Chapitre 5 : Bertsbrand
Je n'étais pas encore né quand le monde a eu à affronter le Grand Forgeron Memnark. C'est mon père, qui se trouvait là par hasard à l'époque, qui me parla de lui. Un être fascinant, ce Memnark. Lui aussi a tenté de recréer la race humaine à sa façon.
*****
Comme toujours quand Bertsbrand se levait du lit, la première chose qu'il fit fut de se regarder dans un miroir. Et comme à chaque fois, ce qu'il vit le stupéfia. Il se vit lui. Et il se dit qu'il était incroyable.
- Bien le bonjour, myself, dit-il à son reflet. Encore une journée parfaite à venir, où nous pourrons montrer au monde un peu plus de notre magnificence !
Bertsbrand passa ensuite près d'une heure à se préparer dans la salle de bain. Un homme incroyable tel que lui, si beau, si doué, se devait d'être toujours parfait, surtout quand il s'apprêtait à aller à la rencontre de ses fans. Il passa une heure de plus à choisir son costume. C'était toujours une tâche des plus délicates. Arceus avait voulu que Bertsbrand soit une personne aux multiples talents. Bertsbrand avait donc plusieurs tenues pour chacun de ses talents. Mannequin, dresseur de Pokemon, écrivain, acteur, chanteur... il était chacun d'eux, mais aussi tous à la fois. Il était Bertsbrand, tout simplement.
Mais aujourd'hui, ce serait l'écrivain qu'il devait être, pour dédicacer son nouveau roman. Il se choisit donc un costume sobre, mais avec quelques ajouts lui donnant un air plus canaille. Les femelles aimaient bien ça. Également, il mis son médaillon dont il ne se séparait jamais, une espèce de saphir tout rond et lisse de la taille d'une boule de billard. Ça aussi, les femelles aimaient. Ça signalait sa richesse, bien qu'en l'occurrence, ce bijou, il ne l'avait pas acheté, mais gagné lors d'un grand tournoi Pokemon. Quand il fut près, il se présenta à son Pokemon, un Parecool qui dormait à moitié sur le lit.
- Eh bien, Marie-Eglantine, comment me trouves-tu ? Demanda-t-il en faisant mine de tourner sur lui-même. Ne suis-je pas trop swag ?
Marie-Eglantine, le Parecool, se contenta de le dévisager d'un air absent et de se gratter la tête en baillant, ce que Bertsbrand sembla prendre pour un accord. Marie-Eglantine ne payait pas de mine vue ainsi, mais cette Parecool était l'une des clés du succès de Bertsbrand. Déjà, elle était chromatique, d'un pelage violet, ce qui était immensément rare. Et surtout, c'était grâce à ce Pokemon que Bertsbrand s'était élevé dans le monde du dressage Pokemon et des combats professionnels. Marie-Eglantine était un monstre de combat, avec qui Bertsbrand avait triomphé de la Ligue Pokemon d'Unys. Quand il sortait ou se montrait en public, il avait toujours Marie-Eglantine prostrée derrière son cou. C'était aussi sa marque de fabrique, ce pourquoi il était si swag. Dès que Bertsbrand sorti de sa chambre, un de ses agents qui attendait dans le couloir vint à sa rencontre.
- Monsieur Bertsbrand, mademoiselle Marie-Eglantine, je vous souhaite une fort bonne journée !
- Mais moi aussi, mon brave. Moi aussi, je me souhaite une bonne journée.
Bertsbrand aurait eu du mal à mettre un nom sur le visage de cet agent. Bertsbrand en avait des dizaines. Mais qu'importe leur nom après tout ; il n'y avait que lui qui importait. Eux n'étaient là que pour accroître et gérer sa renommée.
- Quel est le programme ce matin ? Demanda Bertsbrand tandis qu'il caressait distraitement Marie-Eglantine d'une main.
- Vous êtes convié à déjeuner dans une heure avec madame la ministre de la culture, et les représentants du monde du spectacle et des arts de Bakan. Ils ont tous hâte de vous rencontrer, monsieur.
- Naturellement. Je suis Bertsbrand après tout. Mais attendez... vous avez dit « madame » la ministre ?
Bertsbrand n'aimait pas trop les femelles. Enfin, pas de près. Il aimait bien les voir de loin tandis qu'elles l'acclamaient ou soupiraient à son passage, ou à la rigueur à leur signer un autographe rapidement, mais rester trop longtemps avec une femelle, ce n'était pas son truc. Il les trouvait trop bizarres, trop effrayantes, et surtout trop idiotes. Il doutait même qu’elles puissent comprendre les mots qu’il utilisait. Les femelles n’étaient bonnes qu’à faire le ménage, la nourriture et à lui acheter ses livres.
- En effet monsieur, répondit l'agent d'un ton navré. Mais nous avons arrangé la répartition de la table. Elle sera le plus loin possible de vous.
- Bon, je tâcherai de le supporter. Je suis Bertsbrand après tout.
- Je ne saurai si bien dire, monsieur. Et à seize heure, vous avez une séance de dédicace Place de la Victoire. Des milliers de fans sont attendus !
- Ce qui fait des milliers de livres achetés, résonna Bertsbrand. Et des milliers de Pokédollars encaissés, à 50 Pokédollars la dédicace. Mais je le mérite, non ? Je suis Bertsbrand après tout...
- Comme vous dites, monsieur, lui assura son agent.
Bertsbrand descendit jusqu'à la grande salle de réception de l'hôtel, où tout le monde le salua en s'inclinant. Bertsbrand avait séjourné dans de nombreux établissement, mais ceux de Bakan étaient supérieurs à la moyenne.
- Je vais m'installer à la table. Ça fait toujours très swag d'être là en first. Vous avez réservé toute la salle pour nous bien sûr ?
- Oui monsieur, tout naturellement.
- Fort bien. Ah, et commandez-moi trente portions de caviar, pour ma Marie-Eglantine. Elle n'aime pas attendre sans manger un peu.
L'agent s'inclina et alla exécuter ses ordres. Quand Bertsbrand entra dans l'immense salle à manger, les serveurs s'inclinèrent et se mirent en file devant lui pour lui présenter sa table. Tout le monde s'évertuait toujours à le satisfaire. Tout le monde se mettait toujours en quatre pour lui. Mais c'était normal. Il était Bertsbrand après tout...
Bertsbrand était natif d'Unys, mais se trouvait actuellement à Bakan pour sa tournée autour du globe visant à rencontrer l'ensemble de ses fans dans le monde. Une fort belle région, Bakan, qui mélangeait le luxe à l'utile. Sa capitale, Fubrica, était le centre des merveilles technologiques et de l'art moderne. Le seul souci avec Bakan, c'était que la région était en état de guerre froide avancée avec Johkan, ou comme on devait l'appeler maintenant, le Grand Empire de Johkan. Il n'y avait aucun doute sur le fait que les deux régions en viennent à s'affronter un jour ou l'autre, ce qui allait poser des soucis à Bertsbrand. La guerre était mauvaise pour les affaires et la célébrité people.
Bertsbrand ne se souciait nullement de la politique ; il ne savait donc même pas ce qui pouvait bien opposer Lady Venamia, la Dirigeante Suprême de Johkan, à Erend Igeus, le chef de la Confédération Libre. Pour lui, c'étaient des ploucs tous les deux, car ils ne comptaient pas au nombre de ses fans. Et leur petite guéguerre allait causer du tort à la popularité de Bertsbrand dans ces deux régions. Et ça, c'était pas swag.
- Ahhhhhh, soupira Bertsbrand. Quelle misère... Qu'en dis-tu, Marie-Eglantine ? On devrait peut-être aller les calmer, à ces deux là ? Tu les remettrais à sa place, et ils se réconcilieront en entrant dans mon cercle de fans !
Occupée à dévorer le caviar qu'on lui avait présenté, Marie-Eglantine ne répondit pas. Il paraissait que Venamia et Igeus possédaient tous deux un Pokemon Légendaire mécanique capable de se transformer en arme. Mais peu importait. Si jamais ils faisaient un combat Pokemon contre Bertsbrand, ils perdraient, Pokemon Légendaire ou pas. Depuis qu'il avait Marie-Eglantine avec lui, Bertsbrand n'avait pas perdu un seul combat. Il aurait même été capable de défier le Conseil des 4 d'Unys après avoir gagné la ligue, mais Bertsbrand n'avait pas trouvé eu le temps, entre toutes ses occupations. Une chance pour eux : s'ils avaient eu à affronter Bertsbrand, ils se seraient fait humilier.
Le repas se passa comme à l'accoutumé ; Bertsbrand raconta quelque uns de ses hauts faits, et son auditoire se rependit en louanges. L'un d'eux, un réalisateur bien connu à Bakan, proposa à Bertsbrand le premier rôle dans l'un de ses prochains films. Bertsbrand repoussa l'offre poliment. Il avait déjà joué dans des téléfilms ou des séries, mais le cinéma, ce n'était pas trop son truc. Il n'aimait pas jouer un autre rôle que le sien : celui de Bertsbrand, ni plus ni moins. Il était lui, et c'était bien assez, car Bertsbrand est au dessus de tous les hommes.
Le repas dura fort longtemps, tant Bertsbrand régalait ses compagnons de tables du récit de sa vie, allant jusqu'à ses tactiques en combat Pokemon à sa position assise quand il réfléchissait à son prochain roman. Il fit en sorte de ne pas trop se sentir offensé de la présence d'une femelle à sa table, d'autant qu'elle était ici la plus importante de tous, en tant que ministre de la culture de Bakan. Les femelles étaient vraiment trop bizarres et malsaines, de l'avis de Bertsbrand, avec leurs cheveux longs et ses trucs arrondis qui pendouillaient à leur poitrine... Bertsbrand n'était pas homosexuel ; c'était juste qu'il ne supportait pas la présence des femmes trop longtemps ou trop près. Avec ce petit souci, il devrait probablement faire une croix sur l'idée d'une descendance, mais tant pis après tout. Il vivait sa vie pour lui et pour lui seul. Quand les trois heures sonnèrent, le jeune homme se leva avec grâce, Marie-Eglantine grimpant sur ses épaules.
- Mille excuses, chers amis, dit-il. Ce fut un moment exquis que j'ai passé en votre délicieuse compagnie, mais je me dois à présent à mes lecteurs. Certains attendent depuis tôt ce matin sur la Place de la Victoire pour avoir ma signature sur leurs romans.
***
Galatea Crust bailla sans se retenir. Elle avait de quoi. Elle s'était levée à six heures du matin pour se poster ici, sur la Place de la Victoire, dans l'attente de l'arrivée du fameux Bertsbrand, pour avoir les meilleures places possibles. De fait, elle était l'une des premières dans l'immense file d'attente qui s'était formée devant le stand où Bertsbrand allait dédicacer ses romans. Galatea avait un avantage sur les autres : grâce à sa force naturelle de Mélénis, elle était capable de soulever d'une main les quinze romans de Bertsbrand, ce qui n'était pas le cas de tous les autres. Aussi, quand quelqu'un placé devant Galatea faisait mine de poser ses romans pour se reposer, Galatea utilisait imperceptiblement le Flux pour faire s'écrouler la pile et prendre la place de sa victime tandis qu'il les ramassait.
À ses cotés, Régis semblait prêt à péter un plomb après tant d'heures à rester debout. Galatea avait du utiliser le Flux sur lui aussi pour l'apaiser mentalement, sinon il y aurait de ça bien longtemps qu'il serait parti. Galatea tenait à ce qu'il reste avec elle. Déjà, parce qu'elle détestait être seule, et surtout parce que ce pauvre malheureux de Régis Chen ne connaissait pas Bertsbrand ! Pour le salut de son âme, il devait l'avoir vu au moins une fois dans sa vie. Même si pour cela il devait râler continuellement pendant dix heures d'affilées.
- Jamais. Jamais plus ça, marmonnait-il. Je te jure que quand on rentrera, Leaf entendra parler de moi, et je demanderai une prime exceptionnelle à Estelle...
- Allons donc, fit mine de se vexer Galatea. Ma compagnie est à ce point désagréable qu'elle nécessite une « prime exceptionnelle » ? Goujat !
- Mais qu'est-ce qu'on a été foutre ici, à faire la queue comme des abrutis pour un mec ? T'es une Mélénis, non ? Tu pouvais pas utiliser tes pouvoirs, je sais pas moi, pour te téléporter devant lui, et le rendre fou de toi si tu le voulais vraiment ?
- Ce serait horrible ! Utiliser le Flux pour provoquer artificiellement l'amour ?! Non merci. L'amour est avant tout un challenge. Ce serait comme avoir un Pokemon invincible qui bat tous ses adversaires en une seule attaque. Aucun intérêt. Et puis, je ne pourrai jamais faire ça à Bertsbrand. Il est ce qu'il est parce que c'est un esprit libre.
Régis trouvait bien pompeuses les règles que s'était imposée Galatea sur l'utilisation de son Flux. Elle n'avait pourtant pas trop eu de scrupules à défier la loi quand elle était dans la Team Rocket... Régis songeait que si c'était lui qui avait ce genre de pouvoirs, il n'aurait pas tardé à en profiter comme il fallait. Il espérait que cette journée de gâchée allait au moins servir à quelque chose. Paraissait-il que ce type, Bertsbrand, avait remporté le championnat de la Ligue Pokemon à Unys.
Régis se souvenait très bien de sa propre participation à la Ligue Pokemon de Kanto, puis de Johto. Il avait perdu les deux ; la première contre Red, la seconde contre Sacha, deux rivaux qu'il avait mainte fois nargué. Bien que Régis ne soit plus autant un mordu des combats que dans sa jeunesse, il s'y intéressait toujours beaucoup, et donc, il s'intéressait aux bons dresseurs. Vu qu'il avait du quitter sa région natale de Kanto en entrant en rébellion contre le régime de Venamia, il avait abandonné sa chère arène de Jadielle. Bakan n'avait ni Ligue ni arène, mais elle regorgeait quand même de dresseurs intéressants. Bien sûr, avec la guerre qui se préparait, l'heure n'était pas vraiment à s'amuser aux combats Pokemon.
À seize heure pile, alors que Régis se demandait si ses jambes n'allaient pas céder, une grande clameur monta, quand une limousine se présenta tout au bout de la place. Le dénommé Bertsbrand sorti de la voiture, encadré par plusieurs gardes du corps. Régis fut étonné. Même Erend Igeus n'en avait pas autant quand il sortait en public. Mais il apparut bien vite que tous ces gardes du corps furent nécessaires quand une horde de fans déchaînés, en grande majorité des jeunes femmes, voulurent se précipiter sur lui.
- C'est de la folie, marmonna Régis.
Galatea, trop occupée à dévorer Bertsbrand des yeux avec un sourire béat, ne répondit pas. Régis n'avait jamais été fan de quelqu'un, mais il pouvait comprendre la passion des autres pour un personnage particulier. Mais là, ce n'était plus de la passion, mais de la bêtise pure. Soit, ce Bertsbrand avait l'allure du parfait beau gosse, mais il avait un coté assez bizarre aussi. Peut-être à cause de sa tenue qui était un mix entre celle d'un banquier et d'un dresseur Pokemon. Peut-être à cause de son collier serti d'une pierre bleu qui brillait d'une façon presque surnaturelle. Ou peut-être encore parce qu'il avait, perché sur son épaule, un Parecool d'une couleur violette agressive.
- C'est lui Régis ! S'exclama Galatea en sautillant sur place. C'est lui, c'est vraiment Bertsbrand en personne ! Oh mon Arceus, je suis si contente d'être en vie !
En réponse à l'accueil de folie de ses fans, Bertsbrand prit une pose bizarre. Il s'abaissa un peu les genoux, tandis les bras, un en avant et un en arrière, et parut montrer le ciel ; une pose qui n' était pas sans rappeler celle des stars du football quand ils venaient de marquer un but. Quand il prit cette position, la clameur des fans redoubla d'intensité.
- Il nous fait quoi là ? Cria presque Régis à Galatea pour se faire entendre.
- C'est la pose spéciale de Bertsbrand ! La swag-pose ! N'est-il pas trooooop génial ?!
Régis préféra ne rien répondre, car il trouvait plutôt que Bertsbrand avait l'air d'un abruti fini comme ça. Ça prit bien une quart d'heure à Bertsbrand de se frayer un chemin dans la foule de ses admirateurs, jusqu'à parvenir au stand où il devait dédicacer ses livres. Avant de commencer, il prit la parole à un micro.
- Cher, très cher public ! Je suis ravi de vous retrouver soooooo many. C'est fantastique pour moi de voir qu'autant de gens de cette formidable région qu'est Bakan lisent mes modestes romans. Je vous le promet ; je ne partirai pas d'ici tant que tous les livres présents sur cette place n'auront pas ma signature ! C'est ça aussi, être swag !
La foule l'acclama en scandant son nom, certain en reprenant sa pose débile. Régis se dit que s'il restait trop longtemps ici, son cerveau allait subir des dommages irréversibles, tant le niveau de connerie qui se dégageait de ce lieu était impressionnant.
- N'est-il pas merveilleux ! Soupira Galatea. Rester autant de temps qu'il faudra pour faire des dédicaces à tout le monde ? Bertsbrand songe tellement à ses fans, c'est merveilleux !
Régis pensait plutôt que Bertsbrand devait surtout songer aux 50 Pokédollars la dédicace. Vu tout le monde qu'il y avait ici, et vu que la grande majorité des gens avaient amené la collection complète, comme Galatea, Bertsbrand allait se faire des couilles en or en quelque heures. Faire payer des autographes... Régis trouvait ça extraordinairement de mauvais goût. En tant que champion d'arène, Régis avait été confronté, quelque fois, à des dresseurs, souvent des filles, qui lui avaient demandé un autographe. Il avait été flatté, mais le faire payer aurait été la dernière chose à laquelle il aurait songé.
Bertsbrand commença donc ses signatures. Il serrait aussi des mains, pour à peine 20 Pokédollars. Le premier fan, une quinquagénaire qui se trouvait déjà là quand Régis et Galatea était arrivée, paya 200 Pokédollars pour serrer dix fois la main de Bertsbrand. Et peu à peu, la file avança. Bertsbrand était tout sourire, échangeant quelque mois avec chacun de ses fans déchaînés. Comme beaucoup avait plusieurs romans, ça prenait bien cinq minutes par personne. Arceus Merci, Galatea et Régis étaient dans les premiers. Comme quoi attendre depuis huit heure du matin avait eu du bon finalement. S'ils s'étaient pointés maintenant, ils auraient probablement du attendre un jour ou deux. Quand enfin vint le tour de Galatea, celle-ci n'osa pas avancer jusqu'au stand. Régis ne l'avait jamais vu autant intimidée. Il dut la pousser pour la faire avancer jusqu'à Bertsbrand, et quand ce dernier lui sourit, Galatea manqua s'évanouir.
- M-monsieur Bers...brand, balbutia la jeune femme. C'est un... im-mmense honneur que de v-vous voir enfin... Je suis votre plus grande fan !
Bertsbrand hocha poliment la tête. Régis se demanda combien de fois il allait entendre ce genre de phrase aujourd'hui. L'auteur, étonné, regarda le nombre de livres que Galatea tenait à elle seule et d'une seule main.
- Quelle force vous avez, mademoiselle, la complimenta-t-il. Mais aussi grande soit-elle, elle n'égalera jamais votre beauté.
Le visage de Galatea devint alors aussi rouge que ses cheveux. Régis soupira. Il était certain que, vu son ton, Bertsbrand devait sortir ça à chaque femme.
- Quel est votre nom, très chère ? Demanda l'auteur en ouvrant la couverture du premier livre de la pile.
- G-Galatea C-Crust, monsieur.
- Alors, ce sera « Pour my dear Galatea, dont la beauté dépasse sa force pourtant hors du commun, en espérant que ce modeste roman l'aura divertie », et ma signature, dit-il en écrivant en même temps.
Quand il eut terminé la première dédicace, il se tourna vers Régis.
- Et je signe aussi pour ce monsieur ? C'est votre petit-ami ?
- Non aux deux, répondit Régis. Je ne fais que l'accompagner, et je crains n'avoir jamais lu un seul de vos romans.
Galatea rougit encore plus que tout à l'heure, mais là, ça devait être de honte. Sans doute se disait-elle qu'amener un inculte comme Régis n'était pas une si bonne idée, question d'image. Bertsbrand haussa les sourcils comme si Régis était une espèce de Pokemon particulièrement rare et aussi un peu répugnante.
- Vraiment ? C'est fort regrettable. Il faut à tous prix réparer cela. Tenez.
Il prit un de ses propres romans en rayon, à savoir le dernier, Cinquante nuances de Moi, et le mit entre les mains de Régis.
- Offert par la maison, pour que vous puissiez commencer à découvrir mon univers de swag, d'amour et de virilité.
Galatea applaudit comme si Bertsbrand, par son geste, venait de sauver Régis d'une chute mortelle. Mais ce dernier laissa tomber le roman.
- Je n'ai pas poireauté des heures pour vos bouquins, dit-il. J'ai juste entendu dire que vous étiez un dresseur doué.
- Que j'étais ? Mais, mon cher ami, je le suis toujours. N'est-ce pas, Marie-Eglantine ?
Il s'était adressé à son Parecool chromatique qui lui entourait le cou de ses bras. Le Pokemon poussa un faible cri qui aurait pu passer pour un bâillement.
- Euh... Marie-Eglantine ? Répéta Régis.
C'était déjà assez la honte de se trimbaler avec un Parecool sur soi, mais en plus l'appeler ainsi... Ce type n'avait-il donc aucune gêne ?!
- Bien sûr. Marie-Eglantine est mon seul Pokemon, celui avec lequel j'ai triomphé de tous mes adversaires au tournoi de ma chère région d'Unys.
- C'est... très surprenant, admit Régis. Ce Parecool doit cacher de grandes capacités.
- Je ne vous le fait pas dire, approuva Bertsbrand.
- Il se trouve, continua Régis, que je suis moi-même un dresseur compétant. Je suis le champion de l'arène de Jadielle, à Kanto. Le meilleur des huit de la région, en fait. J'aurai aimé vous affronter en combat, si vous êtes aussi fort qu'on le prétend.
Galatea parut scandalisée.
- Comment oses-tu défier le grand Bertsbrand ?! Il te ratatinerai en moins de deux ! Et puis il n'est pas là pour ça !
Mais Bertsbrand ne parut pas offensé le moins du monde. Au contraire, il rigola.
- Il n'y a pas de mal, ma chère amie Galatea. Quel dresseur je serai si je me défilais à un défi ? Votre friend est donc un champion d'arène ? C'est très bien. Je n'ai pas le droit de refuser un match pareil. Ceci dit, je serai probablement occupé toute la journée avec ces dédicaces. Mais je reste à Bakan encore une semaine. Tenez, mon vieux.
Il lui donna une petite carte avec un numéro de téléphone inscrit dessus.
- C'est le numéro de mon agent qui se charge de mon emploi du temps de dresseur, expliqua Bertsbrand. Je lui parlerai de vous. Appelez-le ce soir pour décider d'un moment et d'un lieu pour un petit combat.
- Je vous remercie, monsieur Bertsbrand, dit Régis.
- Mais non mais non. C'est moi qui vous remercie. Il n'y a pas de champion d'arène dans cette région, et ça fait un moment que je ne me suis pas donné en spectacle pour mes fans dresseurs Pokemon. Il y aura donc une caméra ou deux. Ça ne vous dérange pas j'espère ?
Son message, Régis l'entendit d'une autre façon : « J'ai enfin trouvé quelqu'un de potable à humilier en direct ! ». Mais Régis s'en souciait peu. Autrefois, il avait été un gosse arrogant et d'une fierté maladive. Mais depuis, il avait perdu suffisamment de fois, et parfois à la télé, pour craindre l'humiliation d'une défaite. Et puis, s'il parvenait à voir le secret de ce Parecool, ça valait le coup de perdre. Une défaite, si elle apportait plus de connaissances, n'était jamais inutile.
Bertsbrand reprit ensuite la dédicace de chacun des romans de Galatea. Toute à la contemplation du beau visage de l'auteur, Galatea mit un certain temps à sentir quelque chose de bizarre dans le Flux. Une sensation lourde, étrange. Elle semblait provenir de Bertsbrand. Galatea s'émergea totalement dans le Flux pour examiner ça en détail. Alors, ce fut comme si un ouragan traversait son esprit. Quelque chose de terrible, une puissance sans limite retenait son Flux captif. Galatea s'y arracha de force, et son trouble dut se voir sur son visage, car Bertsbrand demanda :
- Un problème très chère ? Vous vous sentez bien ?
Galatea tâcha de reprendre ses esprits.
- O-oui, je...
Elle s'arrêta, regardant intensément la sphère bleue et brillante que Bertsbrand portait autour du cou. Ce qu'elle avait senti provenait de ça. Aucun doute là-dessus.
- Monsieur Bertsbrand, puis-je vous demander ce qu'est votre bijou au juste ?
- Ah, ça ? Sourit l'auteur en désignant sa grosse perle saphir. C'était le premier prix d'un tournoi Pokemon que j'ai mené victorieusement dans la région de Prolbitia. Ils appelaient ça la Perle de l'Océan. Apparemment, ça augmente les capacités des attaques eau quand un Pokemon le porte. Comme les gens qui l'ont trouvé ne savaient pas ce que c'était, ils ont jugé que ça devait être un objet à porter pour le combat. Mais comme je n'ai pas de Pokemon Eau, et que la pierre est d'une exquise beauté, je préfère la garder sur moi. Ça ne fait pas terriblement swag ?
- Je... vois. Si, ça fait swag...
Régis nota que Galatea avait le regard perçant, et tout son sérieux, ce qui était rare avec elle. Elle observait le bijou de Bertsbrand comme si c'était une bombe à retardement. Ce n'était plus Galatea la fangirl un peu débile là, mais Galatea la Mélénis, qui avait repéré quelque chose d'anormal et de probablement très dangereux.