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Derringer de BioShocker



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» Auteur : BioShocker - Voir le profil
» Créé le 28/01/2016 à 18:53
» Dernière mise à jour le 28/01/2016 à 18:53

» Mots-clés :   Action   Humour   Présence d'armes   Romance   Suspense

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004 : La vie d'artiste
"Un artiste qui fait œuvre d'imagination évite les mathématiques pures et la logique non parce qu'il a décelé quelque chose en elles, ni parce qu'il trouve à redire, mais parce que d'instinct il est porté ailleurs."
- Hermann Hesse



- Je crois que je regrette de t'avoir donné ces deux mille pokédollars... grommela Tim, fatigué à cause du poids des sacs de vêtements qu'il portait.

- Il fallait y réfléchir avant ! répliqua Emily en lui tirant la langue, ravie de pouvoir emmerder un peu le cerveau criminel.

De toute façon, il ne l'avait pas volé : il n'avait qu'à pas tuer ses parents, et puis c'est tout. Certes, ils étaient endettés jusqu'au cou, et cet homme n'appréciait pas que l'on se paie sa tête, mais elle avait vraiment du mal à digérer ces événements qui s'enchaînaient beaucoup trop rapidement et qui lui laissaient un méchant arrière-goût amer en bouche. Elle en avait assez, mais d'un autre côté, elle ne pourrait jamais payer la fin de ses études sans l'argent du restaurant de ses parents, alors elle se contenterait de suivre le meurtrier de ceux-ci. Situation bien ironique tout de même.

- Pour le coup, tu as été vraiment méchante. Moi, je ne t'ai rien fait de mal ! soupira Cal, le dernier arrivé dans l'équipe.

- Je sais, mais je voulais écouler totalement ces deux mille pokédollars. Je suis sûre que Lightman ne les aurait pas récupérés...

- Tu marques un point, admit le principal intéressé après avoir largué son chargement au sol. Maintenant, éclatez-vous pour ranger tout ça dans le coffre, j'ai toujours haï le Tetris.

Les autres lachèrent également leur lot de sacs et Leonard soupira d'avance ; cette tâche ne serait pas aisée, étant donné la quantité impressionnante de sacs. Et puis qu'allait-elle faire de tous ces vêtements ?! Ils partaient pour un voyage - qui allait certainement être plus long que prévu, connaissant Tim - jusqu'à la Ville Noire, au moins, et elle se chargeait pour rien. Il maudit un moment son ami d'avoir fait don d'autant d'argent à la jeune femme, et commença, avec l'aide des autres, à ranger, pendant que l'instigateur de cette joyeuse excursion restait tranquillement dans la voiture.

Le petit groupe dût traverser tout l'immense parking situé sur la droite de la galerie pour enfin atteindre Méanville. La "ville-lumière" d'Unys, en particulier à la nuit tombée, était d'une beauté époustouflante. Toutes les enseignes et les néons brillaient dans un contraste impressionnant avec le noir du ciel, comme des milliers d'étoiles colorées. Emily avait les yeux écarquillés et brillants, et l'enthousiasme se lisaient dans ceux-ci. Elle n'avait jamais pu visiter le coin, et elle le regrettait amèrement au vu du spectacle qui se jouait devant ses yeux. Plusieurs familles dont les enfants rechignaient à quitter le parc d'attractions défilaient devant ses yeux, de même que tous les Pokémon qui gambadaient sans problème dans la zone piétonne. Cette cité lumineuse n'avait rien à envier à la froide et morne Volucité - si l'on ne comptait pas le quartier des casinos de celle-ci.

- Oh mon dieu ! C'est... c'est magnifique...

Leonard sourit, attendri devant l'air enfantin de la jeune femme de vingt-quatre ans. Elle avait peut-être perdu ses parents dans la journée, mais il espérait que ce petit voyage en leur compagnie lui redonnerait du baume au cœur, autant que la vision d'une Méanville nocturne resplendissante. Bien sûr, avec Tim, il pouvait s'attendre à tout, et priait pour que son ami ne gâche pas tout en la tuant elle aussi, ou pire, en l'abandonnant à son sort. Il l'en croyait capable.

Un Goupix vint se frotter contre le jeans d'Emily, qui manqua de trébucher, surprise. Elle fut heureusement retenue par Cal, qui avait eu la présence d'esprit de réagir, contrairement aux deux autres qui observaient attentivement les allées et venues dans la ville-lumière ; aucun policier à l'horizon pour le moment, ils étaient donc tranquilles.

- Je crois qu'il est l'heure d'aller à l'hôtel, je ne me sens pas la force de faire quoi que ce soit... souffla le leader du groupe en consultant sa montre d'argent.

Emily n'attendit pas longtemps pour protester.

- S'il vous plaît... on ne pourrait pas passer par la grande roue ce soir ? Cal, dites oui !

Le scientifique, embarrassé, détourna le regard pour répondre, d'un ton plus sec qu'il ne le souhaitait :

- Je t'ai déjà dit de me tutoyer, et par pitié, non, j'ai le vertige. Je m'arrête là, ou je te donne les 47 autres raisons pour lesquelles je déteste les grandes roues ?

La jeune femme aux longs cheveux noirs baissa la tête, dépitée.

- Je... je crois que ça ira...

- De toute manière, il se fait tard et je ne sais pas s'il reste beaucoup d'hôtels libres, étant donné qu'on est en plein dans les soldes et dans cette fichue période touristique... approuva Tim en commençant à s'éloigner du parking.

A contrecœur, Emily consentit à suivre les trois hommes jusqu'à l'hôtel le plus proche, qu'elle espérait disponible. Elle songea que ce petit groupe manquait cruellement de présence féminine, mais elle n'eut pas la force de le faire remarquer à ses partenaires de voyage, encore trop remontée contre l'assassin de ses parents, bien que de manière moindre que l'après-midi même. La rancœur lui demandait une énergie qu'elle n'avait plus pour l'instant.


*
* *


La nuit fut réparatrice pour tout le monde, après cette très longue journée qu'ils venaient de passer. Tim semblait bien plus frais que la veille au soir, ce qui se confirma lorsqu'il recommença à taquiner les autres sans cesse. Leonard et Cal avaient eux aussi bien dormi, mais ce n'était rien en comparaison avec Emily, qui ne tenait littéralement plus en place. Elle parcourait divers dépliants touristiques trouvés dans le hall de l'hôtel, ne parvenant pas à choisir une activité à faire. Elle n'était de toute évidence que peu consciente qu'ils étaient coursés - du moins, l'un d'entre eux - par la police fédérale. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne soient trouvés. Heureusement, les enquêteurs de la région n'étaient pas aussi doués que pouvaient l'être ceux de la Police Internationale. Et celle-ci n'intervenait que dans les affaires qui menaçaient l'équilibre du monde. Tim Lightman ne l'inquiétait absolument pas, donc.

Finalement, après moult hésitations, Emily finit par brandir fièrement un morceau de papier imprimé. Il s'agissait d'une publicité pour le grand Music-Hall de la ville, qui proposait des spectacles de danse Pokémon. Elle qui n'avait jamais entendu parler d'une telle chose... ce serait l'occasion d'en apprendre davantage. Elle dut se faire violence pour ne pas hurler sur Tim, et s'approcha de ce dernier.

- Euh... excusez-moi...

Il mit un temps à se rendre compte qu'elle lui adressait la parole, et se contenta d'un grand sourire et d'un hochement de tête, pour lui signifier qu'il était tout ouïe.

- Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais est-ce que... on pourrait aller faire un tour au grand Music-Hall ? S'il vous plaît ?

- Je déteste ce genre de représentations burlesques, je passe mon tour, répondit-il.

- Allez... je vous en prie. Vous avez tué mes parents, vous pouvez au moins me faire cette faveur ?

Elle détestait se servir de ce genre d'arguments pour son propre intérêt, mais avec un type comme Lightman, la fin justifiait les moyens. Il n'abdiqua pas cependant.

- Et ces deux mille pokédollars d'hier, alors ? Ils ne t'ont pas suffi, princesse ?

- Hmm...

L'homme brun ne cilla aucunement devant le regard brillant et suppliant de la jeune femme, mais appela son ami Leonard. Le parrain de la mafia vint les rejoindre.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Oh, trois fois rien, ça va te plaire. Emmène cette charmante jeune femme au Music-Hall, ça m'évitera d'y aller. Et tu sais à quel point je méprise ce genre de trucs...

- Bien plus que moi, c'est certain. D'accord, mais je le fais pour elle, pas pour toi ! soupira le blond.

- T'es un amour.

L'allemand leva les yeux au ciel et s'éloigna en compagnie de la jeune femme aux cheveux d'ébène, ennuyé par avance à l'idée de subir un supplice pareil. Mais bon. Il se considérait comme l'ami d'Emily, alors mieux valait agir comme tel.

Tim les regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'ils disparaissent, puis se rendit dans le restaurant de l'hôtel, où Cal était attablé avec un café et un nombre assez impressionnant de viennoiseries en tous genres, des croissants aux tartelettes aux baies oran, en passant par les pains aux baies maron. Il avait l'embarras du choix.

- Dépêche-toi de finir et viens avec moi, Goinfrex. On a une journée à remplir.

Le scientifique rajusta son chapeau noir et vida sa tasse de café, perplexe.

- Et, euh... où est-ce qu'on va ?

Le sourire de Tim s'élargit.

- Tu le sauras bien assez tôt, pas d'inquiétude à avoir.


*
* *


Cal commençait légèrement à trouver l'ambiance pesante, alors que Tim et lui approchaient de plus en plus de la sortie de la ville menant vers la route 5, donc par extension, jusqu'à Port Yoneuve, l'une des cités phares de la région, qui dirigeait le principal réseau d'import et d'export. Le scientifique blond songea un moment que le criminel voulait abandonner Leonard et Emily, mais il chassa bien vite cette idée de sa tête ; c'est vrai, où cela le mènerait-il ? S'il les abandonnait, les deux autres pourraient tout aussi bien aider la police à le retrouver, et de ce qu'il en savait, Emily ne rechignerait pas à cette tâche. Il continua donc à suivre l'homme brun dans les rues pavées pleine de monde de Méanville.

- C'est encore loin ?

Tim se retourna brièvement pour lui affirmer que non. En effet, après avoir passé une sorte de péage en intérieur, ils débouchèrent immédiatement sur un coin de nature relativement agréable. On apercevait un immense pont de fer rouge bien connu, le fameux Pont Dracaufeu, qui menait directement à Port Yoneuve, au loin. La route 5 était plutôt verdoyante, bien qu'un chemin terreux permette de ne pas se perdre jusqu'au pont qui se trouvait à quelques kilomètres.

- Je ne vois pas trop ce que vous comptez faire ici, souligna Cal, perplexe. Il n'y a rien d'intéressant.

- Détrompe-toi, regarde.

Il suivit le regard de l'analyste spécialisé dans les expressions faciales et aperçut plusieurs caravanes stationnées sur la pelouse, juste à côté du petit sentier de terre. Toutes sortes de personnes se trouvaient là ; il y avait une jolie jeune femme qui semblait être cracheuse de feu au vu du matériel qu'elle avait, un magicien, plusieurs musiciens munis d'instruments, des dresseurs de Pokémon qui leurs faisaient faire des tours, et même une voyante. Il y en avait pour tous les goûts.

- D'accord, alors vous m'emmenez voir une troupe de saltimbanques en pensant que c'est le genre de truc qui m'amuse ? se moqua le blond au chapeau.

Tim haussa les sourcils.

- Ah non, non. Je ne prétends pas que ça va t'amuser. Je veux juste que tu comprennes certaines choses.

Cal soupira et jeta de nouveau un regard à la troupe de saltimbanques qui s'affairait sans vraiment faire attention à eux. Toutes ces activités pouvaient leur paraître intéressantes, mais lui, il n'aimait que la science et la logique. Et assurément, ces gens-là prétendaient défier les lois physiques du monde en communiquant avec les morts ou en faisant des tours de magie, ce qu'il n'appréciait pas particulièrement. C'était sans doute à cause de cette tendance à repousser l'inconnu qu'il n'avait jamais vraiment eu de relation durable avec une femme, même en étant tout à fait attirant physiquement.

- Je persiste à croire que je ferais mieux de retourner m'empiffrer de viennoiseries à l'hôtel. Vous ne pouvez pas m'obliger à rester ici, si ?

Tim pencha la tête sur le côte avec un demi-sourire.

- Non, mais je suis certain que tu gagnerais à rester là. A toi de voir.

L'homme en blouse blanche supposa qu'il s'agissait encore d'une histoire d'expression faciale. Il avait du décrypter quelque chose chez lui et peut-être souhaitait-il lui prouver qu'il avait tort. Ou quelque chose dans ce genre-là. Mû par un désir d'en apprendre plus sur cette fameuse faculté à lire les émotions des autres, Cal décida de rester un moment sur la route 5 avec cet étrange criminel.


*
* *


Dans l'une des salles de spectacle du Music-Hall, Emily DeFranco et Leonard von Shaft assistaient, parmi la foule, à une représentation. L'immense pièce faisait penser à un théâtre à l'italienne, avec ses fauteuils et ses tapisseries rouges, ainsi que les balcons en acajou à bordures dorées. L'intérieur était, il est vrai, bien plus somptueux que l'extérieur, qui rebutait un peu certaines personnes. En effet, le bâtiment était peint dans des couleurs criardes et des néons brillaient perpétuellement, même en plein jour.

Sur scène, quatre Pokémon dansaient et se disputaient la place de vainqueur de cette compétition. Le premier, qui semblait récolter toutes les faveurs du public, était un Pokémon d'environ un demi-mètre, ressemblant à un rongeur au pelage gris, dont une partie, blanche comme neige, s'enroulait autour de son cou comme une écharpe. Ses grands yeux noirs attendrissaient le public, et nul doute que ce Pashmilla avec de grandes chances de remporter la victoire. Quoique le Pokémon juste à sa droite ne déméritait pas non plus ; un petit chaton rose et crème, pourvu d'une queue duveteuse qu'il agitait sans cesse. Les yeux fermés du Skitty avaient quelque chose d'hypnotique. Le reptilien verdâtre aux yeux noisette, un Lianaja, et une sorte de petite loutre blanche et bleue, un Moustillon, faisaient légèrement moins bonne impression auprès du public majoritairement composées de jeunes filles.

Emily, quant à elle, était plutôt amusée par ce spectacle. Elle était bien loin de partager l'engouement des enfants, mais devait avouer que c'était impressionnant ; il fallait une certaine maîtrise pour pouvoir apprendre de tels pas de danse à ses Pokémon, cela devait être le fruit de nombreuses heures de travail qui portaient vraisemblablement leurs fruits. Le Pashmilla ne l'intéressait que peu, car elle n'avait jamais apprécié ce genre de Pokémon que tout le monde trouve adorable et qualifie de "Pokémon de fille". Elle préférait de loin son fidèle Herbizarre, qui n'était peut-être pas aussi doux au toucher, mais qui était capable d'autant d'affection.

De son côté, Leonard ne regardait même plus la représentation qu'il jugeait ennuyeuse. Il pianotait sur son téléphone portable, consultant tantôt l'évolution du cours de la bourse, les actualités, ou ses messages personnels qui commençaient à affluer dans sa boîte de réception. En particulier ceux venant de son frère cadet Friedrich, à qui il avait temporairement confié - à tort, il en était persuadé - les rênes de la famille von Shaft. Naturellement, aucun spectateur n'osait lui dire quoi que ce soit de par son statut de parrain de la mafia. Bien que Leonard soit quelqu'un de gentil et, dans la mesure du possible, d'honnête, la population le craignait à cause des idées qu'ils se faisaient de lui.

Le spectacle de danse suivait son cours sans accroc. Du moins jusqu'à ce que le Pashmilla s'étant attiré les faveurs du public se mette soudainement à attaquer les autres participants, qui n'avaient rien demandé du tout. La panique commença à gagner les spectateurs, et bon nombre d'entre eux se précipitèrent sur la porte pour échapper au rongeur fou furieux. Emily et Leonard n'avaient pas bougé et s'étaient saisis de leur Pokéball.

- Tu te sens prête ? questionna l'allemand.

La jeune femme, sûre d'elle, hocha la tête.

- Plus déterminée que jamais.


*
* *


"Il s'est foutu de moi, cet enfoiré. Depuis tout à l'heure, il ne fait qu'observer ces saltimbanques et discuter avec eux..." songea Cal, pour le coup vraiment frustré par la situation.

En effet, Tim l'avait entraîné sur la route 5 en prétextant avoir quelque chose d'intéressant à lui montrer, mais jusque là, rien ne s'était passé et le scientifique commençait à trouver le temps long, au point de gaspiller trois précieuses cigarettes. Il n'avait emporté que quelques paquets avec lui, et il craignait de bientôt en manquer. Il comptait bien aller en acheter, mais Tim l'avait devancé en l'empêchant de quitter l'hôtel sans lui. Résultat, il était là, debout contre l'une des caravanes, à se morfondre.

- Je vous en prie, détendez-vous !

Il sursauta presque en entendant cette voix féminine. Une femme d'une quarantaine d'années, qui tenait un plateau de sablés sortant du four - ils avaient un four, dans leur caravane ? -, le regardait avec un sourire bienveillant.

- Vous... m'avez fait peur, madame.

- S'il vous plaît, prenez un gâteau, vous êtes morose depuis tout à l'heure !

Cal ne se permit pas de refuser. C'était impoli, et puis il ne disait que rarement non à un gâteau, surtout lorsqu'il sentait si bon. Il en prit un sur le plateau et remercia la femme, qui disait s'appeler Selina. Lorsqu'elle s'éloigna, il sourit, peu mécontent de voir que des gens arrivaient encore à avoir pitié de lui - ou alors était-elle tombée sous son charme ? Quoi qu'il en soit, il s'apprêtait à rejoindre Tim, lorsqu'il aperçut un homme portant un uniforme de couleur bleue, caractéristique de la police. Il crut d'abord que l'officier était là pour eux, mais logiquement, les fédéraux ne partageaient jamais avec les simples policiers, alors il ne tarda pas à comprendre que les saltimbanques étaient leur cible. Il eut un pincement au cœur en regardant Selina, qui distribuait ses gâteaux.

- Merde alors, les flics sont vraiment des pourris...

Le policier se plaça au centre d'attention, sous les regards intrigués des artistes itinérants, qui ne le quittaient pas des yeux. Tim avait, de toute évidence, déjà compris où l'officier en uniforme voulait en venir.

- Le chef de la police de Méanville, madame Tatiana Woodley, a ordonné que vous déguerpissiez de son territoire immédiatement sous peine d'emprisonnement ! Vous avez jusqu'à ce soir, dix-sept heures pour faire vos bagages. Ce qui ne vous laisse que peu de temps. Exécution !

Les artistes se consultèrent tous du regard. Cal se sentit vraiment mal pour Selina, qui n'avait rien demandé du tout. Ces gens qui vivaient de leur passion sans causer de tort à quiconque se retrouvaient chassés par les forces de l'ordre ? C'était à n'y rien comprendre. Le scientifique songea que si on le privait de savoir et d'expériences, il ne se laisserait jamais marcher sur les pieds. Mais il ne pouvait rien faire face à ces saltimbanques qui, dépités, retournaient dans leurs caravanes pour ranger tout leur matériel.

Lorsqu'un coup de feu retentit, tout le monde se retourna vers la provenance du son. Le policier gisait désormais au sol, une bonne partie du crâne explosée, ainsi que de la matière organique cérébrale et du sang répandus autour de lui. Tim rangea son Derringer dans sa poche et, innocemment, avec un grand sourire, se contenta de dire :

- Je suis désolé... mon doigt a glissé sur la gâchette.


*
* *


Le Pashmilla venait de mettre le Moustillon et le Lianaja qui participaient au concours au tapis. Le Skitty s'était déjà enfui depuis belle lurette, craignant pour sa vie. Maintenant, le rongeur furieux se trouvait face à deux dresseurs et leurs Pokémon. L'Herbizarre d'Emily se tenait fièrement devant sa dresseuse, l'air protecteur, en agitant ses lianes, menaçant. Quant à Leonard, il avait envoyé son unique Pokémon au combat, un Smogogo à l'air tout sauf aimable, qui ne se privait pas pour lâcher du gaz nauséabond un peu partout dans la salle de spectacle. Au vu de son expression, Pashmilla n'appréciait pas l'odeur.

- Très amusant votre Pokémon, surtout si l'on pense à vos origines ethniques... souffla la jeune femme avec un demi-sourire.

L'allemand haussa les sourcils.

- C'est drôle, Tim m'a fait exactement la même remarque la première fois qu'il l'a vu. Ce Pokémon est très vieux et appartient à ma famille, alors qui sait, peut-être a-t-il effectivement servi à commettre des trucs pas très jolis...

- Trêve de bavardages, occupons-nous de cet immonde rongeur stupide, je commence à m'impatienter.

Leonard hocha la tête.

- Bomb-Beurk !

- Herbie, lance Tranch'Herbe et enchaîne avec Damoclès !

Les deux Pokémon s'exécutèrent en même temps, rendant donc l'esquive difficile pour Pashmilla, qui se prit la Bomb-Beurk de plein fouet, perdant ainsi son acuité visuelle. Il ne put éviter toutes les feuilles tranchantes, mais parvint à s'écarter à temps pour ne pas se faire renverser par Herbizarre. Le Pokémon au pelage gris poussa un cri rageur.

- Ouh là, je n'ai jamais vu un Pashmilla à l'air aussi méchant... geignit Emily, qui n'aimait déjà pas ce Pokémon.

- Son dresseur a dû le doper un peu pour le concours, ça arrive fréquemment.

- Le doper ?

- C'est pour augmenter sa résistance physique, ainsi le Pokémon ne se fatigue pas et peut enchaîner des mouvements extrêmement fatigants. Il y a juste quelques effets secondaires parfois... expliqua le parrain de la mafia tout en guidant son Smogogo avec des gestes.

Emily allait ordonner à son Herbizarre d'attaquer à nouveau, mais elle se ravisa en voyant un projectile se planter dans la peau du Pashmilla. Plusieurs agents de police arrivèrent, l'un d'entre eux étant armé d'un pistolet à fléchettes tranquilisantes. Deux policiers embarquèrent le Pokémon hors de la salle de spectacle saccagée, et un vint voir le duo, en s'inclinant à la simple vue de Leonard.

- Monsieur von Shaft ! Au nom de toute la population de Méanville, je vous remercie de nous avoir aidés !

Le blond se contenta de répondre à quelques questions avec un professionalisme effarant, et il emmena Emily hors du Music-Hall, ayant éprouvé bien assez d'émotions pour la journée. Il donna rendez-vous à Tim sur la grand-place, histoire de planifier au plus vite leur départ.


*
* *


Près des caravanes, tout le monde était sérieusement étonné par l'action de Tim. Il venait d'abattre un policier de sang-froid, et parvenait même à plaisanter après cela ? Décidément, ce type ne reculait devant rien. Cal était mortifié. Si quelqu'un passait par là et rapportait tout à la police, ça ne présageait rien de bon pour eux.

- Allons, ne faites pas cette tête-là, je viens de vous aider.

Il se dirigea vers une femme entre deux âges qui semblait mener la troupe, et lui tendit une liasse de billets, qui devait totaliser une somme impressionnantes, puisqu'elle fit des yeux ronds.

- C'est énorme, je ne peux pas accepter votre aide...

Tim la regarda dans les yeux.

- Acceptez cet argent. J'en ai bien plus qu'il ne m'en faut, et j'ai besoin que vous me rendiez un service, alors considérez ceci comme mon paiement.

La femme soupira et se résolut à garder l'argent pour la troupe. Après tout, c'est vrai qu'ils avaient bien besoin de renouveler un peu leurs vêtements qui commençaient à être usés par le temps.

- Quel est donc ce service ?

Tim sourit de toutes ses dents et donna une tape sur l'épaule de la meneuse.

- Je compte sur vous pour balancer ce corps dans le fleuve, sous le Pont Dracaufeu. Merci par avance. Tu viens, Cal ?

Le scientifique, à la fois interloqué et soulagé, acquiesça et suivit son acolyte pour retourner à Méanville. En chemin, il ne put s'empêcher de lui demander l'intérêt de cette petite excursion.

- Eh bien, je voulais juste que tu comprennes que je ne suis pas un rigolo. J'ai lu dans ton regard que tu me sous-estimais énormément, et je n'apprécie pas particulièrement.

- Je vois... et maintenant, vous lisez dans mon regard que je vous respecte et que je vous crains aussi un peu ? en déduit le blond au chapeau, sarcastique.

Tim hocha la tête.

- Certes, oui. J'espère que cette petite expérience de pensée t'aura plu.

Avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit, l'homme brun lui adressa un sourire qui lui fit froid dans le dos.

- Je te préviens que si tu me causes du tort, tu finiras comme ce policier. A la différence près que je laisserai ton cadavre se faire examiner sur la table d'opération d'un médecin légiste. A tes risques et périls, mon cher.

Cal, bien qu'il n'aie jamais eu la moindre intention de trahir ou de vendre Tim à la police, devait s'avouer effrayé par ce type certes pas très grand ni très fort physiquement, mais qui savait manipuler le cerveau humain à la perfection. Il comprenait mieux pourquoi les fédéraux craignaient tant que cela Derringer, à présent. Mais sa vraie force, plutôt que son arme, c'était son discours et son intelligence.

Le duo rejoignit Emily et Leonard sur la grand-place de Méanville. Tous deux semblaient plutôt secoués également, car la jeune femme avait ses cheveux noirs dans tous les sens, et la cravate du blond était à moitié défaite. Mais ce n'était pas important. Ce qui comptait réellement, c'était de planifier leur départ imminent pour la Ville Noire. Ils ne seraient bientôt plus en sécurité ici.