"Le leadership, c'est l'art de faire faire quelque chose à quelqu'un, parce qu'il a envie de le faire."
- Dwight D. EisenhowerLe sentier irrégulier qui permettait aux véhicules de se frayer un chemin dans le Bois Clémenti provoquait, au moins une fois par minute, des soubresauts dans la camionnette militaire qui serpentait tant bien que mal entre les arbres massifs. Le caporal Hermann, assis à l'avant, avait d'abord été enthousiasmé par cette sortie inattendue. Lui qui était relégué à un travail de bureau depuis la fin de la guerre, il ne lui arrivait que rarement de sortir. Mais cet enthousiasme avait rapidement cédé la place à la frustration lorsqu'il commença à s'engager dans la forêt la plus sombre de Hoenn. A côté de lui, le colonel Waltz sifflotait tranquillement, son éternel sourire aux lèvres. Il ne semblait pas énervé le moins du monde par le terrain peu praticable du bois.
- Allons, Hermann, ne soyez pas si renfrogné. Pour une fois que vous avez droit à une mission de terrain.
Le jeune soldat secoua la tête et se reconcentra aussitôt sur la route. Les rayons du soleil filtraient un peu mieux, signe qu'ils allaient bientôt sortir de cet interminable dédale.
- J'en rêve, des missions de terrain, quand je suis au bureau, vous pouvez me croire. Mais conduire à travers une forêt comme ça, non merci !
L'officier supérieur ricana et se retourna vers la fenêtre, observant le paysage monotone et les quelques Pokémon qui s'amusaient ici ou là. Sa ville lui manquait déjà. Bien sûr, il n'avait jamais été très proche de la nature, et il n'aimait pas spécialement l'ambiance propre aux forêts ou aux montagnes. Il était avant tout un citadin. Mais il avait tenu à aller vérifier lui-même ce que le major Warden lui avait affirmé par radio un peu plus tôt. Apparemment, la résidence secondaire de Tobias Owen renfermait des secrets intéressants, qu'il lui tardait de percer.
Finalement, après un long moment passé à tourner et à retourner, à suivre des sentiers tous plus étroits les uns que les autres, le caporal Hermann quitta enfin le Bois Clémenti. La lumière du jour l'aveugla presque, mais il se ressaisit vite pour ne pas perdre le contrôle de la camionnette. Le colonel, assis à côté de lui, ne disait rien. Il arrêta le véhicule sur un parking, à proximité de la voiture flamboyante du major Warden.
- Je vous accompagne, monsieur ?
Waltz considéra un moment la situation et finit par secouer la tête.
- Restez donc ici, je pourrais avoir besoin de vous.
Il ne laissa pas le temps à son subordonné de réagir et descendit du véhicule, fermant la porte derrière lui. Le caporal soupira et se laissa glisser sur le siège conducteur, prêt à attendre des heures. Waltz traversa, tranquillement, les premières rues pavées de la ville. Rien à voir avec l'ambiance tendue de Mérouville. Ici, il faisait bon vivre - malgré la température basse -, les Hoennais sortaient volontiers pour aller discuter autour d'un café, et il n'y avait pas de militaires à tous les coins de rue. Nul doute que l'officier supérieur en charge de la ville ne prenait pas vraiment cette histoire d'occupation au sérieux, et qu'il préférait passer ses journées affalé dans son bureau à s'empiffrer de beignets.
En arrivant dans la rue principale de Clémenti-Ville, celle qui passait devant le bâtiment délabré qu'était la mairie, il passa à proximité d'un couple et de leurs deux enfants, qui eurent un mouvement de recul en le voyant. Ce n'était certes pas tous les jours que l'on croisait un officier haut-placé dans l'armée Unovite. Surtout que celui-là était bien connu des natifs de Hoenn. Après tout, qui n'avait pas entendu parler de Hans Waltz, le type qui avait manipulé trois milliers d'officiers pour remporter la bataille de Mérouville ? Ayant remarqué l'animosité que ce couple manifestait envers lui, il décida de s'approcher d'eux. La femme lui jeta un regard des plus noirs.
- Bien le bonjour, messieurs-dames.
Sous le regard effaré du mari, il déposa un baiser sur la main de la femme, qui le regardait toujours avec un dégoût non dissimulé. Les deux enfants, qui ne devaient pas avoir plus de cinq ans, observaient sans comprendre.
- Je ne sais pas ce que vous faites ici, mais vous n'êtes pas le bienvenu dans notre ville ! beugla l'homme.
Waltz pencha la tête sur le côté, feignant l'incompréhension.
- Oh. Ainsi vous seriez des sympathisants des rebelles ?
Le père de famille serra les poings, pour se retenir de donner un bon coup au militaire. Son regard trahissait bien la haine qu'il éprouvait à l'égard des Unovites. La femme serrait bien ses enfants dans ses bras, comme pour les protéger d'une menace. De toute évidence, le colonel leur faisait peur.
- Vous n'avez rien à craindre si vous n'avez rien à cacher. Je ne sais plus exactement qui a dit ça, mais cette déclaration prend tout son sens aujourd'hui même, sourit l'énigmatique officier.
- N'approchez pas de mes enfants, souffla la femme, hargneuse.
- M'approcher de vos enfants ? Loin de moi cette idée, madame. Je ne suis là que pour une seule raison. Je fais mon travail. Et il ne vous concerne en rien, alors soyez-en certaine, je ne veux aucun mal à votre famille.
Il les regarda chacun tour à tour, puis leur offrit un large sourire.
- Auf wiedersehen.*
*en allemand : au revoirLe colonel Waltz reprit sa route en direction de la demeure de Tobias Owen. L'homme et la femme se regardèrent, dubitatifs.
- C'est mon imagination, ou bien il était vraiment bizarre, cet Unovite-là ?
- Il était bizarre, confirma la mère de famille.
L'homme hocha vivement la tête.
- C'est bien ce que je pensais.
*
* *Juste devant la grande maison de Tobias Owen, l'homme qui avait osé attaquer le quartier résidentiel des officiers de Mérouville en mettant le feu à plusieurs maisons, le docteur Joseph Watson discutait avec le major Jim Warden. La fumée de la cigarette de ce dernier dérangeait le médecin, mais son manque de confiance en lui le dissuada d'en faire la remarque. Il avait un peu peur du major, aussi, bien que celui-ci se montre plutôt sympathique.
- Je me demande ce qu'il fout, le colonel. Il a dit qu'il nous recontacterait, mais ça fait un moment que je l'ai appelé... soupira le militaire brun en écrasant sa cigarette sous sa botte.
Le blondinet hocha la tête.
- Oh, je suis sûr qu'il va se manifester bientôt... du moins je l'espère, il fait vraiment froid ici.
- Vous voulez qu'on rentre ? proposa Warden. Vous tremblez.
Watson sourit et secoua la tête.
- Non, non merci. Je vais bien.
- Vous en êtes certain ? insista l'officier.
- Cessez donc d'importuner ce pauvre docteur, enfin !
A l'entende de cette voix familière, les deux hommes se tournèrent vers le colonel Waltz, qui arrivait tranquillement dans leur direction. Le médecin ne s'attendait vraiment pas à ce qu'il vienne en personne pour vérifier la maison d'Owen. Le major, lui, ne semblait pas surpris. De toute façon, avec le colonel, on pouvait s'attendre à tout. Il arriva vers eux, tout sourire, comme à son habitude. A croire qu'il n'était capable d'aucune autre expression faciale.
- Eh bien, en voilà des subalternes heureux de me voir ! plaisanta-t-il.
- On ne s'attendait pas à ce que vous veniez vérifier vous-même... souffla Warden.
Hans haussa les épaules.
- Oh vous savez, tous les bureaucrates ont besoin de sortir de temps en temps. On s'ennuie terriblement au bureau, certains jours. Et puis cette histoire de fusils de précision... disons que je voulais vérifier moi-même.
- Bon... eh ben entrons alors.
Le colonel hocha la tête et suivit les deux hommes dans la maison. Il s'attarda un moment sur la photographie posée sur la table du salon, puis descendit jusqu'à la cave, où se trouvaient les deux femmes. Le major Greene était nonchalamment assise sur l'une des grandes caisses métalliques, un verre de vin dans une main, une bouteille dans l'autre, tandis que le lieutenant Raine la dévisageait d'un regard désapprobateur.
- Vous pensez que c'est vraiment le moment de boire ? s'étonna le docteur Watson, atterré.
- Y'a pas d'heure pour déguster un bon verre de vin, mon mignon. Vous en voulez ?
Le médecin préféra ignorer la brune pour se concentrer davantage sur les armes. La caisse que le major avait ouverte attira l'attention du colonel Waltz, qui s'en approcha.
- Eh bien ça, c'est intéressant !
Raine haussa un sourcil.
- Quoi donc ?
- Bien sûr, vous ne faites pas partie des personnes au courant... ce modèle-ci est tout nouveau. Le ministère de l'Information et de la Recherche a finalisé tout ça il y a à peine un mois. Ils ne sont même pas à la disposition de notre armée pour le moment. Je crois qu'ils l'ont appelé... le "Hooker".
Jennifer Greene soupira, après avoir vidé son verre.
- Et où voulez-vous en venir ?
Waltz leva les yeux au ciel.
- C'est évident. Je suis en train de dire qu'il s'agit d'un modèle Unovite. Ce qui veut dire...
- Que les rebelles ont un fournisseur de chez nous... en déduit Raine en grimaçant, peu rassurée par la tournure que prenaient les événements.
*
* *Tobias Owen, assis sur l'un des canapés placés dans le couloir principal du bunker de Cimetronelle, ne décolla les yeux de son livre qu'en voyant passer le couple Travis.
- Où est-ce que vous allez, comme ça ?
Bridget soupira, ne cachant pas son animosité à l'égard d'Owen. Winston se contenta de répondre à la question.
- Puisque tu n'es pas disposé à le faire, on va récupérer le matériel à Clémenti-Ville. Autrement, les Unovites pourraient mettre la main dessus.
- Oh. Faites donc.
La rouquine secoua la tête, affligée par le je-m'en-foutisme du blond, et sortit précipitamment de la base souterraine peu accueillante. Winston avisa un instant son interlocuteur.
- Tu as l'air de mauvaise humeur... plus que d'habitude, du moins. Quelque chose ne va pas ?
Owen tira une bouffée de sa cigarette et regarda le brun dans les yeux, avant de ricaner.
- Ce truc dont tu m'as parlé... tu sais, tu fais affaire avec Sullivan Finkton. Eh bien ça ne m'a pas mis de très bonne humeur. Mais enfin, va faire ce que tu as à faire, te soucie pas de moi.
Le leader des résistants, dubitatif, hocha la tête et disparut à la surface, laissant le blond à sa lecture. A l'extérieur, ils sortirent tous deux un Airmure et s'envolèrent à toute vitesse en direction de Clémenti-Ville.
*
* *- Je suppose que maintenant, la réunion est bel est bien terminée... sortons d'ici.
Tout le monde approuva les dires de l'homme qui parlait. Les ministres du gouvernement Unovite, ainsi que certains membres influents de l'Etat-major, se levèrent pour quitter la grande salle. L'homme parla de nouveau :
- Général Grey, rejoignez-moi dès que possible au club Richie's, nous avons à discuter de choses importantes. Ce sera tout.
Rebecca Ferguson - Glitter & Gold (lien YouTube)Une femme, en uniforme militaire, décoré de médailles en tout genre, traversait, d'un pas rapide, les rues animées de la capitale Unovite. Volucité avait toujours été l'une des villes les plus actives de la région, de par sa superficie, son nombre d'habitants, ou toutes les infrastructures qu'elle comprenait. La vie dans cette cité qui ne dort jamais n'avait rien à voir avec les autres villes d'Unys. La femme, donc, après une marche relativement courte, entra, sachant parfaitement où elle allait, dans un club huppé. Le nom "Richie's" était lisible sur la devanture. A l'intérieur, personne ne s'arrêta pour lui demander ses papiers ; tout le monde la connaissait et, par extension, la respectait.
Elle donna une indication à l'un des employés, qui la conduit vers une table située en retrait, dans le fond de l'établissement. L'homme y étant assis lui demanda de s'asseoir en face de lui.
- Vous n'avez pas tardé, général.
Elle haussa les épaules.
- Disons que je m'efforce d'être polie, monsieur le ministre Finkton, répondit-elle sur le même ton. De quoi voulez-vous tant me parler ?
Triturant la bague de sa main droite, il la regarda avec un sourire.
- De votre nouvelle affectation, tout simplement.
Elle haussa un sourcil. Elle ne pouvait pas dire qu'elle s'y attendait, loin de là. Elle pria intérieurement pour ne pas se retrouver à Hoenn. D'une, c'était bien trop exotique pour elle, et de deux, elle n'avait pas la moindre envie de travailler avec ce fichu colonel Waltz.
- Bien... et, où vais-je devoir travailler ?
Roddy Finkton, les mains croisées sous son menton, la dévisagea un moment. Puis il sortit un papier de la poche de son costume et le tendit au général.
- Lisez donc.
Elle obtempéra et constata avec agacement que le pire allait arriver ; elle partirait pour Hoenn, histoire de remplacer le général en fonction là-bas. N'ayant pas le courage de protester, elle hocha simplement la tête et soupira, sous le regard inquisiteur du ministre de l'Intérieur.
*
* *- Bah, vous savez, il y a tout un tas de rumeurs qui circulent dans le coin, souffla Jim Warden.
Le major Greene haussa les épaules.
- Si vous le dites... enfin vous vous doutez bien qu'il sera bientôt remplacé, il a quoi, cent ans ?
L'ambiance était plus détendue qu'auparavant dans la cave de la demeure de Tobias Owen. Ils attendaient de recevoir une réponse du quartier général d'Atalanopolis, la plus haute autorité Unovite basée à Hoenn, mais depuis bien une heure, la radio du colonel n'avait pas fait un bruit. En attendant, ils discutaient, entourés de vin et d'armes de précision.
- Et vous, docteur, vous en pensez quoi ? sourit Waltz.
- Oh, eh bien euh... je ne connais pas personnellement le général, alors les rumeurs sur lui, je les ignore...
- Bon esprit ! Concentrons-nous plutôt sur ce bon vin qui nous est si gentiment proposé ! s'enthousiasma Greene.
- Je ne suis pas certaine que ce soit une si bonne idée de se servir dans cette cave... soupira Raine, toujours aussi professionnelle et fidèle à elle-même.
A l'entente de sa remarque, personne ne cilla. En revanche, lorsque la lumière s'éteignit brusquement, ce fut une toute autre histoire. On entendait le major Greene brailler et le major Warden tapait frénitiquement sur l'interrupteur, sans pouvoir changer quoi que ce soit.
- Bordel, comme si on avait besoin d'une foutue coupure de courant !
- Que tout le monde se calme, on va se débrouiller pour sortir d'ici sans lumière.
- Je ne crois pas, non ! répliqua une voix féminine qu'aucun d'entre eux ne reconnut.
Bientôt, la colère générale s'atténua et tout le monde commença à perdre de sa sérénité - à l'exception du colonel qui, lui, ne semblait pas capable de paniquer. Dans le silence inquiétant, on entendit des pas se rapprocher, et on ne tarda pas à voir une bougie, tenue par une belle femme aux boucles rousses. Un homme aux cheveux noirs la suivait. Son regard éméraude se posa sur les militaires d'Unys.
- Eh bien, quel joyeux rassemblement nous avons-là ! Le colonel Hans Waltz en personne, si on s'était attendus à ça... sourit la femme.
Le concerné se contenta de sourire, faiblement éclairé par la lueur de la flamme.
- A qui avons-nous l'honneur ?
Elle ne répondit pas et posa la bougie sur une chaise, pour que la pièce soit plus ou moins bien éclairée dans sa totalité. Les officiers, restant silencieux, n'esquissaient pas le moindre mouvement. Quelque chose perturbait le docteur Watson, mais il mit un certain temps avant de s'en rendre compte.
- Ces gens... ce sont les personnes sur la photo, avec Tobias Owen...
- Maintenant que vous le dites, effectivement ! admit Jennifer Greene. Et si vous nous disiez vos noms ?
Pour toute réponse, l'homme pointa un pistolet sur le colonel Waltz.
- Je crois que c'est à nous de poser les questions.