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Entre infini et au-delà de Cyrlight



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» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 23/11/2015 à 00:31
» Dernière mise à jour le 26/11/2015 à 17:53

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Mythologie   Suspense

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Film 15 : Fire meet gasoline

Fire meet gasoline - Sia


Ce bonus se déroule trois siècles après le départ de Lilith dans le Monde Inversé.


Elle caressa sa peau nue d'une main sensuelle pour essuyer la fine pellicule de sueur qui la recouvrait. Dans la luxure, son corps lui paraissait pitoyablement humain, néanmoins elle prenait tant de plaisir dans la débauche qu'elle n'avait aucune envie de s'en passer, désormais. Comment pouvait-elle à la fois mépriser et adorer cette volupté ?

Sa couche était cernée par des draperies flamboyantes, derrière lesquelles elle était lovée. Elle avait les paupières mi-closes afin de conserver au maximum cette sensation de plénitude qui survenait après l'extase. Si elle avait su plus tôt que ce serait si bon, elle n'aurait pas autant tardé à y goûter.

Ses longs cils ténébreux effleuraient sensuellement sa joue hâlée à chaque fois qu'ils bougeaient. Elle était très belle et elle le savait, d'autant qu'elle ne se trouvait plus dans l'ombre de quelque beauté supérieur, à présent.

Elle se redressa sur un coude. Son lit était vide. Le seul contact dont son corps galbé jouissait encore était celui du velours sur lequel elle était étendue. Son amant, lui, avait disparu. Il ne devait pas être bien loin : en tendant l'oreille, elle put percevoir le bruit de ses pas.

Elle s'enveloppa dans un pan d'étoffe, puis écarta l'un des baldaquins afin d'observer les alentours. Il était là, sombre et secret, en train d'arpenter la salle d'un pas rageur, comme il le faisait trop souvent. En la voyant, le visage passé entre deux tentures, il sursauta. Il ne s'était sans doute pas attendue à ce qu'elle émerge si vite de la transe dans laquelle l'amour charnel la plongeait.

- Inari...
- Tu penses encore à elle, n'est-ce pas ?

Cela faisait plus d'un siècle que les Chiens légendaires avaient élu résidence à la Tour de Rosalia, bâtie en leur honneur par les humains de la cité. Depuis que leur rugissement féroce en faisait trembler les murs de l'intérieur, aucun individu n'était suffisamment téméraire pour s'en approcher. Si c'était le cas, les mâchoires féroces des pokémon se chargeraient d'eux.

L'humanité n'avait pas le droit de les approcher, c'était un ordre d'Arceus. Elle soupçonnait leur existence, bien sûr, au point de leur ériger des temples, mais personne n'en avait jamais eu la véritable confirmation. Ces créatures, malgré leur apparence faible et insipide, étaient assoiffées de pouvoir. En ayant vent de leur puissance, elles tenteraient de se l'accaparer.

Seth tourna ses yeux sombres, presque aussi menaçants que ceux de Satan, en direction d'Inari. Une mèche de cheveux noirs tombait devant son visage, ce qui lui conférait l'allure d'un fou. Sa bouche se crispa, comme à chaque fois qu'elle venait à aborder le sujet qui le fâcher tant.

- Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas parler de cela ! répliqua-t-il avec violence.
- Nous ne sommes pas comme les humains, nous pouvons contrôler nos émotions. Si tu n'es toujours pas parvenu à faire ton deuil, c'est uniquement parce que tu ne le souhaites pas. Osiris...
- Silence ! Je t'interdis de prononcer le nom de mon frère devant moi.

Inari resta de marbre. Les colères de Seth ne l'effraya pas le moins du monde. Il en aurait fallu bien plus pour parvenir à lui arracher un froncement de sourcils quand Arceus risquait, à n'importe quel moment, de découvrir le rôle qu'elle avait joué dans la mutinerie de Lilith.

- Nous ne sommes pas amis, poursuivit-il. Nous n'appartenons même pas au même camp. Nous ne sommes rien l'un pour l'autre.
- Non, rien, mais bien que tu sois furieux, je sais que tu reviendras vers moi. Tu reviens toujours. Tes sens l'emportent sur ta raison, lorsque tu es avec moi. Ne l'oublie pas.

La déesse kitsune s'apprêtait à tourner les talons pour quitter la chambre quand Seth la retint par le bras. D'un geste violent, il la projeta contre le mur où elle s'écrasa dans un bruit assourdissant. Son crâne heurta les poutres qui composaient la paroi et, avant qu'elle n'ait eu le temps de se redresser, il l'agrippait par les épaules pour venir embrasser farouchement ses lèvres.

- Je n'ai que faire de ma raison, Inari. C'est plutôt à toi de conserver la tienne, car elle est ton salut. La moindre erreur de calcul te serait fatale.

***
Volupté leva les yeux au ciel lorsqu'elle entendit Raikou pousser un rugissement féroce. Voilà qu'ils recommençaient. Il ne pouvait pas s'écouler plus d'un mois sans qu'ils ne cherchent à s'entretuer. Comment parvenaient-ils à supporter cela ? Même elle, qui était d'un calme enviable, s'en agaçait.

Ce n'était pas de l'amour, c'était une pulsion autodestructrice qui les ramenait l'un vers l'autre à chaque fois. Elle n'était pas jalouse. Au contraire, elle condamnait leur attitude, qu'elle jugeait vile et méprisable. Il n'y avait rien de beau là-dedans, rien de grand. Juste de la haine et beaucoup de débauche.

- Merci d'être venu me voir. Cela faisait si longtemps que je n'avais eu de vos nouvelles. Votre compagnie m'a manquée.

Elle adressa un agréable sourire à Prométhée, qui lui répondit en s'inclinant avec déférence devant elle. Cela lui avait brisé le coeur lorsqu'elle avait appris qu'il avait décidé de suivre Athéna quand elle s'était mise en tête de quitter la Cave d'Hadès, néanmoins elle était soulagée de voir que, malgré cela, il n'hésitait pas à lui revenir parfois.

- Tout le plaisir est pour moi, ma dame. Cette Tour est ravissante, tout à votre gloire ainsi qu'à celles des Chiens. Je sais que vous n'appréciez guère les humains, mais admettez tout de même que leur ouvrage est remarquable.
- S'il ne se transforme pas en tombeau ou en prison pour nous. A cause de ces deux sots qui passent leur temps à se battre, les habitants de Rosalia sont de plus en plus tentés de venir jusqu'ici. Je crois qu'ils ont compris que nous n'étions pas qu'un mythe.
- Pourquoi ne pas quitter cet endroit s'il est à ce point devenu risqué pour vous d'y vivre ?
- Pourquoi ? Avez-vous déjà essayé de discuter avec Seth et Inari, mon ami ? Malgré vos grandes capacités de médiateur, vous abandonneriez en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Si je devais partir, je devrais me résoudre à le faire seul, hélas Arceus n'apprécierait pas cette marque de lâcheté.
- N'y a-t-il rien que je puisse faire pour vous aider ?
- Vous...

Au même instant, un violent coup de tonnerre fit trembler l'intégralité de l'édifice. Suicune se redressa d'un bond, lui qui était jusqu'à présent couché sur le sol, son museau posé sur ses pattes, pour émettre un grognement lugubre. Raikou apparut une fraction de seconde plus tard dans l'immense escalier, les crocs saillants.

Une boule de feu le suivait de près, que le Chien bleu annihila d'un Hydrocanon maîtrisé afin de le protéger. Inari ne tarda pas à faire irruption à son tour au rez-de-chaussée, tout en se débattant contre une forcenée pour tenter d'échapper à l'emprise de Seth qui la cramponnait par le bras.

Ils interrompirent brièvement leur conflit lorsqu'ils remarquèrent la présence de Prométhée. Ils l'observèrent tous les deux d'un oeil qui ne trahissait rien sur le fond de leur penser, puis se remirent à se quereller violemment.

- Silence ! tonna le légendaire de Ho-Oh avec un tel organe qu'il fit également sursauter Volupté. Que se passe-t-il ?
- La langue d'Inari est aussi incandescente que ses flammes et elle fait tout autant de mal. Je déconseille à quiconque de s'y heurter.

A peine Seth eut-il achevé sa phrase qu'il reçut un coup de coude dans le ventre, qui lui coupa brièvement le souffle. Raikou ploya ses pattes sous lui, près à bondir sur la déesse kitsune si elle réitérait son geste.

- Il suffit ! Ne pouvez-vous trouver un moyen de vous entendre ? C'est la sécurité de la Tour que vous mettez en danger si vous continuez de la sorte.
- Va-t-en, siffla Inari entre ses dents. Essaye d'avoir le courage d'aller la retrouver, puisqu'il n'y a que cela que tu désires. Tu es cependant bien trop couard pour cela. Oh, ce n'est pas t'ôter la vie qui t'effraie, mais plus sa réaction lorsque tu la rejoindras. Elle ne t'aime pas. Si elle attend quelqu'un, c'est O...

La fin de sa phrase se mua en un cri de douleur. Raikou venait de lui asséner un Coup d'Jus dans le but de la réduire au silence, car il voyait la peine que chacune de ses paroles provoquait chez son humain. Il grogna, menaçant.

- J'ai dit : cela suffit !

Prométhée frappa dans ses mains et la température augmenta soudain dans la pièce. Suicune vint se lover contre Volupté afin de la rafraîchir, tandis que Seth et Inari se mettaient à haleter bruyamment. La chaleur subite consumait l'oxygène autour d'eux, jusqu'à ce qu'il se fasse trop rare pour leur permettre de respirer.

Les légendaires pouvaient tenir beaucoup plus longtemps sans air que les humains normaux, néanmoins cela les épuisait. La déesse kitsune dut s'asseoir sur les marches de l'escalier en bois afin d'économiser ses forces. Seth, quant à lui, prit appui contre le mur.

- En avez-vous eu assez ?

Prométhée permit à l'atmosphère de perdre quelques degrés et les autres prirent une profonde inspiration. Même Volupté avait souffert de cette intervention, hélas nécessaire pour tenter de calmer les deux amants.

- Oui, assez, en effet. Assez pour comprendre que je n'ai rien à faire sous le même toit que cette garce ! s'écria Seth, les yeux révulsés, en pointant Inari du doigt.

Avant que les trois autres n'aient eu le temps d'esquisser le moindre geste, il bondit sur le dos de Raikou qui poussa les vantaux de la Tour de coup de patte puissant, pour s'enfuir dans la nuit noire avec son maître. L'humaine de Suicune tendit la main dans sa direction, comme pour essayer de le retenir, en vain.

- Etes-vous satisfaite ? pesta-t-elle à l'encontre d'Inari. Lorsqu'il est dans cet état, il est capable du pire et vous le savez mieux que quiconque. Au dehors, il est en danger. Si les mortels l'aperçoivent, ils...
- Ce ne sont que des créatures insignifiantes. Cessez de vivre constamment dans la crainte, Volupté. Ils ne peuvent rien contre aucun d'entre nous. Ils n'ont aucun don, aucun pouvoir... Même les pokémon leur sont supérieurs. Comment voulez-vous qu'ils nous nuisent ?
- Il n'empêche qu'il faut le rattraper ! Nous ne pouvons le laisser ainsi. J'ai senti sa colère au moment où il a quitté les lieux. Elle est immense. Au nom d'Arceus, que lui avez-vous fait ?

Inari secoua la tête afin d'indiquer qu'elle ne répondrait pas, mais Volupté lui jeta un regard insistant. Prométhée posa l'une de ses immenses mains sur ses frêles épaules pour murmurer d'une voix douce, qui n'avait plus rien à voir avec le ton autoritaire dont il avait usé pour s'exprimer jusqu'alors :

- Tâchez de lui faire entendre raison, mon amie. Quant à moi, je m'efforcerai de vous ramener Seth et Raikou dans les plus brefs délais.

***
Pour qui se prenait-elle ? De quel droit osait-elle le juger, elle, à la solde de Lilith et des Renégats ? Il gardait son secret parce qu'il lui en avait fait la promesse, le jour où Isis s'était éteinte, mais le méritait-elle ? Elle le faisait souffrir en lui jetant le passé au visage. Il n'avait pas besoin qu'elle lui rappelle constamment les sentiments que sa soeur nourrissait à l'égard d'Osiris. Comment pourrait-il jamais les oublier, lui qui souffrait encore de la jalousie qu'ils lui inspiraient ?

Il ne regardait pas où il allait. Raikou le faisait pour lui. Ses foulées étaient souples, immenses. Il semblait voler plutôt que courir. Le vent qui fouettait le visage de Seth lui faisait du bien, sans pour autant être capable de balayer les sombres pensées qui empoisonnaient son esprit.

Il ignorait où il allait. En dehors de la Tour de Rosalia, il n'avait pas d'autre réelle maison. Il était incapable de considérer la Cave d'Hadès comme telle, pâle copie rocailleuse de la Salle Originelle.

Il pourrait songer à devenir nomade, ainsi que les Oiseaux et leurs humains l'avaient décidé. Non, c'était absurde de penser qu'il s'agissait d'un choix, du moins en ce qui concernaient Njörd et Aphrodite. S'ils étaient constamment en mouvement, c'était parce qu'ils traquaient leurs ennemis sans relâche : Circé pour le maître du blizzard, Scathach pour la Beauté.

Lorsque Seth se perdait dans ses pensées, il se déconcentrait totalement de la réalité. S'il avait gardé un minimum de contact avec elle, ses pouvoirs auraient pu percevoir avant la menace qui planait autour de lui, mais hélas, ils n'en firent rien. Il était déjà trop tard quand il la décela.

Un feu immense s'embrasa autour de lui alors qu'il parcourait les bois qui cernaient Rosalia sur le dos de son pokémon. Les flammes se reflétèrent dans ses yeux pour remplacer leur teinte noire par une couleur plus rougeâtre. Il se figea et observa les alentours. Qui était assez fou pour lui tendre une embuscade ?

***
- Inari, cette situation ne peut pas continuer et vous le savez parfaitement.

Volupté l'invita à s'asseoir à côté d'elle sur la dernière marche des escaliers de la Tour. Elle posa une main amicale sur son épaule, que la déesse kitsune repoussa sans ménagement. Malgré les apparences qu'elle essayait de duper, elle ne pouvait supporter de se laisser toucher par une partisante d'Arceus. C'était contre sa nature.

- Il va falloir envisager une solution très sérieusement, avant que vous ne finissiez par vous entretuer. Combien de temps croyez-vous que vous puissiez vous faire la guerre si aucun de vous deux ne décide d'y mettre un terme ? L'éternité, car c'est ce que nous avons devant nous.
- Isis ne l'a pas eue.
- Isis... Les circonstances étaient différentes. C'était un regrettable accident, qui nous a permis à tous de prendre conscience que, en dépit de nos statuts de légendaire, nous avions nous aussi nos limites.

Inari ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. Elle brûlait d'envie de rappeler que le trépas de la divinité était simplement survenu à cause de l'Alpha, cependant elle ne pouvait se le permettre. La moindre remarque de ce genre risquerait de faire planer le doute sur sa véritable allégeance.

- L'aimez-vous ? interrogea Volupté d'une voix compatissante.
- Non.
- Alors pourquoi ? Pourquoi vous accrochez-vous à lui de la sorte si ce n'est pas l'amour qui vous y force ?
- La fierté. Lorsqu'il est avec moi, c'est à elle qu'il pense. Quand il m'étreint, c'est elle qu'il a l'impression de tenir enserrée contre lui. Et dès qu'il rouvre les yeux, je peux lire de la déception sur son visage, parce qu'il s'aperçoit que ce n'est que moi. Pas elle.

Inari s'interrompit pour prendre une profonde inspiration. Si l'orgueil de Lilith était démesuré, le sien l'était tout autant. Elle ne supportait pas d'être traitée de la sorte, de vivre dans l'ombre d'une autre. Elle comprenait mieux que jamais la haine farouche que son amie de toujours pouvait vouer à Eve. C'était cependant moins compliqué en ce qui la concernait : elle n'avait pas une morte pour rivale.

- Le jour où nous avons entamé notre liaison, j'ai cru... L'espace d'un instant, j'ai voulu croire qu'il avait enfin accepté le fait qu'elle ne soit plus là. Qu'il s'était décidé à la laisser partir pour de bon, d'une certaine manière, plutôt que de se raccrocher à son souvenir. Je me suis trompée. Il ne s'écoule pas un instant sans qu'il ne songe encore à elle.
- Lâchez prise, dans ce cas. Vous ne pouvez combattre Isis. Elle était sa soeur, de même que l'amour de sa vie. En dépit de tout ce que vous pourrez lui offrir, vous ne serez jamais... elle.
- Je crains que vous ne soyez pas la mieux placée pour me donner des conseils, Volupté. Si votre situation avec Prométhée n'est pas aussi houleuse que la mienne, elle n'en demeure pas moins problématique.
- Ceci n'a rien de comparable. Il...
- Il quoi ?

La maîtresse de l'aura baissa les yeux pour les river sur le jupon de sa robe. Ses prunelles s'étaient obscurcie d'un voile de mélancolie et Inari comprit aussitôt qu'elle venait de pincer une corde sensible. Il fallut plusieurs minutes à Volupté pour trouver le courage de lui répondre :

- Il m'a promis qu'il ne choisirait jamais. Qu'il préférait n'avoir ni elle ni moi plutôt qu'elle ou moi.
- Peut-être, mais c'est avec Athéna qu'il a décidé de demeurer.
- Sans vouloir me montrer désagréable, Seth est bien avec vous.
- Oui, mais Isis, elle, était avec Osiris.

Volupté ne releva pas. Sa relation avec Prométhée la meurtrissait au plus profond de son âme, cependant elle s'était toujours promis de ne jamais laisser cette douleur prendre le pas sur sa raison ou sur son attitude. Jusqu'à présent, elle avait plutôt bien réussi à tenir parole.

- Maintenant qu'elle n'est plus là, reprit Inari, il a tendance à oublier que ce n'était pas pour lui que son coeur battait. Il la met sur un piédestal, alors qu'il l'aurait pour un peu haïe lorsqu'elle a accepté d'épouser son frère plutôt que lui. Sa mort le dupe. Il ne se souvient que de ce dont il a envie, mais pas de la réalité.
- Ce genre de blessure ne se panse jamais vraiment. Pourquoi ne pas vous montrez davantage compatissante ?
- C'est dans mes bras qu'elle s'est éteinte, Volupté ! Je la tenais contre mon coeur alors que la vie s'échappait d'elle. Dans ces derniers instants, elle n'a pas prononcé son nom une seule fois. Ceux de Mew et d'Osiris sont les seuls qui lui ont échappé, pas le sien. J'étais là, je m'en souviens. Chaque détail est gravé dans ma mémoire. Seth souffre peut-être de son absence, mais moi, je dois vivre avec ce souvenir. Chaque fois qu'il me parle d'elle, je me remémore ce moment funeste, où elle n'a pas fait la moindre mention de lui. Il s'aveugle, il se complait dans une souffrance qui n'a pas lieu d'être. C'est vrai, la situation est différente pour vous. Prométhée n'a pas choisi. Isis si.

***
Seth fut projeté à terre. Il était encerclé par des humains armés jusqu'aux dents, épaulés de pokémon dressés. L'un deux, un Nostenfer, venait de lui lancer une attaque pour le faire tomber de sa monture.

Il se redressa d'un bond. Les mortels étaient une vingtaine, peut-être une trentaine car il sentait la présence d'autres individus derrière les arbres qui n'étaient pas encore la proie des flammes. Ces créatures étaient insignifiantes. Fallait-il qu'elles soient folles pour s'en prendre à lui ?

Il leva les mains devant lui, prêt à utiliser ses pouvoirs. Une grimace de douleur lui tordit néanmoins la bouche au même moment. Il regarda sa toge, consumée au niveau de la manche gauche. Inari l'avait grièvement blessé, juste avant qu'il ne quitte la Tour. Comme sa blessure était d'originaire légendaire, il lui faudrait plusieurs jours avant de cicatriser totalement. En attendant, elle allait le handicaper sérieusement.

Une odeur de souffre se répandit autour de lui tandis qu'il faisait appel à sa magie noire. Elle était loin d'être aussi puissante que celle de Satan, toutefois elle suffirait amplement face à de simples humains.

Quels idiots... Pour la peine, il les tuerait tous, jusqu'au dernier. Comment avaient-ils osé se mettre en travers de sa route ? Ils allaient payer pour cela. Il était suffisamment énervé afin d'avoir envie de leur faire souffrir le martyr.

Des langues verdâtres aux reflets noirs se matérialisèrent autour de lui pour s'abattre sur les individus les plus proches, aussi tranchantes que la lame d'une épée. La tête d'un homme tomba, le bras d'un second fut entaillé sur toute la longueur.

- Un démon ! soufflèrent plusieurs personnes. Cette créature est issue de l'enfer !

Plusieurs humains songèrent à reculer, mais celui qui paraissait être le chef, armé d'une simple fourche, fit un pas en avant. Une lueur de défi arrogante brillait dans son regard. Il serait le suivant à tomber, décida Seth.

- Nous devons capturer ce pokémon ! C'est celui dont parle la légende. Il est si puissant qu'il est capable de maîtriser l'orage, dit-on.

Avec le manche de son outil, l'homme para la langue acérée qui fondit sur lui. Le dieu décida d'insuffler plus de force à son enchantement, afin de venir à bout de cette embuscade beaucoup plus rapidement. Au fur et à mesure qu'il dépensait de l'énergie, cependant, la brûlure infligée par Inari gagnait en douleur.

Bientôt, il ne parvint plus à se concentrer sur ce qu'il faisait. Seul Raikou combattait encore, car son esprit était loin, à des lieues de là. Il observait le feu qui l'encerclait, il le voyait danser. Ses courbes sensuelles, la langueur de son crépitement... Cette odeur douceâtre qui s'en dégageait lui évoquait la saveur de la peau de la déesse kitsune.

Même lorsqu'elle n'était pas là, cette garce trouvait le moyen d'envahir ces pensées, or le moment n'aurait pu être moins bien choisi. Il fallait qu'il se sorte de là rapidement. Il était un légendaire, il ne devrait pas avoir de mal.

Hélas, les humains autour de lui étaient très nombreux, les pokémon qui les escortaient également, tandis que lui-même n'était pas au sommet de sa forme. Il parvint à repousser les assauts divers, mélange de Lance-Flammes, Jet-Pierres et Tranch'Air, pendant un moment, mais bientôt, ses pouvoirs l'abandonnèrent. Une attaque le heurta de plein fouet pendant que Raikou poussait un grognement, atteint lui aussi.

La dernière chose dont il se souvint avant de perdre connaissance, empalé par une fourche au niveau du buste, fut la vision du feu, qui se rapprochait dangereusement de lui pour venir lécher ses bras.

***
- Il faut que je me lance à sa recherche. C'est ma faute s'il est parti.
- Vous seriez la dernière à pouvoir le convaincre de rentrer à la Tour. Mieux vaut laisser Prométhée s'en chargeait.

Inari secoua la tête, catégorique. Elle ne pouvait se permettre d'attendre. Elle avait un mauvais pressentiment. Depuis la première fois où elle avait laissé Seth la touchait, elle avait eu l'impression d'établir une connexion avec lui. Elle pouvait désormais percevoir que quelque chose n'allait pas.

Elle porta deux doigts à ses lèvres pour émettre un sifflement sonore. Presque aussitôt, Entei apparut devant elle, les pattes légèrement pliées afin de lui permettre de s'installer sur son dos. Avec souplesse, elle prit place entre ses omoplates, tandis que Volupté s'efforçait désespérément de la raisonner.

- Inari, vous...

Elle n'eut même pas l'occasion d'achever sa phrase. La déesse kitsune franchissait déjà les portes de la Tour, portée par le rugissement puissant de son Chien. La divinité, restait à l'intérieur, secoua la tête, blasée. A quoi bon tenter de s'en mêler ? Elle n'avait aucun contrôle sur ces deux-là. Elle espérait que Prométhée parviendrait mieux qu'elle à ramener la situation à la normale.

***
Prométhée survolait les environs de Rosalia grâce à l'aide de Ho-Oh. De là, il avait une vue sur plusieurs dizaines de kilomètres alentours. Cela lui avait permis de repérer un début d'incendie dans la forêt, mais la fumée l'avait empêchée de trop s'approcher.

Il appela Raikou à deux reprises. Le Chien avait des sens suffisamment développés pour parvenir à entendre le son de sa voix, en dépit de la distance. Il patienta quelques secondes, puis recommença encore une fois, en vain. Il n'obtenait pas la moindre réponse.

Il ferma les paupières un instant. Le vent s'était levé sur la ville et venait fouetter son visage. Il avait beau être puissant, il n'affectait cependant pas le vol de Ho-Oh, bien trop rompu à l'exercice pour souffrir d'une quelconque météorologie.

Quant il les rouvrit, il frappa dans ses immenses mains. Le coup sec qu'il infligea mutuellement à ses paumes se répercuta en écho autour de lui. Le bruit ne s'était pas dissipé entièrement que, déjà, quelque chose se produisait. Un halo de lumière se matérialisa devant lui.

Des étincelles blanches et grises dansaient devant ses yeux, avant de se mettre à tourbillonner sur elle-même, comme pour créer une sorte de siphon aérien. Il lui fallut patienter une minute supplémentaire avant que des créatures étranges n'en émergent. Noires, elles avaient toute un corps, ou du moins ce qui s'y apparentait le plus, extrêmement alambiqué. Les Zarbis.

- Prévenez Athéna. Seth a disparu. Il faut le retrouver au plus vite.

***
Le feu. Inari pouvait percevoir sa présence, même à des lieues de lui. Entei le sentait également. Il galopait dans sa direction à toute allure, car leur instinct leur soufflait que c'était là-bas qu'il devait se rendre. Sa crinière volait au vent, de même que les cheveux de sa maîtresse.

Ils se rapprochaient. Elle entendait le crépitement des flammes avec plus d'intensité, désormais, et son odeur se faisait de plus en plus forte. Elle ordonna à son Chien d'intensifier encore davantage le rythme de ses foulées, ce qu'il fit au moment de s'engouffrer dans le bois.

La plupart des arbres qu'ils croisaient étaient calcinés, signe que l'incendie s'était propagé. De la suie recouvrait le sol, salissant la fourrure chaude d'Entei à chaque fois que ses pattes heurtaient l'herbe brûlée. Nullement dérangée par les effluves âpres de la fumée, Inari scruta les alentours.

- Là-bas ! s'exclama-t-elle soudain en pointant le doigt en direction d'une masse informe.

La calcination ne suffisait pas à tuer un humain légendaire. Pour y parvenir, il fallait provoquer une mort immédiate, afin que leur corps n'ait pas le temps de se régénérer, ce qui limitait le champ des possibles. Une décapitation ou une dague en plein coeur avait cette capacité.

Seth était toujours vivant, mais grièvement brûlé. Sa peau était recouverte de cloques et elle suintait beaucoup. Inari pouvait maîtriser le feu, néanmoins elle était incapable de guérir les blessures qu'il infligeait. A l'aide de ses pouvoirs, elle mit fin à l'incendie qui faisait rage, puis prit le légendaire entre ses bras.

Il allait certainement lui falloir plusieurs jours pour se remettre de cela. Ses plaies étaient de cause naturelles, toutefois, alors il guérirait très vite. Sa toge avait été transpercée en trois endroits, sans doute par l'un de ces objets que les humains utilisaient pour labourer la terre. Les pics avaient atteint des organes vitaux qui, déjà, se reconstituaient à l'intérieur de son corps.

- Il faut le ramener à la Tour et prévenir Apollon, il...

Le légendaire de Latios possédait le don de guérir tous les maux, aussi bien ceux de l'esprit que de l'âme en ce qui concernait les humains. Chez les légendaires, ses pouvoirs n'affectaient que les blessures physiques. Il aurait pu permettre à Seth de se régénérer en peu de temps, cependant Inari dut rapidement renoncer à cette idée. Depuis plusieurs semaines, il était sur la piste d'Artémis et il n'interromprait sa traque pour rien au monde.

A maintes reprises, elle avait songé à révéler son véritable visage afin de ne plus avoir à jouer cette sinistre comédie. Elle ne supportait plus de devoir sourire aux partisans d'Arceus quand elle rêvait de leur crever les yeux pour se venger du sort auquel leur maître avait réduit Lilith.

Seth avait raison sur un point : il n'y avait qu'avec lui qu'elle pouvait être elle-même. Il savait la vérité et, surtout, il ne la condamnait pas. Dans ce conflit, il n'avait aucun parti pris, aussi se moquait-il éperdument de savoir si sa loyauté allait à l'Alpha ou aux Renégats.

Elle le souleva pour l'installer sur le dos d'Entei, avant de prendre place juste derrière lui. Ce ne fut qu'au moment de reprendre la direction de la Tour dans laquelle il s'était établi qu'un détail attira son attention. Où était Raikou ? Jamais il n'aurait abandonné son humain à son sort.

***
- Inari a retrouvé Seth. Un groupe d'hommes l'a attaqué, puis ils ont enlevé Raikou, dans le but de s'accaparer son immense pouvoir.
- L'as-tu localisé ?

Athéna ferma les yeux. Les Zarbis lui montraient des successions d'images floues et rapides. Elle devait concentrer pour ne pas en manquer une seule, car toutes ensemble, elles formaient la réponse.

Elle usait rarement des dons de ses pokémon. Elle préférait acquérir le savoir par elle-même plutôt que l'obtenir ainsi, cependant elle finissait toujours par s'y résoudre lorsque la situation s'avérait urgente. En l'occurrence, c'était le cas. Le Chien était sans doute en danger.

- Oh ! C'est terrible !
- Quoi ? Qu'as-tu vu ? interrogea immédiatement Prométhée.
- Comment... Comment peut-on être aussi cruel ? Ils ont profité de son inconscience pour renverser des rochers aussi lourds que lui sur ses pattes. Cela lui a brisé les os et, comme il est prisonnier sous eux, il est incapable de se libérer. Quel acte barbare...
- C'est à cause de ce genre d'individus qu'Arceus pense que l'humanité tout entière court à sa perte. Hélas, je crains que l'on ne puisse jamais rien faire pour eux.

Athéna s'accrocha à la taille de son ami tandis que Ho-Oh prenait la direction qu'elle venait de lui indiquait. Le temps pressait absolument. Ces humains étaient sur le point de commettre une terrible erreur.

Ils avaient décidé de rassembler leurs pokémon électriques autour de Raikou afin d'absorber l'énergie qui lui échappait à chacune de ses attaques, dans l'espoir d'accroître leurs propres pouvoirs. Le légendaire disposait de tant de forces, cependant, qu'elle risquait de les tuer.

- Est-ce que nous sommes encore loin ?
- Je ne crois pas.

La déesse avait à nouveau les paupières closes. Elle ne guidait l'oiseau arc-en-ciel que grâce au chemin que lui indiquait son esprit, dans lequel s'était établie la vision insufflée par les Zarbis.

- C'est ici ! Descends !

Ho-Oh poussa un cri strident avant de fondre dans le sol. Etre discret n'aurait servi à rien. Dans la nuit noire, son plumage étincelant ne passait de toute façon pas inaperçu. Les serres en avant, il amorça un atterrissage.

Une trentaine d'hommes se trouvaient dans la carrière où ils venaient de faire irruption. Ils se détournèrent aussitôt des souffrances qu'ils étaient en train d'infliger à Raikou pour observer les nouveaux venus avec étonnement. Athéna sauta souplement à terre tandis que Prométhée se réceptionnait plus lourdement à ses côtés, à cause de sa masse de muscles imposante.

- Relâchez-le immédiatement, ordonna-t-elle d'une voix parfaitement calme. Cette créature ne mérite rien du sort que vous êtes en train de lui infliger. Ses pouvoirs sont les siens, tenter de les voler ne vous causera que du tourment. Rendez-vous à la raison et nous vous pardonnerons cette erreur irréfléchie.
- Vous plaisantez, j'espère ? répliqua l'individu qui avait planté Seth de sa fourche. Ce pokémon va nous rendre riches ! Allez-vous-en, tous les deux ! Vous ne nous faites pas peur.

Il frappa dans sa main et un Nidoking vint aussitôt se placer devant lui, prêt à le protéger. Athéna soupira. Elle avait toujours tenu à se montrer clémente envers les humains, néanmoins elle ne pouvait approuver un tel comportement.

- Je ne veux pas me battre contre vous. Libérez le Chien et nous rentrerons tous chez nous.
- Chez nous ? Nous n'en aurons bientôt plus. Les impôts sont plus élevés que nos salaires. Depuis deux ans, les récoltes sont misérables et la famine se fait sentir dans tout le secteur de Rosalia. Avec l'argent que va nous rapporter ce pokémon, nos familles ne connaitrons jamais plus la faim. Nous pourrons nourrir nos enfants et même les envoyer à l'école.

Prométhée jeta un regard en coin à la fille de Zeus. La colère qu'il exprimait jusqu'alors venait de se muer en compassion. Ces individus n'agissaient pas avec autant de bassesse qu'ils l'avaient cru au premier abord. Ils voulaient simplement venir en aide aux leurs, pas s'accaparer du pouvoir de Raikou dans de vils intentions.

- Vous allez tuer vos pokémon si vous continuez ainsi. Ils ne sont pas assez robustes pour supporter une telle quantité d'énergie. Quant au Chien... Il ne vous rapportera rien, contrairement à ce que vous croyez. Vous ne pourrez pas le garder éternellement prisonnier et, lorsqu'il se libérera, il n'hésitera pas à vous déchiqueter de ses crocs, car il se montrera nettement moins compréhensif que moi.

L'homme jaugea longuement Athéna du regard et celle-ci soutint ses yeux dans lesquels se reflétait la lueur dansante des torches tenues par ses acolytes. Elle était convaincue qu'il réfléchissait et sa bouche s'entrouvrit, peinée, lorsqu'il s'exclama :

- Emparez-vous de cette hérétique !

Une poignée de paysans fondirent sur la déesse, épaulés par leur pokémon. Ho-Oh poussa un cri féroce et s'interposa devant elle, les ailes déployées, afin de la protéger. Dans son clan, personne n'ignorait son mépris du combat. Même si sa vie en dépendait, elle préférait demeurer pacifique. Quand cela s'avérait d'une absolue nécessité, ses loyaux alliés se chargeaient de lutter à sa place.

La seule et unique fois où elle avait outrepassé ce précepte auquel elle s'était elle-même astreinte, c'était pour affronter Némésis. Elle ne s'était d'ailleurs toujours pas pardonnée de l'avoir fait, surtout pas à la vue de tous les torts que cela causait à l'unité et l'équilibre de la Confrérie.

- Ne leur fais pas de mal, d'accord ?

L'oiseau acquiesça d'un mouvement d'encolure et déclencha un puissant Cyclone qui repoussa leurs assaillants vers l'arrière. Quelques-uns trébuchèrent, perdirent l'équilibre et se retrouvèrent le nez dans l'herbe. Les autres semblaient avoir nettement moins envie de passer à l'attaque.

La chaleur de l'air augmenta soudain, grâce à l'oeuvre de Prométhée. Les hommes souffraient énormément du climat, contrairement à eux. Ils eurent bientôt trop chaud pour se mouvoir autrement qu'au ralenti, la peau dégoulinante de sueur.

- Ho-Oh, immobilise-les, s'il te plaît.

Le pokémon s'exécuta. Ses yeux se teintèrent d'un halo menaçant qui ne tarda pas à engloutir l'ensemble des individus présents dans la clairière, humains comme pokémon. Seuls leurs iris pouvaient encore bouger : tout le reste de leur corps était retenu prisonnier par l'attaque psychique.

Athéna se concentra. Elle ne devait jamais perdre son calme, ni sa sérénité. C'était ce qui lui permettait de ne pas perdre le contrôle de ses immenses pouvoirs, raison pour laquelle elle évitait le plus souvent les situations conflictuelles ou les affrontements physiques. Elle inspira profondément, puis tendit ses mains devant elle, en coupe.

Elles étaient vides, pourtant dès l'instant où elle souffla dessus, une poussière argentée s'en échappa pour aller atteindre les humains. Quelques secondes plus tard, ils s'affaissèrent, en ronflant bruyamment pour la plupart.

- Au réveil, ils penseront à un rêve, ou même ne se souviendront de rien. C'est mieux ainsi, sans quoi ils risqueraient de traquer à nouveau ce pauvre Raikou.

Les serres de Ho-Oh laissèrent de profonds sillons dans l'herbe lorsqu'il s'approcha du Chien, afin de le libérer des rochers qui meurtrissaient ses pattes brisées. Malgré sa grande force et l'aide de Prométhée, il eut beaucoup de mal à le libérer tant la charge était lourde.

Il glapit lorsqu'Athéna vint s'accroupir à côté de son immense face aux crocs saillants pour caresser sa fourrure pleine d'électricité statique qui la rendait grésillante. Ses yeux étaient embués à cause de la douleur qu'on lui avait infligé.

- Tout va bien. Je suis ici avec toi. Je vais te guérir, il suffit que tu me laisses faire.

Raikou ferma les paupières et une douce chaleur s'échappa de la main d'Athéna pour parcourir l'ensemble de son corps. Des craquements, sinistres au premier abord, indiquaient que ses os étaient en train de se ressouder. Il aurait besoin d'observer un temps de repos après cela, néanmoins il ne souffrirait plus.

- Est-ce que tu as l'intention de les punir ? s'enquit Prométhée en désignant les humains inconscients, alors qu'elle se redressait.
- Non. Ils n'avaient pas à se conduire comme ils l'ont fait et aucune fin ne justifie ce genre de moyens, cependant ils sont désespérés. Tu as entendu leur chef, tout comme moi. Les récoltes sont insuffisantes, or cela relève de Kukulkan. Ils devaient continuer à jouer leur rôle auprès de l'humanité, mais ils l'abandonnent eux aussi. S'ils ne se ressaisissent pas très vite, elle n'y survivra pas, ainsi que je l'ai toujours craint.
- Que comptes-tu faire, alors ?
- Moi ? Rien. Horus, en revanche, a sûrement ce pouvoir. Il est capable de rendre les choses prospères, je suis convaincue qu'il pourra rendre à nouveau fertiles les terres de cette région. Ainsi, ces individus n'auront plus de raison de se montrer aussi cupides.

Athéna fit signe à Ho-Oh de venir soulever Raikou entre ses serres avec précautions. Il s'exécuta docilement, tandis que le Chien poussait un gémissement léger. Malgré les soins de la déesse, il n'était pas remis pour autant.

- Ramenons-le à la Tour. Il a besoin d'être auprès de Seth et inversement.

***
- Par Arceus, que lui avez-vous fait ? s'offusqua aussitôt Volupté après qu'Inari ait étendu le corps brûlé de Seth sur le sol.
- Il était déjà dans cet état lorsque je l'ai trouvé. Quelqu'un a déclenché un incendie avant de l'abandonner, inconscient, pour être la proie des flammes. Pouvez-vous faire quelque chose ?
- Je ne suis pas Apollon, mes dons ne me permettent pas de guérir les corps. Suicune, en revanche, doit pouvoir apaiser ses maux.

Les deux divinités s'écartèrent pour laisser passer le Chien bleu, qui vint s'étendre à côté de Seth. Ses naseaux frôlèrent son visage, ainsi que sa peau aux endroits où le feu avait consumé ses vêtements. Elle se couvrit immédiatement d'une fine couche de givre, destinée à calmer sa douleur.

- Qui a pu l'atteindre de la sorte ? Pensez-vous qu'il s'agisse de l'oeuvre des Renégats ?
- Les Renégats ne s'en prendraient jamais à Seth, répondit Inari après une brève hésitation. Il ne représente aucun intérêt pour eux. Eve, Arceus, Adam, Zeus... Ce serait eux, leurs cibles. Qui plus est, ils ne l'auraient jamais laissé en vie. Ils auraient achevé le travail.

Volupté acquiesça d'un hochement de tête. Inari fut soulagée qu'elle n'insiste pas davantage. Sa peur était d'éveiller un jour les soupçons de la déesse à cause d'une phrase qu'elle pourrait dire ou d'une attitude qu'elle pourrait avoir.

Elles redevinrent silencieuses, assises de part et d'autre de Seth en attendant qu'il revienne à lui. En cet instant, elles déploraient de ne pas avoir les connaissances de Circé, grâce auxquelles elles auraient pu préparer un cataplasme capable de soigner ses brûlures.

Un long moment s'écoula, jusqu'à ce que la porte de la Tour ne s'ouvre à la volée. Inari bondit immédiatement sur ses pieds, une boule de feu à la main, tandis que Suicune grondait en montrant les crocs. Personne ne devait jamais s'aventurer à l'intérieur de leur temple. Il en allait de leur propre sécurité.

Ils abaissèrent leur garde en reconnaissant les majestueuses ailes arc-en-ciel de Ho-Oh, qui s'engouffra calmement à l'intérieur. Il déposa Raikou à côté de son humain avec délicatesse, tandis que Prométhée et Athéna sautaient à terre. Les lèvres de Volupté se pincèrent.

- Je m'occupe de lui, et ensuite, je souhaiterai obtenir des explications, lâcha la déesse avant de se précipiter vers Seth.

A l'instar de son Chien, elle utilisa ses pouvoirs pour le régénérer. Ses talents étaient variés, pour la plupart. Elle ignorait en quoi consistait véritablement son don. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'ils ne possédaient quasiment aucune limite. Leur puissance était quasiment équivalente à celle de Némésis.

- Alors ? demanda-t-elle en posant ses yeux sombres sur Inari.
- Alors rien. Nous nous sommes simplement disputés, encore une fois.
- Rien ? Osez-vous appeler cela rien ? Ils auraient pu être tués, aujourd'hui, parce que votre querelle les a poussés à s'exposer inutilement au danger. Prométhée m'a soutenu que vos conflits faisaient trembler toute la Tour. Si vous ne cessez pas immédiatement, les humains finiront par vous repérer. Est-ce cela que vous désirez ? Notre existence doit demeurer un secret, pour le bien de tous et de l'équilibre. Je ne laisserai aucun d'entre vous tenter d'y nuire.
- Je...
- Je ne tiens pas à entendre vos explications, Inari, car je suppose qu'il n'y en a aucune. Si vous n'êtes pas capable de vous supporter avec Seth, alors le mieux est que vous restiez à l'écart l'un de l'autre, jusqu'à ce que vous y parveniez, et si cela doit ne jamais se produire, tant pis. Il est hors de question que je vous laisse continuer jusqu'à l'auto-destruction.

La déesse kitsune sentit ses poings se contracter si fort que ses ongles s'enfoncèrent dans la chair de ses paumes. Elle détestait Athéna, presque autant qu'Arceus lui-même, et elle savait qu'elle n'était pas la seule. Que ce soit parmi la Confrérie ou les Renégats, rares étaient ceux qui lui portaient un minimum d'estime, en dehors de ses fidèles.

Elle apparaissait aux yeux de tous comme la donneuse de leçons incapable de prendre partie. Elle jugeait toujours les autres avec condescendance, pourtant il ne lui serait jamais venu à l'idée d'interférer en faveur d'une cause quelconque. Elle avait prétendu comprendre Lilith, autrefois, mais elle n'avait rien fait pour lui épargner son bannissement, bien qu'elle en ait eu le pouvoir.

- Est-ce clair, Inari ? insista-t-elle.

Le regard profond d'Athéna se plongea dans le sien, incandescent. L'humaine d'Entei était convaincue qu'elle savait la vérité à son sujet. Elle savait toujours tout. Elle n'avait jamais vraiment saisi les motivations qui la poussaient à garder cette information secrète, mais elle avait appris depuis longtemps à ne plus chercher à deviner quelle était la réelle attitude de la fille de Zeus. Elle était bien trop ambiguë pour offrir la moindre parcelle de réponse à cette question.

- De toute façon, je n'ai aucune envie de lui adresser la parole. J'en ai plus qu'assez d'entendre parler d'Isis. Elle est plus présente dans mon existence morte que vivante.

Inari tourna les talons avec dédains. Elle s'apprêtait à disparaître dans les escaliers lorsqu'elle jeta un dernier coup d'oeil dans leur direction, pour déclarer d'un ton presque narquois, digne de Lilith :

- Puisque c'est ainsi, je crois qu'il vaudrait mieux pour nous tous qu'il ignore que c'est moi qui l'ai sauvé. J'imagine, Athéna, que vous n'aurez pas de mal à vous attribuer, une fois n'est pas coutume, des lauriers que vous ne méritez pas.

***
Le calme était revenu, du moins en apparence, sur la Tour. Plus personne ne s'adressait la parole. Inari ne quittait quasiment plus l'étage qui lui était réservé, pas davantage que Seth. Volupté, quant à elle, n'osait plus adresser la parole ni à l'un ni à l'autre, par crainte de provoquer de nouvelles querelles.

Ce statu quo demeura plusieurs semaines, mais avec un tempérament aussi colérique que celui de l'humain de Raikou et aussi provocateur que celui de la déesse kitsune, il n'était pas fait pour durer plus longtemps.

Ils se croisèrent un jour, par inadvertance, au rez-de-chaussée. L'effet fut immédiat. Ils échangèrent un regard noir, presque assassin. Inari était incapable de lui pardonner l'amour qu'il ne cessait de porter à Isis et lui les propos fourbes qu'elle avait tenus à son encontre.

- Tu dois être satisfaite, n'est-ce pas ? lui lança-t-il, d'humeur bravache.
- A quel sujet ?
- Si Athéna n'était pas intervenue à temps, tu aurais presque réussi à nous conduire à notre perte, Raikou et moi.
- Moi ? J'avoue ne pas réellement déceler ma part de responsabilité dans cette histoire. C'est de ta faute, et la tienne seulement. Si quelqu'un t'a conduit à ta perte, ce n'est pas moi. C'est Isis.
- Je t'ai déjà dit que...
- Que tu ne voulais plus que je prononce son nom ? Tu le penses tellement fort qu'il se répercute en écho dans mon esprit à longueur de journée. Tu es obsédé, obnubilé par elle. Elle te rend complètement fou. Comment... Comment peux-tu t'accrocher à ce point à une illusion ?
- Ce n'était pas une illusion, elle...
- Elle quoi ? Réveille-toi, Seth ! Tu me reproches de te dire des choses cruelles, mais puis-je faire autrement ? Je suis obligée d'en passer par là pour tenter de te faire réagir. Accepte qu'elle ait fait son choix, bon sang ! Et accepte de faire le tien. C'est elle ou moi. Quelqu'un que tu n'as jamais pu avoir et que tu n'auras jamais contre quelqu'un qui est là, qui existe bel et bien, et qui n'est pas qu'une chimère.
- Qui voudrait de toi ? Tu n'es qu'une garce. Pas plus que Lilith, tu n'as la moindre idée de ce que signifie le mot "amour". Pas étonnant que vous vous soyez mutuellement ramassée, toutes les deux.
- Comment ?

Inari plaqua une main sur son visage alors que Suicune bondissait élégamment au milieu du hall, Volupté sur son dos. Ses sourcils s'arquèrent tandis qu'elle mettait pied à terre en douceur. Attirée par leurs cris, elle venait de surprendre la fin de leur conversation. Seth se mordit la lèvre, une expression de repentir sincère sur le visage, mais c'était trop tard.

- Tu m'avais donné ta parole, espèce de traître ! C'était la condition pour que je reste aux côtés de ta bien-aimée agonisante !

Une boule de feu se matérialisa dans sa main, qu'elle lança dans sa direction. Seth fit un bond latéral afin de l'esquiver et elle alla roussir l'un des piliers qui soutenaient la structure du bâtiment. Volupté voulut s'interposer, cependant deux autres sphères incandescentes la maintinrent à distance.

- Je ne voulais pas. Ce... Cela m'a échappé.
- Echappé ? Veux-tu des informations qui t'ont échappées, aussi ?

Un anneau enflammé encercla Seth. Au fur et à mesure que les mains d'Inari se rapprochait l'une de l'autre, son diamètre rétrécissait. Bientôt, il n'aurait plus la moindre marge.

- Juste avant de succomber, elle m'a demandé de dire à Osiris combien elle l'aimait. Elle voulait qu'il veille sur Mew lorsqu'elle ne serait plus là. Elle ne s'est pas inquiétée de savoir comment toi, tu vivrais sa mort. Cette pensée ne l'a même pas effleurée, parce qu'elle n'avait que faire de toi. Je suis convaincue qu'elle te détestait depuis que ton frère et toi vous étiez battus, d'ailleurs.
- Silence !

Un Coup d'Jus atteignit Inari de plein fouet, qui lui coupa le souffle. Elle se plia en deux, les bras serrées autour de son buste, haletante. Entei se jeta immédiatement devant elle pour la protéger, dans un grondement menaçant. Raikou, qui venait de lancer l'attaque, le brava du regard.

Volupté observait la scène. Elle hésitait à intervenir. Elle n'avait pas rêvé, Seth avait fait mention des Renégats. Si elle se référait au contexte de la phrase, cela ne pouvait que signifier que la déesse kitsune était l'une des leurs. D'ordinaire, elle ne se battait jamais, mais Arceus avait donné l'ordre d'arrêter tous les traitres, dont elle faisait visiblement partie, et personne ne discutait un ordre de l'Alpha sous peine de subir son courroux.

Pourquoi, cependant, aurait-elle donné l'assaut dès à présent ? Seth et elle pouvaient continuer longuement ainsi, à s'affaiblir mutuellement. Il lui suffisait d'attendre le bon moment. Elle n'aurait alors qu'à porter un seul coup, celui qui lui permettrait de triompher d'Inari.

Les deux divinités continuaient à se battre férocement, épaulées par leur pokémon respectifs. Les attaques incandescente de la déesse se heurtaient aux langues verdâtres de Seth et s'entrechoquaient dans un pluie d'étincelles. Les crocs enflammés d'Entei venait de se refermer sur la gorge de Raikou, qu'elles transpercèrent et brûlèrent en même temps.

- J'étais tout ce dont tu avais besoin pour remonter la pente, mais tu m'as tourné le dos, et cela, mon orgueil ne te le pardonnera jamais ! s'égosilla Inari.
- Je n'ai que faire de ton pardon. Tu n'es rien. Rien du tout ! Tu n'es pas elle !
- Peut-être, mais moi, j'aurais pu être à toi si tu t'étais donné la peine de m'accepter, ce que tu n'as pas fait. À présent, tu vas payer.

L'un des enchantement de Seth sectionna le pilier de soutènement le plus proche d'eux, qui s'effondra sur le sol où il brisa une bonne partie du plancher. Il aurait atterri sur son adversaire si elle n'avait pas fait un bond au même instant. Elle était désormais en équilibre dessus, sur la pointe des pieds.

Un Danse-Flamme naquit de sa volonté autour du frère d'Osiris. Prisonnier à l'intérieur, il fit une nouvelle fois appel à ses pouvoirs afin de s'en libérer, pendant que Entei était projeté violemment contre l'un des murs, suite à une attaque Queue de Fer.

Volupté serra les dents. Patienter n'était peut-être pas une si bonne idée que cela. Si elle les laissait faire, ils détruiraient la Tour avant qu'elle n'ait eu la moindre occasion d'interférer. C'était au risque de donner à Inari une chance de fuir, néanmoins elle devait le faire. Arceus ne lui en voudrait pas, même si cela se produisait. Il serait trop heureux qu'elle ait contribué à démasquer une traîtresse.

- Arrêtez ! s'écria-t-elle. Arrêtez ou vous allez...
- Toi, la ferme ! rétorqua la déesse kitsune. Autant en profiter pour te dire que je n'ai jamais pu te supporter et je ne comprends décidément pas ce que Prométhée a pu vous trouver, que ce soit à toi ou à Athéna.

Volupté allait répliquer, mais au même instant, un fragment du plafond s'effondra sur elle après avoir été atteint par la Fatal-Foudre de Raikou. Elle n'eut pas le temps de pousser un hurlement que, déjà, elle était ensevelie sous les décombres. Suicune détourna son attention du combat que menaient les deux autres Chiens pour venir la dégager.

Une vague noirâtre à l'odeur nauséabonde se souleva dans le dos de Seth. Ses pouvoirs, à son image, étaient répugnants. Inari fronça les narines et se protégea le visage au moment où ce fluide pétrolier s'abattit sur elle.

- Est-ce que tu sais ce qui se produit lorsque le feu rencontre l'essence ? s'enquit-elle avec un sourire goguenard.

La main tendue devant elle, elle embrasa le liquide qui recouvrait le sol. Les étincelles issues des attaques de Raikou ayant, de leur côté, déjà provoqué un début d'incendie en enflammant le bois, les deux brasiers se rejoignirent. Le rez-de-chaussée n'était désormais plus qu'une immense mer de flammes, qui se reflétaient dans les yeux cruels d'Inari.

- Non ! s'exclama Volupté après que Suicune l'ait délivrée. Vous avez... Non !

Le désastre gagnait l'escalier, à présent, et il ne lui faudrait pas longtemps pour gagner les étages. Seth absorba la fumée qui lui barrait le chemin pour rejoindre Raikou, sur le dos duquel il monta. Le Chien bondit par-dessus une gigantesque barrière flamboyante pour se ruer vers la porte d'entrée.

- Admire ton oeuvre, Inari, lui cracha-t-il au passage. A présent, ta vie ne sera plus que chaos et désolation.
- Par ta faute, répliqua-t-elle. Je regrette de ne pas avoir laissé crever ta précieuse Isis seule, ce jour-là. Tu mérites chacun des tourments qu'elle t'a infligé, crois-moi, et j'espère qu'ils finiront par te plonger dans la folie. Ils te perdront, parce que tu n'es pas digne d'un autre sort.

Seth se baissa de justesse pour éviter une dernière boule de feu tandis qu'Entei réduisait à néant l'un de ses sortilèges à l'aide d'un Lance-Flammes. La déesse kitsune s'agrippa à sa crinière pour se hisser à son tour sur lui, puis disparut également, laissant leur temple se faire dévorer par les flammes.

Volupté secoua la tête. Quel gâchis... Inari s'était enfuie, Seth ne réapparaîtrait sûrement jamais, la Tour serait bientôt entièrement ravagée et en un tel moment, Prométhée n'était même pas à ses côtés, mais à ceux d'Athéna, comme toujours. Elle avait perdu. Elle avait perdu sur tous les fronts. Dans un soupir las, elle ordonna à Suicune :

- Réparons nos erreurs du mieux que nous le pouvons. Hydrocanon.