu sois un lâche aujourd'hui.
- Certes... certes, soupira le brun, à court d'arguments pour cette fois.
Ils restèrent un moment silencieux. Un moment qui leur parut à tous deux durer une éternité, tant ce silence était oppressant. Ils se sentaient comme compressés par le vide autour d'eux, mais aucun ne voulait y mettre un terme le premier. Ce serait comme avouer sa faiblesse sur le champ de bataille. Finalement, ce fut le général Grey qui céda, lasse de ce petit jeu de pouvoir entre eux.
- Je ne sais pas si tu en as été informé, mais une réception se tiendra ici, le 16. Puisque tu es là, autant que tu restes pour y participer...
Il haussa les épaules, surpris qu'elle lui propose une telle chose, puis afficha un sourire poli.
- Hmm... je vais y réfléchir. Qui sera présent ?
Elle fit un geste de la main comme pour balayer la question, mais y répondit néanmoins.
- Oh, pas grand monde. Sullivan Finkton et sa fiancée, me semble-t-il, et peut-être quelques officiers importants. Je ne sais pas vraiment, je n'organise rien.
L'homme hocha la tête, quelque peu nerveux. Il hésitait à la mettre au courant quant à ses soupçons au sujet de ce Sullivan Finkton. Il ne le connaissait pas bien, mais ce n'était pas une raison pour émettre de fausses accusations à son encontre. Il attendrait de rassembler des preuves solides pour oser l'inculper. Mieux valait jouer de prudence dans ce monde de fous.
*
* *
Le paysage était d'une telle beauté que le major Warden céda à la proposition de Raine, qui voulait visiter la ville. Bâtie à même la montagne, le sol était fait d'une roche blanche intrigante. La cité était divisée en quartiers, un peu comme à Mérouville. Le quartier Nord regroupait les citoyens les plus riches, alors que le quartier Sud semblait plus tenir du bidonville. Les quartiers Est et Ouest étaient quant à eux tout à fait respectables et abritaient les classes moyennes de la population.
Il n'était pas rare qu'en ville, des enfants fassent de mauvaises blagues aux étrangers en les poussant dans l'eau peu profonde du bord. Cela en amusait certains, d'autres étaient bien moins réceptifs à ce genre de farce. Warden savait que ça arrivait souvent dans le coin, et il espérait éviter de connaître ce sort.
Les deux collègues et amis n'avaient pas échangé une parole depuis qu'ils avaient quitté l'immense quartier général, trop occupés à admirer la nature exotique d'Atalanopolis. Cette ville avait quelque chose de magique qu'ils ne parvenaient pas à pointer du doigt.
Raine était, depuis son arrivée, étrangement sereine, comme si tous ses maux avaient mystérieusement disparu. Oh, elle n'allait pas s'en plaindre, bien au contraire. La violence de Mérouville ne lui manquait pas. Alors que là-bas, on voyait des rebelles crier leur allégeance pour ensuite se faire tabasser par la police politique, on n'en croisait aucun dans les rues de cette belle ville. La beauté était partout. La jeune femme songeait de plus en plus à abandonner son poste à Mérouville pour être mutée ici. Ce cadre était tellement agréable qu'il avait des effets très positifs sur elle, et elle aurait du mal à le quitter.
Quant à Warden, bien qu'il avait l'air d'apprécier la bouffée d'air frais et le paysage exotique d'Atalanopolis, il avait toujours un regard fatigué et un air blasé qui ne le quittait pas. Lui-même ne savait pas trop pourquoi il était dans un tel état, mais ça commençait à le préoccuper. Peut-être bien qu'une bonne nuit de sommeil lui remettrait les idées en place, car il se sentait étonnamment morne ce jour-là, comme si toute sa joie de vivre s'était évaporée en même temps que la rigidité de sa collègue. Décidément, cette ville avait des effets très différents d'une personne à l'autre. Ou peut-être que cela n'avait rien à voir avec la cité aquatique.
*
* *
Il était assis contre le côté de son lit, ses cheveux blonds en bataille et ses yeux gris ternes. Les jambes repliées contre son torse, entourées de ses bras, il ne cessait de fixer le miroir en face de lui. Il se répétait sans cesse qu'il avait l'air pathétique et que jamais il n'aurait d'avenir. Il se trouvait fini. Il n'arrêtait pas de ressasser ses mauvaises actions, et son cœur battait plus lentement que la normale. Tobias se sentait mal, et il ne pouvait rien y faire. Cette sensation désagréable ne le quittait plus, elle l'envahissait, entièrement, prête à engloutir le peu de lucidité qu'il lui restait. Il ne voulait pas ça. Il préférait mourir que de se soumettre à une voix dans sa tête qui prônait la violence, le sang et les larmes. Il n'était pas comme ça. Il ne voulait pas l'être.
- Tu ne peux rien y faire. Je fais partie de toi, lui susurra une voix à l'accent mauvais.
Il sursauta et se frotta vigoureusement les lieux, pour voir apparaître un visage différent dans le miroir. Un visage qui était le sien, mais qui n'était pas tout à fait le sien non plus. Un visage au regard dur, sinistre, au rictus mauvais et sournois, les sourcils froncés. Un visage effrayant, qui semblait vouloir faire déferler la souffrance et la peine sur le monde. Un visage mauvais, dément.
- Non... souffla-t-il d'une voix tremblante. Non... tu n'es pas moi... tu ne l'as jamais été...
L'autre, dans le miroir, se mit à rire aux éclats. D'un rire sinistre, qui faisait vraiment froid dans le dos. Un rire de dément.
- Mais je le serai, cher moi. Je le serai. Dans un futur bien plus proche que ce que tu imagines.
Tobias se leva péniblement, avec l'aide de ses béquilles, et s'approcha du miroir et de son alter ego qui se moquait toujours de lui, un sourire malsain aux lèvres.
- Ferme-la. Ferme-la ! Tu ne sais pas ce que j'endure à cause de toi ! Travis m'a fait voir un putain de psychiatre parce que tu es taré et tu prends le contrôle de mon esprit !
Il hurlait, comme pour se convaincre lui-même de ce qu'il disait. L'autre ne disait rien. Il écoutait, tranquillement, toujours avec cet air méchant et moqueur, ce que disait le bon côté de sa personne. Une fois que le bon eut fini, il secoua la tête, l'air déçu.
- Tu n'es pas aussi amusant que je le pensais... dommage, moi qui pensais que nous pourrions faire alliance pour enfin réussir à renverser les Unovites...
Tobias, en entendant cela, releva les yeux vers L'autre, dont le sourire s'élargit.
- Oh, je vois que l'on est intéressé... alors tu serais prêt à m'écouter pour récupérer ta patrie ?
- Je n'ai... rien dit du tout... explique-moi et j'aviserai... implora le blond, affaibli par les quantités de médicaments qu'il avait pris.
L'autre hocha la tête et lui intima de le regarder dans les yeux. Tobias obtempéra.
- Ce n'est pas ta faute, si tu n'arrives à rien. Non, ce n'est pas toi le problème.
Le pauvre homme acquiesça, complètement dépassé par ce qu'il entendait et ce qu'il voyait. Allait-il faire confiance à une sorte d'hallucination qui lui parlait à travers un miroir ? Evidemment, cela lui semblait totalement absurde, et il voulait simplement que tout ça se termine. Que sa seconde personnalité ferme sa gueule une fois pour toute. Il voulait être libre de penser par lui-même, pour une fois. Mais il choisit de continuer à écouter. Après tout, peut-être qu'une proposition alléchante pointerait le bout de son nez...
- C'est ce crétin de Winston Travis. Il bride tes capacités en t'empêchant d'agir à ta guise. Tu es intelligent. Tu connais des moyens de tuer beaucoup d'Unovites rapidement, mais il ne veut pas t'écouter. Il a trop peur que tu prennes sa place de leader.
Tobias plissa les yeux. Etait-ce la vérité ? Pourtant, il avait toujours vu Winston comme un homme honnête, simplement déterminé à ramener la paix sur Hoenn. Pouvait-il être à ce point attaché au pouvoir ?
- C'est à toi de voir, Tobias. Il est temps pour moi de disparaître ; j'ai moi aussi des choses à planifier de mon côté, et je suis certain que ça te plairait...
Sans qu'il ne puisse rien faire, le reflet dans le miroir redevint celui d'un homme fatigué et pathétique qui peinait à se tenir debout, anéanti par l'effet des médicaments. Il resta ainsi là, longtemps, très longtemps, prostré contre son lit, à se poser des questions sur lui-même.
*
* *
Dans la salle de repos du quartier général d'Atalanopolis, il était seul, recroquevillé dans un canapé, à ressasser les derniers événements. Le docteur Watson se sentait certes mieux qu'avant après avoir dit adieu à Jennifer Greene dans les règles, mais tout ce qu'il s'était passé récemment lui paraissait vraiment surréaliste, comme issu d'un rêve. Peut-être bien qu'il rêvait, d'ailleurs. Cette suite de choses incroyables s'étant enchaînées les unes après les autres, à une vitesse folle, semblait irréelle.
D'abord, il y avait eu cette excursion en compagnie du colonel Waltz, du major Warden et du lieutenant Raine. Ils avaient dû faire sauter un camp et tuer des prisonniers innocents, et pour cela, il s'en voudrait toujours. Puis il y eut le soir du 31 décembre. Une fête normale, à première vue, mais un psychopathe Hoennais les avaient attaqués et avait incendié plusieurs maisons, dont celle de Warden, qu'il hébergeait depuis lors.
Les événements s'étaient enchaînés de plus en plus rapidement. L'inspection de la demeure de Tobias Owen était le moment le plus horrible de sa vie. Jennifer Greene était morte en lui sauvant la vie. Et lui, tout ce qu'il avait pu faire en échange, c'était de prononcer un discours poignant devant sa tombe. Sa tombe ! Elle n'était même plus là pour l'entendre. Et lorsque ce type, dans le cimetière, avait surgi de nulle part en lui annonçant, de but en blanc, qu'il avait tout entendu... il s'était senti comme violé, à ce moment-là.
C'était affreux. Les pires semaines de sa vie. Et pourtant, il avait déjà vécu deux guerres. La première, en 1957. Il débutait tout juste en tant que médecin militaire, et il avait très peur au front. Les Sudistes étaient d'une violence extraordinaire. Ils utilisaient leurs Pokémon contre des humains, au lieu de se battre directement, laissant des plaies presque impossibles à traitre. La seconde fut celle, très connue, qui opposa Unys à Hoenn. Beaucoup d'Unovites laissèrent leur vie dans ce conflit, et lui eut la chance de survivre. A bien y réfléchir, peut-être qu'il aurait préféré y rester.
Il était toujours perdu dans ses funestes pensées lorsqu'il entendit des pas se rapprocher. Il remarqua vite la silhouette féminine du général Grey s'approcher de lui. Elle avait l'air moins rigide que lorsqu'il l'avait vue, le matin même. Son visage était doux et elle affichait même un léger sourire.
- Eh bien, ça ne va pas, docteur ? demanda-t-elle en s'asseyant à ses côtés.
Le blondinet reprit ses esprits.
- Non, non mon général, tout va bien. Merci de vous inquiéter.
Estelle sourit, le trouvant vraiment trop cérémonieux. Certes, elle aimait la discipline, mais là, c'était trop.
- Allons, docteur Watson. Vous pouvez me parler, je ne mords pas.
Le médecin se sentit rougir, touché par la sollicitude de cette femme à la beauté extraordinaire. Elle lui rappelait quelque peu sa mère, bien que la ressemblance physique soit quasiment nulle. Autoritaire, mais bienveillante. Il ne la connaissait pas, et pourtant, il l'appréciait déjà beaucoup.
- Je ne vous oblige en rien, ajouta-t-elle pour le rassurer. Si cela ne vous dérange pas, voulez-vous bien prévenir le professeur Allerton que je l'attends dans mon bureau ? Merci.
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et disparut aussi vite qu'elle était arrivée, le laissant là. Il choisit de se lever et d'honorer sa requête. C'était si gentiment demandé...
*
* *
Le manoir dans lequel vivaient Sullivan Finkton, sa fiancée et son fils, à Algatia, était immense. A chaque fois qu'il s'était rendu dans cette demeure, Winston Travis avait été fasciné. C'était le cas aujourd'hui, alors que sa femme Bridget l'accompagnait, tout aussi émerveillée que lui.
- Ils vivent à trois là-dedans... eh ben...
- Sans compter les domestiques, oui, admit le brun.
- Je n'imagine même pas leur fortune ! sourit Bridget, qui aimait beaucoup les grandes maisons.
Son époux acquiesça et frappa à la porte. Un majordome qui devait avoir une quarantaine d'années les invita à entrer, et les fit parcourir de longs couloirs décorés de tapisseries, de tableaux et d'antiquités en tout genre. Bridget dut se faire violence pour ne pas commenter chacune des merveilles qu'elle voyait.
Finalement, ils arrivèrent dans un grand salon au premier étage, dans lequel les attendaient Sullivan, Hilda et le petit Calvin. L'enfant amusait beaucoup Bridget, qui le trouvait adorable.
- Bienvenue, c'est un plaisir ! sourit le maître de maison.
- J'adore votre maison ! annonça la femme rousse.
Ils discutèrent un moment de choses et d'autres, avant d'en venir au sujet important. Il était question d'un plan d'action élaboré par le couple Travis pour attaquer les Unovites.
- A propos de votre idée... elle n'est pas mauvaise en soi, mais n'est-ce pas un peu risqué ?
Le leader rebelle secoua la tête.
- Je le sais bien, mais c'est une rare occasion pour nous ; énormément d'Unovites seront réunis ce soir-là.
- Attaquer Atalanopolis, tout de même... souffla Hilda. Enfin, je n'y connais pas grand chose, mais je suis d'accord, c'est un peu dangereux.
Le politicien originaire d'Unys regarda un moment les deux Hoennais, puis soupira.
- Si vous le dites, je suis prêt à vous faire confiance...
- Je vous en prie, faites-le. C'est notre seule occasion... dit Bridget, très sérieuse.
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* *
Après avoir demandé son chemin un nombre incalculable de fois, le docteur Watson arriva enfin au laboratoire principal, où travaillait apparemment le professeur Allerton qu'il était censé trouver. Il n'avait aucune idée de qui était cette personne, mais il espérait qu'elle soit là. La porte étant ouverte, il entra dans l'immense pièce au sol blanc carrelé. Il y avait du blanc partout, en fait. Les murs, le plafond, le sol... tout était immaculé. Sur les étagères reposaient de nombreux produits colorés dans des flacons.
Deux scientifiques en blouse blanche s'affairaient parmi tout le matériel, courant un peu partout dans le grand laboratoire. Watson décida de s'annoncer en se raclant la gorge. Rien n'y fit, les deux chercheurs ne firent pas attention à lui.
- Professeur Allerton ?
Les scientifiques s'arrêtèrent pour s'approcher du médecin, qui semblait un peu perdu.
- Qui me demande ? répondirent les deux en même temps.
Avant de dire quoi que ce soit, le blondinet observa longuement ces deux énergumènes. La femme était jolie, avec des cheveux bruns-roux attachés en chignon, un visage aux traits harmonieux et un regard bleu brillant d'intelligence. L'homme... eh bien il ressemblait un peu à la femme ; mêmes cheveux roux et mêmes yeux bleus. Un bel homme qui devait avoir une trentaine d'années environ. Il ne tarda pas à comprendre qu'il avait affaire à des jumeaux, et maudit le général Grey de ne pas l'avoir précisé.
- Le général Estelle Grey vous demande, si j'ai bien compris...
- Elle nous interrompt toujours... commença la femme.
- ...dans nos expériences, poursuivit l'homme.
Watson plissa les yeux.
- Vous êtes étonnamment en symbiose, tous les deux. Vous êtes qui, exactement ?
- Rosalind Allerton, chercheuse en physique quantique - et dans divers autres domaines, sourit la femme.
- Robert Allerton, même profession que ma chère sœur. Pouvons-nous vous aider avant de disparaître chez madame Grey ?
Le docteur Watson passa de l'un à l'autre, un sourire crispé sur le visage, et secoua la tête.
- N-non... au plaisir...
Il quitta vite le laboratoire, étonné par le nombre de personnes étranges présentes dans la région de Hoenn.
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Après leur sympathique excursion pour visiter Atalanopolis, le lieutenant Raine et le major Warden jugèrent qu'il était temps de rentrer. Cette bouffée d'air frais leur avait du bien à tous deux, plus pour l'une que pour l'autre. Warden avait toujours un étrange pressentiment. Raine entra dans le quartier général, et il contempla un instant le ciel, avant de marmonner, l'air sombre :
- Des choses pas très jolies vont arriver dans le coin...
Et il suivit son acolyte, bien décidé à enfin trouver un paquet de cigarettes.