Epilogue
- Je vous remercie, humains, déclara Arceus à Erend et Castel. Sans vous, j'aurai sans doute eu du mal à me débarrasser de cette créature. Vous êtes venus en ce lieu normalement caché des mortels pour me sauver. Si ça démontre une bien grande arrogance, ça démontre aussi une belle preuve de courage.
Erend ne se sentait pas vraiment digne de recevoir les louages du Créateur en personne. Castel, lui, semblait vouloir se faire tout petit, et refusait de regarder Arceus en face. Arceus s'approcha jusqu'à Erend.
- Ce que tu as fait aujourd'hui est digne de ton ancêtre. Oui, je me souviens de lui. Uriel. J'ai vu en lui l'espoir de ce monde, celui qui allait le sauver. Il l'a fait par des chemins détournés, mais il l'a fait, au final. Tu feras comme lui. Moi, Arceus, Père des Pokemon et vingt-deuxième Façonneur, je te nomme, toi, Erend Igeus, Sauveur du Millénaire.
Erend fronça les sourcils, perplexe.
- Mais... ne viens-je pas juste de le faire ? Sauver le monde d'Enysia ?
Arceus ricana doucement.
- Tu accordes trop de crédit à cette femme. Elle n'était rien.
- Rien ?!
- Bon, elle aurait pu être une menace, concéda le dieu. Elle m'aurait peut-être blessé. Mais son arrogance était astronomique si elle pensait pouvoir prendre ma place et régenter ma création. Ce n'était juste qu'un pion d'un ennemi bien plus redoutable et dangereux.
- Horrorscor, devina Castel.
Arceus hocha la tête.
- Oui, le Pokemon de la Corruption, la plus vile création d'Asmoth. Il ourdi dans l'ombre depuis des siècles, et je pressens que très bientôt, le monde aura une nouvelle fois à combattre ses ténèbres corruptrice. Peut-être à ce moment là, le monde aura besoin du Sauveur du Millénaire. Ce sera ton combat, Erend Igeus. Tout ce qui a découlé de cette Enysia était le combat de ton ancêtre, le précédent Sauveur, Uriel. On peut même dire que c'est lui qui, au final, a vaincu Enysia. Il a vécu tellement longtemps dans cette épée que le Vifacier dont est constitué la lame s'est imprégné de son esprit. Peut-être quelque chose de lui est resté à l'intérieur, et a purifié l'épée.
Erend dévisagea la lame immaculée d'un œil nouveau, comme si son glorieux ancêtre était réellement à l'intérieur. Castel baissa la tête, l'air honteux et triste.
- J'ai tué Uriel alors que je venais tout juste de le revoir après cinq cent ans, quand j'étais encore sous l'emprise d'Enysia. Il était mon meilleur ami. Il était mon frère, et je l'ai trahi. Je l'ai blessé. Je l'ai forcé à vendre son âme et à souffrir.
- Uriel et toi, vous étiez indissociables, répliqua Arceus. Je l'ai senti la première fois que je vous ai rencontrés. Un allait briller dans la lumière pour œuvrer à la destruction. Un allait se consumer dans les ténèbres pour travailler à la sauvegarde. C'est de votre lutte que nous sommes arrivés à cette situation où le mal que représentait Enysia a enfin disparu. Uriel n'aurait pas pu accomplir son destin de Sauveur sans toi, humain Castel. Et son descendant que voici n'aurait pas eu l'occasion de débuter le sien. Tu n'étais pas un Sauveur du Millénaire, mais un rouage indispensable à leur réussite.
Erend se mordit la langue pour ne pas répliquer. Il ne voulait pas entendre ça. Il ne voulait pas admettre que cet homme méprisable ait pu l'aider.
- Erend Igeus, reprit Arceus. Comme promis, tu as droit à ma reconnaissance. Nomme-moi un de tes désirs, et je l'exhausserai. En tant que Créateur, il y a peu de chose hors de ma portée.
Erend songea à tous ces gens qui, dans la même situation, auraient demandé des trucs comme « je veux être riche » ou « fais-moi maître du monde ». En temps normal, Erend n'aurait pas hésité à demander quelque chose d'égoïste dans ce genre là. Pas de l'argent ; il était déjà riche. Le pouvoir, il voulait le gagner par lui-même. Mais quelque chose qui aurait pu accélérer tout cela, pour servir son ambition. Après tout, comme l'avait dit Arceus lui-même, Erend n'était certainement pas quelqu'un de désintéressé. Mais pour l'heure, il ne pouvait souhaiter qu'une chose.
- Mon frère, Zayne, est gravement blessé. Rien ne peut le sauver, si ce n'est vos pouvoirs divins, seigneur. Je vous en prie... sauvez mon frère !
- Hum... voyons cela.
Arceus fit silence un moment, les yeux clos, comme s'il cherchait à travers toutes les âmes des humains de la Terre pour repérer Zayne. Finalement, il ouvrit les yeux, et dévisagea Erend avec une certaine forme de commisération.
- Je regrette, mon jeune ami. Je crains que ton frère ne soit déjà mort.
Erend tomba à genoux sans s'en rendre compte. Cette simple phrase, dite sur un ton si naturel, lui fit l'effet d'échardes brûlantes sur tout le corps. Il avait envie de tabasser Arceus et son détachement divin. Il avait envie de passer Espérance au travers du corps de Castel. Mais une idée lui vint en tête.
- Mais... vous êtes Dieu, n'est-ce pas ? Vous ne pouvez pas... ramener Zayne du royaume des morts ?
- Je le pourrai, admit Arceus. Giratina a mauvais caractère, mais généralement il est docile avec moi. Ceci dit... est-ce bien ce que tu veux ?
- Oui ! Je veux que Zayne revienne ! Et ma mère ! Et Nirina !
- Tu as vu avec Enysia ce que combattre la mort peut apporter, renchérit Arceus. C'est la marque d'Horrorscor. Il n'y a que lui qui ait osé tenir Giratina à distance, pour lui et ses serviteurs. Il use d'artifice pour ranimer les cadavres. Ce n'est pas naturel. La mort l'est, en revanche. Une vie est précieuse car elle est limitée. Et la mort n'est, en quelque sorte, que la seconde partie de l'existence. Je pourrai ramener tes êtres chers, mais je peux te dire qu'ils ne seraient pas heureux. En revanche, je peux te dire que ton frère Zayne est heureux et en paix là où il est.
Erend serra les poings. Bien sûr, Arceus avait raison. Erend a toujours été quelqu'un de sensé et de logique, et jouer aux dieux en repoussant la mort, c'était quelque chose qui allait totalement à l'inverse de ses idéaux. Mais Erend était aussi un humain, avec ses désirs égoïstes. Il savait bien que s'il voulait ramener son frère, ce n'était pas pour Zayne lui-même, mais bien pour lui. C'était toujours pareil. Quand on pleurait un mort, ce n'était pour lui qu'on pleurait, mais pour nous-mêmes, pour notre perte.
- Alors... laissez-le, dit enfin Erend, bien que ces mots lui en coûtaient. Je vivrai avec son souvenir.
Au regard de Ladytus, Erend sut qu'il avait pris la bonne décision. Castel sourit tristement.
- Tu es plus fort que moi, dit-il. La mort d'Enysia m'avait volé la raison, et je n'ai eu de cesse ensuite de vouloir la ressusciter... pour le résultat qu'on connait.
- C'est toi qui m'a volé mon frère, ainsi que ma mère, cracha Erend. Peu importe que tu aient été manipulé, que tu aies aidé contre Enysia, ou que tu ne sois plus le même maintenant... Jamais je ne te le pardonnerai !
Castel hocha la tête.
- Je prends sur moi ta haine, et celle de tous ceux à qui j'ai causé du tort. Hélas, je ne compte pas me livrer à votre justice. Je compte passer le reste de ma vie seul, à méditer. Peut-être y trouverai-je un sens...
Il se tourna ensuite vers Arceus.
- Ai-je droit à un souhait moi aussi pour avoir aidé ?
- Si tu le désires...
- J'aimerai que vous m'envoyez dans le monde de Cinhol, dans un endroit isolé, où personne ne m'embêtera, et où je n'embêterai personne. Mais avant, juste une chose : il y a, dans le Monde Réel, un œuf de Pokemon qui m'appartient. Celui de Shinobourge. J'aimerai le prendre. Je libère tous mes autres Pokemon, mais Shinobourge a été mon tout premier. On a commencé ensemble. J'aimerai qu'on finisse ensemble.
Comme par magie, Arceus fit apparaître devant lui l'œuf vert qu'Erend et Ladytus avait laissé dans la salle du trône du palais de Castel après avoir vaincu Shinobourge. Castel le pris tendrement dans ses bras.
- Merci, Votre Divinité. Ai-je le droit aussi d'emporter Hafodes ?
- Je n'ai pas crée les Dieux Guerriers, répondit Arceus. Je n'ai pas à décider qui ils suivent. De plus, il me semble qu'Hafodes a fait de toi son maître depuis bien longtemps. Il t'appartient.
Castel hocha la tête, et fit tournoyer la fourche rouge. Hafodes se transforma pour prendre sa forme normale, celle du taureau mécanique rouge qui avait embroché la mère d'Erend. Le jeune garçon serra les poings, mais ne dit rien. Au même moment, Triseïdon regagna lui aussi sa forme véritable.
- Cela fait longtemps, mon frère, dit-il à Hafodes.
- En effet, répondit ce dernier avec une grosse voix. Je suis heureux qu'on ait cessé de se combattre, mais je compte rester avec mon maître.
- J'en ferai de même avec le miens, acquiesça Triseïdon. C'est là notre devoir.
Alors qu'Arceus ouvrit une porte interdimmensionnelle qui donnait sans nul doute sur l'endroit que Castel avait choisi à Cinhol, l'ancien roi se tourna une dernière fois vers Erend, et s'avança pour lui remettre Meminyar.
- J'ignore si le sang des Haldar continuera de régner à Cinhol après tout ça. Mais cette épée a cessé de m'appartenir depuis longtemps. Donne-là à mon héritier, le fils de Nirina. Elle n'est pas maléfique comme Peine a pu l'être. C'est une bonne épée, une épée de roi.
Puis Castel Haldar, défiguré de moitié, les cheveux blanchis, tenant un œuf entre ses bras, s'avança vers le portail avec Hafodes à ses cotés.
- Adieu, héritier d'Uriel, Sauveur du Millénaire. Je doute qu'on se revoit.
Après qu'il eut disparu et que la porte se fut refermée, Arceus ricana doucement.
- Il peut penser vivre sa vie paisiblement, loin de tout, mais le destin n'en a pas terminé avec Castel Haldar. Il aura encore des choses à accomplir.
Erend garda le silence. Quoi que puisse accomplir Castel, il ne voulait rien avoir à faire avec. Arceus se retourna vers lui.
- Alors, mon nouveau Sauveur du Millénaire ? Tu n'as aucun autre désir à me faire part ? Tu l'as mérité.
Erend réfléchi, puis un sourire s'afficha sur son visage.
- En fait, divin Arceus, il se pourrait que j'en ai un.
Et il le lui dit. Arceus hocha la tête.
- Ainsi en sera-t-il. Quand le moment sera venu, j'exaucerai ce souhait. En attendant, je te souhaites de réussir face à ton destin. Tu seras amené à sauver le monde. J'ignore quand, mais je ne me trompe jamais. Mais la définition de « sauver » peut changer selon les individus. Tu seras amené à faire un choix, qui aura pour conséquence le futur de ce monde. Puisses-tu le prendre en suivant tes convictions.
Erend s'inclina respectueusement, et Arceus le renvoya dans le monde réel, lui et ses compagnons qui attendaient à l'extérieur d'Origine. Un humain très intéressant, cet Erend Igeus, se dit le dieu. Peut-être le Sauveur du Millénaire qui allait voir le plus de poids dans l'Histoire. Il avait su résister à l'attrait de faire revenir de la mort ses êtres chers. Peu en était capable. Mais Arceus, qui avait toujours constamment un œil dans le Royaume des Ombres, savait que c'était la bonne décision. Il voyait le prénommé Zayne, qui était heureux et en paix. Il voyait avec lui leur mère, qui était fier de son cadet. Et qui d'autre Erend avait cité ? Une Nirina ? Arceus avait beau chercher, il ne trouva personne de ce nom qui connaissait Erend dans le Royaume des Ombres. Haussant mentalement les épaules, il s'en retourna pour un long sommeil dans son monde, où il attendrait de là le moment où il devrait exaucer le vœu de son Sauveur.
***
Quand Erend rentra à Fubrica, triomphant, et que tout le monde l'eut reconnu comme le nouveau Sauveur du Millénaire, il fut acclamé tel un héros. On raconta la vérité au peuple, qu'il soit de Bakan ou de Cinhol, sur tout ce qui s'était passé. Ce fut un rude choc pour les habitants de Cinhol. Perdus et déboussolés, n'étant plus sûrs de leurs traditions, ils proposèrent le trône à Erend. Après tout, n'était-il pas le descendant de l'un de leurs Fondateurs ? Mais Erend refusa. Son monde était le monde réel. Il voulu même rendre Espérance aux gens de Cinhol, arguant qu'il s'agissait d'un de leur trésors nationaux, mais Deornas et Isgon, qui parlèrent au nom du royaume, insistèrent pour qu'Erend la garde.
Respectant la volonté de Castel, Erend remit Meminyar au jeune Alroy Haldar. Le garçon, encore bouleversé d'avoir perdu sa mère, ne quittait plus Leaf et Deornas, qui eux-mêmes ne se quittaient plus. Le duc Isgon négocia avec le tout nouveau président Glen Kearney de Bakan, pour qu'une paix et une entente durable se fasse entre la région et le royaume de Cinhol. Isgon fut nommé régent du royaume de Cinhol, celui qui allait prendre les décisions au nom de son petit-fils le roi Alroy jusqu'à que ce dernier soit en âge de régner par lui-même.
Il fut en outre décidé qu'Alroy vive à la fois dans le monde réel et à Cinhol, pour qu'il devienne un lien reliant les deux mondes. Deornas accepta de demeurer à Bakan, comme ambassadeur de Cinhol. De son coté, Leaf Elson devint l'ambassadrice de Bakan à Cinhol. On leur donna à chacun deux anneaux de transferts. Comme Leaf avait promis à Nirina de s'occuper d'Alroy si jamais il devait lui arriver malheur, elle fut désignée comme sa mère tutrice lorsqu'il serait à Cinhol, tandis que Deornas en aurait la garde lors de ses voyages à Bakan. Un arrangement qu'acceptèrent les deux intéressés, qui, au vu de leur regard complice, s'attendaient de toute façon à se voir souvent.
Lyaderix et la Tribu des Chevaux furent aussi présents dans le processus de paix. Isgon leur concéda une grande partie du territoire de Cinhol, en échange de leur allégeance à Alroy. Lyaderix accepta, car le garçon était en partie de son sang. Stormy Sky, par la voix de son Grand Amiral, présenta ses excuses au peuple de Bakan pour les actions de Rashok, qui au final retrouva son honneur après qu'on eut révélé les manipulations d'Enysia. La Quatrième Flotte, commandée par Syal, devait demeurer à Bakan pour aider les citoyens à reconstruire ce qui devait l'être.
Tout cela se passa en très peu de temps, comme si le désir des gens après tant de destructions était de vite tout reconstruire. Erend y participa assez peu, au final. Il dut préparer les obsèques de son frère, qui fut reconnu comme un héros national, à la fois de la région Bakan mais aussi de Cinhol. Après quoi, le père d'Erend, le Dignitaire Balthazar Igeus, insista pour qu'il rentre avec lui à Kanto. Ayant vu trop d'horreurs à Bakan, Erend obtempéra. Mais il savait qu'il rentrerai, un jour. Bakan était sa région natale, même si son ambition l'appelait à gouverner Kanto un jour. Son amie Velca, qui était aussi originaire de Kanto, rentra avec lui. La jeune femme avait été très bouleversée par la mort de Zayne, dont elle était évidement amoureuse. Erend ne pourrait pas combler ce vide, mais il insista auprès de son père pour que Velca reste avec lui comme assistante personnelle. Erend en avait deux maintenant, en comptant Ladytus.
Durant le trajet du retour, à bord du jet privé de son père, Erend songea à tout ce qu'il laissait à Bakan. Ça avait été dur. Erend y avait perdu sa mère, son demi-frère et nombre de ses amis de l'Académie. Mais il y avait aussi gagné quelque chose, outre le vœu fait à Arceus, l'épée Espérance et Triseïdon. Il y avait gagné une maturité qu'il n'avait pas encore acquise. Quand Erend Igeus rentra à Kanto, il avait à peine quinze ans. Mais il était déjà un homme, et il était prêt à accomplir son destin de Sauveur du Millénaire, quel qu'il fut.
***
Leaf avait du mal à réaliser tout ce qu'il s'était passé dernièrement, mais voilà que, sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte, elle était devenue ambassadrice de Bakan auprès du royaume de Cinhol. Un poste officiel, signé et accepté par le président Kearney. Leaf ne savait même plus qui avait proposé l'idée. Oh, pour les huiles du gouvernement, ça semblait aller de soi : Leaf avait lutté depuis le début dans cette histoire, elle avait la confiance du duc Isgon, la charge du roi Alroy, et en plus, son père était aussi ambassadeur. Mais pour elle, c'était loin de couler de source. Bien que son père soit effectivement un politique, ce n'était pas son cas. Elle n'avait que dix-neuf ans, avait un passé douteux avec la Team Rocket, et n'avait jamais vraiment suivi un cursus scolaire classique. La seule chose sur laquelle elle s'y connaissait, c'étaient les Pokemon.
Quand Leaf avait rétorqué tout ça au président Kearney, ce dernier avait éclaté de rire en prétextant qu'il n'y avait personne au contraire de mieux qualifié qu'elle, et que les études politiques n'avaient rien à voir. Il lui avait également confié une mission dans le cadre de ses nouvelles fonctions, quelque chose qui pourrait l'intéresser. Il s'agissait d'introduire des Pokemon à Cinhol. Ce dernier était un monde vide, une terre béni pour des milliers de Pokemon. Ce serait aussi une bonne chose pour les gens de là-bas. Leaf avait donc accepté, le poste et le projet à la fois. Elle était déjà en contact avec le professeur Chen de Kanto pour décider de quelles races et quel volume de Pokemon il valait mieux introduire là-bas au début.
Une chose était sûre : c'en était terminé de sa carrière de dresseuse. On lui donnait du « madame l'ambassadrice » maintenant. Silver s'en était moqué de tout son saoul avant de repartir à Johto. Leaf avait eu une petite pincée à l'estomac en le voyant partir sans le suivre. Johkan était après tout sa terre natale. Mais elle allait devoir vivre à Bakan à présent. Ou plutôt, à Bakan et à Cinhol. Vu son salaire d'ambassadrice, elle n'aurait plus besoin de son père. Elle avait un logement de fonction à la fois à Fubrica et dans le palais royal de Cinhol. Et elle avait un enfant à charge, à présent. Un garçon de quatre ans qui ne la quittait plus et qui commençait à l'appeler « maman ».
Heureusement, Leaf n'était pas seule. Deornas avait hérité du même lot qu'elle. Il avait bien entendu refusé de postuler au trône de Cinhol, et également refusé la charge de régent qu'il avait laissé à Isgon. Mais il tenait à travailler pour son royaume et cette nouvelle paix avec Bakan. Et comme Alroy était à la fois son neveu et son cousin, il avait lui aussi pris sa part dans son éducation. Enfin, Anis assistait énormément Leaf en lui enseignant la culture et les us et coutumes de Cinhol, qu'il fallait qu'elle intègre pour mieux traiter avec eux.
Leaf contemplait la vue des plaines de Cinhol depuis sa chambre dans le palais royal. Derrière elle, Alroy s'amusait avec son Métamorph. Le Pokemon s'était bien entiché du gamin, aussi Leaf avait-elle décidé de le lui donner. Ils avaient aussi récupérer les anciens Pokemon de Castel. Soprielo, Diamoth, Squablarto et Etrurien avaient servi les Haldar depuis si longtemps qu'ils auraient été perdu, libres dans l'Ancien Monde. Leaf se résigna à enfiler sa robe de fonction spéciale Cinhol. Car elle en avait une aussi spéciale Bakan, selon le lieux. Elle avait une réunion avec le duc Isgon et ses principaux généraux. Des réunions commerciales parfaitement assommantes. La région Bakan était prête à livrer à Cinhol des technologies modernes et la science de l'électricité en échange de nombreuses récoltes et de minéraux qu'on ne trouvait qu'ici. Bah, elle allait devoir s'y faire...
- Je sors, Alroy, dit-elle à l'enfant. Je dois aller parler avec papy Isgon. N'attends pas mon retour pour te coucher hein ?
- Oui maman !
Leaf grimaça. Elle ne pouvait pas refuser à cet enfant sans mère de l'appeler ainsi. Il était trop jeune pour comprendre. Ceci dit, Leaf avait l'impression d'avoir prix dix ans d'un coup. Quelle idée pour Nirina d'avoir fait un gosse à seize ans seulement ?! Enfin, Leaf comptait bien tenir sa promesse. Avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, typiquement Haldar, Alroy paraissait aux yeux de Leaf comme l'enfant qu'elle aurait pu avoir un jour avec Adam. Pas Leol, ce doux dingue hein ? Adam Velgos, l'autre personnalité de Castel, le garçon empoté et naïf que Leaf avait appris à aimer.
À en croire ce qu'Erend avait dit, Adam avait en quelque sorte fusionné avec Castel, donnant naissance à un nouvel individu, ou plutôt, à celui qu'était réellement Castel avant de rencontrer Enysia. Il parait qu'il se trouvait ici maintenant, quelque part dans ce monde, seul et en exil. Y'avait-il encore une seule partie de lui qui se souvenait d'elle, des moments qu'ils ont passé ensemble ? Leaf fut coupée dans ses pensées quand on tapa à la porte, et que la servante de Leaf introduit Deornas dans la pièce. Il avait lui aussi revêtu sa tenue spéciale ambassadeur coté Cinhol, taillée comme celle de Leaf. Avec un grand sourire, il tendit sa main à Leaf.
- Vous êtes prête, ambassadrice Elson ? Ne faisons pas attendre le duc. Vous savez comment il est quand il est sobre.
Leaf lui rendit son sourire, et chassa Castel de son esprit. Ça avait été un rêve. Un beau rêve, mais qui s'était transformé en cauchemar. Deornas, devant elle, incarnait la réalité. Elle lui prit la main et marcha à sa suite.
***
Dans un village montagneux, très éloigné de la capitale royale, un nouveau venu avait fait son apparition. Ce village était très petit, à peine une centaine d'habitants. Aussi tout le monde connaissait tout le monde, et les étrangers étaient tout de suite repérés. Ce nouveau venu avait d'abord attiré la méfiance, du fait de son physique. Bien que semblant relativement jeune, il avait les cheveux blancs, et surtout, la moitié droite de son visage était sèche et morte, signe de très graves brûlures. Mais cet étranger s'était vite adapté à la vie au village.
Il avait aidé les villageois à fourrager les cultures, à couper le bois et à transformer le blé en farine. C'était un homme taciturne, qui ne parlait jamais de lui, mais qui aidait tout le monde et ne dérangeait personne. Ainsi donc, les habitants l'ont accepté, sans chercher à en savoir plus sur lui. La rumeur voulait que ce soit un ancien soldat de Cinhol qui avait déserté suite à ses blessures. Personne n'avait évidement reconnu leur ancien roi et fondateur, Castel Haldar. Il avait dit qu'il s'appelait Velgos, et tout le monde l'appelait donc ainsi.
Castel s'était fabriqué une petite maison, simple, avec du bois et de la paille. Il y vivait modestement, non sans avoir caché la fourche d'Hafodes dans une grotte un peu plus loin dans la montagne. Aucun risque que quelqu'un y tombe dessus ; les gens du coin ne s'aventuraient jamais dans la montagne. L'œuf de Shinobourge, il l'avait gardé avec lui jusqu'à qu'il éclose, laissant apparaître un petit Cloverte, la forme avant-évoluée de Shinobourge. Il l'avait caché au début, bien sûr, vu que personne ici n'avait vu de Pokemon de sa vie. Mais un jour, l'un des fermiers qui avaient sympathisé avec Castel lui dit :
- Parait-il que l'enfant roi qui gouverne au sud, il va ramener tout un tas de Pokemon dans notre pays, pardi ! C'est la femme de l'Ancien Monde qui est toujours avec lui - celle qui s'est entichée du prince Deornas - qui va mener ce projet.
- Vraiment ? S'étonna Castel. Vous parlez de ces créatures magiques que possèdent la lignée royale Haldar ?
- Pour sûr ! Parait que dans l'Ancien Monde, y'en a en pagaille. On est potes avec les gars de l'Ancien Monde maintenant y parait. Ils vont partager avec nous toutes leurs merveilles, en échange de nos récoltes. C'est pour ça que les prix de vente ont fichtrement augmenté. Bonne chose pour nous, ça, nous qui vivons exclusivement de la vente de farine.
- Oui, acquiesça Castel. Notre monde va s'améliorer maintenant.
- Que diable oui ! Rugit le fermier en levant sa choppe de bière. Rendons grâce à Sa Majesté Alroy Haldar pour ça ! S'avez, j'étais le premier à critiquer sa mère dans le temps. Mais lui, ce sera un bon roi, pour sûr ! Autre chose que ces dingues de Nirina et de Castel II qui ne voulaient que faire la guerre !
Castel sourit et trinqua avec lui au règne d'Alroy. Quelque mois plus tard, après que les premiers Pokemon de l'Ancien Monde se furent installés à Cinhol, Castel put faire sortir Cloverte, et prétendre qu'il s'agissait d'un Pokemon qu'il avait trouvé en voyageant plus loin. Il était heureux, dans ce village coupé du monde. Les gens étaient bons, le travail était dur, la paix était omniprésente. Une paix que Castel n'espérait plus. Il ne voulait rien d'autre désormais que passer sa vie à labourer les champs, et à boire des bières avec les gens du coin en écoutant les ragots venus de la capitale. Comme il n'était plus prisonnier de la boucle temporelle de la météorite de Vifacier, son corps vieillissait comme tout un chacun. Un jour, il mourrait comme tout un chacun. Cela était bien.
Mais Castel gardait toujours une accroche à son passé en conservant Cloverte près de lui. Le Pokemon lui rappelait qui il avait été, ce qu'il avait fait. Il ne devait pas l'oublier. Parfois, la nuit, il rêvait. Des rêves sombres et cruels ayant appartenu à Castel. D'autres, plus simples et plus beaux ayant appartenu à Adam Velgos. Il y revoyait Ylis. Il y revoyait Leaf. Il vivait avec les souvenirs, bons comme mauvais. Il vivait au jour le jour, de choses simples. Castel Haldar vivait enfin comme un homme normal, plein et entier.
FIN
Note de l'auteur : Point final de l'histoire de Cinhol, enfin ! Quand j'avais débuté Cinhol, le Royaume Perdu, ça n'aurait dû être qu'un seul tome. Mais ayant modifié la fin prévue, je n'en avait pas assez, et donc, quitte à faire un second tome, autant ajouter quelque trucs en plus sur mon univers et ma mythologie qui n'avaient pas été prévu à l'origine mais que j'aurai dû mettre de toute façon quelque part. Je parle bien sûr de l'histoire des Primordiaux, d'Atlantis et des Akyr. Si l'histoire de Cinhol est bel et bien finie, celle-là continue.
Je vous avouerai que l'écriture de ce second tome, le Sauveur du Millénaire, fut un peu laborieuse, alors que j'ai au contraire très vite et écrit le tome 1, et avec grand plaisir. Y'a une raison à ça, très simple, c'est que j'ai pressé l'histoire, je l'ai rallongée. Ceci dit, je pense que ce ne fut pas une chose inutile pour l'élaboration de mon univers de fics. J'ai eu ainsi l'occasion de raconter le passé d'Erend, l'un des personnages principaux de ma fic centrale Team Rocket X-Squad, et aussi donc de débuter l'intrigue des Primordiaux. Dans le même temps, j'ai pu mettre quelque liens en plus avec X-Squad, notamment bien sûr Enysia qui s'est révélée être une Marquise des Ombres. Pour ceux qui ne lisent pas X-Squad, le Marquis des Ombres actuel et son maître, Horrorscor, sont les méchants centraux depuis plusieurs arcs de la fic. Et enfin, j'ai également fait le lien avec Pokemonis, une autre de mes fics, que seuls les plus attentifs d'entre vous pourront remarquer. Toutes mes fics sont liées entre elles, et chacune apporte sa part à mon vaste univers.
Je suis globalement satisfait de mon intrigue sur Cinhol, qui prend donc fin ici. Toutefois, ça ne marque pas la fin de toutes les intrigues de la fic. Vous trouverez juste après ça, dans un tout dernier chapitre, une fin bonus, qui amène la future fic, une sorte de troisième tome de ma série Cinhol, qui sera en lien étroit avec X-Squad. Ce second épilogue se passe 7 ans plus tard, juste après les événements de fin de l'arc 8 de X-Squad. Ceux qui n'ont pas lu X-Squad et qui veulent arrêter là le peuvent, bien sûr, mais dans cette future fic, Le Destin des Primordiaux, vous retrouverez beaucoup de personnages de Cinhol et du Sauveur, et bien sûr la suite de l'intrigue sur le Grand Forgeron. À ceux qui la suivront, je dis à très bientôt, et à ceux qui arrêteront ici, je dis merci de m'avoir suivi jusque là !