Noëls de dragibus57

En cette veille de Noël, la maison bourdonnait d'activité comme une ruche d'Apitrini.
Maman Nidoqueen mettait la patte aux derniers préparatifs du repas de réveillon, aidée – si l'on peut dire – par le reste de la famille.
"Chéri ? Tu as mis les bouteilles de jus d'Oran et de jus d'Abriko au frais ?
- Mais oui ! Tu me l'as déjà demandé tout à l'heure. Et aussi le Soda Cool, et l'Eau Fraîche, et le Lait Meumeu..."
Le grand Nidoking leva les yeux au ciel et soupira discrètement. A chaque repas familial, c'était le même refrain. Sa femme, qu'il aimait tendrement au demeurant, se faisait un point d'honneur à ce que tout soit parfait, jusque dans les moindres détails... et enquiquinait toute la famille.
Pressentant d'autres demandes du même genre, il s'éclipsa sans bruit et sortit allumer les décorations extérieures.
Des Blizzi entouraient la maison, garnis de Muciole et de Lumivole en guirlandes ; mais pas trop, sa femme tenait à ce que les illuminations du jardinet restent de bon goût et ne ressemblent pas à celles d'un cabaret. Il fit signe au Voltorbe alimentant l'installation en énergie de commencer à ronronner et l'éclairage de Noël se mit à clignoter dans le soir qui tombait.

A l'intérieur, les jumelles Nidorina préparaient les toasts de l'apéritif : des Galettes Illumis garnies de foie gras de Canarticho et d'œufs de Barloche, des Baies Tamato Ceriz caramélisées et piquées dans des cure-dents, des brochettes où magret de Canarticho fumé alternait avec des Lava Cookies que Maman Nidoqueen avait fait venir à grand frais d'une région éloignée, spécialement pour l'occasion. Les deux filles se taquinaient joyeusement et picoraient autant qu'elles travaillaient.
De la cuisine s'élevait les arômes appétissants d'un Galifeu fourré aux Baies Maron, accompagné d'une sauce aux Gaulet ramassés tout fraîchement le matin même.

Petit Nidoran allait de l'un à l'autre, trempant son doigt dans un bol, chipant une Baie, couvant d'un regard de convoitise le grand Blizzaroi du salon, décoré pour l'occasion de Cotovol et de Douduvet, de Loupio et d'Hexagel scintillants. Un Staross brillait à la pointe et reflétait la douce lumière des Funécire disposés sur la grande table de la salle à manger.
"Dis, c'est quand qu'on aura les cadeaux ?" demandait-il alternativement à son père, à sa mère, à ses sœurs.
Ceux-ci lui répondaient patiemment : "Après minuit... quand le Cadoizo de Noël sera passé... en attendant, aide tes sœurs à dresser la table...
- Et comment il viendra chez nous, le Cadoizo ? T'es sûr qu'il connaît notre adresse ?
- Mais oui, ne t'inquiète pas. Ses Cerfrousse ont l'habitude, ils savent où habite chacun des enfants de Kalos. Mais tu dois rester bien sage, sinon ils ne viendront pas !
- Et tu crois que j'aurai le jeu que j'ai commandé ?
- Ah ça... Tu verras..."
Et le petit, à la fois rassuré et frustré, retournait frétiller d'impatience autour de la table, du sapin ou des jupes de sa mère.

"A table, c'est prêt ! annonça Maman Nidoqueen.
La famille s'installa et commença à deviser joyeusement, tout en dégustant l'entrée du délicieux repas de fête.
- On aurait pu faire des Escargaume à l'ail, comme l'an dernier ? fit remarquer l'une des jumelles.
- C'est vrai, mais on vient de manger des Flingouste poêlées. Avec les amuses-bouches de l'apéro, je pense que c'était largement suffisant, lui expliqua sa mère. Et puis je préfère vous préparer des plats différents d'une année à l'autre, pour que vous puissiez goûter à tout.
- Pourquoi on mange des trucs bizarres à Noël ? demanda Petit Nidoran, le museau barbouillé de sauce.
- Pas bizarres, inhabituels, rectifia son père. Ce soir, vous dégustez des produits rares et coûteux, car en ce jour particulier de Noël, nous tenons à vous faire plaisir. Et réunir ses enfants autour d'un délicieux repas, dans cette ambiance magique, c'est partager un moment unique. Nous vous aimons très fort tous les trois et nous voulons que vous soyez heureux. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir une famille unie comme la nôtre."

Le plat de résistance fit l'unanimité et, le feu de cheminée aidant, une douce torpeur gagna les convives.
Papa Nidoking inséra alors dans la chaîne un CD du célèbre Mélokrik Toni Risso et commença à entonner de sa belle voix de basse les premières mesures de l'incontournable "Cadoizo de Noëëël, quand tu descendras du cieeel !"
Petit Nidoran applaudit et enchaîna avec "Mon beau Blizzi, roi de Kalos, que j'aime ta verdureuh !"

Avant le dessert, histoire de faire une pause et de la place dans les estomacs bien chargés, Maman Nidoqueen proposa une promenade en ville.
Avec la complicité de son mari, chargé de distraire l'attention du petit, elle s'arrangea pour quitter la maison la dernière et déposa discrètement au pied du grand Blizzaroi une série de paquets joliment emballés.

Les larges avenues d'Illumis étaient brillamment décorées et de joyeuses notes festives s'échappaient des cafés. Les boutiques du Centre Commercial rivalisaient de scènes de Noël plus sophistiquées les unes que les autres : ici une famille d'Ursaring blancs automates sous des flocons de neige artificielle, là un traîneau chargé de cadeaux tractés par huit marionnettes Vivaldaim revêtus de leur pelage hivernal.
Petit Nidoran tirait la grosse paluche de son père d'une vitrine animée à l'autre, collait son museau et ses papattes grasses sur chacune d'elles, poussant de petits cris d'émerveillement "Oh ! Viens voir celle-là !... Et là, y a une poupée Meloetta qui chante !... Wouah, le vaisseau PokéWars qui tire des vrais lasers !"

Plus loin, une crèche de Noël vivante attirait les passants.
Dans un petit chalet ouvert sur la rue, une Gardevoir et un Gallame en costumes d'époque entouraient le lit de paille d'un bébé Tarsal shiney, emmailloté jusqu'au cou. Un Tauros et un Ponyta soufflaient doucement sur le petit, qui dormait à poings fermés. Une procession s'avança au son des stridulations de quelques Mélokrik : Roigada, Hyporoi et Roitiflam marchaient solennellement en tenant chacun des cadeaux symboliques. Jirachi scintillait fortement dans le ciel, semblant les guider.
Même les jumelles Nidorina, qu'on aurait pu croire blasées, ne purent retenir de petits cris perçants : "Génial ! Ils ont même mis des Wouatouat et des Cabriolaine ! Trop choupi !"

Des Korillon sonnèrent minuit et Petit Nidoran, impatient, harcela tout le monde pour rentrer. "Le Cadoizo de Noël va passer, je voudrais le voir !" La famille, gagnée par le froid et l'excitation communicative du plus jeune, finit par regagner lentement ses pénates afin de terminer le repas du réveillon.

"Oh ! Il est passé !" s'écria Petit Nidoran, partagé entre la frustration d'avoir raté le Cadoizo et la satisfaction de voir des cadeaux sous le sapin.
Chacun découvrit son prénom sur un paquet et pendant un instant, la maison bruissa du froissement des papiers impatiemment déchirés avant de retentir des exclamations de joie des enfants.
"Hiiii ! piaillèrent avec un ensemble presque parfait les deux ados, un Iphione ! Hiiii !
- Une 2DS ! Avec un jeu ! hurla Petit Nidoran en sautant comme un Cabriolaine tout autour de la table.
- Merci mon chéri, elle est magnifique ! s'extasia Maman Nidoqueen en admirant à son doigt une bague sertie d'un Joyau Poison.
Elle déposa tendrement un baiser sur la joue de son mari et lui passa autour du cou la Nidokinguite qu'elle avait fait fabriquer en secret spécialement pour lui.
- J'ai pensé que ça pourrait t'être utile le jour où tu monteras en grade", ajouta-t-elle avec un clin d'œil complice.

Durant un moment, les enfants s'absorbèrent dans la manipulation de leurs nouveaux jouets, puis Maman Nidoqueen battit le rappel des troupes pour le dessert. Après la promenade en ville et l'excitation des cadeaux, l'appétit était revenu et la bûche au Chococoeur garnie de Chantibonbons remporta un franc succès.

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"Poussin ! Tu vas enfin sortir de ton lit ?! Habille-toi et descends, j'ai besoin de toi !"
L'ado, déjà réveillée depuis un petit moment, pesta à voix basse et s'extirpa de sous la couette douillette. Quand sa mère allait-elle cesser de lui donner ce surnom ridicule ?!

Un coup d'œil par la fenêtre confirma ce que le silence inhabituel lui avait fait pressentir : il avait neigé toute la nuit et les bruits extérieurs étaient étouffés par l'épais manteau ouatinée. Pourquoi la vue des flocons touchant paresseusement le sol ne la réjouissait-elle pas ? La neige à Noël, c'est censé être sympa non ? Du haut de sa chambre, la vue du tout petit village dans lequel elle venait d'emménager était charmante. Mais ça ne suffit pas à faire remonter le baromètre de son moral, dans le gris depuis plusieurs jours.
Elle enfila ses vêtements et vérifia rapidement l'ensemble dans le miroir. Le reflet lui renvoya l'image d'une ado plutôt mignonne, aux longs cheveux châtains et à la silhouette élancée. Sa tenue trop... collégienne ne lui plaisait pas, mais elle n'avait pour l'instant pas le choix.

Elle dévala l'escalier et se retrouva nez à nez avec sa mère :
"Tu ne devrais pas traînasser au lit si tard, ce soir c'est Noël, on est douze à table et on a encore un million de choses à préparer !"
Ah oui, c'est vrai, Noël... Elle aurait préféré que ce soit un soir comme tous les autres. Sauf si...Un petit sourire méprisant releva le coin supérieur de sa lèvre. Il y avait une chance, infime, pour que son père daigne l'honorer de sa présence...

"Il y a le fils du voisin dehors, va faire connaissance, continua sa mère, histoire de te sociabiliser un peu. Je te trouve bien trop taciturne ces temps-ci. Et tu en profiteras pour lui demander si ses parents peuvent me dépanner de quelques œufs, sinon je ne pourrai pas terminer le dessert de ce soir. Tu expliqueras qu'avec le déménagement, je n'ai pas eu le temps de faire les courses. Et ne t'attarde pas parce que j'ai besoin de ton aide en cuisine. Et pense aussi à..."
Sa mère continua à déverser un flot de paroles, mais elle n'entendait déjà plus, réfugiée, comme à son habitude, dans ce petit espace secret qu'elle s'était ménagée au fond d'elle-même.

Ce soir, ce serait la traditionnelle réunion de famille, avec papi, mamie, tatas, tontons et tous leurs gosses mal élevés. Une corvée. Il lui faudrait rester des heures à table, faire bonne figure malgré l'ennui des conversations futiles, afficher un sourire aimable pour répondre aux remarques du style "Et l'école, ça va ? Le collège, ça devient sérieux... Comme tu as grandi, tu deviens une jeune fille maintenant !" Elle soupira.

Sa mère et elle venaient juste d'emménager, le reste de la famille aurait pu proposer de les accueillir pour le réveillon. Mais non, ça n'était venu à l'esprit de personne qu'elles n'avaient pas encore eu le temps de déballer tous leurs cartons et qu'elles avaient peut-être mieux à faire que de passer la journée aux fourneaux. La tradition était la tradition. Le repas de Noël avait toujours eu lieu chez elles et ça ne changerait pas cette année non plus.

Aurait-elle quand même le temps de décorer un peu la maison ? Oh, pas grand-chose. Un bouquet de sapin et de houx sur la porte, quelques branches de gui accrochées aux appliques de la salle à manger, des pommes de pin et des noix bombées à la peinture argentée et disposées sur la table... Elle verrait.

Qu'est-ce que sa mère avait prévu pour le repas ? Parce que ces messieurs-dames étaient difficiles : l'un ne mangeait pas de fruits de mer, l'autre pas de viande rouge et les gosses quasiment pas de légumes. L'idéal, au vu des circonstances, aurait été un repas tout simple mais convivial, genre raclette ou fondue. Mais non. "Voyons, ça fait trop cheap !" avait décrété sa mère.

Puis viendrait l'incontournable cérémonie des cadeaux. Les gosses déballeraient leur montagne de paquets d'un air blasé. Et certains auraient même le culot d'être déçus et de le faire savoir. "Quoi ?! Des livres ?! Mais j'avais demandé une tablette !" D'autres relègueraient rapidement dans un coin le coûteux jouet télécommandé, préférant jouer au foot avec le papier cadeau froissé en boule.
Quant à elle, elle recevrait invariablement de l'argent. Non pas qu'elle crachait dessus, mais c'était tellement plus facile que de se creuser les méninges pour lui offrir une petite bricole sympa... Elle ne demandait pas la lune, juste l'effort de s'intéresser à ce qu'elle aimait.
Et Noël, elle n'aimait pas. Pas comme ça en tout cas.

En sortant, elle tomba sur son voisin, un jeune d'à peu près son âge, qu'elle avait vaguement aperçu au moment de l'emménagement. Beau gosse. Elle n'y avait pas fait attention sur le coup, mais maintenant qu'elle le voyait de près... Petit rayon de soleil dans cette journée qui s'annonçait morose.
Il était avec ses copains et lui proposa de lui montrer les environs. Oubliant les œufs et les recommandations de sa mère, elle les suivit sur le sentier qui la mena au village voisin, dont la seule attraction était le café de la petite place.

"Hey, viens t'assoir avec nous ! fit son voisin. Je vais faire les présentations."
Elle hésita, elle n'était pas très emballée par la proposition. Timidité de sa part ? Non, plutôt l'espèce de spleen qu'elle ressentait depuis ce matin. Envie de ne voir personne, envie de ne rien faire. Mais elle fut touchée par l'intention, des inconnus s'intéressaient à elle. Finalement elle accepta.

Le café, comme tous les commerces en cette période, était violemment illuminé de guirlandes clignotantes. La vitrine était surchargée de stickers de Noël et les hauts-parleurs diffusaient les traditionnels chants de circonstance. La musique s'insinuait malgré elle dans sa tête, lui évoquant les films mièvres qui passaient quasiment en boucle sur toutes les chaînes depuis quinze jours. L'esprit de Noël... A l'intérieur, un écran plat montrait des pubs de jouets, de parfums, de bijoux et de foie gras. L'esprit consommateur de Noël.

"On peut te donner un surnom ?"
Ah non ! Ils n'allaient pas commencer comme sa mère ! Mais elle laissa faire, pour ne pas plomber l'ambiance de cette première rencontre. Après tout, ils avaient l'air sympa. Il y avait ce garçon toujours en train de danser sur place, très à l'aise malgré son embonpoint ; et celui-là, le rouquin timide, à l'air un peu intello. Elle accrochait moins avec la seule fille du groupe, une "mademoiselle je-sais-tout".

Elle se retrouva soudain à devoir choisir un cadeau. Comme ça, sans contrepartie. De la part de simples inconnus. Sa gorge se serra et les larmes lui montèrent aux yeux.
Ce Noël allait-il finalement être différent des autres ?

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"Papa ! Mon jeu ne marche plus ! L'écran est tout noir !
Petit Nidoran était catastrophé, de grosses larmes ourlaient ses yeux, qu'il avait grand peine à contenir.
- Tu es sûr mon grand ? Attends, je regarde... Mais non, c'est juste ta console qui est déchargée. Tu as dû oublier de l'éteindre pendant qu'on mangeait le dessert. On va la rebrancher et tout rentrera dans l'ordre, ne t'inquiète pas.
Un sourire de soulagement illumina la face du gamin, mais il ajouta quand même d'un air un peu déçu :
- J'avais pas enregistré ma partie, je dois tout recommencer... Juste au moment où Séréna allait choisir son Pokéhom de départ..."