000 : SHOT DEAD !!
"Quoi que tu rêves d'entreprendre, commence-le. L'audace a du génie, du pouvoir, de la magie."
- J. W. von Goethe
Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.
- Haa... argh...
L'adolescent courait, aussi vite qu'il le pouvait, mais ses jambes avaient du mal à supporter son poids. Il ressentait des picotements dans tout le corps, et des brûlures dans ses membres inférieurs. Il avait dû couvrir une sacrée distance depuis que cette folle, là, juste derrière lui, le poursuivait. Elle était endurante, elle, ça se voyait. Et peut-être même qu'elle prenait plaisir à le voir se démener pour lui échapper. Elle restait à la même allure que lui, de sorte à se retrouver environ trois mètres derrière, mais il était certain que si elle le voulait, elle pourrait aisément accélérer pour l'attraper d'un seul coup.
Ce qui lui faisait peur, ce n'était pas tant de se retrouver coursé par une inconnue en plein milieu de la zone industrielle de Port Yoneuve, ça, passe encore. Non, là, il se retrouvait coursé par une inconnue - en plein milieu de la zone industrielle de Port Yoneuve, effectivement - armée d'un pistolet. Et le jeune garçon ne voulait pas prendre le risque de découvrir s'il était chargé ou non. Peu lui importait, tant qu'il restait en vie. Mais voilà, le problème, c'était de pouvoir le rester. Il ne tiendrait pas bien longtemps avec ses jambes fatiguées et bien endolories.
- Tu devrais t'arrêter et me laisser faire mon boulot, gamin ! Tu t'infliges ça pour rien, crois-moi.
L'adolescent déglutit et se força à ne pas se retourner pour regarder la belle inconnue au regard d'acier.
- Argh... jamais ! Je ne vous ai rien fait !
La femme d'une trentaine d'années, sans cesser de courir, se gratta la tête de sa main libre, avec une moue étrange.
- Mouais... alors ce n'est pas toi qui as volé les Pokémon de mon patron il y a deux jours, dans les gradins, lors d'un match au Pokémon World Tournament, hein ?
Le jeune garçon serra les dents, terrifié. C'était donc de cela qu'il était question ! Certes, il avait volé quelques Pokémon à un type assis devant lui, lors d'un match qui ne l'intéressait pas, mais il était loin de se douter que ce type-là était assez influent pour réussir à le retrouver en si peu de temps ! Cette activité illégale qu'il exerçait quelquefois, c'était uniquement pour gagner un peu d'argent en plus de son salaire minable d'agent d'entretien à l'arène de Bardane, rien de plus ! Il soupira, tout en continuant sa course effrénée, et ce malgré la douleur intense qui l'assaillait.
- Ecoutez... j'en savais... argh... rien...
La poursuivante, d'un bond agile, sauta par-dessus un large tuyau lui obstruant le passage et s'autorisa à sourire, malgré la situation très sérieuse.
- C'est ce qu'ils disent tous, petit. Tu n'espères tout de même pas que je te croie !
Merde. Bien, il aurait essayé, au moins, même si cette technique manquait de subtilité et de chances de réussite. Il réfléchit un instant à ce qu'il s'apprêtait à faire, puis envoya son unique Pokémon, un Baggiguane, pour ralentir la femme. Cependant, elle n'eut aucun mal à l'envoyer bouler contre un mur à l'aide d'un coup de pied impressionnant. Qui que soit cette femme, elle était extrêmement bien entraînée. Il n'en fut que plus terrorisé encore. Que pouvait-il faire, de toute façon, contre une telle force de la nature ? Rien de bien utile.
- Je vous en prie... souffla le pauvre adolescent, à bout de forces.
Elle tenta de le réprimer, mais un éclat de rire s'échappa de ses lèvres roses.
- Bah voyons ! Les gens qui me supplient de les laisser en vie... ne sont plus là pour en parler, petit. Cours tant que tu le peux encore. Je sais bien que ta course va s'arrêter bientôt...
A ce moment précis, il ne comprit pas à quel point elle avait vu juste. Ce n'est que lorsqu'il se retrouva coincé au fin fond du hangar frigorifique du port en compagnie de la belle inconnue qu'il saisit toute l'horreur de la situation. Elle le tuerait, quoi qu'il fasse. Les fenêtres étaient bien trop hautes, presque au niveau du plafond qui devait bien se trouver dix mètres au-dessus de leurs têtes.
- N-non...
Exténué, ne tenant plus sur ses jambes, il se laissa tomber sur le carrelage glacé de l'immense entrepôt. Il n'y était jamais venu, mais il avait pu entendre toutes sortes de rumeurs à son sujet. Comme par exemple le fait que les mafieux du coin se débarrassaient parfois de cadavres parmi les marchandises, ou que les trafiquants de drogue de la région utilisaient l'entrepôt pour leurs livraisons. Quoi qu'il en soit, il était cuit, et il n'avait pas le temps de se laisser aller à ses souvenirs. Le temps était compté.
- Je... s'il vous plaît... j'vous jure, je savais pas que ce type était quelqu'un d'important ! Je peux racheter les Pokémon et les lui rendre !
La femme fit un geste de la main, comme pour balayer les faibles arguments dont disposait le gamin, et plongea son regard acier dans le sien.
- Dis-moi, mon garçon... comment t'appelles-tu ?
Le jeune adolescent voulait lui cracher au visage, mais le regard intense de l'inconnue l'en dissuada rapidement. Il déglutit, ravala ses sanglots, et d'une voix blanche, répondit :
- Max. Et puis qu'est-ce que ça peut vous faire...
- J'aime savoir à qui je m'en prends, c'est comme ça.
Le gamin, se sachant déjà condamné de toute façon, décida, à son tour, de poser une question à son futur bourreau. Il n'avait plus rien à perdre, à présent. Il repoussa ses cheveux noirs qui retombaient sur son front et se leva, à l'étonnement de la femme, qui ne bougea pas cependant.
- Je veux savoir. Qui a découvert que c'était moi, le voleur...
L'inconnue se gratta la tête et fit tourner son arme à feu dans sa main, en proie à un dilemme. Le tuer maintenant, ou apaiser sa curiosité et le liquider ensuite ?
- Ecoute, gamin, c'est un peu compliqué... mon boss a fait appel à un analyste extrêmement intelligent qui est capable - du moins, c'est ce que l'on dit - de manipuler le cerveau humain et de déceler les émotions, les mensonges et tout ça. Rien qu'en observant quelqu'un, il sait ce que cette personne ressent. Même à moi, ça me fout les jetons !
L'adolescent acquiesça. Il n'était pas plus avancé, aussi se risqua-t-il à demander autre chose.
- Je veux connaître le nom de celui qui m'a envoyé à la mort. Dites-moi son nom.
La trentenaire au regard d'acier leva les yeux au ciel devant tant de témérité, braqua son pistolet en direction de la tête du garçon, et murmura, juste avant d'appuyer sur la gachette :
- Derringer te salue, petit.